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02/05/2023 | FRANCE | N°23/00002

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 02 mai 2023, 23/00002


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/00002 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IVIQ



CS



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

02 novembre 2022

RG :22/00198



[E]



C/



[G]

S.A.S.U. CLINIQUE D'[Localité 10]

Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE





Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 02 MAI 2023





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 02 Novembre 2022, N°22/00198



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillèr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/00002 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IVIQ

CS

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

02 novembre 2022

RG :22/00198

[E]

C/

[G]

S.A.S.U. CLINIQUE D'[Localité 10]

Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 02 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 02 Novembre 2022, N°22/00198

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [M] [E]

né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 16]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane COHEN de la SELARL CHICHE R, COHEN S, CHICHE P, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [D] [G]

né le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 17]

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représenté par Me Grégory PILLIARD de l'AARPI ESCLAPEZ-SINELLE-PILLIARD, Plaidant, avocat au barreau de TOULON

Représenté par Me Samira BENHADJ, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

S.A.S.U. CLINIQUE D'[Localité 10]

venant aux droits de la CLINIQUE [14] et de la CLINIQUE [13]

immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n° 378 686 869

représentée par son Président en exercice domicilié es-qualité audit siège

[Adresse 19]

[Localité 10]

Représentée par Me Béatrice VINDRET-CHOVEAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis

assignée le 18 janvier 2023 à personne habilitée

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 3]

Non représentée

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 13 mars 2023

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 02 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [E] a été victime d'une infection nosocomiale à l'occasion d'une arthrographie, réalisée le 7 décembre 2000 par le docteur [D] [G] au sein de la Clinique [14] à [Localité 10], aux droits de laquelle vient la Clinique [13], reconnue et indemnisée définitivement selon arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-En-Provence du 14 juin 2018 sur la base du rapport d'expertise du Professeur [U] en date du 30 janvier 2014.

Par exploit du 14 juin 2022, M. [M] [E], invoquant une aggravation de son état de santé en lien avec l'infection nosocomiale contractée le 7 décembre 2000, a fait assigner le docteur [D] [G], la SASU Clinique d'[Localité 10], venant aux droits de la Clinique [13], et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après la CPAM des Bouches-du-Rhône), devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras aux fins de voir ordonner une expertise médicale et condamner la SASU Clinique d'[Localité 10] au paiement de la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 2 novembre 2022, M. [M] [E] a été débouté de l'intégralité de ses demandes et condamné aux entiers dépens.

Par déclaration du 23 décembre 2022, M. [M] [E] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par des conclusions notifiées le 8 février 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [M] [E], appelant, demande à la cour, au visa des articles 145, 834 et 835 du code de procédure civile, de la loi du 4 mars 2002, et du code de la santé publique, d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, d'ordonner une mesure d'expertise, confiée à tel expert qu'il plaira, avec pour mission notamment de dire s'il y a aggravation de son état de santé sur le plan médico-légal en relation de cause à effet avec le fait accidentel, de condamner la SASU Clinique d'[Localité 10] à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et distraits au profit de Maître Georges Pomies-Richaud.

Au soutien de son appel, M. [M] [E] argue d'une aggravation de son état de santé en lien avec l'infection nosocomiale contractée le 5 décembre 2000. Il expose en effet avoir fait l'objet de deux hospitalisations pour interventions chirurgicales en 2013 et 2018 pour des douleurs neuropathiques du genou gauche. Il soutient encore que cette aggravation a nécessité une nouvelle intervention le 26 octobre 2022, précisant qu'il n'essaie aucunement de se voir réparer une nouvelle fois, un préjudice qui l'a été.

Il rapporte que la lecture des pièces médicales permet de caractériser la survenance d'une aggravation de son état de santé physique en lien avec les blessures initiales et non réparées à ce jour, et notamment, des phénomènes lombocruralgiques ayant nécessité des examens complémentaires, ainsi qu'un traitement médical adapté.

En conséquence, et compte tenu des éléments médicaux, il considère que sa demande d'expertise judiciaire est parfaitement légitime au regard de l'article 145 du code de procédure civile et que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 14 juin 2018 ne peut absolument pas y faire échec dans la mesure où les préjudices invoqués dans le cadre de la présente instance n'ont pas été réparés dans le cadre de l'arrêt suscité.

M. [D] [G], en sa qualité d'intimé, par conclusions en date du 6 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 562, 954, 145, 834 et 835 du code de procédure civile et de l'article 1355 du code civil, de :

A titre principal,

-constater que M. [M] [E] se borne à reprendre, dans ses écritures d'appelant, ses conclusions de première instance sans formuler aucune critique à l'endroit de la décision déférée,

-le débouter de sa demande d'infirmation de la décision déférée et de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions présentées à son encontre,

-confirmer l'ordonnance de référé rendue le 2 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Carpentras,

-le condamner à lui verser la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, distraction faite au profit de Maître Samira Benhadj sur son offre de droit,

A titre subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance de référé entreprise,

- le débouter de sa demande tendant à voir infirmer la décision déférée et, partant, à voir organiser une nouvelle mesure d'expertise, en rejetant l'ensemble des demandes, fins et prétentions présentées à son encontre ;

- le condamner à lui verser la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, distraction faite au profit de Maître Samira Benhadj sur son offre de droit.

M. [D] [G] rappelle tout d'abord que l'appel est une remise en cause de la décision de première instance et non une possibilité offerte aux parties de faire juger à nouveau leur litige, et qu'il appartient, dès lors, à l'appelant d'exposer, aux termes de ses conclusions, les raisons pour lesquelles la décision attaquée mériterait réformation. Or, il relève, à titre principal, que M. [E] a interjeté appel de l'ordonnance de référé rendue le 2 novembre 2022, alors qu'il n'en critique, aux termes de ses conclusions, aucun des chefs, se contentant de reprendre les conclusions qui étaient les siennes dans le cadre de la première instance et de produire de nouvelles pièces pour solliciter la réformation de l'ordonnance déférée. Il considère donc que l'appel interjeté n'est justifié par aucune considération d'ordre juridique.

A titre subsidiaire, il fait valoir qu'aucun élément allégué par l'appelant n'est de nature à caractériser une aggravation de son état de santé, notamment des lombocruralgies gauches et des troubles psychiatriques, a fortiori en lien avec l'infection nosocomiale qu'il a contractée le 7 décembre 2000. Selon lui, l'appelant se contente de réclamer les prises en charge relatives au changement de son neurostimulateur et n'a donc aucun intérêt légitime à solliciter une expertise au sens de l'article 145 du code de procédure civile.

Il rappelle que la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par un arrêt en date du 14 juin 2018, liquidé définitivement les préjudices de M. [M] [E] dans ses rapports avec lui et la Clinique d'[Localité 10], suite à l'infection nosocomiale contractée lors d'une arthroscopie réalisée le 7 décembre 2000 et qu'il n'appartient pas au juge des référés, en application des articles 834 et 145 du code de procédure civile, d'apprécier la pertinence d'un rapport d'expertise judiciaire, notamment lorsque celui-ci a servi de base à un arrêt auquel était attachée l'autorité de la chose jugée.

Il conteste enfin la valeur probante du rapport d'expertise amiable établi par le docteur [Y] qui conclut à l'existence d'un état d'aggravation qui ne peut à lui seul suffire à fonder cette aggravation qui n'est d'ailleurs corroborée par aucune autre pièce objective versée aux débats.

La SASU Clinique d'[Localité 10], prise en la personne de son représentant légal, en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 7 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée à la cour, et en conséquence, de débouter M. [E] de sa demande d'expertise en aggravation, de le débouter de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que de sa demande de condamnation aux entiers dépens et le condamner au paiement de la somme de 2.500 € au titre du même article, outre aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Vindret-Choveau.

La SASU Clinique d'[Localité 10] rappelle tout d'abord que l'aggravation se définit par l'existence d'un nouveau dommage par rapport aux constatations médicales sur lesquelles les préjudices ont été évalués initialement et que sa responsabilité a été retenue en raison de l'infection nosocomiale compte tenu du contrat d'hospitalisation et de soins mettant à sa charge une obligation de sécurité et de résultat selon les dispositions applicables, antérieures à la loi du 4 mars 2022.

Elle s'oppose à la demande d'expertise judiciaire arguant l'absence de tout lien de causalité entre les épisodes douloureux à l'origine de l'intervention du 28 octobre 2022 (changement du neurostimulateur médullaire) nécessitant un suivi psychiatrique, et l'infection nosocomiale traitée et guérie sans séquelles le 26 septembre 2001, l'appelant ne versant aucune pièce probante en ce sens.

Enfin, elle conclut au rejet de la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant donné que la procédure d'appel n'a été motivée que pour permettre la communication de pièces nouvelles, non communiquées en première instance, et que celles-ci ne permettent toujours pas d'établir un lien quelconque de causalité entre l'infection nosocomiale et les douleurs aujourd'hui ressenties.

La CPAM des Bouches-du-Rhône n'a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure est intervenue le 13 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 mars 2023, pour être mise en délibéré, par disposition au greffe, le 2 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire et en réponse aux critiques exposées à titre principal par M.[G], il est dit à l'article 542 du code de procédure civile que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Au cas d'espèce, M. [E] réclame l'infirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et motive sa contestation, ce qui suffit à saisir la cour de son appel, peu importe que les moyens de fait et de droit soient identiques à ceux exposés en première instance, dès lors qu'il n'a pas obtenu gain de cause.

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Le premier juge a rejeté la demande de M. [M] [E] après avoir relevé que les parties se trouvaient en l'état d'un arrêt rendu le 14 juin 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence devenu définitif et revêtu de l'autorité de la chose jugée se référant expressément au rapport d'expertise du professeur [U] et que le demandeur ne justifiait pas d'un élément nouveau de nature médicale depuis 2019 permettant de caractériser un préjudice distinct et non réparé par les causes de l'arrêt.

Pour caractériser l'existence d'un motif légitime, le juge des référés saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile doit s'assurer que le demandeur établit qu'un procès au fond sera possible entre les parties, que la mesure sera utile et pertinente et que l'action au fond n'est pas d'avance manifestement vouée à l'échec.

En l'espèce, le débat porte sur la preuve d'un fait nouveau susceptible de caractériser une aggravation de l'état de santé de M. [M] [E] en lien avec l'infection nosocomiale qu'il a contractée le 7 décembre 2000.

Pour rappel, il résulte des débats que suite à un traumatisme du genou gauche survenu le 5 décembre 2000, M. [M] [E] a subi une arthrographie réalisée le 12 décembre 2000 par le Docteur [G] exerçant à la clinique [14] à [Localité 10], afin de rechercher une lésion méniscale.

A la suite de cet examen, le patient a présenté un syndrôme inflammatoire correspondant à une arthrite aigüe à staphylocoque doré confirmée par une ponction réalisée le 15 décembre 2000 ce qu'indique le docteur [U], expert judiciaire, dans son rapport déposé le 14 février 2014.

Le lien entre l'arthroscopie et l'infection nosocomiale a été retenue par la cour d'appel qui a reconnu le docteur [G] et la clinique [13] responsables des conséquences de cette infection au titre de l'obligation de résultat.

Si le traitement chirurgical et antibiotique a conduit à la guérison de l'infection, il a été noté dans les suites de cet épisode infectieux un syndrome douloureux régional persistant assimilables à des douleurs neuropathiques chroniques entraînant un retentissement psychologique.

Le rapport d'expertise judiciaire évoque ainsi au titre des séquelles présentées par M. [E]:

- une extension active du genou gauche montrant un léger flessum, la flexion étant à 110°;

- une sensibilité de la rotule à la mobilisation;

- une douleur à la pression de la face interne de l'articulation en regard de l'interligne mais aussi en regard du condyle fémoral;

- une hypoesthésie de la face interne du genou gauche et de la jambe gauche;

- une amyotrophie quadricipitale;

- la présence de 4 cicatrices punctiformes d'arthroscopie au niveau du genou;

- diverses cicatrices au niveau abdominal.

L'expert a conclu que l'infection est responsable d'un déficit fonctionnel temporaire total du 15 au 23 décembre 2000, puis d'un déficit fonctionnel temporaire partiel à 30% du 24 décembre 2000 au 26 septembre 2001, d'un pretium doloris de 5/7, avec cette précision que ces préjudices ont pour origine l'infection nosocomiale à hauteur de 30%.

Ses conclusions ont été reprises par la cour d'appel qui a jugé que le traumatisme initial, l'infection nosocomiale et la ménisectomie réalisée le 27 septembre 2001 ont concouru ensemble à la survenance des séquelles du genou dans une proportion équivalente, le docteur [G] et la clinique [13] étant responsables dans la proportion d'un tiers.

Après avoir fixé une date de consolidation à la date du 15 juin 2004, la cour d'appel a fixé le préjudice de M. [M] [E] à la somme de 240.835,88 euros.

Dans l'appréciation des divers postes de préjudice, la cour d'appel a notamment pris en considération au titre des dépenses futures les frais liés à la pose d'un appareillage pour lutter contre la douleur à hauteur de 30%, à savoir un neurostimulateur dont le changement est intervenu en 2009, puis 2013, tout en intégrant les changements à venir.

S'agissant des souffrances endurées, la cour d'appel a fixé l'indemnisation à hauteur de 15.000 euros en précisant que le rapport retient un taux de 5/7 correspondant à la gêne fonctionnelle du genou, aux interventions et au retentissement psychologique dont 3/7 sont à attribuer à l'infection nosocomiale.

Enfin, cette juridiction a retenu un déficit fonctionnel permanent à hauteur de 7.000 euros pour retenir les douleurs résiduelles et la limitation de la mobilité du genou.

Dans le cadre de l'expertise judiciaire, il est rappelé que M. [M] [E] a subi une première hospitalisation en décembre 2003 consistant en la pose d'un neurostimulateur permettant un contrôle et une diminution des douleurs, opération réitérée du fait de son succès en 2009, puis en 2013 consistant en un changement de neurostimulateur.

Il résulte de ces éléments que, sur le constat de la réussite de la neurostimulation, les soins, le suivi et les interventions de changement ont été prises en compte dans les suites de l'épisode infectieux et dans l'appréciation des différents préjudices.

M. [E] allègue en appel d'une aggravation de son état de santé physique en lien avec les blessures initiales se traduisant par des phénomènes des lombocruralgiques. Il évoque trois hospitalisations pour interventions chirurgicales en 2013 et 2018 pour des douleurs neuropathiques du genou gauche ainsi qu'une nouvelle intervention le 26 octobre 2022.

En l'état, il résulte du compte-rendu d'hospitalisation liée à l'intervention du 29 mai 2013, que celle-ci a conduit au changement du système de neurostimu-lation médullaire prescrit dans le cadre du traitement des douleurs chroniques du genou gauche sur le constat d'un système déjà en place dysfonctionnant et se trouvant en fin de vie. Cette intervention ne saurait en conséquence traduire une aggravation de l'état de santé de l'appelant.

Il en est de même de l'intervention du 7 novembre 2018 motivée par la 'fin de vie' du neurostimulateur médullaire et celle du 26 octobre 2022 sur le constat que la stimulation en place 'ne fonctionne plus'.

Sur les phénomènes de lombocruralgiques gauche évoqués par M. [E], il résulte de la consultation du 17 septembre 2018 effectuée par le Docteur [P] que l'examen neurologique 'ne montre pas de déficit, pas de signe pyramidal. Les réflexes ostéotendineux sont présentes et symétriques aux deux membres inférieurs. La sensibilité est normale. Je ne relève aucun problème neurochirurgical ce jour. Je conseille à M. [E] de passer un scanner lombaire afin de bilanter ses douleurs lombocrurelles actuelles'.

Ce médecin, en charge du changement du neurostimulateur, ne relève pas d'aggravation de l'état médical de son patient en lien avec l'infection nosocomiale en date du 7 décembre 2000 considérant en outre que la mise en place du système de neurostimulation médullaire répond favorablement aux douleurs chroniques du genou gauche.

C'est sur ce constat que le juge des référés a rejeté la demande d'expertise judiciaire considérant que le professeur [U] avait déjà retenu dans l'évaluation des préjudices l'incidence de la mise en place d'un neurostimulateur.

En appel, M. [E] produit un rapport médical établi le 10 janvier 2023 par le Docteur [Y] qui, suite à l'intervention du 26 octobre 2022, relève que 'l'évolution a été depuis marquée par la persistance des douleurs rendant la marche impossible, la station debout également, douleurs chroniques de type neuropathiques dans un contexte de tendance dépressive avec troubles du sommeil, retrait social, sentiment de handicap, avec nécessité de recharger la batterie du neurostimuateur une fois par semaine au cours d'une séance de deux heures. Cet état a nécessité un arrêt de travail à compter du 3 octobre 2022, toujours en cours actuellement, associé à la prise d'un traitement psychotrope toujours d'actualité en raison des perturbations dans sa vie personnelle, sa vie professionnelle et sa vie familiale.

La relation de cette chronologie des événements nous permet d'établir l'existence d'un état d'aggravation dont le début peut être fixé au début de l'année 2022 et dont il convient de fixer les différents postes de préjudices par expertise'.

Sur la base de ce rapport médical qui affirme l'aggravation de l'état médical du patient se traduisant par une augmentation de ses douleurs et une perte de mobilité, l'appelant justifie d'un intérêt légitime à voir évaluer, avant tout procès au fond, les différents chefs de son préjudice corporel.

En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a mis les dépens à la charge de l'appelant.

Il conviendra en appel de condamner la clinique d'[Localité 10], qui succombe, aux dépens et de mettre à sa charge le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Dit que la Cour d'appel de Nîmes est valablement saisie de l'appel interjeté par M. [M] [E], selon la déclaration du 23 décembre 2022,

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a mis les dépens de première instance à la charge de l'appelant M. [M] [E],

Statuant à nouveau,

Ordonne une mesure d'expertise médicale confiée au Professeur [T] [K], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Nîmes, domicilié au CHU de [Localité 18], [Adresse 12], tel: [XXXXXXXX01], mob : [XXXXXXXX02], mail: [Courriel 15] avec pour mission de :

- examiner M. [M] [E] ;

- s'enjoindre s'il l'estime utile tous les sapiteurs de son choix, dans un spécialité ne relevant pas de la sienne, sapiteur dont les conclusions seront prises en considération pour la détermination des préjudices ;

- se faire communiquer par la victime ou ses conseils les renseignements d'identité la concernant, leur demander de fournir immédiatement à l'expert toutes pièces médicales et autres nécessaires à l'accomplissement de sa mission, dont le rapport d'expert établi le 30 janvier 2014 par le Professeur [U], ainsi que l'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix-En-Provence le14 juin 2018 ;

- se faire communiquer le dossier médical complet de la victime, avec l'accord de celle-ci et en tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l'expertise avec l'accord susvisé, examiner la victime et dire s'il y a aggravation de l'état de santé de M. [M] [E] sur le plan médico-légal en relation de cause à effet avec l'infection nosocomiale contractée le 7 novembre 2000 ;

Le cas échéant,

- déterminer quels seront les nouveaux postes de préjudices au regard de cette aggravation et notamment les préjudices avant consolidation soit les préjudices patrimoniaux (perte de gains professionnels actuels, frais divers), les préjudices extrapatrimoniaux (déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées avant nouvelle consolidation, préjudice esthétique temporaire), la nouvelle date de consolidation, les préjudices après consolidation à savoir les préjudices patrimoniaux permanents (dépenses de santé future, frais de logement et de véhicule adapté, assistance tierce personne, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle), les préjudices extrapatrimoniaux ( déficit fonctionnel permanent, préjudice d'agrément, préjudice esthétique permanent, préjudice sexuel, préjudice d'établissement) ;

- procéder de manière générale à toutes constations ou conclusions utiles à la solution du litige et prendre en considération les observations des parties ou de leurs conseils, dans les conditions de l'article 276 du code de procédure civile ;

Dit que l'expert commis devra accomplir sa mission d'expertise en présence des parties ou celles-ci dûment appelées, les entendre en leurs dires, explications et lorsque ces observations seront écrites, les joindre à son rapport si les parties le demandent et faire mention de la suite qui leur sera donnée ;

Dit que l'expert devra déposer le rapport de ses opérations détaillées au greffe du tribunal judiciaire de Carpentras, service des référés, dans un délai de 8 mois à compter du jour de sa saisine sauf prorogation de délai expressément accordé par le juge chargé du contrôle, et qu'il adressera copie complète de ce rapport, y compris la demande de fixation de rémunération à chacune des parties, conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure civile;

Subordonne l'exécution de la présente décision en ce qui concerne l'expertise à la consignation au greffe du tribunal judiciaire de Carpentras par M. [M] [E] d'une avance sur les frais et honoraires de l'expert d'un montant de 1 500 euros avant le 15 juin 2023 ;

Dit qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque en vertu de l'article 271 du code de procédure civile ;

Dit que, lors de la première, ou au plus tard, de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert, après en avoir avisé les parties, fera connaître au juge chargé du contrôle de l'expertise la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir la totalité du recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera le cas échéant le versement d'une consignation supplémentaire ;

Dit qu'en cas d'empêchement, retard ou refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête ;

Désigne le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Carpentras afin de suivre les opérations d'expertise,

Condamne la SASU Clinique d'[Localité 10] à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,

Condamne la SASU Clinique d'[Localité 10] aux dépens d'appel, dont la distraction est ordonnée.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 23/00002
Date de la décision : 02/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-02;23.00002 ?
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