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02/05/2023 | FRANCE | N°22/04152

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 02 mai 2023, 22/04152


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/04152 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IVH2



CS



PRESIDENT DU TJ DE CARPENTRAS

07 décembre 2022

RG :22/00199



[G]

[G]



C/



[U]





Grosse délivrée

le

à







COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 02 MAI 2023



Décisio

n déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de CARPENTRAS en date du 07 Décembre 2022, N°22/00199



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/04152 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IVH2

CS

PRESIDENT DU TJ DE CARPENTRAS

07 décembre 2022

RG :22/00199

[G]

[G]

C/

[U]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 02 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de CARPENTRAS en date du 07 Décembre 2022, N°22/00199

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Madame [V] [G]

née le 09 Mai 1954 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Emilie MICHELIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Monsieur [T] [G]

né le 14 Mars 1952 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Emilie MICHELIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉE :

Madame [D] [U] veuve [F]

née le 18 Juillet 1948 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Lisa MEFFRE de la SELARL SELARLU MG, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 13 mars 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 02 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [U] veuve [F] est propriétaire de la parcelle cadastrée section D n° [Cadastre 5], sise [Adresse 2] à [Localité 4], tandis que M. [T] [G] et Mme [V] [G] sont propriétaires de la parcelle voisine cadastrée section D n° [Cadastre 1], qui la confronte à l'Est.

Considérant que le mur séparant lesdits fonds a subi des désordres résultant de l'amoncellement de terre et d'une importante végétation localisée sur la propriété voisine, Mme [D] [U], par exploit du 27 juin 2022, a fait assigner les époux [G] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, outre l'octroi d'une somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 7 décembre 2022, le juge des référés, constatant l'existence d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, a ordonné une expertise judiciaire, confiée à M. [I] [R], et a dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, laissant à chaque partie la charge de ses dépens.

Par déclaration du 23 décembre 2022, M. [T] [G] et Mme [V] [G] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées le 12 janvier 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [T] [G] et Mme [V] [G], appelants, demandent à la cour, de déclarer le présent appel parfaitement recevable et fondé, et en conséquence, d'infirmer dans son intégralité l'ordonnance en date du 7 décembre 2022, et statuant à nouveau, de débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes et de dire n'y avoir lieu à expertise, tout en la condamnant au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, y compris ceux de première instance.

Au soutien de leur appel, les époux [G] font savoir que les désordres résultent de l'usure, puisque le mur séparatif a été construit il y a près de 37 ans, et non du soutènement des terres, contrairement à ce que l'intimée indique; il est donc abîmé sur toute la longueur compte tenu de son ancienneté.

Ils soutiennent l'absence de motif légitime aux fins d'expertise arguant que l'action au fond est manifestement vouée à l'échec, celle-ci étant prescrite puisque Mme [U] fonde sa demande sur le rapport [B] datant du 19 octobre 2009. Sur ce point, ils font observer que l'appréciation de la prescription relève de la compétence du juge des référés qui doit en effet vérifier que l'action n'est pas manifestement vouée à l'échec.

Ils s'étonnent en outre que les trois autres propriétaires voisins de Mme [U] ne soient pas appelés dans la cause, alors que le mur séparatif longe également leurs parcelles. Ils dénoncent encore l'imprécision de la demande présentée par l'intimée s'agissant du fondement de l'action en responsabilité envisagée.

Par ailleurs, s'agissant de la propriété du mur litigieux, ils indiquent que Mme [U] souhaite en réalité, par le biais de l'expertise, établir les limites divisoires et dénoncer un empiétement, de sorte qu'il lui appartient de solliciter un bornage devant le juge compétent en cette matière.

Mme [D] [U] veuve [F], en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 7 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour de confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions, de condamner les appelants au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, y compris ceux de première instance.

Mme [D] [U] argue d'un motif légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, à voir désigner le plus rapidement possible un expert judiciaire afin qu'il puisse constater la réalité et l'ampleur des désordres existants, déterminer leurs causes, dégager les éventuelles responsabilités et évaluer les préjudices subis et le coût des réparations, au regard de la persistance des désordres et de leur gravité.

Elle explique que l'état du mur actuel ne résulte pas de la simple usure mais qu'il menace de s'effondrer en raison des terres et des végétaux plantés sur le fonds des époux [G], les autres parties du mur n'étant pas concernées par cette dégradation ce qui explique d'ailleurs l'absence de mise en cause des autres voisins.

Elle ajoute encore qu'il y a une aggravation de la situation, puisque désormais le mur fissuré penche sur sa propriété et menace de s'effondrer. L'expertise permettra de déterminer l'origine de ce basculement ainsi que les éventuelles responsabilités.

La clôture est intervenue le 13 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 mars 2023, pour être mise en délibéré, par disposition au greffe, le 2 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L'ordonnance entreprise a fait droit à la demande d'expertise de Mme [U] considérant, entre autre, que 'la fin de non-recevoir tirée de la prescription édictée par les dispositions de l'article 2224 du code civil relève de l'appréciation du juge du fond s'agissant d'une action mixte puisqu'il est relevé l'existence d'un empiètement de 17 cm de la clôture litigieuse'.

Les appelants contestent cette analyse estimant au contraire que l'éventuelle procédure au fond est manifestement vouée à l'échec, et donc l'expertise dépourvue de motif légitime, au regard de la prescription de l'action envisagée par Mme [U].

En application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, la cour de cassation autorise le juge des référés à vérifier que l'action projetée par le demandeur n'est pas manifestement vouée à l'échec pour des raisons tenant notamment à sa recevabilité. Ainsi, l'existence d'un motif légitime ne peut être ainsi retenue lorsque l'action envisagée se heurterait à une fin de non-recevoir telle que la prescription.

Il appartient en conséquence au juge des référés d'apprécier si l'éventuelle procédure au fond pouvant être engagée par Mme [U] n'est pas prescrite.

Les appelants rappellent que l'intimée fonde son action sur des prétendus désordres présentés par le mur bahut, lequel est penché et menace de s'effondrer , alors même que le rapport de M. [B] rédigé en octobre 2009, produit par Mme [U] au soutien de sa demande d'expertise judiciaire, évoquait déjà la situation dudit mur qui était 'en phase de basculement et que l'ouvrage est devenu dangereux'. Les désordres ayant été révélés dès l'année 2009, la prescription énoncée à l'article 2224 du code civil est selon eux acquise.

L'intimée considère, pour sa part, que l'action n'est pas prescrite. Elle explique que le mur penche dangereusement sur sa propriété en raison de la présence de terres et de végétaux, localisés sur la parcelle des époux [G], y prenant appui et non en raison d'une quelconque vétusté. Elle conclut en une aggravation de la situation, puisque désormais le mur est fissuré et menace de s'effondrer.

La présente action engagée par Mme [U], qui revendique la propriété du mur séparatif, vise à obtenir une mesure d'instruction aux fins de voir constater et décrire les désordres, d'en déterminer l'origine, de préconiser toute mesure de nature à faire cesser le trouble et enfin de donner toute information utile sur la résolution du litige notamment en permettant d'établir l'éventuelle responsabilité des époux [G] dans la survenance du dommage.

Il s'ensuit que l'intimée peut éventuellement engager une action en responsabilité pour trouble anormal du voisinage à l'encontre des appelants sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil.

S'agissant d'une action en responsabilité extracontractuelle, celle-ci est soumise à la prescription quinquennale énoncée à l'article 2224 du code civil lequel dispose en effet que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Il a été jugé que l'aggravation d'un dommage initial ouvre un nouveau délai de prescription ce que revendique Mme [U].

Il est constant que l'intimée a connu l'existence du désordre invoqué, à savoir un phénomène de bascule du mur de nature à constituer une dangerosité de l'ouvrage, dès le rapport rédigé par M. [B] le 19 octobre 2009, soit plus de 5 ans avant la saisine du juge des référés.

En effet, ce rapport a fait le constat suivant :

'Force est de constater que l'on demande à cet ouvrage, de s'opposer maintenant à de fortes poussées de terres, racines et végétaux. Réalisé en simples agglomérés de ciment, le mur est en phase de basculement. L'assise première et les fondations existantes ne sont pas adaptées aux besoins par M. [G]. Sauf à remettre le mur à sa hauteur d'origine, en enlevant la végétation, cet ouvrage est devenu dangereux et engage la responsabilité du concepteur. La reprise totale de l'ouvrage nécessitera le respect des règles techniques imposées en la matière... le maintien du mur en l'état est dangereux. La désorganisation actuelle des maçonneries reste le fait d'un basculement irrémédiable commencé et malheureusement non programmé dans le temps'.

Ce rapport est complété de photographies confirmant un début de basculement du mur séparatif.

Ceci étant, l'intimée oppose à la prescription l'aggravation du trouble présenté par le mur litigieux qui fait selon elle partir un nouveau délai de prescription à compter de sa manifestation.

Elle produit en ce sens un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 31 mars 2022 qui relève 'que la partie de ce mur... est penchée et fissurée et n'est pas dans l'alignement des trois autres parties. Depuis la propriété de la requérante, je peux voir qu'une jardinière est en place tout contre le mur en partie supérieur coté Est, de la terre et de la végétation nettement visibles dans cette partie. Il apparaît par contre que le reste du mur séparant la propriété de Mme [F] de ses autres voisins n'est ni penché ni fissuré'.

Les photographies produites aux débats démontrent une accentuation du phénomène de basculement, le mur penchant de manière plus significative qu'en 2009, mais également une fissuration qui n'était pas visible en 2009 confirmée également par les photos versées par les époux [G] lesquelles révèlent la présence de fissures traversantes.

Ces pièces objectivent une aggravation du dommage de sorte que l'action projetée par Mme [U] n'est pas manifestement vouée à l'échec pour des raisons tenant notamment à sa recevabilité.

Pour le surplus, elle justifie d'un intérêt légitime, avant tout procès au fond, à voir constater et décrire les désordres dénoncés, d'en déterminer l'origine, de préconiser toute mesure de nature à faire cesser le trouble.

Il sera enfin précisé que le phénomène de basculement dénoncé ne concerne qu'une partie limitée du mur comme en atteste le procès-verbal dressé le 31 mars 2022 et plus particulièrement la partie du mur qui sépare les fonds des parties, si bien que rien ne s'oppose à ce que la mesure d'expertise judiciaire soit cantonnée à ce stade de la procédure aux époux [G].

En conséquence la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

En appel, les époux [G], qui succombent, seront condamnés au paiement d'une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance rendue le 7 décembre 2022 par le juge des référés de Carpentras en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [T] [G] et Mme [V] [G] à payer à Mme [D] [U] une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] [G] et Mme [V] [G] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/04152
Date de la décision : 02/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-02;22.04152 ?
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