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11/05/2023 | FRANCE | N°21/03290

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 11 mai 2023, 21/03290


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/03290 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFIG



VH



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

02 juillet 2021 RG :19/01058



[R]



C/



S.C.I. LNS







































Grosse délivrée

le

à Selarl Vajou

Cabinet Bard<

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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 11 MAI 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Carpentras en date du 02 Juillet 2021, N°19/01058



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Virginie HUET, Conseillère, a ente...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/03290 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFIG

VH

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

02 juillet 2021 RG :19/01058

[R]

C/

S.C.I. LNS

Grosse délivrée

le

à Selarl Vajou

Cabinet Bard

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 11 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Carpentras en date du 02 Juillet 2021, N°19/01058

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Virginie HUET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

Madame Virginie HUET, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [Y] [R] entrepreneur individuel, artisan, '[R] CONSTRUCTIONS', immatriculé au répertoire SIREN sous le n°821 486 412 dont le siège est situé

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Serge BILLET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

S.C.I. LNS Société civile immobilière, au capital de 1500,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Avignon,sous le numéro 824812465, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel BARD de la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 26 Janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 11 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Au printemps 2017, La SCI LNS a confié à M. [Y] [R], artisan exerçant son activité en tant qu'entrepreneur individuel sous le nom de « [R] Constructions », des travaux de rénovation dans un immeuble situé [Adresse 3]).

Cet immeuble est composé au rez-de-chaussée d'un fonds de commerce de bar restaurant et aux étages, de logements destinés à la location.

Une offre de prix a été établie, à une date non précisée, pour un montant de 86 967,52 euros, concernant les lots suivants :

- renfort structure et chape

- placo

- électricité

- plomberie

- menuiseries

- revêtement de sols et faïences

- peinture.

Cette estimation de coût a été suivie d'un devis daté du 3 avril 2017 d'un montant de 5 460,76 euros portant sur la surélévation réaménagement du bar de 16,5 m² et des menuiseries/ fermetures.

Il n'existe aucune pièce contractuelle portant tant sur le plan financier que sur une date butoir de terminaison des travaux qui ont été réalisés sans devis signé par le maître de l'ouvrage.

Divers corps d'état devaient intervenir pour d'autres lots.

Le chantier a débuté au mois de mai 2017 et s'est déroulé jusqu'au mois de juillet suivant.

La SCI LNS a effectué divers règlements à M. [Y] [R], du 10 juillet au 28 novembre 2017, pour un montant global de 65 873,99 euros.

Toutefois en cours de travaux, les relations entre les parties se sont dégradées, au point que la SCI LNS a notifié à M. [Y] [R], le 21 janvier 2018, l'interdiction totale stricte de ses locaux, sans son autorisation écrite, après lui avoir demandé, par courrier recommandé du 17 janvier précédent, d'achever le chantier.

M. [Y] [R] a alors imputé à la SCI LNS des difficultés survenues, en affirmant qu'aucune date définitive de fin de chantier n'a été prévue et qu'il ne pouvait être tenu responsable du mauvais suivi de chantier. Il a demandé à récupérer son matériel professionnel pour terminer le chantier dans les plus brefs délais.

M. [Y] [R] a récupéré l'ensemble des matériaux acquis par ses soins et non installés.

La SCI LNS, faisant état de ce que les travaux devaient être achevés en septembre 2017 et que le chantier était inachevé et comportait des malfaçons, a fait établir un procès-verbal de constat d'huissier le 26 janvier 2018 aux termes duquel Me [P] [W], huissier de justice associée à Valréas, mentionne diverses défectuosités.

Le 16 mars 2018, la SCI LNS s'est plainte auprès de M. [Y] [R] de l'absence de réponse quant à la reprise des travaux, chaque jour étant synonyme de perte financière substantielle due à la perte de loyers non perçus et de malfaçons, outre des irrégularités quant à la facturation.

La SCI LNS a obtenu, par ordonnance du 9 mai 2018 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Carpentras, une mesure d'expertise judiciaire au visa des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, et la désignation de M. [X] [K] pour y procéder avec la mission de dresser l'inventaire des désordres invoqués et des travaux qui en sont à leur origine, de donner toute indication utile quant à la date de réception du chantier, de rechercher si les dommages compromettent la solidité de 1'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, de dire si les travaux exécutés l'ont été dans le respect des règles de l'art et des prévisions contractuelles, si le matériel utilisé était exempt de vices et si les délais contractuels ou prévisibles ont été respectés, de détailler, le cas échéant, la nature et le coût des travaux de reprise des éventuelles non-conformités et malfaçons constatées, de faire les comptes entre les parties, de donner son avis sur les préjudices subis, en recherchant si les éventuels retards ou désordres faisaient obstacle à l'usage des lieux et, d'une façon générale, de fournir tous les éléments techniques ou de fait permettant de résoudre le litige.

L'expert judiciaire, M. [X] [K], a établi son rapport définitif le 5 novembre 2018.

En l'état de ce rapport, par acte introductif d'instance délivré le 20 août 2019, la SCI LNS, dont le siège social est situé à Valréas (Vaucluse), a fait assigner M. [Y] [R] devant le tribunal de grande instance de Carpentras, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, principalement, sa condamnation au paiement des travaux de reprise et de certaines sommes au titre de son préjudice d'exploitation, outre une somme au titre des frais irrépétibles et des dépens comprenant notamment le procès-verbal de constat du 26 janvier 2018 et les frais d'expertise judiciaire.

Le tribunal judiciaire de Carpentras, par jugement contradictoire du 2 juillet 2021, a :

Vu notamment l'ordonnance de référé du 9 mai 2018, vu l'expertise judiciaire de M. [X] [K] du 5 novembre 2018, vu les dernières écritures des parties, vu les pièces produites, vu les textes applicables et pour les motifs ci-dessus énoncés,

- Reçu la SCI LNS en son action ;

- Condamné M. [Y] [R] à payer à la SCI LNS, au titre des travaux correspondant aux non-façons et reprises des malfaçons, la somme globale de 9 864 euros, à réévaluer en fonction de l'indice BT 01 depuis la date du rapport d'expertise du 5 novembre 2018 jusqu'à la date du présent jugement, puis avec intérêts au taux légal à compter de ce jour;

- Condamné M. [Y] [R] à payer à la SCI LNS, au titre du préjudice locatif imputable, la somme de 14 625 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- Rejeté la demande de M. [Y] [R] à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- Condamné M. [Y] [R] à payer à la SCI LNS la somme de 3 200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Rejeté la demande de M. [Y] [R] au titre des frais irrépétibles;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions ;

- Condamné M. [Y] [R] aux entiers dépens, Me Valérie Hild, avocate pouvant recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée ceux des dépens dont l'avocate désignée aura fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par acte du 30 août 2021, M. [Y] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 24 octobre 2022, la procédure a été clôturée le 26 janvier 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 février 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2022, M. [Y] [R], appelant, demande à la cour de:

Vu les pièces communiquées sous bordereau annexé aux présentes,

Statuant sur l'appel formé par Monsieur [Y] [R], à l'encontre de la décision rendue le 2 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Carpentras,

- Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

* Reçu la SCI LNS en son action ;

* Condamné M. [Y] [R] à payer à la SCI LNS, au titre des travaux correspondant aux non-façons (sic) et reprises des malfaçons, la somme globale de 9 864 euros, à réévaluer en fonction de l'indice BT 01 depuis la date du rapport d'expertise du 5 novembre 2018 jusqu'à la date du présent jugement, puis avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

* Condamné M. [Y] [R] à payer à la SCI LNS, au titre du préjudice locatif imputable, la somme de 14 625 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

* Rejeté la demande de M. [Y] [R] à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

* Condamné M. [Y] [R] à payer à la SCI LNS la somme de 3200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Rejeté la demande de M. [Y] [R] au titre des frais irrépétibles;

* Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions ;

* Condamné M. [Y] [R] aux entiers dépens, Me Valérie Hild, avocate, pouvant recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée ceux des dépens dont l'avocate désignée aura fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

Vu les dispositions de l'article 1231-1 du code civil,

Vu l'existence d'une cause extérieure étrangère,

- Dire n'y avoir lieu à retenir la responsabilité de Monsieur [Y] [R].

En conséquence,

- Débouter la SCI LNS, de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires, de son appel incident et déclarer irrecevables et à tout le moins mal fondées toutes ses demandes de condamnations en cause d'appel,

- Faire droit à la demande reconventionnelle de Monsieur [Y] [R],

- Condamner la SCI LNS à payer à Monsieur [Y] [R] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamner la SCI LNS, à payer à Monsieur [Y] [R], la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que :

- la SCI LNS le qualifie à tort de maître d''uvre dans ses écritures alors qu'il n'a jamais eu cette fonction et qu'en tant qu'artisan il n'a fait qu'exécuter les directives de celle-ci,

- la réalisation du chantier n'était soumise à aucune date butoir,

- il a soumis à la SCI LNS deux devis qui ont été utilisés par celle-ci pour l'obtention de concours bancaires mais qui n'ont pas été retournés signés, malgré ses nombreuses demandes,

- la SCI LNS a exigé le démarrage des travaux en l'absence de devis signés,

- la SCI LNS a été incapable d'organiser l'exécution du chantier entre les différents intervenants,

- il résulte du rapport de l'expert que les défauts dont se prévaut la SCI LNS sont minimes, que l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination et que sa solidité n'est pas remise en cause, que des travaux qui ont eu lieu en toiture peuvent, en cas d'intempéries, créer des désordres sur les ouvrages mis en 'uvre, que l'entreprise [R] n'a pas la maîtrise de l'ensemble des corps d'état intervenant pour d'autres lots, et que des travaux qui devaient être terminés n'ont pu l'être en raison du comportement de la SCI LNS,

- il justifie d'une cause extérieure étrangère dès lors que dès le mois de janvier 2018, la SCI LNS lui a interdit, de manière injustifiée, l'accès au chantier, position qui a été réitérée dans un mail du 29 janvier 2019, et qu'il fait part à la SCI LNS, par courrier, des difficultés rencontrées lors de l'exécution du chantier,

- il ne peut être tenu responsable de l'existence d'ouvrages non terminés en raison de son éviction du chantier et de l'absence d'organisation de celui-ci, l'intégralité des travaux commandés n'ayant pas été payés, les associés de la SCI LNS l'ayant sollicité à plusieurs reprises afin de modifier les travaux initialement prévus, retardant l'avancée des travaux, un retard dans le règlement de l'achat des matériaux et des différentes prestations afférentes pouvant également être relevé, ainsi qu'un changement répété d'intervenants sur le chantier (plombier, électricien'), et le défaut d'étanchéité de la toiture, dont les travaux ont été réalisés par une autre entreprise, ayant provoqué de nombreux dégâts des eaux, notamment sur ses ouvrages, alors que la SCI LNS aurait dû s'assurer de l'étanchéité de la toiture avant la réalisation des travaux à l'intérieur de l'immeuble,

- seuls les manquements de la SCI LNS sont à l'origine des désordres dans la réalisation des travaux commandés, celle-ci devant s'attacher les services d'un maître d''uvre afin de coordonner l'ensemble des intervenants sur ce chantier de rénovation, et lui ayant interdit de réaliser la totalité des travaux ainsi que la reprise éventuelle de minimes malfaçons, de sorte qu'il ne saurait être condamné à réparer le préjudice qu'elle revendique,

- il ressort du rapport de l'expert que « l'entreprise [R] Constructions n'ayant pas l'absolue maîtrise de l'ensemble des corps d'état, il est difficile d'établir un préjudice quant à la bonne location des logements », et que « l'ouverture du local commercial est intervenue le 5 août 2017 », de sorte que la SCI LNS ne saurait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice d'exploitation et que le jugement sera réformé sur ce point,

- l'action de la SCI LNS est abusive au regard de son comportement quant aux devis qu'il lui a présentés et des conclusions de l'expert, établissant sa mauvaise foi, de sorte que celle-ci sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de la procédure abusive sur le fondement de l'article 1241 du code civil.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2022, contenant appel incident, la SCI LNS, intimée, demande à la cour de :

Vu le rapport d'expertise judiciaire du 5 novembre 2018,

Vu l'article 1231-1 du code civil,

Confirmer le jugement du 22 juillet 2021, en ce qu'il a :

* Reçu la SCI LNS en son action

* Condamné M. [Y] [R] à payer à la SCI LNS, au titre des travaux correspondant aux non-façons et reprises des malfaçons, la somme globale de 9864 euros, à réévaluer en fonction de l'indice BT 01 depuis la date du rapport d'expertise du 5 novembre 2018 jusqu'à la date du présent jugement, puis avec intérêt au taux légal à compter de ce jour

* Rejeté la demande de M. [Y] [R] à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

* Condamné M. [Y] [R] à payer à la SCI LNS la somme de 3200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile

* Rejeté la demande de M. [Y] [R] au titre des frais irrépétibles

* Condamné M. [Y] [R] aux entiers dépens.

En cause d'appel,

- Condamner Monsieur [Y] [R] à lui payer la somme de 37.500 euros au titre des pertes locatives ;

- Condamner Monsieur [Y] [R] à payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [Y] [R] aux entiers dépens, comprenant notamment le procès-verbal de constat du 26 janvier 2018 et les frais d'expertise judiciaire.

Elle fait valoir que :

Sur la responsabilité de M. [R] :

- il ressort du rapport d'expertise que les travaux ne sont pas achevés et qu'ils n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art, certains ouvrages présentant des malfaçons, mais ne portant atteinte ni à la solidité de l'ouvrage, ni à sa destination, alors qu'elle a payé les travaux que M. [R] n'a pas achevés, ce qui lui cause nécessairement un préjudice dans la mesure où elle devait louer trois appartements à l'étage, de sorte que celui-ci est responsable des désordres sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil,

- M. [R] tente d'inverser la charge des responsabilités incombant respectivement au maître de l'ouvrage et au maître d''uvre, et que l'absence de maître d''uvre a pour conséquence de renforcer l'obligation de conseil de l'entrepreneur à l'égard du maître d'ouvrage,

- M. [R] ne s'est plaint de l'organisation qu'à partir du moment où il n'a plus eu un accès libre aux locaux en raison de l'usage qu'il en faisait (lieu de stockage et de fêtes organisées), que l'absence de planning et de délai de réalisation, le stockage de matériaux et de détritus par M. [R] sont à l'origine de la désorganisation du chantier et que l'ensemble des travaux qui lui ont été confiés ne dépendait que de sa propre organisation et non de tiers.

- Concernant l'absence de « date butoir » et de devis signé :

* il appartenait à M. [R], en sa qualité de professionnel, de refuser de travailler en l'absence de devis, et que celui-ci s'est fait régler l'intégralité de prestations non terminées pour un montant total de 65 873,99 euros, comme cela ressort du rapport de l'expert judiciaire indiquant, en pages 11 à 18, la liste des travaux à terminer,

* selon la Cour de cassation, en l'absence de délai exprès, l'exécution doit être conforme à un délai normalement nécessaire, soit en l'espèce selon l'expert judiciaire, une fin de travaux fin septembre 2017, alors que ces derniers n'étaient pas achevés au moment de l'expertise judiciaire, soit le 5 novembre 2018.

- Concernant les devis invoqués par M. [R] : elle n'en a reçu qu'un seul

- M. [R] invente des documents comme cela ressort du rapport de l'expert, la facture n°102072017 ayant été émise à deux reprises, avec deux montants différents,

- elle conteste le fait que ces devis auraient été utilisés pour obtenir un crédit, et affirme que cet argument a notamment été soulevé pour la première fois dans les écritures de M. [R] devant le tribunal judiciaire et n'a jamais été soumis à l'expert judiciaire.

- Concernant les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, M. [R] leur donne un sens différent de celui donné par l'expert

* les désordres que M. [R] qualifie de « minimes », ont été chiffrés par l'expert à la somme totale de 9 864 euros, soit plus de 15% du marché total de 65 873,99 euros,

* la mission de l'expert n'est pas de dire si les demandes d'une partie sont ou non fondées, mais uniquement d'apporter un éclairage technique au tribunal, seul à même de juger du caractère fondé des demandes présentées,

* la liste des désordres établie par l'expert est à elle seule éloquente.

- Concernant la prétendue « attitude » de la SCI LNS, qui l'aurait empêché d'accéder au chantier,

* elle n'a jamais interdit à M. [R] l'accès du chantier, mais l'a limité aux jours ouvrés et heures de travail, compte tenu du fait que M. [R] n'a jamais donné de date de fin de travaux, qu'il se servait du chantier pour y stocker le matériel et les gravats d'autres chantiers qu'il avait dans le secteur comme le révèle le procès-verbal de constat d'huissier en date du 26 janvier 2018, et qu'il avait laissé les clés du chantier à certains de ses amis, qui se sont trouvés à plusieurs reprises dans ses locaux, en dehors des heures où M. [R] s'y trouvait et des bouteilles d'alcool ayant été relevées sur place par l'huissier de justice,

* M. [R] n'est jamais venu terminer les travaux, alors qu'elle lui en a fait la demande à plusieurs reprises,

* elle n'a pas demandé à M. [R] d'abandonner le chantier comme il l'a fait, mais a sollicité la reprise du chantier à plusieurs reprises dont les demandes sont restées sans réponses,

* M. [R] ne démontre pas qu'elle serait à l'origine du retard dans son travail, en raison de « la plus grande anarchie dans l'organisation de son chantier », alors qu'il n'a jamais donné lui-même le moindre délai d'exécution des travaux qui lui ont été confiés, ni invoqué ce prétendu problème devant l'expert judiciaire ou durant ses échanges antérieurs à la procédure, que l'expert n'a pas fait état de l'absence d'organisation du chantier la concernant, et que c'est en raison du retard de M. [R] et de son refus de terminer le chantier que l'intervention des autres intervenants a été repoussée.

-En dernier lieu et concernant le prétendu défaut d'étanchéité de la toiture, sur laquelle des travaux étaient réalisés par une autre entreprise, qui aurait provoqué de nombreux dégâts, notamment sur les ouvrages réalisés par M. [R], là encore, cet argument n'a jamais été soulevé devant l'expert judiciaire

- M. [R] ne mentionne pas ce grief dans le dire qu'il a adressé à l'expert, qu'il ne l'a jamais invoqué lors de l'exécution des travaux, et que l'expert n'en fait pas état, d'autant que les travaux de toiture n'ont pas de rapport avec les travaux mal ou non réalisés par M. [R] qui ne se situent pas sous la toiture, de sorte que la prétendue fuite ne pouvait empêcher la réalisation des travaux.

Sur la réparation des désordres :

* Sur les travaux de reprise et malfaçons,

- il ressort du rapport de l'expert de nombreuses malfaçons qui ont été évaluées à la somme de 9 864 euros, de sorte que M. [R] sera condamné à payer cette somme.

* Sur le préjudice d'exploitation,

- il résulte du rapport de l'expert qu'elle a subi une perte d'exploitation, un « préjudice de non-location à partir de janvier 2018 » estimé à 15 000 euros en novembre 2018,

- M. [R] ne conteste pas ce poste devant l'expert, que les logements n'ont pu être loués qu'à compter de février 2020 en raison de l'absence d'achèvement des travaux ou de la mauvaise réalisation de ces derniers par M. [R] et qu'en conséquence, celui-ci sera condamné à réparer son préjudice à hauteur de 37 500 euros, étant précisé que ce préjudice concerne uniquement les 3 appartements et non pas le local commercial comme l'énonce M. [R].

Sur le rejet de la demande reconventionnelle de M. [R]

- M. [R] ne justifie pas de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION :

Il n'est pas contesté par les parties le fait que le premier juge a retenu la date du 5 août 2018 comme date de réception tacite.

Il n'est pas contesté non plus le fait que s'agissant d'un litige autour de malfaçons et de travaux non exécutés, il s'agit d'une responsabilité civile de droit commun pour faute prouvée selon l'article 1231-1 du code civil (ancien 1147), selon lequel : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ».

Concernant l'absence de devis signé dont se prévaut l'appelant, le moyen est inopérant, un artisan en sa qualité de professionnel, ne doit pas commencer de travaux sans avoir obtenu de devis signé de la part de son client.

L'expert a retenu comme date de délai raisonnable une fin de travaux, sept mois après le début, soit à la fin du mois de septembre 2017, auxquels il était ajouté trois mois pour les finition et accession aux fournisseurs d'énergie soit une fin de travaux en décembre 2017. Ce point n'est pas contesté par les parties.

Sur la responsabilité de M. [R] :

Il est constant que les travaux n'étaient pas terminés en décembre 2017.

M. [R] argue en appel que d'une part ce retard ne lui est pas imputable, mais imputable à un défaut d'organisation du chantier et d'autre part qu'il bénéficie d'une cause d'exonération puisque la SCI LNS lui a interdit le chantier.

Sur le défaut d'organisation du chantier

L'appelant argue d'un défaut d'organisation du chantier. Pour autant, il échoue à démontrer, par les pièces qu'il apporte, ou par le rapport d'expertise, un lien de causalité entre le prétendu défaut d'organisation du chantier et son retard dans l'exécution de ses propres travaux ou dans les malfaçons dans la réalisation de ses travaux. Il ne verse d'ailleurs aucune pièce, aucun courrier aux débats avertissant la SCI LNS sur une éventuelle difficulté de dates ou une organisation de chantier.

L'appelant argue aussi d'un problème de toiture, mais si l'expert relève des désordres liés à la toiture, ce n'est pas pour établir un lien de causalité avec les travaux de M. [R] mais simplement pour déterminer la date du début de préjudice de jouissance. Aucun élément venant établir ce lien, ce moyen est donc inopérant.

Sur l'interdiction d'accès au chantier

Par courrier émanant de son assureur la SCI LNS, réceptionné le 17 janvier 2018 par M. [R], la société LNS demandait à ce dernier de finir le chantier.

Par la suite, par mail en date du 21 janvier 2018, la société LNS interdisait le chantier à M. [R] « sans autorisation écrite de sa part ».

Si le refus d'accès au chantier est incontestable, il n'intervient qu'à la fin du mois de janvier 2018 alors que les travaux devaient être terminés en décembre 2017. Il n'existe donc pas de lien de causalité avec les malfaçons décrites par l'expert et laissées par M. [R].

Il est en effet constant et non contesté par M. [R] que certains travaux présentent des désordres qui ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination.

Comme l'a relevé le premier juge, il lui incombe de réparer ces désordres, ce dernier ne justifiant pas d'une cause extérieure étrangère ne lui ayant pas permis de réaliser les travaux confiés.

Sur les réparations :

Sur les travaux correspondant aux non-façons er reprises des malfaçons :

L'expert judiciaire, M. [X] [K] détaille en page 18 de son rapport la réparation des désordres des travaux réalisés par M. [Y] [R].

Le montant des travaux tels que fixés par l'expert n'est pas contesté par les parties.

Le montant est fixé à la somme de 9 864 euros TTC. Il convient de confirmer la décision en ce qu'elle a condamné M. [R] au paiement de cette somme.

Sur le préjudice d'exploitation :

L'expert (en page 20 de son rapport) exclut le préjudice de jouissance du local commercial. Il retient en revanche concernant la location des trois appartements, un préjudice de jouissance à partir de janvier 2018 seulement, en raison de travaux non terminés de la toiture, sur une base de 500 euros par mois et par appartement.

Le premier juge retient une somme globale de 14 625 euros sur 13 mois. Il considère que le rapport de l'expert ayant été rendu le 5 novembre 2018, il lui appartenait de faire effectuer les travaux au besoin en demandant une provision en justice.

Comme le soulignent l'expert et le premier juge, M. [R] s'est trouvé en très grande partie, au regard des travaux mal réalisés ou atteints de malfaçons affectant l'habitabilité des logements destinés à la location, à l'origine du préjudice d'exploitation subi par la SCI LNS.

Il est aussi cependant exact que les travaux de toiture ont aussi impacté le retard subi par la société LNS. Par ailleurs, le refus d'accès au chantier a empêché M. [R] de reprendre les désordres.

La proportion de sa responsabilité sera retenue à hauteur de 50 %.

Enfin la société LNS ne produit aucun élément aux débats démontrant qu'elle n'ait pu procéder à des locations avant le mois de février 2020 telle qu'elle se borne à l'affirmer.

La société LNS ayant agi en justice le 20 aout 2019, il est légitime de penser qu'elle n'avait pas effectué les travaux à cette date, mais rien ne le justifie après.

Le préjudice de jouissance peut ainsi être retenu sur une période de 17 mois, pour une proportion de 50 %, soit 750 euros x 20 mois, soit 15 000 euros.

Le jugement sera confirmé en son principe mais infirmé sur le quantum retenu.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

Il ne peut en l'espèce être reproché à la SCI LNS d'avoir agi à l'encontre de M. [R] et en l'absence de preuve d'une mauvaise foi de sa part non caractérisée en l'espèce, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée par voie de confirmation de la décision déférée.

Sur les frais du procès :

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

- Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a condamné M. [R] à payer à la SCI LNS au titre du préjudice locatif imputable la somme de 14 625 euros avec intérêts au taux légal,

Statuant à nouveau de ces chefs :

- Condamne M. [Y] [R] à payer à la SCI LNS au titre du préjudice locatif imputable la somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal, à compter du 2 juillet 2021,

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [Y] [R] aux dépens d'appel, y compris le coût de l'expertise judiciaire et non compris celui du cout du constat de l'huissier en date du 26/01/2018.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/03290
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.03290 ?
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