RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03808 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IG7M
CG
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PERTUIS
09 septembre 2021 RG :20/00234
[P]
C/
[K]
S.C.I. [Localité 12]
Groupement L'OUSTAOU DE BONURANCO
Grosse délivrée
le
à Selarl Leonard Vezian
Selarl Para Ferri Monciero
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 23 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de PERTUIS en date du 09 Septembre 2021, N°20/00234
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine GINOUX, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre
Mme Laure MALLET, Conseillère
Mme Catherine GINOUX, Magistrat honoraire juridictionnel
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [U] [P]
née le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 10]
Lieu dit [Localité 12]
[Localité 11]
Représentée par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 21/10504 du 24/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
INTIMÉES :
Madame [B] [K] épouse [J]
née le [Date naissance 5] 1934 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Ludovic PARA de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean VOISIN, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
S.C.I. [Localité 12] Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège
Chez M. et Mme [V] [L]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Ludovic PARA de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean VOISIN, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
Groupement L'OUSTAOU DE BONURANCO, groupement foncier agricole au capital de 2.820.001 €, inscrite au RCS de Manosque sous le n° 891 196 362 prise en la personne de son gérant
[Adresse 8]
[Localité 11]
Représentée par Me Ludovic PARA de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean VOISIN, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 19 Janvier 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 23 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
Exposé du litige
Mme [P] est occupante d'un bâtiment à usage d'habitation , au lieu-dit '[Localité 12]' appartenant initialement à Mme [B] [K] épouse [J] et à la SCI [Localité 12], cédé en cours de procédure à la société l'Oustaou de Bounoranco.
Le 5 janvier 2020, par acte intitulé 'avis de résiliation de prêt précaire', Mme [J] a informé Mme [P] de ce que le prêt précaire qui lui avait été consenti prendrait fin au mois de mars 2020.
Par acte d'huissier signifié le 22 octobre 2020, Mme [J] et la SCI [Localité 12] ont fait assigner Mme [P] en expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation.
Suivant jugement rendu le 9 septembre 2021, le tribunal de proximité de Pertuis a :
- déclaré recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la société l'Oustaou de Bonuranco
- constaté que le prêt à usage consenti par Mme [J] a pris fin le 15 septembre 2020
- ordonné l'expulsion de Mme [P], à défaut de départ volontaire
- condamné Mme [P] à payer à Mme [J] et la SCI [Localité 12] la somme de 1.000€ au titre des indemnités d'occupation pour la période du 15 septembre 2020 au 23 novembre 2020
- condamné Mme [P] à payer à la société l'Oustaou de Bonuranco une somme mensuelle de 500 € à compter du 23 novembre 2020 jusqu'à parfaite libération des lieux caractérisée par la restitution des clés
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration effectuée le 18 octobre 2021, Mme [P] a interjeté appel.
Suivant conclusions notifiées le 17 janvier 2022, Mme [P] demande à la cour de :
- réformer le jugement
- déclarer le juge des contentieux de la protection près le tribunal de Pertuis incompétent au profit du juge des contentieux de la protection près le tribunal de proximité de Manosque
- sur le fond, dire que le convention liant les parties constitue un contrat de bail
- débouter les intimées de l'ensemble de leurs demandes
- condamner les intimées à lui verser la somme de 2.000€ et aux dépens de l'instance.
L'appelante soutient qu'en remplissant un imprimé de la Caf attestant du bien donné à bail , Mme [J] a manifesté expressément sa volonté de régulariser un contrat de bail.
Elle prétend que la bailleresse n'a pas respecté la procédure prévue par la loi du 6 juillet 1989 de sorte qu'elle ne peut réclamer son expulsion.
Suivant conclusions notifiées le 28 mars 2022, Mme [J], la sci [Localité 12] et la société l'Oustaou de Bonuranco demandent à la cour de :
- confirmer la décision
- subsidiairement, prononcer la résiliation du bail en raison des manquements de Mme [P] et ordonner son expulsion
- condamner Mme [P] à payer à Mme [J] et la SCI Piconla somme de 4.118 € au titre des loyers impayés à la date du 23 novembre 2020
- condamner Mme [P] à payer à la société l'Oustaou de Bonuranco la somme de 5.682 € représentant les arriérés dûs à compter du 23 novembre 2020, selon décompte arrêté au 1er mars 2022
- condamner Mme [P] à payer à la société l'Oustaou de Bonuranco une indemnité d'occupation de 350 € jusqu'à parfaite libération des lieux.
- condamner Mme [P] au paiement de la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés soutiennent que le document signé par Mme [J] sous la pression de Mme [P], ne reflète pas la volonté des parties et ne peut valoir contrat de bail.
La clôture de la procédure a été fixée au 19 janvier 2023.
Motifs de la décision
Sur l'exception d'incompétence
Selon l'article 42 du code de procédure civile, la juridiction compétente est sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.
En l'espèce, dans tous les échanges des parties concernant le lieu du bien mis à disposition de Mme [P] il apparait le lieu-dit '[Localité 12]', avec comme complément d'adresse '[Localité 11] 04'.
Toutefois, il résulte des actes notariés que les bâtiments '[Localité 12]' sont rattachés à la commune de [Localité 9] et non à [Localité 11], ce qui est confirmé par le relevé cadastral.
Or, [Localité 9] est une commune située dans le département de Vaucluse (84) et se trouvant de ce fait dans le ressort du tribunal de Proximité de Le Pertuis.
C'est donc à juste titre que ce dernier a retenu sa compétence et rejeté l'exception d'incompétence.
Il y a lieu par conséquent de confirmer la décision déférée de ce chef.
Sur la qualification du contrat liant les parties
Les parties s'opposent sur la qualification du contrat les liant, Mme [P] soutenant qu'elle est bénéficiaire d'un bail à usage d'habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 et les intimés estimant qu'il s'agit d'un prêt à usage.
Le document produit par Mme [P] au soutien de sa thèse, intitulé 'contrat de location' du mois de novembre 2019, est limité à trois pages :
- la première page concernant l'identification des parties suivie de la signature de Mme [J] et de Mme [P], la désignation du bien et la durée 'bail provisoire solidaire 3 mois'
- les deuxième et troisième pages sont consacrées à l'état des lieux et ne sont revêtues que de la signature de Mme [P].
Il importe de relever que ce document ne stipule aucun prix, aucun montant de loyer.
Or, selon l'article 1709 du code civil, le louage de choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.
Ainsi, la conclusion d'un bail suppose l'accord des parties sur la chose et le prix du loyer.
En l'espèce, l'attestation de Mme [J] destinée à la Caisse d'Allocations Familiales aux termes de laquelle elle indique le 25 novembre 2019 un montant de loyer de 350 euros, tout en précisant ultérieurement qu'elle n'est pas bailleresse mais héberge gratuitement Mme [P], ne peut caractériser l'existence d'un loyer, alors que l'occupation des lieux ne s'est pas accompagnée du paiement du loyer de 350euros.
En effet, le seul mouvement financier entre le compte de Mme [P] et celui de Mme [J] est un virement de 254 euros en date du 7 septembre 2020.
Ce versement unique effectué 10 mois après la date d'entrée dans les lieux, au surcroit d'une somme ne correspondant pas au montant du loyer mentionné dans l'attestation destinée à la Caf, ne caractérise pas l'existence d'un loyer convenu entre les parties.
Il s'en déduit que le contrat liant les parties ne constitue pas un bail mais un prêt à usage.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a qualifié la relation contractuelle unissant les parties de prêt à usage.
Sur la résiliation du prêt à usage
Selon l'article 1888 du code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée.
En l'espèce, il résulte des propres écrits de Mme [P] que celle-ci était informée que la mise à disposition du bien cesserait à la vente du bien '... j'étais au courant que je devais libérer les lieux dès que le domaine serait vendu'...(lettre du 4 septembre 2020 adressée par Mme [P] à Mme [J]).
Le 5 janvier 2020, Mme [P] et Mme [J] ont signé un 'avis de résiliation de bail précaire', à effet du mois de mars 2020, prorogé de deux mois 'pour cause de virus corona'.
Par lettre recommandée du 14 août 2020, Mme [J] a mis en demeure Mme [P] de quitter les lieux au 15 septembre 2020.
Ainsi, Mme [P] informée depuis le 5 janvier 2020 d'avoir à quitter les lieux, a disposé d'un délai de préavis raisonnable, pour un départ exigé au 15 septembre 2020.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que le prêt à usage consenti par Mme [J] à Mme [P] a pris fin le 15 septembre 2020.
Sur l'expulsion et le paiement d'indemnités d'occupation
Mme [P] étant du fait de la survenance du terme du prêt à usage, occupante sans droit ni titre du bien mis à disposition, doit quitter les lieux, au besoin avec l'assistance de la force publique, à défaut de départ volontaire.
Elle est redevable d'indemnités d'occupation à l'égard de Mme [J] pour la période du 15 septembre 2020 au 23 novembre 2020, date de la cession, puis à l'égard de la société l'Oustaou pour la période postérieure jusqu'à la libération parfaite des lieux, caractérisée par la restitution des clés.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné à Mme [P] de quitter les lieux dans le mois de signifcation du jugement et à défaut de départ volontaire, ordonné son expulsion, condamné Mme [P] à payer une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 500 euros aux propriétaires successifs du bien.
Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Mme [P] qui succombe en son recours, sera condamnée à payer à Mme [J] et la Sarl L'Oustaou de Bonuranco, pris ensemble, la somme de 1.800 €, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera condamnée aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,
statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant
Condamne Mme [U] [P] à payer à Mme [B] [K] veuve [J] , la SCI [Localité 12] et la Sarl L'Oustaou de Bonuranco, pris ensemble, la somme de 1.800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [U] [P] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Arrêt signé par la présidente et la greffière,
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,