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13/04/2023 | FRANCE | N°21/02901

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 13 avril 2023, 21/02901


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 21/02901 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IEE5



AD



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

01 juin 2021

RG:18/00843



S.C.I. [V] IMMO



C/



S.E.L.A.R.L. [F]





























Grosse délivrée

le

à Selarl Favre de Thierrens

SCP

LEXMAP&ASSOCIES















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 13 AVRIL 2023







Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 01 Juin 2021, N°18/00843



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02901 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IEE5

AD

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

01 juin 2021

RG:18/00843

S.C.I. [V] IMMO

C/

S.E.L.A.R.L. [F]

Grosse délivrée

le

à Selarl Favre de Thierrens

SCP LEXMAP&ASSOCIES

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 01 Juin 2021, N°18/00843

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,

Mme Laure MALLET, Conseillère,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.C.I. [V] IMMO, immatriculée au RCS de sous le n° 811760909, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Caroline FAVRE DE THIERRENS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. HLSA société d'exercice libéral limitée au capital de 10 000 euros, inscrite au RCS de Romans sur Isère sous le numéro 450415021, prise en la personne de son représentant légal demeurant de droit ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Grégory DELHOMME de la SELARL CABINET GRÉGORY DELHOMME, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

Représentée par Me Valérie HILD de la SCP LEXMAP&ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 26 Janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 13 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE :

La société civile immobilière [V] Immo, maître d'ouvrage délégué par la société BPI financement, maître d'ouvrage principal, a entrepris la construction d'un bâtiment pour une agence automobile Peugeot à [Localité 4] ; elle a confié une mission de maîtrise d''uvre de conception et d'exécution à la société HLSA par une convention du 7 mai 2013.

Cette société est assurée auprès de la MAF.

Les travaux ont été confiés à un groupement solidaire composé des entreprises Sillac, qui est, en outre, l'entreprise mandataire, Amelec, chargée du lot installation électrique, Vignal, chargée du lot plomberie.

Le bureau de contrôle était la société Dekra industrial.

La société Vincent frères est intervenue en qualité de sous-traitante de la société Sillac pour la charpente, la couverture et le bardage.

L'atelier foncier est intervenu, en cette même qualité, pour l'implantation planimétrique du bâtiment.

La société civile immobilière [V] Immo a résilié le marché de maîtrise d''uvre conclu avec le cabinet HSLA par un courrier du 1er juin 2017.

Un procès-verbal de réception avec réserves a été signé le 15 décembre 2017.

Un procès-verbal de levée partielle des réserves est intervenu le 2 mai 2018.

La société civile immobilière [V] Immo s'est par ailleurs plainte de divers désordres et c'est dans ces conditions que le juge des référés a été saisi par exploits des 31 octobre 2018 et 7 décembre 2018 à fin d'expertise.

Par une ordonnance du 24 avril 2019, l'expertise a été ordonnée.

La cour d'appel, par une décision du 12 décembre 2019, a déclaré irrecevable la demande d'expertise à l'égard de la société HLSA et de la MAF, retenant que le litige en référé était identique à celui pendant devant le juge du fond et que la mesure d'expertise pouvait être ordonnée par le juge de la mise en état, seul compétent pour en connaître, en précisant notamment que la présente instance au fond avait été introduite antérieurement à celle en référé par un exploit du 1er juin 2018 à l'initiative de la société HLSA contre la société [V] Immo afin d'obtenir le paiement de la somme de 52'000 € au titre du solde de la convention de maîtrise d''uvre.

C'est dans ces conditions que la société civile immobilière [V] a sollicité une expertise auprès du juge de la mise en état à laquelle la société HLSA s'est opposée.

Par décision rendue sur incident, le juge de la mise en état de l'instance engagée au fond par la société HLSA en paiement du solde de sa facture a retenu sa compétence au visa de l'arrêt de la cour d'appel du 12 décembre 2019, mais a considéré que la demande ne s'inscrivant pas dans le cadre des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile prévoyant l'expertise en présence d'un motif légitime de conservation ou d'établissement avant tout procès de la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, elle n'était pas justifiée et qu'il appartenait au seul juge du fond de l'ordonner pour le cas il ne pourrait statuer sur le sort de la demande en paiement des honoraires du maître d''uvre sans recourir à une telle mesure.

La décision a par ailleurs considéré qu'il n'y avait pas lieu d'inviter la SCI [V] Immo à procéder à la mise en cause des autres parties en l'état du rejet de la demande d'expertise et de l'objet de la demande circonscrit aux seules deux parties en présence.

En conséquence, le juge de la mise en état a rejeté la demande d'expertise formulée par la SCI [V], a dit n'y avoir lieu à la mise en cause d'autres parties susceptibles d'être intéressées par le sort de la procédure, a rejeté la demande au titre des frais irrépétibles et a renvoyé la cause et les parties à la mise en état avec injonction de conclure au fond.

La procédure a donc continué sur le fond, conduisant le tribunal judiciaire de Carpentras à rendre le jugement présentement déféré, en date du 1er juin 2021, aux termes duquel il a été statué ainsi qu'il suit :

' condamne la société civile immobilière [V] Immo à payer à la société HLSA la somme de 52'000 € au titre du solde de la convention de maîtrise d''uvre du 7 mai 2013 avec intérêts au taux légal appliqués par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majorée de 10 points, calculés à compter de la mise en demeure du 20 juin 2017, outre une indemnité pour frais de recouvrement de 120 €,

' déboute la société civile immobilière [V] Immo de sa demande reconventionnelle subsidiaire de sursis à statuer et de jonction avec l'instance pendante devant le tribunal judiciaire de Carpentras sous le numéro 21-00003,

' condamne la société civile immobilière [V] Immo à payer à la société HLSA la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

' rejette les demandes plus amples,

' ordonne l'exécution provisoire.

Appel de cette décision a été interjeté par la société civile immobilière [V] Immo le 23 juillet 2021.

Par ordonnance de référé du premier président de la cour d'appel de Nîmes du 10 décembre 2021, la radiation a été prononcée en portant suppression de l'affaire du rang des minutes des affaires en cours.

L'instance a, ensuite, fait l'objet d'un ré-enrôlement.

Aux termes de ses conclusions du 23 janvier 2023, la société [V] Immo demande à la cour de :

' faire droit à son appel et le déclarer bien fondé,

' infirmer le jugement et statuant à nouveau,

' dire que la société HLSA n'est pas fondée à solliciter le solde de son contrat tenant la résiliation intervenue à ses torts exclusifs, qu'elle ne justifie pas de diligences accomplies pendant la phase de direction des travaux pouvant justifier un règlement et rejeter toutes ses demandes,

' à titre subsidiaire,

' vu l'instance engagée sous le numéro 21-00003 devant le tribunal judiciaire de Carpentras, ordonner un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

' à défaut, renvoyer les parties afin qu'il soit ordonné la jonction de cette instance avec celle-ci,

' à titre plus subsidiaire, dire et juger que la majoration des intérêts est une clause pénale susceptible de modération et rejeter cette demande,

' en toutes hypothèses, condamner la société HLSA à lui payer la somme de 20'000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 20'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Aux termes de ses conclusions du 25 Janvier 2023, la société HLSA demande de :

' confirmer le jugement et rejeter, toutes les demandes de l'appelant,

' condamner l'appelant à lui payer la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société [V] Immo a pris un dernier jeu de conclusions le 2 février 2023, communiquant une nouvelle pièce (compte rendu de l'expert suite à sa première réunion) et a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, intervenue le 26 janvier 2023.

Motifs

A titre liminaire, sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, la cour observe qu'aucun motif grave n'est cependant justifié de nature à justifier la révocation sollicitée.

Les conclusions du 2 février 2023 de la société Beson Immo seront, en conséquence, écartées des débats comme irrecevables.

Les parties sont liées par une convention de maîtrise d''uvre du 7 mai 2013, conclue pour une somme de 155'000 € TTC, ainsi rédigée en son article 3, intitulé « éléments de mission de maîtrise d''uvre » :

' Les éléments de mission confiés au maître d''uvre sont ceux définis à l'annexe de l'arrêté du 21 décembre 1993 en référence à la loi MOP du 12 juillet 1985, relatifs à une mission de base sans les études d'exécution qui sont à la charge des entreprises et comprenant :

' l'avant-projet comprenant le dossier de demande de permis de construire (AVP)

' les études de projet ( PRO) et l'assistance au maître de l'ouvrage pour la passation des contrats de travaux (ACT)

' le suivi et la direction de l'exécution des marchés de travaux et réception.

La mission inclut un élément de mission complémentaire qui est le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire.

La mission inclut un élément de mission complémentaire qui est l'organisation et la planification du chantier.'

En son article 5, la convention définit, ensuite, les conditions de règlement et le mode de paiement en les organisant en fonction du déroulement des 3 étapes des missions telles que listées à l'article 3 à raison de 33,33% pour chacune.

En son article 6, elle définit les conditions de résiliation et notamment, le fait que la résiliation du contrat à l'initiative du maître de l'ouvrage « interviendra à l'issue d'une phase d'étude. Toute phase entamée est due dans son intégralité. »

L'article premier avait préalablement défini l'objet de la convention, à savoir, l'exercice du rôle de maître d''uvre pour l'étude et le suivi des travaux d'un garage automobile de 1400 m² pour un montant prévisionnel de travaux établi sur une base de 1'350'000 € hors-taxes.

La résiliation de ce contrat par la société [V] Immo est intervenue le 1er juin 2017 au moyen d'une lettre recommandée qui mentionne :

« Objet : notification de résiliation de contrat aux torts de l'architecte ».

Et qui contient notamment le grief de manquements et fautes professionnelles préjudiciant gravement aux intérêts de la société [V] Immo et mettant en péril l'avancée et la bonne réalisation du chantier.

Le courrier mentionne en conséquence :

« je vous notifie en conséquence par la présente la résiliation du contrat qui vous lie à la société [V] Immo. »

Le jugement a considéré que les conditions de la résiliation ayant été ainsi conventionnellement prévues, les parties ne pouvaient y déroger et que la société civile immobilière [V] Immo ne pouvait s'affranchir de l'obligation qui prévoyait que la résiliation ne pouvait intervenir qu'à l'issue d'une phase d'étude et que toute phase entamée était due dans son intégralité ; qu'il n'était pas envisagé que la résiliation puisse intervenir et être justifiée par des fautes ou manquements du cocontractant qui seraient privatifs de la rémunération réclamée.

Le jugement a retenu qu'au moment de la résiliation, la phase 3 entamée était la phase DET/ Réception visée à l'article 5 du contrat et que la somme réclamée correspondait à cette phase ; que d'ailleurs, le maître d'ouvrage souligne dans ses écritures que le DET était exécuté et qu'il ne restait plus que les opérations de réception, que la société [V] Immo ne pouvait prétendre que cette dernière phase correspondrait à des missions distinctes devant être réglées séparément et en fonction de la réalité des diligences effectuées.

Le tribunal a retenu l'application des dispositions de l'article L 441 ' 10 II du code du commerce en ce qui concerne les intérêts en considérant que cette disposition est applicable même à des non commerçants dès lors qu'elle concerne une activité professionnelle.

Sur la demande subsidiaire de sursis à statuer et de jonction, il a considéré que l'action distinctement engagée au fond par la société civile immobilière [V] au titre des désordres était indépendante du présent litige à propos duquel au demeurant, aucun manquement de la société HLSA n'était démontré.

Au soutien de son appel, la société [V] Immo fait essentiellement valoir qu'elle a connu de graves difficultés dès le stade de l'avant-projet dans ses relations avec la société HLSA. Elle cite à ce propos un manquement à l'obligation de conseil et d'information, la mauvaise rédaction et la sous-évaluation du CCTP et de la décomposition du prix global et forfaitaire, également au stade de l'exécution, sa défaillance aux réunions de chantier, son défaut de surveillance et de coordination des entreprises à l'origine de manquements dans l'exécution des travaux, son refus de régler des situations qui menaçaient le chantier ; elle expose donc que c'est dans ces conditions que sa lettre de résiliation est intervenue, le maître d'oeuvre ne ne l'ayant jamais contestée, ni dans son principe, ni dans ses motifs ; que la société HLSA a, dès lors, cessé l'exécution de sa mission et qu'elle a été remplacée, ayant d'ailleurs accepté son successeur ; elle fait valoir qu'elle a fait procéder à la constatation des désordres par un expert judiciaire qu'elle a elle-même sollicitée; qu'il résulte de son rapport que le bureau d'architecture HLSA s'est révélé défaillant pour le problème d'évacuation des eaux pluviales de surface ainsi que pour l'implantation du bâtiment sur laquelle il semble y avoir une erreur altimétrique ; que le bureau de contrôle a par ailleurs relevé des manquements dans l'exécution des travaux et l'absence de conformité de l'ouvrage de sorte que la société HLSA est susceptible de voir sa responsabilité engagée ; que dans le cadre de l'instance pendante devant le tribunal de Carpentras sous le numéro 21-00003, une expertise judiciaire a finalement été ordonnée par ordonnance du 15 décembre 2021, les opérations d'expertise étant en cours.

La société appelante s'empare de la rédaction du contrat qui prévoit « la résiliation du fait du maître de l'ouvrage » et affirme qu'il convient d'apprécier si les conditions posées par la clause aini rédigée et invoquée par HLSA sont réunies ou non.

Elle soutient à cet égard que la clause du contrat retenue par le tribunal a seulement vocation à s'appliquer lorsque la résiliation résulte de la seule volonté du maître d'ouvrage par une décision unilatérale et arbitraire de sa part et qu'il s'agit du même mécanisme que celui prévu à l'article 1794 du Code civil ; mais que cette règle n'a pas vocation à être revendiquée lorsque la résiliation est prononcée aux torts exclusifs de l'architecte, ce qui est le cas en l'espèce, l'architecte n'ayant d'ailleurs pas opposé de protestation à la résiliation de sorte que la clause n'aurait pas à s'appliquer.

La société [V] Immo fait, en second lieu, valoir un moyen sur lequel elle prétend que le tribunal n'a pas statué, à savoir, que la mission DET Réception ne constitue pas une phase au sens de l'article 6 du contrat, soulignant que l'article 3 stipule que les éléments de mission confiés au maître d''uvre sont ceux définis à l'annexe de l'arrêté du 21 décembre 1993 et que si l'on se réfère à cet arrêté, la phase direction des travaux et la phase réception sont bien distinctes, de sorte que l'on ne peut considérer qu'il s'agit d'une seule et même phase, la position de la société HLSA de ce chef ne faisant pas l'application des termes du contrat.

L'appelante fait, encore, valoir que la demande de paiement n'est pas justifiée en ce qu'aucune facture n'est produite et que la société HLSA ne justifie pas avoir exécuté ses obligations ; elle souligne qu'elle n'a produit sa facture qu'à la fin de la procédure de première instance et qu'elle n'apporte pas la preuve des diligences accomplies dans la phase direction des travaux telle que prévue à l'arrêté ci-dessus visé, que la société HLSA ne peut s'affranchir de la démonstration des diligences accomplies au titre de la phase de direction des travaux ; qu'à cet égard, elle prouve les défaillances du maître d''uvre dont la carence contrevient au code de déontologie de l'architecte, ayant notamment envoyé aux réunions de chantier des personnes n'ayant pas la qualification requise.

La société appelante développe, ensuite, sa position sur l'analyse comme une clause pénale de la stipulation relative aux intérêts.

Sur la demande subsidiaire de sursis à statuer et de jonction, l'appelante fait, enfin, valoir que le tribunal judiciaire de Carpentras a déjà prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la mesure d'expertise dans le cadre d'une autre instance pour le même chantier sur une action diligentée par la société Sillac; que même s'il était jugé que la demande de règlement du maître d''uvre était fondée, la société [V] est en droit de s'opposer au règlement du solde de son marché tant que le maître d''uvre ne l'a pas indemnisée des conséquences de ses manquements, l'appréciation des conditions et des effets de la résiliation par rapport aux seules stipulations contractuelles liant les parties pouvant se faire indépendamment de l'appréciation des autres griefs de construction opposant les autres intervenants à l'acte et la question de la jonction ne se posant que s'il est jugé que les effets de la résiliation devraient être appréciés en considération des manquements reprochés.

La Selarl HLSA lui oppose, en substance, que sa rémunération a été fixée forfaitairement à la somme de 130'000 € hors-taxes; qu'il était convenu que le règlement intervienne au fur et à mesure des éléments de mission selon les modalités suivantes :

' étude d'avant-projet AVP/DCP : 43'333,33 € hors-taxes,

' DCE/DPGF : 43'333,33 € hors-taxes,

' DET/ RECEPTION : 43'333,33 € hors-taxes ;

qu'elle a toujours vivement contesté les manquements qui lui ont été reprochés et sollicité le paiement du solde de ses prestations correspondant à la dernière phase de sa mission, soit 52'000 € TTC ; que sa demande ne procède que de l'application de la convention et notamment de son article 6 ; que le contrat fait la loi des parties de sorte que peu importe les fautes invoquées dans le courrier de résiliation ; que la clause ayant une portée générale, il n'y a pas lieu de distinguer là où la clause ne distingue pas, celle-ci permettant de résilier dans les mêmes conditions, avec ou sans faute ; qu'il n'est pas contestable qu'à la date de résiliation, elle avait entamé la dernière phase de sa mission direction d'exécution du contrat de travaux (D ET)/réception comme en attestent les procès verbaux de réunion de chantier ; que l'article L441 ' 10 du code du commerce est applicable sur la question des intérêts ; que l'article 5 énonce clairement les conditions de règlement et les modalités de paiement et démontre que les parties ont choisi de scinder ainsi l'exécution du contrat, aucune disposition d'ordre public ne l'interdisant et l'équilibre du contrat n'étant pas susceptible d'être critiqué ; que par ailleurs, elle produit les factures de la mission DET/ Réception ; qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir accompli sa mission au motif qu'elle aurait délégué le suivi du chantier à une secrétaire et à la société Sillac qui aurait même facturé cette prestation ; que les 8 derniers comptes rendus de chantier démontrent qu'elle assurait effectivement la direction et le suivi des travaux ; qu'en juin 2017, le gros 'uvre était terminé et le second oeuvre largement avancé ; qu'au demeurant, la facture de l'entreprise Sillac au titre d'une direction et d'exécution des travaux n'est pas produite ; que la demande de sursis à statuer relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et qu'en toute hypothèse, la question du paiement des honoraires de l'architecte est indépendante de celle des manquements contractuels.

À titre subsidiaire, elle fait valoir l'absence de manquements contractuels.

*******************

La résiliation litigieuse est intervenue à l'initiative de la société [V] Immo par un courrier recommandé du 1er juin 2017, ayant pour objet la notification de la résiliation du contrat 'aux torts de l'architecte', aux termes duquel celle-ci écrit :

« je vous notifie en conséquence par la présente la résiliation du contrat qui vous lie à la société civile immobilière [V] Immo ».

Les travaux à propos desquels l'architecte devait intervenir avaient débuté à la fin de l'année 2016 et ont donné lieu à une réception le 15 décembre 2017.

C'est en se fondant sur ce courrier que la société HSLA a introduit le présent litige, la société [V] Immo n'ayant au demeurant pris aucune autre initiative pour notamment voir prononcer judiciairement la résiliation du contrat.

La convention conclue entre la société [V] Immo et la société Selarl d'architecture HLSA et qui régit leurs relations est en date du 7 mai 2013.

En application de l'article 1134 du Code civil, elle fait la loi des parties.

Ses clauses seront ci-dessous rappelées et analysées en regard de la question des effets de la résiliation ainsi intervenue à l'initiative de la société [V] Immo et du bien ou mal fondé de la réclamation quant aux honoraires du maître d'oeuvre.

L'article 6 prévoit :

« La résiliation du contrat du fait du maître d''uvre ne pourra intervenir que dans le cas d'empêchement grave dûment constaté et signifié au maître d'ouvrage moyennant un préavis de 8 jours.

La résiliation du contrat du fait du maître d'ouvrage interviendra à l'issue d'une phase d'étude. Toute phase entamée étant due dans son intégralité. »

Cette clause ne permet pas à la société [V] Immo de soumettre les conséquences de la résiliation y prévue en ce qui concerne ses obligations à paiement à l'égard de l'architecte à des motifs ou griefs susceptibles de constituer une contestation de la qualité des prestations dûes et/ ou une contestation du montant des honoraires du maître d'oeuvre, ni même de prétendre les limiter par de tels motifs.

Il sera par ailleurs observé que cette analyse ne prive au demeurant pas la société civile immobilière [V] de faire distinctement valoir tous éventuels droits de ce chef à l'encontre de l'architecte dans le cadre d'un débat mettant en cause sa responsabilité pour prétendre au bien-fondé d'une demande indemnitaire à son encontre, mais qu'à ce stade, la position de la SCI [V] immo qui conclut en demandant :

' Vu le contrat d'architecte,

Vu la résiliation du contrat intervenue aux torts exclusifs de l'architecte sans que le principe et le bien-fondé de cette réclamation ne soient contestés,

Vu la demande de règlement de la société HLSA,

Vu la procédure au fond actuellement en cours afin qu'une mesure d'expertise judiciaire soit ordonnée

.....

' dire et juger que la société HLSA n'est pas fondée à solliciter le solde de son contrat tenant la résiliation intervenue à ses torts exclusifs,

' dire et juger que la société HLSA ne justifie pas des diligences accomplies pendant la phase direction des travaux pouvant justifier un règlement,

' débouter purement et simplement la société HLSA de l'intégralité de ses demandes'

ne consiste qu'à contester l'analyse faite par la société HSLA quant à la clause 'résiliation' de l'article 6 du contrat sur laquelle celle-ci fonde sa demande en paiement.

Il sera, par suite, jugé :

- que la seule possibilité de résiliation unilatérale conventionnelle par le maître de l'ouvrage était celle qui a été ainsi prévue et qui est ainsi entendue, à savoir, une résiliation qui intervient à l'issue d'une phase d'étude, avec pour conséquence l'obligation de paiement par le maître de l'ouvrage des sommes dues au titre de toute phase entamée, étant ajouté qu'il demeure la possibilité d'un débat entre les parties quant à une demande indemnitaire fondée sur des griefs contre le maître d'oeuvre, mais qu'il ne s'agit pas de la demande ici débattue et que la défense à cette réclamation ne tend qu'à contester l'application de la clause contractuelle, la seule autre demande formée visant au sursis à statuer ou à la jonction avec l'instance pendante sur les griefs envers les différents intervenants à la construction;

- que les parties ayant ainsi contractualisé les conditions de la résiliation dans des termes qui par ailleurs ne prêtent pas interprétation et qui ne font pas de distinction entre une résiliation avec ou sans faute, ces dispositions sont, à bon droit, revendiquées par la société HLSA.

En ce qui concerne l'appréciation du bien-fondé de la demande au titre des honoraires et compte tenu de l'exigence que pour être dûe en son intégralité, la phase devait être entamée, il résulte des éléments versés aux débats et notamment des procès-verbaux de chantier produits en pièce 3 par l'intimée relatant l'historique précis et détaillé de l'état d'avancement des travaux et de la mission du maître d''uvre, qu'à la date du 1er juin 2017, la société HLSA avait largement entamé la phase direction de l'exécution des contrats de travaux/réception.

Cela s'évince, en effet, suffisamment de la production des procès-verbaux de chantier à propos desquels il ne peut être, à ce stade, utilement fait état de ce qu'y aurait participé au titre de la société maître d''uvre une personne dépourvue de qualification et compétence pour nier utilement la réalité de l'exécution même de cette mission, étant au demeurant relevé sur ce grief que la société HLSA y est précisément notée au moins jusqu'au 1er juin 2017 comme représentée par à la fois Monsieur [L], architecte et Madame [J].

Le contrat pouvait par ailleurs prévoir de répartir la mission dans les 3 phases qu'il a clairement définies, à savoir :

- Etudes d'avant-projet AVP/DPC,

- DCE/ DP GF/ marchés

- DET/réception,

aucune disposition d'ordre public ne l'interdisant et les dispositions de l'article 6 du contrat qui prévoit la possibilité de rompre le contrat à l'issue de la phase d'étude, sans motif et à tout moment, tout en étant payé de la phase entamée, étant parfaitement licite et valable.

Le montant de la somme réclamée pour 52'000 € TTC n'est par ailleurs pas contesté par rapport aux stipulations contractuelles.

Elle est due en vertu de ces stipulations, la cour relevant, en outre, que les factures de la société HLSA en date des 12 janvier 2017, 20 février 2017, 10 avril 2017, 22 mai 2017 et 25 mai 2017 au titre de la phase DET/Réception sont produites aux débats et qu'elles ne sont pas utilement contestées ; qu'en outre, la société appelante ne verse pas la preuve d'une facturation par un autre prestataire ; qu'enfin, il ne peut être fait état d'une absence de protestation du maître d'oeuvre sur la lettre de résiliation de la société [V] Immo, laquelle n'avait pas abordé la question du paiement susceptible d'être réclamé et qui n'avait d'ailleurs précisément envisagé de sa part qu'une demande indemnitaire pour les fautes y invoquées alors que de son côté, le maître d'oeuvre fait immédiatement la réserve de ses droits par rapport à la clause.

Le montant de la condamnation prononcée sera assorti des intérêts au taux légal dans les conditions définies au jugement qui sera confirmé en ses motifs et dispositif, la clause stipulant ces intérêts ne pouvant, en effet, s'analyser en une clause pénale, d'où il résulte le rejet du moyen de ce chef de l'appelante.

La société [V] Immo sera également déboutée de ses demandes subsidiaires de sursis à statuer et de jonction d'instance dans l'attente de l'expertise judiciaire ordonnée dans l'instance actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Carpentras relativement au litige opposant le maître d'ouvrage aux intervenants à la construction pour les désordres reprochés dès lors que la question d'une part, des responsabilités de ce chef , y compris à l'égard du maître d''uvre et celle d'autre part, du paiement des honoraires de ce dernier peuvent être, indépendamment du débats sur la compétence de la cour pour un sursis à statuer , appréciées distinctement et que la seule éventuelle compensation invoquée par la société appelante entre sa dette au titre des honoraires et la dette du maître d''uvre au titre d'une éventuelle responsabilité ne justifie ni le sursis à statuer, ni la jonction sollicitée.

Le jugement sera donc confirmé.

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les conclusions du 2 février 2023 de la société [V] Immo, postérieures à l'ordonnance de clôture,

Rejette toutes les demandes de la société civile immobilière [V] Immo et confirme jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

Condamne la société civile immobilière [V] Immo à payer à la société HLSA la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société civile immobilière [V] Immo aux dépens.

Arrêt signé par la présidente et la greffière,

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/02901
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;21.02901 ?
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