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09/05/2023 | FRANCE | N°23/00245

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 09 mai 2023, 23/00245


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/00245 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IV6W



CS



PRESIDENT DU TJ DE NIMES

04 janvier 2023

RG :22/00674



S.A.R.L. A B [B]



C/



S.A.S. PIAM





Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 09 MAI 2023
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Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de NIMES en date du 04 Janvier 2023, N°22/00674



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/00245 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IV6W

CS

PRESIDENT DU TJ DE NIMES

04 janvier 2023

RG :22/00674

S.A.R.L. A B [B]

C/

S.A.S. PIAM

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 09 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de NIMES en date du 04 Janvier 2023, N°22/00674

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente

M. André LIEGEON, Conseiller

Mme Catherine REYTER-LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. A B [B]

anciennement dénommée « SARL ACKERMANN ET [T] [B]»

exerçant à l'enseigne [Adresse 3]

immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 433 891 686

représentée par son dirigeant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social

Centre Commercial Intermarché

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Sonia HARNIST de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Nicolas CASTAGNOS de l'AARPI JURICAP, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Claire TRIBOUL-MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

S.A.S. PIAM

immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 382 649 101

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Romain FLOUTIER de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES, substitué par Me Périne FLOUTIER, avocat au barreau de NIMES

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture du 27 mars 2023, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Corinne STRUNK, Conseillère faisant fonction de Présidente, le 09 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat en date du 22 août 1994, la SAS Piam a donné à bail à Mme [V] [U] épouse [I] un local à usage commercial situé dans un centre commercial, [Adresse 5]), pour une durée de neuf années, moyennant un loyer mensuel de 58 500 francs.

Par acte authentique reçu le 24 janvier 2001 par Maître [N] [F], notaire, Mme [V] [U] a cédé son fonds de commerce à la SARL 'Ackermann et [T] [B]' à compter du 16 février 2007. Cette cession a emporté trasnfert du droit au bail au profit de cette société.

Le 16 février 2017, la SARL 'Ackermann et [T] [B]' changeait de dénomination sociale pour devenir 'AB [B]'.

Considérant que les loyers n'ont pas été payés, la SAS Piam a fait délivrer, le 11 mai 2022, à la la SARL 'Ackermann et [T] [B]' un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail lui enjoignant de régler la somme de 17 016,69 €.

Par exploit de commissaire de justice du 30 août 2022, la SAS Piam a assigné la SARL 'Ackermann et [T] [B]' devant le président du tribunal judiciaire d'Avignon, statuant en référé afin de :

- constater la résiliation du contrat de location intervenue de plein droit suite au jeu de la clause résolutoire depuis le 12 juin 2022 ;

- ordonner l'expulsion de la SARL AB [B], ainsi que celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et de l'assistance d'un serrurier ;

- condamner la SARL AB [B] à payer à la SAS Piam la somme de 23.080,32 euros correspondant au montant des loyers et des charges impayés à ce jour, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer ;

- condamner la SARL AB [B] à payer à la SAS Piam une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 2.021,21 euros ainsi qu'à la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire du 4 janvier 2023, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail à la date du 12 juin 2022, ordonné l'expulsion de la SARL AB [B] à défaut de restitution volontaire des lieux, fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation à une somme égale au montant du loyer contractuel, et condamné la SARL AB [B] à payer à la SAS Piam la somme provisionnelle de 18 257,37 € au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation dus au 5 décembre 2022 sous réserve de règlements intervenus depuis, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SARL AB [B] aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer.

Par déclaration du 20 janvier 2023, la SARL AB [B] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par des conclusions notifiées le 29 mars 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SARL AB [B], appelante, demande à la cour, au visa des articles 54 et 648 du code de procédure civile, de l'article L.145-41 du code de commerce, de l'article 1343-5 du code civil et de l'article L.111-10 du code de procédure civile d'exécution, de :

- dire son appel interjeté recevable et bien-fondé,

- réformer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger que le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 11 mai 2022 est nul,

- juger que l'assignation en date du 30 août 2022 et l'ordonnance rendue le 4 janvier 2023 par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Nîmes sont nulles en ce qu'elles visent la mauvaise personne morale, laquelle n'est pas même identifiée par son numéro d'inscription au RCS.

- juger que la clause résolutoire n'a pas joué, et que le bail commercial dont bénéficie la SARL AB [B] est toujours en vigueur,

A défaut,

- juger que les décomptes de l'huissier instrumentaire travestissent la chronologie des règlements effectués par la SARL AB [B] depuis la délivrance de l'assignation le 30 août 2022,

- juger que l'attitude de l'huissier instrumentaire n'a pas permis à la SARL AB [B] d'assurer utilement sa défense devant le juge des référés, l'appelante ayant cru, à tort, bénéficier de délais pour apurer l'arriéré;

- faire droit à la demande de délais rétroactifs formulée par la SARL AB [B];

- accorder à la SARL AB [B] un délai au 3 avril 2023 (date de l'audience de plaidoiries devant la Cour d'Appel) pour s'acquitter de l'arriéré;

- juger que la clause résolutoire n'a pas joué puisque la SARL AB [B] s'est acquittée du paiement intégral des arriérés dans les conditions fixées rétroactivement par la Cour d'Appel de Nîmes, et que le bail commercial dont bénéficie la SARL AB [B] est toujours en vigueur, - juger que la SARL AB [B] est à jour du paiement de ses loyers et charges au jour de la décision à intervenir;

- juger que le commandement d'avoir à quitter les lieux signifié le 10 janvier 2023 par la SAS Piam à la SARL AB [B] est non avenu;

- statuer ce que de droit sur le sort du dépôt de garantie (2 337,09 €) : qui sera conservé par la bailleresse en cas d'infirmation de la décision querellée (non-résiliation du bail, octroi de délais) ou qui sera restitué à la SARL AB [B] dans l'hypothèse où la Cour confirmerait la décision querellée.

Sur l'appel incident de la SAS Piam :

- débouter la SAS Piam de sa demande d'application des intérêts au taux légal depuis le 11 mai 2022 au vu des décomptes erronés de l'huissier instrumentaire au regard de la chronologie des règlements effectués par la SARL AB [B],

- débouter la SAS Piam de sa demande d'article 700 du code de procédure civile afférente à la procédure de première instance,

- rejeter l'ensemble des demandes fins et conclusions adverses comme injustes et mal fondées,

- condamner la SAS Piam au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de procédure.

La SARL AB [B] soutient tout d'abord la nullité du commandement de payer, de l'assignation et subséquemment de l'ordonnance déférée. Elle explique que ces actes visent la société Ackermann et [T] [B] alors que celle-ci a changé de dénomination sociale le 16 février 2007. Elle indique que cette erreur affectant l'acte traduit le manque de diligence de l'huissier instrumentaire, caractérisant un vice de procédure.

Ensuite, elle indique avoir été non comparante ni représentée à l'audience de première instance, l'huissier instrumentaire avec lequel un plan d'apurement avait été mis en place lui ayant malicieusement indiqué l'inutilité de prendre attache avec un avocat en l'état de l'échéancier mis en place, alors même que la représentation était obligatoire devant le juge des référés.

Elle fait donc valoir qu'elle a été privée de la possibilité d'invoquer le bénéfice des dispositions des articles L.145-41 alinéa 2 du code de commerce et 1343-5 du code civil, l'activité étant rentable, la créance étant en cours d'apurement, le sort du dépôt de garantie n'ayant pas été évoqué en première instance.

Au soutien de sa demande de délais de paiement, elle expose que les difficultés financières sont la résultante du bilan désastreux en 2020 consécutif aux périodes de fermetures administratives des centres commerciaux durant l'épidémie de Covid-19. Cependant, elle relève que l'année 2022 a été une année satisfaisante, démontrant la viabilité de son activité.

Elle indique avoir régularisé l'intégralité de l'arriéré, et être à jour de ses loyers et charges courantes, justifiant avoir procédé au règlement de 12 849,31 € afin d'apurer l'arriéré ainsi que l'intégralité des frais d'huissier et de procédure, outre les sommes de 2 021,21 € le 27 février 2023 et 24 mars 2023 en règlement des loyers du mois de mars et avril 2023 directement entre les mains de la bailleresse.

Elle conclut au rejet de la demande d'application du taux d'intérêt légal tant les décomptes produits par la partie adverse sont inexacts, imprécis et spécieux ainsi qu'à celle formée au titre des frais irrépétibles de première instance étant donné qu'il n'existe aucune diligence procédurale qui n'ait d'ores et déjà fait l'objet d'un règlement.

Elle soulève les conséquences manifestement excessives de la résiliation du contrat de bail et de l'expulsion de la SARL AB [B] qui entraîneraient la perte immédiate du fonds et de sa valeur au regard de sa volonté et de sa faculté de solder sa dette, de ses capacités financières retrouvées et des efforts fournis pour apurer sa dette pendant la procédure de première instance et depuis l'ordonnance de référé, la SAS Piam ne formulant pas de grief autre que le retard de paiement des loyers.

Elle précise aussi que la perte du fonds de commerce, celle de la clientèle attachée au lieu d'exploitation et l'installation d'un nouveau locataire présenteraient un caractère irréparable et irréversible sur le contrat de travail des 4 salariés.

Enfin, elle sollicite la condamnation de la SAS Piam au paiement au titre des frais irrépétibles soutenant avoir été contrainte de multiplier les procédures au regard de la malice de l'huissier mandaté par la bailleresse, et de l'empressement de celle-ci de procéder à son expulsion, outre le fait que sa demande de délais est sérieuse et justifiée.

La SAS Piam, en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 23 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 114, 649 et 835 du Code de procédure civile, de l'article L.145-41 du code de commerce, et des articles 1231-6, 1343-2 et 1343-5 du code civil, de :

- recevoir l'appel interjeté par la SARL AB [B] à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 4 janvier 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes, le dire mal fondé;

- recevoir l'appel incident interjeté par la SAS PIAM, et le dire bien fondé;

- confirmer l'ordonnance déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle n'a pas fait assortir la provision à valoir sur le montant des loyers, charges et indemnités d'occupation des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2023 et dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Statuant à nouveau,

- débouter la SARL AB [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

- constater l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 12 juin 2022 du contrat conclu suivant acte sous seing privé du 22 août 1994 entre la SAS Piam et Mme [V] [U], épouse [I], aux droits de laquelle vient la SARL B [B] du fait de la cession de fonds de commerce en date du 24 janvier 2001;

- ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'arrêt à intervenir, l'expulsion de la SARL AB [B] ainsi que de tout occupant de son chef des locaux commerciaux, si besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier;

- condamner la SARL AB [B] à porter et payer à la SAS Piam la somme de 14.322 euros à titre de provision à valoir sur le montant des loyers, charges locatives et indemnités d'occupation, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, outre intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2022,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts,

- condamner la SARL AB [B] à porter et payer à la SAS Piam la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le commandement de payer du 11 mai 2022.

In limine litis, sur les exceptions de nullité soulevées par l'appelante sur le fondement des articles 649 et 114 du code de procédure civile, la SAS Piam fait valoir que la SARL AB [B] ne démontre pas que l'irrégularité, dont elle se prévaut, lui cause un grief. Elle explique que La SARL AB [B] (anciennement dénommée « Ackermann et [T] [B]) a été avisée de chacune des étapes de la procédure en référé devant le premier juge.

Au fond, sur la contestation de la résiliation du bail, la SAS Piam soutient que la SARL AB [B] était informée qu'elle disposait d'un délai jusqu'au 11 juin 2022 pour payer à la SAS Piam la somme de 17.231,81 euros, et ce à peine de résiliation de plein droit du contrat et que pour autant, elle n'a pas apuré son arriéré locatif dans le délai imparti.

Elle s'oppose à la demande de délai de grâce formulée par la SARL AB [B] arguant d'une part de la mauvaise foi de cette dernière car en réalité, les difficultés de paiement de l'appelante sont bien antérieures à la crise sanitaire, puis d'autre part, de son incapacité financière à apurer sa dette locative. Elle ajoute que la SARL AB [B] ne justifie pas de sa situation lors de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire suivant exploit du 11 mai 2022 ni de sa situation actuelle.

Concernant la capitalisation, l'intimée soulève que le premier juge n'a pas motivé précisément l'ordonnance sur ce point rappelant que la provision à valoir sur le montant des loyers, charges locatives et indemnités d'occupation doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2022, date du commandement de payer visant la clause résolutoire.

Enfin, la SAS Piam considère qu'il serait inéquitable qu'elle supporte la charge définitive des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits les plus légitimes.

Après la révocation de l'ordonnance rendue le 31 janvier 2023, une nouvelle clôture de la procédure est intervenue le 3 avril 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 3 avril 2023, pour être mise en délibéré, par disposition au greffe le 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur les exceptions de procédure :

Selon l'article 648 du code de procédure civile, 'tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs:

1- sa date;

2- ...b) si le requérant est une personne morale: sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui le représente légalement...

4- si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité'.

L'article 114 dispose que 'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'est pas expréssement prévue par la loi sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public'.

L'appelant soulève la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 11 mai 2022, et de l'assignation signifiée le 30 août 2022 ainsi que de manière subséquente celle de l'ordonnance entreprise considérant que ces actes ont été délivrés à la mauvaise personne morale alors qu'il n'a pas été fait mention du numéro d'identification au RCS.

Au cas d'espèce, les actes de procédure ont été délivrés à la demande du bailleur à la société Ackermann et [T] [B] alors que celle-ci a changé de dénomination sociale le 16 février 2007 pour devenir la société AB [B].

Plus précisément, le commandement de payer a été délivré à la société Ackermann et [T] [B] avec mention de son numéro RCS 433 891 686 et du siège social situé lieudit [Adresse 4], précision faite que l'acte a été remis à M. [H] [L], employé, qui a été déclaré être habilité à le recevoir et confirmé le siège social de la société.

L'assignation a été signifiée à la société Ackermann et [T] [B] sans mention de son numéro RCS au siège social situé lieudit [Adresse 4], précision faite que l'acte a été remis à Mme [K] [R], employée, qui a été déclaré être habilitée à le recevoir et confirmé le siège social de la société.

Il s'ensuit que les actes de procédure comportent effectivement une erreur relative à la dénomination de la société en défense qui aurait dû être désignée sous sa nouvelle dénomination 'AB [B]' telle qu'elle résulte d'ailleurs de l'extrait du registre du commerce et des sociétés.

Ceci étant, le changement de dénomination sociale n'emporte pas modification de la personne morale de sorte que l'erreur affectant cette dénomination est une irrégularité de forme soumise à la condition d'existence d'un grief.

Il a été ainsi jugé que 'ne constitue qu'un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l'acte que sur justification d'un grief', l'erreur relative à la dénomination d'une partie dans un acte de procédure (civ 2è,4 février 2021 n°20-10.685).

Au cas présent, la société AB [B] ne justifie d'aucun grief alors même que la signification des actes contestée ne laisse aucun doute sur l'identité du destinataire en présence d'un siège social identique, tout comme le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés tel qu'il est mentionné dans le commandement de payer délivré le 11 mai 2022.

Par ailleurs, la société AB [B], qui a reçu et accepté les actes en cause délivrés à personne habilitée à l'exacte adresse de son siège social, a constitué avocat et a pu présenter sa défense en appel. Il sera enfin relevé qu'elle a procédé à de nombreuses régularisations de loyers impayés reconnaissant par la même que les actes délivrés lui étaient destinés.

Pour finir, l'appelante fait grief à l'huissier de justice de l'avoir dissuadée de constituer avocat en première instance.

Cette explication ne saurait être retenue en l'absence de preuve et alors que l'assignation rappelle expréssement la mention suivante: 'Vous devez constituer avocat dans le délai de quinze jours à compter de la date portée en tête des présentes. Faute de comparaître, vous vous exposez à ce qu'une ordonnance soit rendue à votre encontre sur les seuls éléments fournis par votre adversaire'.

Les moyens de nullité seront en conséquence rejetés.

- Sur la demande principale :

Sur l'acquisition de la clause résolutoire :

L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 11 mai 2022 à l'appelante qui lui enjoint de régler dans un délai d'un mois la somme, en principal, de 17.016,69€.

La société AB [B] ne conteste pas le défaut de règlement des sommes réclamées dans le commandement de payer dans le délai imparti.

Il en résulte, conformément à ce qui été constaté dans l'ordonnance critiquée, que dans le mois qui a suivi la signification du commandement de payer visant la clause résolutoire, les causes du commandement n'ont pas été réglées. En conséquence, c'est par de justes motifs que le premier juge a constaté que la locataire n'a pas satisfait aux termes du commandement de payer dans le délai imparti et que la clause résolutoire était donc acquise.

La société AB [B] n'apporte pas d'éléments venant contredire la somme retenue à titre de provision par le premier juge au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation selon décompte arrêté au 5 décembre 2022, soit 18.257,37 euros, qui intègrent plusieurs réglements émanant du locataire à savoir :

-1900,63 euros le 16 mars 2022; 1890,74 euros le 8 septembre 2022; 2000 euros le 3 octobre 2022; 1892 euros le 2 novembre 2022 et 5000 euros le 29 novembre 2022.

L'appelante ne justifie pas que les décomptes de l'huissier instrumentaire travestissent la chronologie des règlements qu'elle a effectués depuis la délivrance de l'assignation le 30 août 2022 au regard des dates portées sur l'historique du compte locataire.

Cette décision, de même que celle relative au montant de l'indemnité d'occupation à l'encontre desquelles l'appelant n'apporte aucun moyen au soutien de son appel, seront également confirmées.

Sur la question de l'application des intérêts au taux légal, la société PIAMS réclame qu'il en soit fait application à compter du 11 mai 2022 ce à quoi s'oppose l'appelante.

Cette demande ne saurait prospérer puisqu'elle reviendrait à faire application, à compter du 11 mai 2022, des intérêts au taux légal sur des sommes nées postérieurement à cette date.

La décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.

- Sur la demande de délais :

L'article 1343-5 du code civil permet d'accorder aux débiteurs impécunieux des délais de paiement qui emprunteront leur mesure aux circonstances, sans pouvoir dépasser trois ans.

L'article L145-41 du code de commerce permet au juge même d'office d'accorder des délais de paiement, dans la limite de deux années et dans les conditions prévues à l'article 1345-5 du Code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus pendant ce délai. Si le locataire se libère dans les conditions définies par le juge, la clause de résiliation est réputée ne pas avoir joué.

A titre subsidiaire, la société AB [B] sollicite des délais de paiement et une suspension de la clause résolutoire.

Pour justifier de sa bonne foi, elle fait valoir que les difficultés de paiement sont à mettre en lien avec les périodes de confinement ordonnées dans le cadre de la pandémie de la convid-19 ce dont elle justifie au moyen d'une analyse financière produite en pièce 11.

Elle assure en appel être à jour du règlement du loyer courant et avoir apuré la dette arrêtée à titre de provision par le premier juge à la somme de 18.257,37 euros à valoir sur le montant des loyers, charges et indemnités d'occupation dus au 5 décembre 2022.

Elle prétend en effet avoir procédé aux règlements suivants:

- 10.000 euros le 6 décembre 2022;

- 1.364,18 euros dans le cadre d'une saisie-attribution pratiquée le 25 janvier 2023;

- 12.849,31 euros par chèque de banque daté du 22 mars 2023.

Il résulte des pièces versées par l'appelante qu'elle justifie d'un premier paiement par chèque d'un montant de 10.000 euros adressé à l'huissier de justice, en charge du recouvrement, prélevé sur son compte le 20 décembre 2022 ramenant ainsi sa dette à la somme de 8.257,37 euros.(pièce 12).

Il est également justifié du prélèvement le 25 janvier 2023 d'une provision sur saisie-attribution d'un montant de 1.364,18 euros ramenant sa dette à la somme de 8.914,40 euros comprenant le loyer de janvier 2023.

Elle produit enfin copie d'un chèque de banque établi le 22 février 2023 d'un montant de 12.849,31 euros comprenant l'arriéré de loyer ainsi que l'échéance du mois de février 2023 outre les frais d'huissier évalués à la somme de 1.913,70 euros. (Pièces 16, 17).

Suite au refus d'encaissement dudit chèque opposé par le bailleur le 27 février 2023 (pièce 18), la société AB [B] a adressé à l'huissier de justice le 13 mars 2023 un virement de la même somme. (Pièce 19).

Il est par ailleurs démontré que les loyers du mois de mars et avril 2023 ont été réglés.

En l'état, si le bailleur conteste la bonne foi de sa locataire expliquant notamment que la dette locative est bien plus ancienne que la période de la covid-19 se prévalant d'une ancienne procédure engagée devant le juge des référés en 2017, il n'en demeure pas moins que la société AB [B] a démontré sa capacité financière et sa bonne foi par des versements réguliers qui lui ont permis d'apurer la dette locative et être à jour de ses loyers et charges.

Fort de ces éléments, il convient de constater que la dette locative est maintenant apurée et que l'appelante est à jour du règlement de son loyer et charges courants. Cette situation conduit la cour à accorder des délais de paiement correspondant aux paiements réalisés par l'appelante en mars 2023, à suspendre les effets de la clause résolutoire, qui est donc réputée n'avoir jamais joué, les loyers devant être payés selon les clauses du bail.

- Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile a été exactement apprécié par le premier juge.

En appel, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'appelante, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Déboute la société AB [B] des exceptions de nullité,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 4 janvier 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'elle a :

constaté que la clause résolutoire contenue au bail est acquise à la date du 12 juin 2022,

condamné la SARL AB [B] à payer à la SAS Piam la somme provisionnelle de 18.257,37 € au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation dus au 5 décembre 2022,

condamné la SARL AB [B] à payer une indemnité d'occupation égale à 2021,21 euros jusqu'à la libération effective des lieux par remise des clefs,

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SARL AB [B] aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau du chef réformé et y ajoutant,

Accorde des délais de paiement à la SARL AB [B],

Suspend les effets de la clause résolutoire insérée au bail du 22 août 1994 liant les parties pendant le cours de ces délais,

Constate que la SARL AB [B] a réglé l'intégralité des sommes dues à la SAS Piam,

Dit que la clause résolutoire est réputée n'avoir pas joué,

Dit n'y avoir lieu à expulsion,

Dit que le loyer sera payé conformément au bail,

Déboute les parties de leur demande respective formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL AB [B] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par la conseillère faisant fonction de présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 23/00245
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;23.00245 ?
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