RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00091 - N°Portalis DBVH-V-B7G-IJXE
MPF
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
13 décembre 2021 RG :18/00834
[O]
[O]
C/
ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES
Grosse délivrée
le 04/05/2023
à Me Philippe PERICCHI
à Me Elizabeth PHELIPPEAU-SOL
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 04 MAI 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 13 Décembre 2021, N°18/00834
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Mai 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
Monsieur [M] [O]
né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Maud BONDIGUEL-SCHINDLER de la SELARL BONDIGUEL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Madame [D] [O]
née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Maud BONDIGUEL-SCHINDLER de la SELARL BONDIGUEL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES
représentée par la Directrice Régionale des Finances Publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du Département des Bouches du Rhône, qui élit domicile en ses bureaux
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représenté par Me Elizabeth PHELIPPEAU-SOL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 04 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE:
L'article 885-0-V-bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, a institué une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune ( ISF) à hauteur de 75 % des versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu'il prévoit.
Le 14 juin 2010, [D] et [M] [O] ont souscrit à l'augmentation de capital de la SAS Finaréa du Maine la somme de 66 664 euros.
Afin de bénéficier de la réduction d'impôt susvisée, les contribuables ont produit à l'administration fiscale une attestation, établie par la société Finaréa du Maine, certifiant qu'elle était bien une holding animatrice ou active et que la souscription au capital de cette société donnait bien lieu à la réduction prévue à l'article 885-0-V-bis du code général des impôts.
Cependant, le 27 novembre 2012, l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification du montant de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au motif que la société Finaréa Hélios n'était pas une holding animatrice. Par avis de mise en recouvrement délivré le 23 août 2013, l'administration fiscale a réclamé aux contribuables le règlement de la somme de 49 998 euros au titre des droits rappelés outre des intérêts de retard de 6000 euros.
A la suite du rejet de leur réclamation, les époux [O] ont assigné devant le tribunal de grande instance d'Avignon par exploit du 20 novembre 2017 la direction générale des Finances Publiques aux fins de voir prononcer l'annulation de la procédure fiscale et la décharge des réhaussements.
Par jugement contradictoire du 13 décembre 2021, le tribunal les a déboutés de toutes leurs demandes.
Les premiers juges ont en effet retenu que la procédure de redressement fiscal était régulière et que le rehaussement de l'imposition était fondé.
Par déclaration du 5 janvier 2022, les époux [O] ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 4 avril 2022, les appelants demandent à la cour d' infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau:
- déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la présente procédure contentieuse et l'annuler,
- à titre subsidiaire, prononcer la décharge des rehaussements,
Le cas échéant,
- ordonner la communication par l'administration des finances publiques, ès qualités, sous astreinte provisoire, pendant deux mois, de 1 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels ;
- ordonner que, passé ce délai de deux mois, la partie qui y a intérêt pourra saisir le juge de céans d'une demande de liquidation de l'astreinte provisoire et fixation de l'astreinte définitive ;
- en cas de difficulté d'interprétation du droit de l'Union européenne, poser à la Cour de justice de l'Union européenne trois questions préjudicielles,
- condamner l'État français pris en la personne de la direction générale des finances publiques à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants font valoir en premier lieu que la procédure est entachée des irrégularités suivantes : l'administration fonde ses redressements sur des éléments extérieurs à ceux recueillis auprès du contribuable sans avoir cité ses sources et les avoir communiquées aux contribuables, d'une part, et elle n'a pas répondu de manière suffisamment motivée aux observations qu'ils lui ont opposées pour contester le redressement.
Les contribuables soutiennent en second lieu que le réhaussement est injustifié au fond car la société Finaréa du Maine est une holding animatrice éligible à la réduction d'ISF prévue par l'article 885-0-V-bis du code général des impôts, car elle a joué un rôle actif dans sa filiale Turbowatt dont elle était l'associée majoritaire et la gérante.
Enfin, les époux [O] plaident que le rehaussement n'est pas conforme au droit de l'Union Européenne car les souscripteurs des sociétés Partech et Truffle, concurrentes de la société Finaréa du Maine, ont bénéficié de l'avantage fiscal alors que ces holdings fonctionnaient selon le même schéma et qu'un tel traitement de faveur est contraire au droit européen des aides d'état. Aussi estime-t-elle nécessaire que la cour soumette à la cour de justice européenne les trois questions préjudicielles, la première relative à l'application de l'avantage fiscal aux investissements réalisés dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation dans une filiale, la seconde sur la validité au regard du droit des aides d'état de l'édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d'investissement, la troisième sur l'obligation de l'administration fiscale de communiquer le rescrit qu'elle a délivré à un contribuable dès lors qu'un autre contribuable revendique l'application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans ledit rescrit.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 14 juin 2022, la direction générale des finances publiques demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner les appelants à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée soutient que la procédure de rectification est régulière, que l'administration fiscale a présenté loyalement les documents en provenance de tiers qu'elle a mentionnés dans la proposition de rectification et qu'elle a respecté les dispositions des articles L. 57 et L.76 B du Livre des Procédures Fiscales.
Elle estime que la société Finaréa Du Maine, dont l'actif n'était pas composé majoritairement de participations dans des filiales et qui ne disposait d'aucun moyen propre en personnel pour exercer effectivement son rôle d'animation ne satisfait à aucune des conditions requises pour être considérée comme une holding animatrice et faire bénéficier les souscripteurs à son capital de l'avantage fiscal. L'intimée considère que le seul fait que la société Finaréa du Maine soit associée majoritaire de sa filiale Turbiwatt ne peut suffire à établir qu'elle en assurait effectivement l'animation. Les questions préjudicielles à la CJUE ne sont pas selon elle pertinentes car le litige concerne l'application d'une disposition de droit interne et non du droit communautaire que le juge national est en mesure d'interpréter. Elle ajoute que le rescrit fiscal ne constitue pas une prise de position de portée générale de l'administration et ne sont donc ni opposables aux tiers ni communicables.
Par ordonnance du 23 juin 2021, la procédure a été clôturée le 16 novembre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 décembre 2021.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de la procédure de rectification :
Sur la violation de l'article L 76 du livre des procédures fiscales:
Sur l'information du contribuable relative à la teneur et à l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers:
L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2005-1512 du 7 décembre 2005, dispose : « L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. »
Les appelants reprochent à l'administration fiscale d'avoir fondé sa décision de rectification sur des pièces qui n'avaient pas été obtenues auprès d'eux mais auprès de la société Finaréa du Maine, d'avoir omis de lister précisément les pièces obtenues lors de la vérification de comptabilité de la société Finaréa du Maine, de s'être abstenue de communiquer la copie du rapport de gestion et du pacte d'associés de la société Turbiwatt, sa filiale, et d'avoir occulté les éléments à décharge découverts lors de cette vérification de comptabilité.
L'intimée fait observer à la cour qu'aucune disposition légale n'oblige l'administration fiscale à lister les documents qu'elle cite dans la proposition de rectification, qu'elle a fondé sa proposition de rectification sur un seul document, le bilan de la société Finaréa du Maine arrêté au 30 juin 2010, lequel démontrait qu'à l'actif de la holding ne figurait qu'un faible taux de participation dans des filiales, que ce bilan est un document public et dont en leur qualité d'actionnaires, les époux [O] disposaient. Elle justifie par ailleurs de la communication de cette pièce aux contribuables.
La cour relève à la lecture de la proposition de rectification dont la régularité est contestée que l'administration fiscale a pris le soin de détailler les éléments juridiques et matériels dont elle a déduit que la société Finaréa du Maine n'était pas une holding animatrice et que les contribuables ne pouvaient pas en conséquence bénéficier de la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de leur souscription au capital de cette société.
Pour conclure que la société Finaréa Hélios ne répondait pas aux critères requis d'une holding animatrice, l'administration fiscale s'est fondée sur le bilan de la société Finaréa du Maine arrêté au 30 juin 2010 qu'elle a communiqué aux contribuables.
L'administration fiscale n'étant pas tenue de citer d'autres documents que ceux lui ayant servi à étayer son argumentation destinée à écarter l'application de l'avantage fiscal et donc à justifier du redressement, l'argument tiré de l'absence d'information des contribuables sur les éléments à décharge recueillis lors de la vérification de comptabilité de la société Finaréa du Maine est donc inopérante.
Sur la communication des pièces:
L'obligation de communication des documents obtenus auprès de tiers a donc été respectée par l'administration fiscale laquelle n'était pas tenue de communiquer aux contribuables l'intégralité des documents issus de la procédure de vérification de comptabilité de la holding au capital duquel ils avaient souscrits, mais seulement le documents sur lequel elle avait fondé sa proposition de rectification, à savoir le bilan du premier exercice social de la société Finaréa du Maine.
Sur la violation de l'article 57 du livre des procédures fiscales:
L'article 57 du LPF dispose: «Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée'.
Les époux [O] font grief à l'administration fiscale de ne pas avoir répondu à leurs observations à l'appui de leur contestation du redressement. Il n'a pas été selon eux répondu à l'argument tiré de l'incohérence de l'action de l'administration fiscale laquelle a engagé une procédure de redressement à leur encontre alors même qu'elle n'a donné aucune suite au contrôle fiscal de la holding dans laquelle ils ont investi.
La direction des finances publiques estime au contraire que l'administration fiscale a répondu de manière détaillée à cette observation dans le point I de sa réponse aux observations du contribuable.
La réponse de l'administration fiscale adressée aux contribuables reprend point par point chacune de leurs observations sur la régularité de la procédure et sur le fond. Chaque argument du contribuable est exposé de manière détaillée et rigoureuse dans un tableau dont la colonne de gauche est intitulée « points évoqués dans la réponse du contribuable » et la colonne de droite « points évoqués dans la réponse aux observations du contribuable ». Ce document, loin d'éluder les observations des contribuables, contient des développements circonstanciés étayés par des éléments factuels précis l'ayant conduit à considérer que la société Finaréa du Maine n'était pas une holding animatrice. Quant à la critique tirée du défaut de cohérence de l'action de l'administration, elle n'est pas pertinente, s'agissant de deux contrôles portant sur des impositions différentes et des contribuables distincts, elle n'appelait pas de réponse autre que celle figurant au numéro g paragraphe 2.2 du tire II: « s'agissant de la vérification de la comptabilité de la société Finaréa, les documents éventuellement fournis à un autre service dans le cadre de cette vérification n'ont pas fait l'objet d'un examen critique au regard du caractère animateur ou non de cette société, dès lors que vos déclarations d'ISF n'entraient pas dans le périmètre des impôts dus par cette société et ayant fait l'objet de ce contrôle ».
Le manquement allégué à l'exigence de motivation posée par le dernier alinéa de l'article L. 57 du L.P.F. est donc mal fondé.
La procédure de rectification est donc régulière.
Sur le fond:
Sur le caractère injustifié du réhaussement:
Ainsi que le rappelle l'administration fiscale dans ses écritures et ce point n'est pas contesté par les appelants, pour l'application de la réduction de l'ISF, les investissements au capital de PME via une holding animatrice de groupe ne sont pas prévus par la disposition légale instaurant cet avantage fiscal, en l'occurence l'article 885-0 V bis du code général des impôts, mais par la doctrine administrative. Si la loi a réservé l'avantage fiscal aux seuls investissements réalisés dans des sociétés opérationnelles, directement ou par personne interposée, la doctrine administrative a étendu son périmètre d'application aux investissements réalisés dans des sociétés holdings assurant effectivement un rôle d'animation de groupe.
L'instruction administrative du 11 avril 2008 (BOI 7-S-3-08), commentant la loi rectificative 2007-1824 du 25 décembre 2007, précise en effet : « no26 - L'activité financière des sociétés holding les exclut normalement du champ d'application de la réduction. Toutefois, pour l'application de ce dispositif, il convient d'assimiler les sociétés holding animatrices de leur groupe à des sociétés ayant une activité opérationnelle, si toutes les autres conditions prévues pour l'octroi de ce régime de faveur sont par ailleurs satisfaites.
Sont des sociétés holding animatrices les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations :
- participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales ;
- et rendent le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
Ces sociétés holding animatrices s'opposent aux sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de la réduction d'impôt en tant que simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier. »
Les appelants font valoir qu'ils ont souscrit au capital de la société Finaréa du Maine laquelle remplissait à leurs dires les conditions pour être qualifiée de holding animatrice à la date de leur souscription de sorte qu'ils ont droit à l'avantage fiscal
Les époux [O] exposent que la holding Finaréa du Maine a pris des participations dans le capital de la PME Turbiwatt à deux reprises, le 17 mars 2010 puis le 2 août 2010, qu'elle a imposé aux fondateurs un modèle de statuts-type, un contrat d'animation et un pacte d'actionnaires-type afin de s'assurer de jouer un rôle actif à l'égard de sa filiale et orienter sa stratégie. D'emblée, la gérance de l'entreprise a été confiée à [H] [E], représentant permanent de la holding Finaréa du Maine, l'associé fondateur se concentrant sur la partie technique.
L'administration fiscale considère quant à elle qu'il n'est pas établi que la holding Finaréa assurait effectivement l'animation de la filiale Turbiwatt. Elle fait valoir que les appelants n'ont justifié d'aucun élément concret justifiant que la holding déterminait effectivement la politique commerciale ou les orientations stratégiques de sa filiale. L'intimée déduit de l'ensemble des éléments produits par les contribuables que la holding Finaréa du Maine avait pour seule activité de la gestion patrimoniale exclue du bénéfice de l'avantage fiscal et n'exerçait pas une véritable animation de sa filiale.
Les premiers juges ont relevé qu'il n'était pas démontré que d'importants moyens humains et matériels seraient apportés par la société Finaréa du Maine à la société Turbiwatt caractérisant une véritable intervention de la holding dans la gestion et le contrôle de sa filiale.
L'avantage fiscal égal à 75 % du montant investi est réservé aux investissements dans des PME exerçant une activité industrielle, commerciale, agricole ou artisanale à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier. Le bulletin officiel des impôts BOI 7-S-3-08 a étendu l'application de ce dispositif fiscal aux sociétés holding animatrices de leur groupe sous la condition que, outre la gestion d'un portefeuille de participations, elles participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales, les holdings passives, simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier, étant exclues du bénéfice de la réduction d'impôt.
Les appelants échouent à démontrer que la société Finaréa du Maine, bénéficiaire de leur investissement, était une holding animatrice concourant, par le biais de sa filiale Turbiwatt, à une véritable activité industrielle ou commerciale en mobilisant des moyens spécifiques. Le pacte d'associés conclu entre les associés fondateurs de la société Turbiwatt et la société Finaréa Du maine atteste du contraire dès lors que la société Finaréa y est présentée comme l'investisseur et les autres associés comme les entrepreneurs, qu'il est expressément mentionné que les entrepreneurs ont défini la stratégie de développement présentée aux investisseurs ( point V) et que l'investisseur ne dispose que d'un droit à l'information.
Les appelants ne versent aux débats aucun élément concret ( compte-rendus de réunion, procès-verbaux d'assemblées générales ou de conseils d'administration, ') démontrant que de manière effective la société Finaréa du Maine fixait la stratégie de sa filiale, et en assurait le contrôle. Le seul courriel postérieur à la prise de participation versé aux débats ne suffit pas à donner de la consistance au rôle de holding animatrice revendiqué par la société Finaréa. Quant au contrat d'animation conclu entre les deux sociétés, il se limitait à diverses prestations de services de conseil et d'assistance accomplies contre rémunération par la holding et ne révélait aucune implication déterminante de cette dernière dans la gestion, les décisions de politique commerciale ou d'orientation stratégique de la société Turbiwatt. Il ne peut se déduire des clauses de ce contrat que la société Turbowatt avait confié son animation à la société Finaréa du Maine.
La société Finarea du Maine, aux termes de son premier bilan clos le 30 juin 2010, ne disposait d'aucun moyen propre pour assurer effectivement l'animation de sa filiale, n'employait pas de salariés et avait recours à des sous-traitants pour exécuter les prestations de services prévues dans le contrat d'animation.
Les appelants ne démontrent pas que la société Finaréa du Maine présentait les caractéristiques d'une holding animatrice ouvrant droit au bénéfice de l'avantage fiscal tandis que l'administration fiscale a démontré que sa seule activité consistait en de la gestion de patrimoine exclue du champ d'application dudit avantage fiscal.
La contestation du réhaussement à la suite de la remise en cause par l'administration fiscale de la réduction de l'ISF est infondée.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
Sur le renvoi préjudiciel à la cour de Justice de l'Union Européenne:
Il incombe au juge national, qui est seul à avoir une connaissance directe des faits de l'affaire comme aussi des arguments mis en avant par les parties d'apprécier, en pleine connaissance de cause, la pertinence des questions de droit soulevées par le litige dont il se trouve saisi et la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre un jugement. (CJCE 14 févr. 1984, Rewe, aff. 278/82)
Sur la première question:
L'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
Dans sa décision du 11 mars 2008, la Commission Européenne, chargée de réguler les aides d'état, a considéré comme compatible avec le traité CE l'aide d'état représentée par la mesure fiscale relative aux investissements dans les PME adoptée par le parlement français en août 2007.
Les époux [O], considérant que la commission n'a validé ce dispositif qu'à la condition que les sociétés éligibles n'en soient qu'aux stades liminaires de leur développement, en déduisent que le dispositif fiscal s'applique aux holdings potentiellement animatrices et pas seulement effectivement animatrices. Ils soutiennent donc qu'est contraire au droit de l'Union Européenne le redressement opéré par l'administration fiscale au motif que la holding Finaréa du Maine ne répondrait pas aux conditions requises pour être qualifiée de holding animatrice alors même qu'elle était une holding animatrice en phase de démarrage.
Les appelants demandent donc à la cour de poser la question préjudicielle suivante: « la décision de la commission européenne réservant la réduction ISF-PME aux PME en phases liminaires de développement doit-elle être interprétée comme interdisant la réduction aux investissements dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation à la date de la souscription'
L'administration fiscale estime qu'il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel, l'issue du litige ne dépendant pas de la réponse à une question de droit communautaire controversée, et la question concernant la phase de développement dans laquelle doit se trouver la société holding ayant déjà pu être tranchée sans difficultés, notamment par la cour de cassation dans son arrêt du 3 mars 2021.
Il ne sera pas fait droit à la demande de renvoi préjudiciel portant sur la question susvisée, la question de savoir si l'investissement dans une holding potentiellement animatrice ouvre droit à l'avantage fiscal ne dépendant pas de l'interprétation de la décision de la commission européenne du 11 mars 2008.
En effet, la commission a jugé compatible avec le traité de l'Union Européenne la mesure fiscale destinée à favoriser les investissements dans les PME après s'être livrée à une appréciation détaillée du dispositif de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dont il a été rappelé plus haut qu'il avait exclu par principe les investissements réalisés dans les sociétés holdings et limité strictement l'application de la réduction fiscale aux seules sociétés opérationnelles.
La décision de la commission européenne du 11 mars 2008 ayant trait à l'application de la réduction fiscale aux investissements réalisés dans les seules sociétés opérationnelles, directement ou par société interposée, à l'exclusion des investissements réalisés dans toutes les sociétés holdings, la question préjudicielle posée n'est ni pertinente ni nécessaire à la solution du litige.
Sur la deuxième question:
Les contribuables relèvent une contrariété entre la position adoptée par l'administration fiscale aux termes des rescrits fiscaux qu'elle a délivrés aux holdings Truffle et Partech, laquelle admettrait un décalage temporel de plusieurs années entre la levée des fonds et leur réinvestissement dans des PME et celle de la cour de cassation adoptée dans l'arrêt du 3 mars 2021 ( arrêt Bellis) qui considère que seule la souscription au capital de holdings déjà pleinement animatrices donne droit à l'avantage fiscal. Ils en déduisent l'existence d'une inégalité de traitement devant la loi fiscale entre des contribuables placés dans la même situation et font valoir que ce traitement différencié qui emporte distorsion de la concurrence n'a pas été notifié à la Commission Européenne en charge de la régulation des aides d'état.
Les intimés demandent donc à la cour de poser la question suivante: « Le droit des aides d'état doit-il être interprété comme interdisant l'édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d'investissement dans les PME'Pareil rescrit ne doit-il pas donner lieu à notification préalable' ».
La question posée par le présent litige est de déterminer si la société Finaréa du Maine est une holding animatrice éligible à la réduction de l'ISF selon l'instruction administrative du 11 avril 2008 étendant le périmètre d'application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts.
La cour relève qu'un rescrit fiscal n'est pas une norme mais une garantie qui permet à un contribuable de connaître à l'avance la position de l'administration fiscale sur une situation de fait qu'il lui soumet à titre préventif afin de se prémunir contre le risque d'un redressement fiscal. Les sociétés Truffle et Partech ont obtenu des rescrits fiscaux après avoir exposé à l'administration fiscale le montage juridique et fiscal qu'elles envisageaient de réaliser.
Soit à titre préventif dans le cadre d'un rescrit, soit à posteriori dans le cadre d'un contrôle fiscal, la détermination du droit d'un contribuable à bénéficier d'un avantage fiscal implique l'appréciation concrète par l'administration fiscale d'une situation de fait. La position alors adoptée n'a pas pour effet de créer un nouvel avantage fiscal, ou une « aide de l'état dans l'aide d'état » comme le suggèrent les appelants, mais à appliquer une norme fiscale générale à une situation individuelle particulière.
La question préjudicielle susvisée n'est donc ni pertinente ni nécessaire à la solution du présent litige.
Sur la troisième question:
Les appelants qui entendent se prévaloir de la norme fiscale énoncée par l'administration fiscale dans les deux rescrits qu'elle a délivrés aux sociétés Truffle et Partech sollicitent la production de ces documents.
L'administration fiscale s'y oppose, les rescrits susvisés ne présentant aucun intérêt selon elle à la résolution du litige dont la cour est saisie car ils ne constituent pas une prise de position de portée générale mais reposent sur l'appréciation de circonstances de fait propres aux sociétés auxquels ils sont destinés et ne s'analysent pas en aides d'état.
Les intimés demandent donc à la cour de poser la question préjudicielle suivante: « En présence d'un contribuable revendiquant l'application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable, le principe de l'effectivité du droit de l'Union Européenne, ensemble la réglementation des aides d'état et les principes de liberté de circulation des marchandises, d'établissement et de prestations de services ne commandent-ils pas au juge national d'ordonner la production du rescrit litigieux '».
Ainsi qu'il l'a été rappelé précédemment, dans un rescrit l'administration n'énonce pas une norme fiscale mais applique une norme fiscale générale à une situation individuelle particulière. Un contribuable ne peut donc revendiquer l'application à son bénéfice de la position adoptée par l'administration dans un rescrit délivré à un autre contribuable.
La question préjudicielle n'est donc ni pertinente ni nécessaire à la solution du présent litige et la demande de communication des rescrits concernés sera rejetée.
Sur la communication sous astreinte de rescrits fiscaux :
Le tribunal a débouté les époux [O] de cette demande figurant dans le dispositif de leur assignation du 20 novembre 2017.
En l'état des développements précédents sur la portée des rescrits fiscaux, cette disposition du jugement sera confirmée, les deux rescrits dont la communication est réclamée n'étant d'aucun intérêt à la solution du présent litige.
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
Il est équitable de condamner [D] et [M] [O] à payer à la Direction Générale des Finances Publiques la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne [D] et [M] [O] à payer à la direction générale des finances publiques la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,