RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00093 - N°Portalis DBVH-V-B7G-IJXM
MPF
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
13 décembre 2021 RG:17/04006
[O]
[O]
C/
DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROVENCE ALPES
Grosse délivrée
le 04/05/2023
à Me Philippe PERICCHI
à Me Elizabeth PHELIPPEAU-SOL
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 04 MAI 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 13 Décembre 2021, N°17/04006
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Mai 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
Monsieur [K] [O]
né le [Date naissance 7] 1968 à
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Maud BONDIGUEL-SCHINDLER de la SELARL BONDIGUEL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Madame [T] [O] épouse [R]
née le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Maud BONDIGUEL-SCHINDLER de la SELARL BONDIGUEL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROVENCE ALPES DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROVENCE ALPES COTE D'AZUR ET DU DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE
représentée par le Directeur Régional des Finances Publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du Département des Bouches du Rhône qui élit domicile en ses bureaux
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représenté par Me Elizabeth PHELIPPEAU-SOL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 04 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE:
L'article 885-0-V-bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 a institué une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune ( ISF) à hauteur de 75 % des versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu'il prévoit.
En juin 2009 et en mai 2010, [F] [O] a souscrit au capital de la société Finaréa Omega les sommes de 53 500 euros et 56 000 euros.
Afin de bénéficier de l'avantage fiscal susvisé, le contribuable a produit à l'administration fiscale une attestation, établie par la société Finaréa Oméga, certifiant qu'elle était bien une holding animatrice ou active et que la souscription au capital de cette société donnait bien lieu à la réduction prévue à l'article 885-0-V-bis du code général des impôts.
Cependant, le 10 décembre 2012, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification du montant de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au motif que la société Finaréa Oméga n'était pas une holding animatrice.
A la suite du rejet de la réclamation, les héritiers de [F] [O] décédé ont, par actes du 21 août 2017, assigné devant le tribunal de grande instance d'Avignon la direction générale des Finances Publiques aux fins de voir prononcer l'annulation de la procédure fiscale et la décharge des réhaussements.
Par jugement contradictoire du 13 décembre 2021, le tribunal les a déboutés de toutes leurs demandes.
Les premiers juges ont en effet retenu que la procédure de redressement fiscal était régulière et que le rehaussement de l'imposition était fondé.
Par déclaration au greffe du 5 janvier 2022, [K] et [T] [O] ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 4 avril 2022, les appelants demandent à la cour d' infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau:
- déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la présente procédure contentieuse et l'annuler,
- à titre subsidiaire, prononcer la décharge des rehaussements,
Le cas échéant,
- ordonner la communication par l'administration des finances publiques, ès qualités, sous astreinte provisoire, pendant deux mois, de 1 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels ;
- ordonner que, passé ce délai de deux mois, la partie qui y a intérêt pourra saisir le juge de céans d'une demande de liquidation de l'astreinte provisoire et fixation de l'astreinte définitive ;
- en cas de difficulté d'interprétation du droit de l'Union européenne, poser à la Cour de justice de l'Union européenne trois questions préjudicielles,
- condamner l'État français pris en la personne de la direction générale des finances publiques à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants font valoir en premier lieu que la procédure est nulle pour violation des dispositions des articles L. 57 et L. 76 B du livre des procédures fiscales : l'administration fiscale, après les avoir insuffisamment informés des éléments recueillis auprès de tiers qui fondent les redressements et de ne pas avoir justifié de ses affirmations en citant ses sources sans les tronquer puis d'avoir refusé de leur communiquer l'entier dossier de la vérification de la comptabilité de la holding Finaréa Oméga et enfin de s'être abstenue de répondre de manière motivée aux observations qu'ils ont présentées à l'appui de leur contestation des redressements.
Les contribuables soutiennent en second lieu que le réhaussement est injustifié au fond car la société Finaréa Oméga est une holding animatrice éligible à la réduction d'ISF prévue par l'article 885-0-V-bis du code général des impôts, le processus de prise de décision au sein de chaque filiale ayant été aménagé de telle sorte qu'aucune décision importante ne puisse être prise sans son accord. Ils soutiennent que la holding Finaréa Oméga a effectivement exercé ses prérogatives en imposant à sa filiale Crystaline Productions un suivi régulier et attentif, en participant aux réunions du comité de direction et à de nombreux échanges avec les dirigeants fondateurs destinés à déterminer la stratégie.
Enfin, [K] et [T] [O] plaident que le rehaussement n'est pas conforme au droit de l'Union Européenne. Les appelants rappellent que la seule condition posée par la commission européenne laquelle a validé le dispositif de réduction fiscale notifié par la France est que la société éligible n'en soit qu'au stade liminaire de son développement, de sorte qu'elle n'interdit pas la réduction fiscale aux investissements souscrits dans des holdings animatrices en phase liminaire de développement. Ils relèvent en outre que les souscripteurs de deux autres sociétés, les sociétés Partech et Truffle, concurrentes de la société Finaréa Omega, ont bénéficié de l'avantage fiscal alors que ces holdings fonctionnaient selon le même schéma et qu'un tel traitement de faveur est contraire au droit européen des aides d'état. Les appelants considèrent enfin que le principe d'effectivité du droit de l'Union Européenne commande au juge national d'ordonner à l'administration fiscale de communiquer le rescrit fiscal qu'elle a délivré à un contribuable dès lors qu'un autre contribuable revendique l'application à son profit de la norme fiscale contenue dans ledit rescrit.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 16 juin 2022, l'administration des finances publiques de PACA demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner les appelants à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée soutient que la procédure de rectification est régulière, que l'administration fiscale a présenté loyalement les documents en provenance de tiers qu'elle a mentionnés dans la proposition de rectification et qu'elle a respecté les dispositions des articles L. 57 et L.76 B du Livre des Procédures Fiscales.
Elle estime que les appelants n'établissent pas que la société Finaréa Oméga assurait effectivement l'animation d'une société opérationnelle dans la mesure où à la date du premier investissement, le 15 juin 2009, elle ne détenait de participation dans aucune société, n'ayant souscrit à l'augmentation de capital de la société Crystaline Production que le 4 janvier 2010. N'ayant pas été réalisés dans une société répondant aux critères de la holding animatrice, les investissements litigieux seraient dès lors inéligibles à l'avantage fiscal revendiqué. Selon l'intimée, les questions préjudicielles à la CJUE ne sont pas pertinentes car le litige concerne l'application d'une disposition de droit interne que le juge national est en mesure d'interpréter.
Par ordonnance du 4 novembre 2022, la procédure a été clôturée le 9 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 23 mars 2023.
MOTIFS :
Sur la nullité de la procédure de rectification :
Sur la violation de l'article L 76 du livre des procédures fiscales:
Sur l'information du contribuable relative à la teneur et à l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers:
L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2005-1512 du 7 décembre 2005, dispose : « L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. »
Dans la proposition de rectification litigieuse, après avoir rappelé de manière très détaillée la règle de droit qu'elle considérait applicable, à savoir la subordination de l'avantage fiscal à la démonstration de la réalité de l'animation exercée par une société holding, l'administration fiscale a exposé les éléments matériels recueillis à l'occasion de la vérification de la comptabilité de la holding Finaréa Oméga dont elle a déduit que cette dernière ne pouvait être qualifiée de holding animatrice car elle ne détenait pas de participation dans une société à la date de la première souscription et que lors de la seconde souscription, elle ne détenait qu'une participation minoritaire dans la société Crystaline Productions et avait maintenu comme gérant l'associé fondateur de ladite société.
Les appelants font grief à l'administration fiscale de ne pas avoir dressé la liste des pièces obtenues de tiers qu'elle a pris en considération pour adopter sa décision de rehaussement, à savoir les pièces recueillies lors de la vérification de la comptabilité de la société Finaréa Oméga. Ils soutiennent que l'information doit porter tant sur les éléments à charge qu'à décharge contenus dans le dossier susvisé de sorte que le contribuable puisse organiser utilement sa défense. Or ne leur ont pas été communiqués les éléments à décharge ayant conduit l'administration fiscale à ne pas appliquer l'amende de 25% pour émission d'attestations erronées à la société Finaréa Oméga alors qu'ils avaient pourtant sollicité la communication de l'intégralité du dossier de contrôle fiscal de la société Finaréa.
L'intimé fait observer à la cour qu'aucune disposition légale n'oblige l'administration fiscale à lister les documents qu'elle cite dans la proposition de rectification, que ces derniers étaient dûment précisés dans son analyse, qu'elle n'a mentionné aucun nouvel élément dans sa réponse aux observations. Elle fait valoir qu'elle ne doit citer que les documents sur lesquels elle fonde sa position sans être tenue de citer l'intégralité des documents qu'elle a examinés.
La cour relève à la lecture de la proposition de rectification dont la régularité est contestée que l'administration fiscale a pris le soin de détailler les éléments juridiques et matériels dont elle a déduit que la société Finaréa Oméga n'était pas une holding animatrice et que les contribuables ne pouvaient pas en conséquence bénéficier de la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de leur souscription au capital de cette société.
Pour conclure que la société Finaréa Omega ne détenait aucune participation dans aucune société à la date de la première souscription, en mai 2009, l'administration fiscale s'est fondée sur le fait que la société n'avait souscrit à l'augmentation de capital de la société Crystaline Production que le 4 janvier 2010 et que jusqu'à cette date, elle n'avait pris de participation dans aucune filiale. Elle a ajouté que lors de la seconde souscription, la société Finarea Omega ne détenant qu'une participation minoritaire ( 49 %) au capital de la société Crystaline Production, elle n'était pas en mesure de définir la politique d'ensemble de sa filiale ni prendre seule les décisions stratégiques concernant son fonctionnement et son activité. L'administration fiscale a par ailleurs désigné avec précision les documents destinés à étayer son analyse ( bilan, rapport de gestion, règlement intérieur du GIE Finaréa Services) de sorte que les contribuables ont été informés de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour écarter l'avantage fiscal. D'ailleurs, le contribuable a été représenté dans la procédure de contrôle par le dirigeant de la société Finarea Omega et le contenu de ses observations, particulièrement documenté, atteste de sa connaissance de la situation du groupe Finaréa.
Sur la communication des pièces:
Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
Les appelants reprochent à l'administration fiscale de ne pas leur avoir communiqué le document prouvant que la société Finaréa Omega avait une participation de 49 % au capital de la société Crystaline Production et que le reste du capital était détenu par l'associé fondateur, le contrat de prestation de services de la Gie Finaréa Service, le document établissant le faible nombre de salariés de cette société et la copie du pacte d'associés.
La cour constate à l'instar des premiers juges que l'administration a communiqué au contribuable les documents à partir desquels elle a estimé que Finaréa Omega n'était pas une holding animatrice, à savoir le bilan de l'exercice clos le 30 juin 2010 de ladite société laissant apparaître une participation de 49 % dans la société Crystaline Production, le rapport de gestion de la société Gie Finaréa Services dont le détail des charges ne mentionne aucune dépense relative à l'emploi de salariés, le règlement intérieur de la société Gie Services. La cour relève aussi que le pacte d'associés et le contrat de prestations de services conclu entre Gie Services et la filiale n'ont pas servi à étayer l'argumentation développée par l'administration fiscale pour dénier à la société Finaréa Omega la qualité de holding animatrice. Les appelants ne sauraient dès lors lui faire grief de ne pas avoir communiqué au contribuable lesdits documents.
L'obligation de communication des documents obtenus auprès de tiers a donc été respectée par l'administration fiscale laquelle n'était pas tenue de communiquer au contribuable l'intégralité des documents issus de la procédure de vérification de comptabilité de la holding au capital duquel il avait souscrit, mais seulement les documents sur lesquels elle avait fondé sa proposition de rectification. L'argument tiré de l'absence d'information sur les éléments à décharge est donc inopérante.
Sur la violation de l'article 57 du livre des procédures fiscales:
L'article 57 du LPF dispose: «Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée'.
[T] et [K] [O] font grief à l'administration fiscale de ne pas avoir répondu à leurs observations à l'appui de leur contestation du redressement. Il n'a pas été selon eux répondu à l'argument tiré de l'incohérence de l'action de l'administration fiscale laquelle a engagé une procédure de redressement à l'encontre de [F] [O] alors même qu'elle n'a donné aucune suite au contrôle fiscal de la holding dans laquelle il avait investi. L'administration fiscale n'aurait pas répondu par ailleurs à leurs observations sur les innombrables éléments de preuve que lui a opposés la société Finaréa dans le cadre de son contrôle fiscal et tendant à démontrer qu'elle était bien une holding animatrice.
La direction des finances publiques estime au contraire que l'administration fiscale a respecté scrupuleusement son obligation d'adresser une réponse motivée aux observations des contribuables dans laquelle elle s'est attachée à leur démontrer que la société holding Finaréa Sud Invest ne pouvait être considérée comme une holding animatrice.
La réponse de l'administration fiscale adressée aux contribuables reprend point par point chacune de leurs observations sur la régularité de la procédure et sur le fond. Chaque argument du contribuable est exposé de manière détaillée et rigoureuse dans un paragraphe intitulé « argument du contribuable » suivi de la réponse de l'administration tout aussi précise et argumentée dans un paragraphe intitulé « position du service ». Ce document, loin d'éluder les observations des ayant-droits de [F] [O], contient des développements circonstanciés étayés par des éléments factuels précis l'ayant conduit à considérer que la société Finaréa Oméga n'était pas une holding animatrice. Quant à la critique tirée du défaut de cohérence de l'action de l'administration, elle n'est pas pertinente, s'agissant de deux contrôles portant sur des impositions différentes et des contribuables distincts, elle n'appelait pas de réponse autre que celle figurant au paragraphe 2.2: « s'agissant de la vérification de la comptabilité de la société Finaréa, les documents éventuellement fournis à un autre service dans le cadre de cette vérification n'ont pas fait l'objet d'un examen critique au regard du caractère animateur ou non de cette société, dès lors que vos déclarations d'ISF n'entraient pas dans le périmètre des impôts dus par cette société et ayant fait l'objet de ce contrôle ».
Le manquement allégué à l'exigence de motivation posée par le dernier alinéa de l'article L. 57 du L.P.F. est donc mal fondé.
La procédure de rectification est donc régulière.
Sur le fond:
Sur le caractère injustifié du réhaussement:
Ainsi que le rappelle l'administration fiscale dans ses écritures et ce point n'est pas contesté par les appelants, pour l'application de la réduction de l'ISF, les investissements au capital de PME via une holding animatrice de groupe ne sont pas prévus par la disposition légale instaurant cet avantage fiscal, en l'occurence l'article 885-0 V bis du code général des impôts, mais par la doctrine administrative. Si la loi a réservé l'avantage fiscal aux seuls investissements réalisés dans des sociétés opérationnelles, directement ou par personne interposée, la doctrine administrative a étendu son périmètre d'application aux investissements réalisés dans des sociétés holdings assurant effectivement un rôle d'animation de groupe.
L'instruction administrative du 11 avril 2008 (BOI 7-S-3-08), commentant la loi rectificative 2007-1824 du 25 décembre 2007, précise en effet : « no26 - L'activité financière des sociétés holding les exclut normalement du champ d'application de la réduction. Toutefois, pour l'application de ce dispositif, il convient d'assimiler les sociétés holding animatrices de leur groupe à des sociétés ayant une activité opérationnelle, si toutes les autres conditions prévues pour l'octroi de ce régime de faveur sont par ailleurs satisfaites.
Sont des sociétés holding animatrices les sociétés qui, outre la gestion d'unportefeuille de participations :
- participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales ;
- et rendent le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques,administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
Ces sociétés holding animatrices s'opposent aux sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de la réduction d'impôt en tant que simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier. »
Les appelants font valoir que [F] [O] a souscrit au capital de la société Finaréa Oméga laquelle remplissait à leurs dires les conditions pour être qualifiée de holding animatrice à la date des deux souscriptions de sorte qu'il avait droit à l'avantage fiscal. Ils font observer à la cour que son objet social, tel que défini par ses statuts dès sa création, a été la prise de participations dans de jeunes PME ainsi que l'implication dans leur animation et leur gestion. Elle s'est donnée d'emblée les moyens de réaliser son objet social en désignant un comité d'investissement composé de professionnels expérimentés lesquels ont analysé les dossiers des PME et procédé à leur sélection. La holding a ensuite mis au point des statuts-type, un contrat type d'animation, un pacte d'actionnaire-type qu'elle imposerait aux fondateurs des PME sélectionnées en contrepartie de ses prises de participation. Ainsi, le processus de décision au sein des filiales a été aménagé de telle sorte qu'aucune décision importante ne puisse être prise sans l'accord de la holding.
Les ayant-droits de [F] [O] exposent encore que la holding Finaréa Oméga est entrée au capital de la PME Crystaline Production le 4 janvier 2010 après avoir travaillé sur son plan stratégique avant même de la soumettre au comité d'investissement. Les appelants font valoir que la holding a apporté aux fondateurs de ladite PME un savoir-faire qu'ils n'avaient pas, qu'elle a dès l'origine imposé un suivi régulier et attentif et a participé à toutes les réunions du conseil de direction tout en accompagnant étroitement le fondateur de ladite PME. Ils en concluent qu'elle était une holding animatrice en phase de démarrage au sens de l'artice 885-0-V-bisI.1 du code général des impôts.
L'administration fiscale considère quant à elle que la situation de fait de la société Finaréa Sud Invest dans laquelle les contribuables ont investi ne permet pas de la qualifier de holding animatrice d'un groupe pour l'application de la réduction fiscale sollicitée. Elle fait observer à la cour que les investissements des époux [O] ont été réalisés le 15 juin 2009 et le 1er juin 2010 et qu'à ces dates, la société Finaréa Sud Invest ne détenait des participations dans aucune société. Elle en conclut que la société Finaréa Sud Invest, à la date des investissements réalisés par les contribuables, ne pouvait pas animer un groupe qui n'existait pas.
Les premiers juges, après avoir constaté qu'à la date des investissements des époux [O], la société Finaréa Sud Invest n'avait pas de filiale et ne constituait donc pas à cette date une société holding, ont estimé à juste titre que le réhaussement de l'ISF contesté était justifié au fond.
En effet, à la date de l'investissement réalisé par les époux [O], la société Finaréa Sud Invest n'avait pris aucune participation dans une filiale et n'avait elle-même exercé aucune activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
La contestation du réhaussement à la suite de la remise en cause par l'administration fiscale de la réduction de l'ISF au titre de l'année 2010 est infondée.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
Sur le renvoi préjudiciel à la cour de Justice de l'Union Européenne:
Il incombe au juge national, qui est seul à avoir une connaissance directe des faits de l'affaire comme aussi des arguments mis en avant par les parties d'apprécier, en pleine connaissance de cause, la pertinence des questions de droit soulevées par le litige dont il se trouve saisi et la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre un jugement. (CJCE 14 févr. 1984, Rewe, aff. 278/82)
Sur la première question:
L'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
Dans sa décision du 11 mars 2008, la Commission Européenne, chargée de réguler les aides d'état, a considéré comme compatible avec le traité CE l'aide d'état représentée par la mesure fiscale relative aux investissements dans les PME adoptée par le parlement français en août 2007.
[T] et [K] [O], considérant que la commission n'a validé ce dispositif qu'à la condition que les sociétés éligibles n'en soient qu'aux stades liminaires de leur développement, en déduisent que le dispositif fiscal s'applique aux holdings potentiellement animatrices et pas seulement effectivement animatrices. Ils soutiennent donc qu' est contraire au droit de l'Union Européenne le redressement opéré par l'administration fiscale au motif que la holding Finaréa Sud Invest ne répondrait pas aux conditions requises pour être qualifiée de holding animatrice alors même qu'elle était une holding animatrice en phase de démarrage.
Les appelants demandent donc à la cour de poser la question préjudicielle suivante: « la décision de la commission européenne réservant la réduction ISF-PME aux PME en phases liminaires de développement doit-elle être interprétée comme interdisant la réduction aux investissements dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation à la date de la souscription' Cette décision ne doit-elle pas plutôt être considérée comme ayant retenu que le droit des aides d'état n'est respecté que si la souscription est réalisée dans des holdings en phases liminaires de développement, connaissant un décalage temporel entre la levée de fonds auprès des redevables de l'ISF et l'investissement dans les PME' »
L'administration fiscale estime qu'il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel, l'issue du litige ne dépendant pas de la réponse à une question de droit communautaire controversée, et la question concernant la phase de développement dans laquelle doit se trouver la société holding ayant déjà pu être tranchée sans difficultés, notamment par la cour de cassation dans son arrêt du 3 mars 2021.
Il ne sera pas fait droit à la demande de renvoi préjudiciel portant sur la question susvisée, la question de savoir si l'investissement dans une holding potentiellement animatrice ouvre droit à l'avantage fiscal ne dépendant pas de l'interprétation de la décision de la commission européenne du 11 mars 2008.
En effet, la commission a jugé compatible avec le traité de l'Union Européenne la mesure fiscale destinée à favoriser les investissements dans les PME après s'être livrée à une appréciation détaillée du dispositif de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dont il a été rappelé plus haut qu'il avait exclu par principe les investissements réalisés dans les sociétés holdings et limité strictement l'application de la réduction fiscale aux seules sociétés opérationnelles.
La décision de la commission européenne du 11 mars 2008 ayant trait à l'application de la réduction fiscale aux investissements réalisés dans les seules sociétés opérationnelles, directement ou par société interposée, à l'exclusion des investissements réalisés dans toutes les sociétés holdings, la question préjudicielle posée n'est ni pertinente ni nécessaire à la solution du litige.
Sur la deuxième question:
Les appelants relèvent une contrariété entre la position adoptée par l'administration fiscale aux termes des rescrits fiscaux qu'elle a délivrés aux holdings Truffle et Partech, laquelle admettrait un décalage temporel de plusieurs années entre la levée des fonds et leur réinvestissement dans des PME et celle de la cour de cassation adoptée dans l'arrêt du 3 mars 2021 ( arrêt Bellis) qui considère que seule la souscription au capital de holdings déjà pleinement animatrices donne droit à l'avantage fiscal. Ils en déduisent l'existence d'une inégalité de traitement devant la loi fiscale entre des contribuables placés dans la même situation et font valoir que ce traitement différencié qui emporte distorsion de la concurrence n'a pas été notifié à la Commission Européenne en charge de la régulation des aides d'état.
Les intimés demandent donc à la cour de poser la question suivante: « Le droit des aides d'état doit-il être interprété comme interdisant l'édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d'investissement dans les PME'Pareil rescrit ne doit-il pas donner lieu à notification préalable' ».
La question posée par le présent litige est de déterminer si la holding Finaréa Oméga est une holding animatrice éligible à la réduction de l'ISF selon l'instruction administrative du 11 avril 2008 étendant le périmètre d'application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts.
La cour relève qu'un rescrit fiscal n'est pas une norme mais une garantie qui permet à un contribuable de connaître à l'avance la position de l'administration fiscale sur une situation de fait qu'il lui soumet à titre préventif afin de se prémunir contre le risque d'un redressement fiscal. Les sociétés Truffle et Partech ont obtenu des rescrits fiscaux après avoir exposé à l'administration fiscale le montage juridique et fiscal qu'elles envisageaient de réaliser.
Soit à titre préventif dans le cadre d'un rescrit, soit à posteriori dans le cadre d'un contrôle fiscal, la détermination du droit d'un contribuable à bénéficier d'un avantage fiscal implique l'appréciation concrète par l'administration fiscale d'une situation de fait. La position alors adoptée n'a pas pour effet de créer un nouvel avantage fiscal, ou une « aide de l'état dans l'aide d'état » comme le suggèrent les appelants, mais à appliquer une norme fiscale générale à une situation individuelle particulière.
La question préjudicielle susvisée n'est donc ni pertinente ni nécessaire à la solution du présent litige.
Sur la troisième question:
[T] et [K] [O] qui entendent se prévaloir de la norme fiscale énoncée par l'administration fiscale dans les deux rescrits qu'elle a délivrés aux sociétés Truffle et Partech sollicitent la production de ces documents.
L'administration fiscale s'y oppose, les rescrits susvisés ne présentant aucun intérêt à la résolution du litige dont la cour est saisie car ils ne constituent pas une prise de position de portée générale, reposent sur l'appréciation de circonstances de fait propres aux sociétés auxquels ils sont destinés et ne s'analysent pas en aides d'état.
Les intimés demandent donc à la cour de poser la question préjudicielle suivante: « En présence d'un contribuable revendiquant l'application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable, le principe de l'effectivité du droit de l'Union Européenne, ensemble la réglementation des aides d'état et les principes de liberté de circulation des marchandises, d'établissement et de prestations de services ne commandent-ils pas au juge national d'ordonner la production du rescrit litigieux '».
Ainsi qu'il l'a été rappelé précédemment, dans un rescrit l'administration n'énonce pas une norme fiscale mais applique une norme fiscale générale à une situation individuelle particulière. Un contribuable ne peut donc revendiquer l'application à son bénéfice de la position adoptée par l'administration dans un rescrit délivré à un autre contribuable.
La question préjudicielle n'est donc ni pertinente ni nécessaire à la solution du présent litige et la demande de communication des rescrits concernés sera rejetée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
Il est équitable de condamner [T] et [K] [O] à payer à la Direction Générale des Finances Publiques la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne [T] et [K] [O] à payer à la direction générale des finances publiques la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,