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17/04/2023 | FRANCE | N°22/03988

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 17 avril 2023, 22/03988


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/03988 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IUXS



CS



PRESIDENT DU TJ DE NIMES

23 novembre 2022

RG :22/00579



[P]

S.A. MAAF ASSURANCES



C/



[G]





Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 17 AVRIL

2023





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de Nîmes en date du 23 Novembre 2022, N°22/00579



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opp...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03988 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IUXS

CS

PRESIDENT DU TJ DE NIMES

23 novembre 2022

RG :22/00579

[P]

S.A. MAAF ASSURANCES

C/

[G]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 17 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de Nîmes en date du 23 Novembre 2022, N°22/00579

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Avril 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Monsieur [V] [P]

né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Léa CAMBIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Représenté par Me Elodie RIGAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.A. MAAF ASSURANCES

immatriculée au RCS de NIORT sous le n° 542 073 580

prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité de droit audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Léa CAMBIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Représentée par Me Elodie RIGAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [S] [G]

né le [Date naissance 4] 1988 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Julien DUMAS LAIROLLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 27 février 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 17 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Le 11 novembre 2016, M. [S] [G] était victime d'un accident de la route alors qu'il circulait à moto.

Par exploits délivrés les 3 et 5 août 2022, M. [S] [G] a fait assigner M. [V] [P], la SA Maaf Assurances ainsi que la Caisse Nationale Militaire de sécurité sociale, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes, aux fins de voir ordonner une expertise médicale préalable à l'indemnisation de son préjudice corporel, de voir l'expertise déclarée opposable à l'organisme social et de voir réserver les dépens de l'instance.

Par ordonnance réputée contradictoire du 23 novembre 2022, le juge des référés a notamment ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Professeur [W] [N], débouté les parties du surplus de leurs demandes et dit que les dépens sont laissés à la charge de M. [S] [G].

Par déclaration du 12 décembre 2022, M. [V] [P] et la SA Maaf Assurances ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par des conclusions notifiées le 27 février 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, M. [V] [P] et la SA Maaf Assurances, appelants, demandent à la cour, au visa des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, des articles 5, 56, 145, 808 et 809 du code de procédure civile, des articles 412-6, 412-7 et R.413-17 du code de la route, de :

- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Nîmes le 24 novembre 2022 dans l'ensemble de ses dispositions ;

Statuer à nouveau ,

Sur le droit à indemnisation, M. [G] ayant commis plusieurs fautes de conduite en ne maîtrisant pas son véhicule, en roulant à une vitesse excessive, en dépassant une ligne blanche continue et en utilisant un véhicule dont les pneumatiques étaient usés, ces fautes ayant contribué à la réalisation de l'accident et de nature à exclure son droit à indemnisation:

En conséquence,

- juger que le droit à indemnisation fait l'objet d'une contestation sérieuse compte-tenu des nombreuses fautes de conduite de M. [G];

- le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- prononcer la mise hors de cause de la compagnie d'assurance Maaf Assurances ;

A titre subsidiaire, si la Cour venait à rejeter les fautes de conduite de M. [G] et sur le constat que le véhicule de M. [P] n'est pas impliqué dans la survenance de l'accident dont s'agit et n'engage pas sa responsabilité:

- débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes fin et conclusions ;

- prononcer la mise hors de cause de M. [P] et de la compagnie d'assurance Maaf Assurances ;

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour venait à ordonner l'expertise médicale de M.[G]:

- réformer l'ordonnance quant aux missions fixées par le président du tribunal judiciaire ;

- ordonner une expertise médicale fondée sur les missions de type AREDOC tel que proposée par l'appelante ;

En tout état de cause,

- dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens et ce, comme exposé aux motifs des présentes ;

- laisser à la charge de M. [G] les dépens de l'instance.

Au soutien de leur appel, M. [V] [P] et la SA Maaf Assurances soutiennent que M. [G] a commis plusieurs fautes de conduite en ne maîtrisant pas son véhicule, en roulant à une vitesse excessive, en dépassant une ligne blanche continue et en utilisant un véhicule dont les pneumatiques étaient usés en toute connaissance de cause, contribuant ainsi à la réalisation de l'accident.

Ils expliquent que le droit à indemnisation de M. [G] fait l'objet d'une contestation sérieuse compte tenu de ses nombreuses fautes de conduite qui sont de nature à exclure son droit à indemnisation en vertu de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985.

Ils rappellent qu'il appartient à la victime de rapporter la preuve de l'implication du véhicule mis en cause dans l'accident subi et qu'en l'absence de choc, elle doit aussi rapporter la preuve que le véhicule a joué un rôle dans la survenance de l'accident notamment par un comportement perturbateur. Ils font valoir que le véhicule de M. [P] n'est pas impliqué dans l'accident survenu le 11 novembre 2016, et ne peut donc voir engager sa responsabilité.

Quant à la mesure d'expertise médicale, les appelants font valoir que la mise en place d'une telle mesure ne saurait nullement être considérée comme « un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige », au sens de l'article 145 du code de procédure civile puisque sans effet sur la question du droit à indemnisation de M. [G] qui demeure primordiale et qui relève uniquement de la compétence du juge du fond.

Ils soulignent ensuite que les chefs de mission fixée par le premier juge comportent une modification importante de la définition de certains postes de préjudice établis par la nomenclature Dinthilhac et sollicite donc une mission de type AREDOC. De surcroît, ils soulèvent le fait que le juge des référés a statué 'ultra petita' en violation de l'article 5 du code de procédure civile, en fixant pour mission à l'expert de se prononcer sur l'assistance tierce personne par référence à l'outil 'Handi-Aide', cette mission n'ayant pas été sollicitée par l'une ou l'autre des parties lors de la saisine du tribunal.

Ils rappellent enfin que les articles 233 et suivant du code de procédure civile, soulevés par l'intimé, visent en réalité l'opportunité laissée au juge chargé du contrôle des expertises de modifier les missions de l'expert, en ce qu'il peut «accroître ou restreindre » la mission confiée à l'expert.

M. [S] [G], en sa qualité d'intimé, par conclusions en date du 7 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 145, 233, 236, 237 et 238 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner solidairement M. [P] et la Maaf à lui payer une somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux entiers dépens d'appel.

M. [S] [G] soutient avoir un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile pour solliciter une expertise judiciaire médicale, expliquant avoir été victime d'un accident de la circulation et avoir gardé d'importantes séquelles physiques et neurologiques. Il précise que cette expertise permettra de voir constater et évaluer son préjudice consécutif à l'accident du 11 novembre 2016.

Il soutient que le véhicule de M. [V] [P], qui circulait dans le sens inverse, a potentiellement joué un rôle dans cet accident, mais souligne que ce débat doit être porté devant le juge du fond. Il ajoute que sa sortie de route a été suivie de celle d'un autre motard, qui le suivait, et que les appelants ne se sont pas opposés dans cette affaire à l'organisation d'une mesure d'instruction alors que l'origine de la chute est identique.

En réponse aux arguments adverses tenant à l'existence des fautes commises, l'intimé rappelle qu'ils sont hors de propos dans une demande d'expertise qui, fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, exige la démonstration de l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

Subsidiairement et sur les chefs de mission de l'expertise médicale, M. [G] considère que la mission fixée par le premier juge est totalement satisfaisante étant de nature à fournir à la juridiction qui pourrait être ultérieurement saisie, les éléments techniques et de fait nécessaires à l'évaluation du préjudice de la victime de l'accident, et à son indemnisation.

Il précise que le juge n'est pas tenu par les demandes des parties et fixe la mission qu'il estime la plus appropriée dans les limites légales conformément aux articles 233, 236, 237 et 238 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure est intervenue le 27 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 6 mars 2023, pour être mise en délibéré, par disposition au greffe, le 17 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la mesure d'expertise et l'existence d'un motif légitime :

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Le juge du référé, souverain dans l'appréciation du motif légitime, doit considérer la vraisemblance des faits recherchés en preuve et leur influence sur la solution du litige qui pourrait être porté devant les juges du fond. Ainsi, pour caractériser l'existence d'un motif légitime, le juge des référés doit s'assurer que le demandeur établit qu'un procès au fond sera possible entre les parties, que la mesure sera utile et pertinente et que l'action au fond n'est pas d'avance manifestement vouée à l'échec.

Le premier juge a fait droit à la demande d'expertise présentée par M. [G] considérant en effet qu'il ne lui appartient pas de statuer sur l'existence d'une faute inexcusable commise par la victime de nature à exclure son droit à indemnisation et enfin qu'il ne peut être fait grief à M. [G], en l'état d'une mesure d'instruction sollicitée in futurum , de ne pas rapporter la preuve de l'implication du véhicule de M. [P] dans la survenance de l'accident dans lequel il a été blessé grièvement, étant aujourd'hui tétraplégique et invalide à plus de 80%.

En appel, M. [P] et son assureur soulèvent une contestation sérieuse sur le droit à indemnisation de M. [G] en l'absence de preuve de l'implication de son véhicule dans la survenance de l'accident mais également au regard des fautes commises par l'intimé.

Si la mise en oeuvre des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ne se conçoit qu'en prévision d'un possible litige, elle n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées. Le motif légitime existe dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties sans qu'elle ne porte atteinte aux intérêts légitimes de l'adversaire.

Il appartient donc à M. [G] d'établir l'existence d'un litige plausible, crédible bien qu'éventuel et futur et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner.

En l'état, les dispositions de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 s'appliquent aux victimes d'un accident de circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur.

La notion d'implication se distingue de celle de lien de causalité, un véhicule étant impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il est intervenu d'une manière ou d'une autre dans cet accident. Il est constant qu'en l'absence de contact entre la victime et le véhicule dont celle-ci prétend à l'implication, il appartient à la victime de démontrer que ce véhicule est intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de l'accident, l'implication ne pouvant se déduire de sa seule présence sur les lieux de l'accident.

L'intimé soutient que M. [V] [P] circulait dans le sens inverse de la circulation et qu'il a potentiellement joué un rôle dans la survenance de l'accident dont il a été victime, étant le conducteur du véhicule automobile.

Plus précisément, lors de son audition par les services de gendarmerie, M. [G] explique que, dans le cadre d'une sortie moto réalisée le 11 novembre 2016 en compagnie d'autres motards, il conduisait un véhicule Yamaha R6 et occupait la seconde position, les véhicules circulant les uns derrière les autres. Alors que le groupe de motards se trouvait sur la commune de [Localité 9], il affirme avoir été contraint à sortir de la route afin d'éviter un véhicule venant en face conduit par M. [P], qui a 'mordu' le virage.

Il expose en effet que dans le virage, il a été surpris par la position centrale du dit véhicule sur la chaussée ce qui l'a contraint à l'éviter en poursuivant tout droit passant devant ledit véhicule, tombant dans le fossé opposé pour être arrêté par un arbre. Il ajoute qu'un autre motard, M. [D], qui le suivait, a été victime d'un accident dans le même temps en commettant un écart similaire provoquant également sa sortie de route qui est du fait du véhicule de M. [P].

De plus, si M. [G] ne conteste pas dans son audition devant les services de gendarmerie avoir pris un virage à droite un peu trop large reconnaissant avoir mordu la ligne blanche, il soutient néanmoins que le véhicule arrivant en face, a également coupé le virage alors même qu'il ne roulait pas à une vitesse excessive qu'il fixe à 80 kms/h, le contraignant à faire une sortie de route pour éviter de le percuter, raison pour laquelle il a souhaité porter plainte à l'encontre de M. [P].

Cette version est contestée par M. [P], conducteur mis en cause, qui explique pour sa part :'à l'entrée d'un virage à gauche, j'ai vu un premier motard, d'ailleurs ce dernier a pris son virage à droite normalement et a continué sa route. Le second, pour une raison indéterminée, a coupé la route et s'est trouvé sur ma voie de circulation. Il est passé devant ma voiture à une distance de trois mètres environ. Voyant cela, je me suis déporté sur la voie de gauche afin de l'éviter puis je me suis de suite remis sur la voie de droite'.

M. [D], également victime d'une sortie de route, déclare dans son audition ne plus avoir souvenir des circonstances de l'accident.

Le seul témoin potentiel de l'accident est M [Y] [I] lequel déclare dans le cadre de son audition : 'à l'entrée d'un virage à droite, avoir vu [G] continuer sa route tout droit. Il a coupé la chaussée et a terminé sa course en contre bas dans le fossé. Je pense qu'il a été surpris par le deuxième virage. Je veux dire par là qu'il y avait un premier virage à gauche suivi d'un second à droite. Il n'a pas maîtrisé son engin. Pour éviter [G], un véhicule, qui circulait en sens inverse, s'est déporté sur la gauche sur notre voie de circulation...'.

Ce seul témoignage ne peut suffire à lui seul à exclure la responsabilité de M. [P] et retenir que l'action de M. [G] est manifestement vouée à l'échec, cette question devant bénéficier d'un débat devant les juges du fond.

Au stade de la procédure de référé, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause M. [P] ni son assureur, dans la mesure où en dépit des versions discordantes, il n'est pas exclu que le véhicule de M. [P] ait pu jouer un rôle dans la survenance de l'accident qui implique plusieurs véhicules. Ce n'est pas au stade du référé qu'il convient d'apprécier si la version donnée par l'intimé doit être ou non retenue dès lors qu'elle est plausible, appréciation qui relève de la compétence exclusive du juge du fond en sorte qu'au vu des éléments susvisés, la condition tenant à son implication est remplie.

Par ailleurs, l'appréciation de l'existence de fautes éventuellement commises par M. [G] et du partage des responsabilités relèvent de l'appréciation du juge du fond étant relevé toutefois que les appelants évoquent, d'une part, une vitesse excessive qui n'est pas établie dans le cadre de l'enquête pénale et, d'autre part, l'usure des pneumatiques de la moto alors que le lien entre la prétendue usure des pneus et leur contribution à la survenance de l'accident n'est nullement démontrée. Enfin, les appelants dénoncent une faute de conduite de M. [G], qui a dépassé une ligne blanche continue et n'a pas maîtrisé son véhicule, laquelle constitue une faute inexcusable excluant son droit à indemnisation. Là encore, s'il ne peut être contesté que celui-ci a participé à la réalisation de l'accident, il n'est nullement démontré que l'erreur de conduite de M. [G] s'analyse comme 'une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité' alors même que l'intimé fait grief à M. [P] d'avoir également coupé le virage.

En l'état, les contestations élevées par les appelants relèvent de la compétence exclusive du juge du fond et n'interviennent pas dans l'appréciation du motif légitime présenté par l'intimé dans l'obtention d'une mesure d'expertise alors même que les séquelles physiques et neurologiques subies consécutivement à l'accident sont incontestables, M. [G] étant tétraplégique. Il a donc un intérêt légitime à voir évaluer, avant tout procès au fond, les différents chefs de son préjudice corporel.

Pour finir, la SA Maaf Assurances étant l'assureur de M. [P], c'est aussi à bon droit qu'il n'a pas été fait droit à sa demande de mise hors de cause.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a fait droit à la mesure d'instruction en application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.

- Sur l'étendue et la définition de la mission :

Les appelants reprochent au juge des référés d'avoir d'une part intégré dans la mission une évaluation du poste de préjudice en lien avec les frais de logement et du véhicule adapté, seule la mention de la nécessité d'un aménagement devant être mentionnée, et d'autre part, statué ultra petita en fixant pour mission à l'expert de se prononcer sur l'assistance tierce personne par référence à l'outil 'Handi-Aide', considérant que cet outil n'est nullement validé par la Cour de Cassation. Ils réclament en conséquence que soit ordonnée une expertise médicale fondée sur les missions de type AREDOC, qui sont conformes à celles habituellement retenues par les juridictions.

En application de l'article 265 du code de procédure civile, il est admis que les juges du fond fixent souverainement l'étendue de la mission confiée à l'expert (civ 1ère. 13 juillet 2005).

En l'espèce, le juge des référés a rédigé la mission d'expertise en fonction de la nomenclature Dinthilhac ce qui ne souffre d'aucune contestation puisqu'elle permet d'apprécier de manière exhaustive au contradictoire des parties l'ensemble des chefs de préjudice éventuellement subis par M. [G]. A ce titre, rien ne justifie que la cour d'appel adopte les missions de type AREDOC.

Sur les autres chefs soumis à critique, le premier juge a pu indiquer dans la partie intitulée 'Frais de logement et de véhicule adapté' les mentions suivantes :

' décrire et chiffrer les aménagements rendus nécessaires pour adapter le logement et/ou le véhicule de la victime à son handicap. Dans l'affirmative, sur l'adaptation du logement, s'adjoindre tout professionnel du bâtiment inscrit sur la liste des expert près de la Cour d'Appel de Nîmes, pour établir un descriptif technique et chiffrer les travaux à effectuer. Dans l'affirmative sur l'adaptation du véhicule, y inclure le ou les surcoûts liés au renouvellement du véhicule et à son entretien en précisant la fréquence du dit renouvellement et de l'entretien'.

La définition de cette mission n'est pas contestable puisqu'au regard des séquelles physiques et neurologiques présentées par l'intimé, il est opportun de recueillir un certain nombre d'éléments sur les conséquences matérielles consécutives au handicap présenté par M. [G].

La critique formée par les appelants n'est pas pertinente en sorte que ce chef de mission sera confirmée.

Sur l'appréciation de 'l'assistance par une tierce personne', le juge des référés a défini la mission de la manière suivante :

' se prononcer par référence à l'outil 'handi-aide' publié dans l'article 'Méthodologie de l'estimation du besoin en tiers personne en pratique médico-légale par la gazette du palais des 12-13 juillet 2006, sur la nécessité d'une assistance d'une tierce personne; ...'.

Les appelants contestent cette référence à l'outil 'Handi-aide' dont l'effet est de limiter et encadrer l'action de l'expert.

En l'état, s'il est opportun que ce poste de préjudice fasse l'objet d'une analyse, pour autant rien ne justifie de contraindre l'expert judiciaire à apprécier ce chef de préjudice à la lumière du seul outil 'handi-aide' alors qu'il doit pouvoir bénéficier de toute latitude pour apprécier et analyser le préjudice allégué.

Il conviendra en conséquence sur ce point infirmer l'ordonnance contestée et de définir la mission de l'expert selon des modalités qui seront précisées dans le dispositif de la présente décision.

- Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et des frais irrépétibles ayant été parfaitement appréciés par le premier juge seront confirmés en appel.

Pour le surplus, les appelants, qui succombent majoritairement à l'instance, seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel. L'équité commande de ne pas faire droit à la demande présentée par l'intimée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référés et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance rendue le 23 novembre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes sauf dans la définition de la mission de l'expert en son point 3-1-3) intitulée 'assistance par une tierce personne',

Statuant à nouveau,

Définit la mission de l'expert en son point 3-1-3) intitulée 'assistance par une tierce personne' comme suit :

' Se prononcer sur la nécessité d'une assistance par tierce personne ; dans l'affirmative, préciser le nombre nécessaire d'heures par jour ou par semaine et la nature des aides (spécialisée ou non) ; décrire les attributions précises de la tierce personne (cette assistance ne devant pas être réduite en cas d'assistance familiale) : aide dans les gestes de la vie quotidienne, accompagnement dans les déplacements, aide à l'extérieur dans la vie civile, administrative et relationnelle etc...; donner toutes précisions utiles'.

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne solidairement M. [V] [P] et la SA Maaf Assurances aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/03988
Date de la décision : 17/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-17;22.03988 ?
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