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13/04/2023 | FRANCE | N°21/02705

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 13 avril 2023, 21/02705


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 21/02705 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IDT6



VH



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

01 juillet 2021

RG:21/00681



[I]



C/



[L]

[U]

[T]

[Z]

[K]





























Grosse délivrée

le

à Me Gouyet Pommaret



Selarl Fayol et associés















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 13 AVRIL 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PRIVAS en date du 01 Juillet 2021, N°21/00681



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :


...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02705 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IDT6

VH

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

01 juillet 2021

RG:21/00681

[I]

C/

[L]

[U]

[T]

[Z]

[K]

Grosse délivrée

le

à Me Gouyet Pommaret

Selarl Fayol et associés

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PRIVAS en date du 01 Juillet 2021, N°21/00681

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,

Mme Laure MALLET, Conseillère,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [W] [R] [I]

né le 19 Septembre 1983 à [Localité 1]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représenté par Me Laurette GOUYET POMMARET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

INTIMÉS :

Monsieur [B] [L]

né le 09 Avril 1966 à [Localité 12]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté par Me BLANC de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

Monsieur [X] [U]

né le 01 Juillet 1968 à [Localité 14]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représenté par Me BLANC de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

Madame [V] [T] épouse [U]

née le 28 Septembre 1971 à [Localité 14]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me BLANC de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

Monsieur [G] [Z]

né le 06 Août 1983 à [Localité 16] (MAROC)

[Adresse 9]

[Localité 1]

Représenté par Me BLANC de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

Madame [J] [K] épouse [Z]

née le 26 Septembre 1985 à [Localité 15] (Maroc)

[Adresse 9]

[Localité 1]

Représentée par Me BLANC de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 26 Janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 13 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [L] a acquis une parcelle de terrain à bâtir située [Adresse 7] (parcelles [Cadastre 10], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4]), suivant acte notarié du 28 juillet 2008 pour une superficie totale de 5 a 43 ca.

Ce terrain se trouve à l'intérieur du lotissement dénommé [Adresse 13] et en constitue le lot n°5.

Les autres lots sont aujourd'hui la propriété de :

- M. [I] est quant à lui propriétaire du lot n°1 du même lotissement, situé [Adresse 6] (parcelles [Cadastre 11] ' [Cadastre 5]), pour une superficie totale de 543 m².

- M. et Mme [U], demeurant [Adresse 8] (lot n° 4),

- M. et Mme [Z], demeurant [Adresse 9] (lot n° 3).

Le lotissement est soumis à un cahier des charges et à un règlement en date du 20 juillet 2006. Il a été autorisé suivant permis de lotir en date du 4 octobre 2006.

M. [I] a souhaité subdiviser le lot n°1 du lotissement aux fins de créer deux terrains :

- Un lot 1A d'une superficie de 265 m²

- Un lot 1B d'une superficie de 278 m²

M. [I] ayant entrepris des travaux de construction d'une nouvelle construction attenante à la première, les autres colotis se sont alors rapprochés de lui afin de trouver une solution amiable. Par l'intermédiaire de leur conseil, ils le mettaient en demeure par courrier du 18 juin 2020 de cesser les travaux de construction sur le lot n°1B, selon eux construit en illégalité.

Suivant ordonnance en date du 3 mars 2021, le président du tribunal judiciaire de Privas a autorisé les requérants à recourir à la procédure à jour fixe au regard de l'urgence à faire cesser les travaux litigieux.

L'assignation a été délivrée par exploit d'huissier en date du 15 mars 2021.

Par jugement du 1er juillet 2021, le tribunal judiciaire de Privas a rendu la décision suivante :

- Rejette la demande de Monsieur [W] [I] tendant à voir l'affaire renvoyée devant le juge de la mise en état ;

- Condamne M. [W] [I] à procéder à la démolition de la maison édifiée sur le lot 1B sis [Adresse 6], parcelles AV n°[Cadastre 11]-[Cadastre 5], sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la signification du présent jugement et pour une période de six mois ;

- Condamne M. [W] [I] à verser à M. [B] [L], M. [X] [U], Mme [V] [U] née [T], M. [G] [Z] et Madame [J] [Z] née [K], la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [W] [I] aux entiers dépens de l'instance ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Par acte du 13 juillet 2021, M. [I] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 24 octobre 2022, la procédure a été clôturée le 26 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 février 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 13 avril 2023.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2022, M. [I] [W], appelant, demande à la cour de :

A titre principal :

Réformer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de PRIVAS le 1 er juillet 2021 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

Dire et Juger que le règlement et le plan de composition relatif au lotissement [Adresse 13] sont caducs ;

Dire et juger que la mention relative au nombre de lots contenue dans le cahier des charges du lotissement constitue une règle d'urbanisme qui est donc frappée par la caducité ;

Dire et juger que le règlement, le plan de composition et le cahier des charges ne limitent pas le nombre de lots et/ou ne prohibent la subdivision de lots et que, partant, les divisions ou subdivisions de lot sont permises dans le lotissement [Adresse 13] ;

Dire et juger que la subdivision de lot sollicitée par M. [W] [I] sur son lot 1 du lotissement [Adresse 13] n'a, en tout état de cause, jamais été effective ;

Et en conséquence,

Dire et juger que les constructions édifiées sur le lot de n°1 du lotissement [Adresse 13] sont parfaitement valables et ne peuvent encourir la démolition ;

Dire et juger qu'il n'y a donc pas lieu de condamner M. [W] [I] à procéder à la démolition de la maison édifiée sur le lot 1B sis [Adresse 6], parcelles AV n°[Cadastre 11]-[Cadastre 5], sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la signification du présent jugement et pour une période de six mois ;

- Débouter, plus largement, les époux [U], les époux [Z] et M. [L] de toutes leurs demandes ;

- Condamner les époux [U], les époux [Z] et M. [L] à verser à M. [I] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les époux [U], les époux [Z] et M. [L] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire (si par extraordinaire la cour retenait une violation du cahier des charges) :

- Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de PRIVAS le 1 er juillet 2021 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

- Dire et juger qu'il existe une disproportion entre le coût de la démolition de la maison édifiée sur le lot 1B sis [Adresse 6], parcelles AV n°[Cadastre 11]-[Cadastre 5] pour le débiteur et son intérêt pour les créanciers ;

En conséquence,

- Débouter les époux [U], les époux [Z] et M. [L] de leur demande de démolition de la maison édifiée sur le lot 1B sis [Adresse 6], parcelles AV n°[Cadastre 11]-[Cadastre 5] ;

- Dire et juger n'y avoir lieu à versement de dommages et intérêts en l'absence de préjudice avancé par les intimés ;

- Débouter, plus largement, les époux [U], les époux [Z] et M. [L] de toutes leurs demandes ;

- Condamner les époux [U], les époux [Z] et M. [L] à verser à M. [I] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les époux [U], les époux [Z] et M. [L] aux entiers dépens.

Il soutient en substance que :

A titre principal :

- le tribunal judiciaire a admis, dans la décision de première instance, que « la division de lot n'est pas expressément interdite», mais n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a fait droit aux demandesdes intimés et a notamment ordonné la démolition de la seconde maison édifiée sur sa parcelle.

- il pouvait parfaitement subdiviser son lot sans l'accord des colotis.

* car ni le règlement ni le plan de composition ni même le cahier des charges ne limitent le nombre de lots du [Adresse 13] à cinq lots

*car ces documents sont désormais caducs en application de l'article L 442-9 du code de l'urbanisme et car la caducité du règlement de lotisement emporte celle de composition du lotissement, ce que le maire de la commune de [Localité 1] a rappelé aux intimés par courrier du 26 juin 2020.

- le règlement de lotissement constitue un document d'urbanisme comprenant les règles d'urbanisme applicables au lotissement avec une valeur réglementaire tandis que le cahier des charges, qui contient des règles régissant les rapports entre les colotis, a une valeur contractuelle ;

- les colotis peuvent conférer une valeur contractuelle aux règles d'urbanisme, aux règles du lotissement et les intégrer dans le cahier des charges. Cependant, cette contractualisation doit être réalisée de manière non équivoque, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

- le cabinet DMN Géomètre ' Expert a adressé une déclaration préalable aux fins de subdiviser son lot 1 en deux (lot 1A et lot 1B) à la Mairie compétente le 4 décembre 2019 sans son accord

- le cabinet lui a indiqué que s'il restait propriétaire des deux logements, il pouvait construire les deux logements sans infraction

- le maire par courrier en date du 22 juillet 2021 lui confirme que la subdivision du lot a fait l'objet d'un accord de sa part mais qu'elle n'est pas encore effective

- il n'a donc pas violé les règles du cahier des charges et du plan de composition puisque le nombre de lots n'a pas changé

- il a bien construit deux logements relevant d'une habitation individuelle.

- A titre subsidiaire, il affirme que la démolition serait une mesure disproportionnée.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2023, M. [B] [E] [S] [L], M. [X] [M] [U] et Mme [V] [A] [U] née [T], M. [G] [Z] et Mme [J] [Z] née [K], intimés, demandent à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de PRIVAS le 1 er juillet 2021,

- Condamner M. [I] à verser aux demandeurs une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance d'appel dont distraction au profit de la SELARL FAYOL & Associés.

Ils font valoir essentiellement que :

- l'article R 442-1 du code de l'urbanisme est inapplicable en l'espèce (mais M. [I] ne s'en prévaut plus)

- le nombre maximum de lots autorisés dans leur lotissement prévus dans le règlement et le plan de composition étant de cinq, M. [I] ne pouvait pas subdiviser son lot sans obtenir l'accord de la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie (ce qu'il n'avait pas fait) puisque selon eux, la subdivision entraîne un dépassement de lots autorisés et partant, une modification du cahier des charges. Ils se fondent sur les articles R442-21 et L442-10 du code de l'urbanisme.

- le nombre de lots a été définitivement arrêté par le cahier des charges et le plan de composition ce qui, selon lui, démontrerait « clairement la volonté des colotis au moment de la création du lotissement ». M. [I], en subdivisant son lot, a modifié le cahier des charges et ainsi, aurait dû solliciter l'accord de tous les propriétaires du lotissement [Adresse 13] avant de procéder aux travaux litigieux ce qu'il n'a pas fait.

- les clauses contenues dans le cahier des charges engagent les colotis entre eux même au-delà du délai de 10 ans et sans qu'ils puissent invoquer leur caducité,

- M. [I] n'a pas construit une maison comprenant deux logements distincts mais deux immeubles distincts ; il n'y a aucune unicité d'habitation et il y a bien deux permis de construire

- que la division des lots est effective,

- le constructeur est ici de mauvaise foi, et en réalisant la construction malgré les mises en demeure et démarches judiciaires engagées par les colotis, il est lui-même à l'origine de la situation qui serait constitutive aujourd'hui d'une prétendue disproportion. Or, la bonne foi est une condition pour appliquer le principe de la disproportion.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

- A titre préliminaire :

Depuis l'entrée en vigueur de l'article 34 du Décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'alinéa 2 de l'article 954 du code de procédure civile dispose que «les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions ». Par ailleurs, selon l'alinéa 3, « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ».

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' ou de 'dire' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

- Sur la caducité du règlement du plan de composition et du cahier des charges du lotissement :

L'article L442-9 du code de l'urbanisme dispose, en son premier alinéa, que 'les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ''.

La caducité du règlement de lotissement emporte celle du plan de composition du lotissement.

C'est à bon droit que le premier juge a indiqué que le cahier des charges, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues. Plus précisément, les clauses contenues dans le cahier des charges engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues, même au-delà du délai de 10 ans et sans qu'ils puissent invoquer leur caducité.

En l'espèce, il est constant que les documents du lotissement ' [Adresse 13]', soit le règlement, le plan de composition et le cahier des charges, sont devenus caducs le 5 octobre 2016, soit 10 ans après la délivrance de l'autorisation de lotir. A compter de cette date, les éventuels permis de construire n'avaient donc plus à prendre en compte les règles d'urbanisme contenues dans ces documents. Ainsi, la déclaration préalable à la division du lot et les permis de construire délivrés à M. [I] n'étaient plus régis, du point de vue des règles d'urbanisme, par le règlement, le cahier des charges et le plan de composition du lotissement '[Adresse 13]'.

Le cahier des charges continuant néanmoins de produire effet dans les rapports entre colotis, les premiers juges ont pertinemment rappelé que le présent litige ne porte pas sur la validité ou non des documents administratifs, mais sur le respect des règles applicables aux rapports entre eux. A cet égard, le règlement, le cahier des charges et le plan de composition n'encourent pas de caducité et continuent donc à régir les rapports entre colotis.

Le maire dans ses deux courriers répond d'ailleurs 'une autorisation d'urbanisme est délivrée sous réserve du droit des tiers. Elle a pour objet de vérifier la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme. Elle n'a pas pour objet de vérifier que le projet respecte les autres réglementations et les régles de droit privé. (...) Aussi le règlement du lotissement ne s'applique pas dans l'instruction car celui-ci a plus de 10 ans (autorisation de lotir accordée le 4 octobre 2006) 5...) Le seul recours possible des colotis est de saisir les tribunaux civils compétents car le cahier des charges régissant les rapports entre colotis n'a pas de durée limitée dans le temps.'

- Sur la nécessité d'obtenir l'accord des colotis en cas de modification des dispositions contractuelles régissant le lotissement :

L'article R442-21 du code de l'urbanisme : « Les subdivisions de lots provenant d'un lotissement soumis à permis d'aménager sont assimilées aux modifications de lotissements prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 (.) »

Ce type d'opération constitue une modification du lotissement en application des dispositions de l'article R. 442-21 du code de l'urbanisme.

Or, les modifications de lotissements prévues aux articles L442-10 et L442-11 du code de l'urbanisme nécessitent l'accord de la majorité des colotis, sauf dans deux hypothèses limitativement énumérées, à savoir :

- Lorsque la subdivision consiste à détacher une partie du lot pour la rattacher à un lot contigu,

- Lorsque la subdivision intervient dans la limite du nombre maximum de lots autorisés, et avec l'accord du lotisseur.

En l'espèce, le nombre maximum de lots autorisés est de 5 tel qu'il est expressément indiqué dans les différents documents régissant le lotissement [Adresse 13].

En effet, l'article 5.01 du cahier des charges du lotissement [Adresse 13] relatif spécifiquement à la 'CONSTRUCTIBILITE DES LOTS VENDUS' stipule : « La constructibilité d'un lot s'entend au sens des dispositions réglementaires ou d'urbanisme applicables audit lot. Outre par le règlement, elle est définie sur le plan de composition, qui, à ce titre, constitue la pièce graphique contractuelle complémentaire et annexe du Cahier des Charges. »

La pièce graphique contractuelle complémentaire est constituée d'un plan qui prévoit effectivement cinq lots.

Par ailleurs, ce même cahier des charges prévoit en son article 2.03 : 'les modifications sollicitées par quiconque doivent recevoir l'accord unanime de tous les propriétaires et faire l'objet d'actes modificatifs par voie authentique devant notaire'.

Il est précisé à l'article 2.04 : « Le respect des règles du Cahier des Charges est assuré par tout propriétaire du lotissement. Tout propriétaire peut également en demander directement l'application. En cas de transgression et de différend, le tribunal de Grande Instance est

compétent pour connaître de toute action ou exécution forcée et allouer tous dommages et intérêts. »

La Cour de cassation indique que « Mais attendu que les clauses du cahier des charges d'un lotissement, quelle que soit sa date, approuvé ou non, revêtent un caractère contractuel et engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues » (Cour de Cass 3ème civ 13 octobre 2016, n°15-23.674).

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les colotis ont entendu contractualiser le plan de composition et l'intégrer au cahier des charges du lotissement, et ce de manière expresse.

M. [I] ne peut valablement soutenir qu'un document faisant état d'un nombre déterminé de lots, assorti d'une représentation graphique et encadrant les conditions de modification de ces pièces contractuelles, n'aurait qu'une valeur purement indicative.

Les premiers juges ont justement indiqué qu'il apparaissait que les colotis, lors de l'établissement du cahier des charges et du plan de composition, ont volontairement fixé le nombre de lots à 5 et leur contenance définitive. Et que si la division de lot n'est pas expressément interdite aux termes de ces documents, le nombre de lots y est arrêté définitivement, ce qui établit clairement la volonté des colotis au moment de la création du lotissement.

Ainsi, M. [I] aurait dû obtenir l'accord de tous les propriétaires du lotissement '[Adresse 13] '' avant de procéder aux travaux litigieux sur son lot n° 1 B. Or, cet accord n'a nullement été sollicité, ce que M. [I] ne conteste d'ailleurs pas, estimant au contraire que cet accord n'avait pas à être recueilli par lui pour réaliser les travaux envisagés.

- Sur la subdivision de la parcelle :

M. [I] argue en cause d'appel avoir fait édifier une maison individuelle composée de deux logements, formant une « unité d'habitation » conformément aux dispositions de l'article L231-1 du code de la construction et de l'habitation définissant le contrat de construction de maison individuelle.

Cependant, le litige s'est formé entre des colotis dont les droits à construire ne peuvent s'étudier que par rapport aux règles qui les régissent et non par rapport aux règles régissant le CCMI.

Les deux constructions ont été édifiées de façon distincte, selon des permis de construire distincts, à des périodes différentes, selon des plans différents, après une demande de subdivision de lots.

M. [I] indique avoir découvert en cause d'appel qu'il n'aurait pas donné son accord au dépôt d'une déclaration préalable en vue de la division de son propre terrain.

Il ressort cependant de la lecture de la déclaration préalable que celle-ci est bien signée par M. [I]. D'ailleurs, le second permis de construire du 24 juillet 2020 a bien été délivré expressément au visa de la déclaration préalable autorisant la création d'un lot à bâtir 'vu la déclaration préalable n°DP 007 324 19 A 0152 accordée le 6 janvier 2020 en vue de détacher un lot à bâtir', et ce document de déclaration préalable pour la division du lot a été signé en cochant la case 'en vue de construire'.

Il importe peu que le document d'arpentage (créant la publication d'un nouveau numéro de parcelle) n'ait pas été publié dans l'attente de la vente du lot détaché. Tout comme il importe peu qu'il ait décidé d'annuler sa déclaration préalable, ou qu'il demeure propriétaire des deux maisons.

Les deux maisons ont été construites en violation des règles applicables aux colotis, sur la base d'un permis de construire délivré sur la base de la division de la parcelle et la demande d'annulation de la déclaration préalable n'efface pas rétroactivement l'infraction constatée précédemment.

Le moyen tiré de l'absence d'effectivité de la subdivision est donc inopérant.

- Sur le principe de proportionnalité :

L'article 1221 du code civil dispose que : « Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ».

En l'espèce, aucun élément ne fait ressortir l'existence d'une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour les créanciers, en l'espèce les autres colotis.

En effet, M. [I] dispose d'une maison entièrement habitable, il ne souffre d'aucune atteinte à sa vie privée et par ailleurs, il est établi que ce dernier a commencé à construire sans avoir les autorisations nécessaires, puis a continué à construire sachant qu'un litige était né sur cette seconde construction. Prenant le risque de construire dans ces conditions, il ne peut arguer aujourd'hui du coût manifestement excessif de la démolition.

Sur les frais du procès :

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort,

- Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

- Condamne M. [I] à payer la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [I] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et la greffière,

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/02705
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;21.02705 ?
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