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15/03/2023 | FRANCE | N°23/00019

France | France, Cour d'appel de Nîmes, Premier président, 15 mars 2023, 23/00019


COUR D'APPEL

DE NÎMES

recours contre décision d'autorisation de visite domiciliaire



























DECISION N° 23/01



N° RG 23/00019 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IX4F





ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION DU JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION D'AVIGNON du

02 mars 2023



[P]



C/



Préfecture de Vaucluse





ORDONNANCE DU



15 MARS 2023



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APPELANT :



Monsieur [L] [P]

né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 5] (Maroc)

Actuellement retenu au CRA de [Localité 6]



Représenté par Me Jauffré CODOGNES, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMÉS :



Préfecture de Vaucluse

[Adresse 2]

[Loc...

COUR D'APPEL

DE NÎMES

recours contre décision d'autorisation de visite domiciliaire

DECISION N° 23/01

N° RG 23/00019 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IX4F

ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION DU JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION D'AVIGNON du

02 mars 2023

[P]

C/

Préfecture de Vaucluse

ORDONNANCE DU

15 MARS 2023

APPELANT :

Monsieur [L] [P]

né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 5] (Maroc)

Actuellement retenu au CRA de [Localité 6]

Représenté par Me Jauffré CODOGNES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉS :

Préfecture de Vaucluse

[Adresse 2]

[Localité 3]

MOTIF :

Monsieur [L] [P] a fait l'objet d'une reconnaissance par courrier des autorités consulaires du Maroc par courrier n° 3045 du 28 décembre 2017 adressé au Préfet de Vaucluse.

Le 4 août 2022, Monsieur [L] [P] a reçu notification de deux arrêtés du Préfet de Vaucluse du même jour, le premier lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant une an à compter de l'exécution de la mesure et le second portant assignation à résidence pour une durée de 45 jours, avec obligation de se présenter les jeudis non fériés à la gendarmerie d'[Localité 4], d'effectuer les démarches nécessaires à l'organisation de son départ et notamment se faire délivrer un document de voyage par les autorités de son pays d'origine, et interdiction de sortir du département de Vaucluse sans autorisation.

Monsieur [L] [P] a respecté son obligation de présentation hebdomadaire à la gendarmerie d'[Localité 4] pendant tout le délai de son assignation à résidence qui expirait le 18 septembre 2022, ainsi qu'il ressort du PV de gendarmerie BTA [Localité 7] (84) n° 04582 ' 04183 '2022 du 2 décembre 2022.

Cette mesure d'assignation à résidence n'a manifestement pas été prolongée, puisque le courrier qui lui a été adressé le 18 novembre 2022 lui enjoignant de présenter son passeport en cours de validité lors de son prochain passage à la gendarmerie de [Localité 7] ne se réfère qu'à l'assignation à résidence prononcée le 4 août 2022, et aucunement à une nouvelle décision destinée à prolonger les effets de celle-ci.

Par requête du 13 janvier 2023, le Préfet de Vaucluse a sollicité le juge des liberté et de la détention près le tribunal de grande instance d'Avignon, en application des articles L;721.3, L.722.2, L.731.1 et L.731.2 et L.732.7, L.733.8 à L.733.12, d'une demande de visite domiciliaire, sur la base d'un courrier adressé en LRAR à l'intéressé le 18 novembre 2022.

Par ordonnance prononcée le 2 mars 2023, le Juge des libertés et de la détention d'Avignon a fait droit à cette demande.

Monsieur [L] [P] a interjeté appel de cette ordonnance le 8 mars 2023 par déclaration d'appel motivée par son conseil, adressé au greffe de la cour d'appel de Nîmes.

Parallèlement, par ordonnance du 8 mars 2023, le juge des libertés et de la détention de Montpellier, compétent pour statuer sur la situation des étrangers placés au centre de rétention de [Localité 6], a rejeté la requête en contestation du placement en rétention, les exceptions de nullité et les moyens de fond soulevés par Monsieur [L] [P] et fait droit à la requête de la Préfecture en prolongation du placement en rétention pour une durée de 28 jours.

*****

Dès réception de la déclaration d'appel, il a aussitôt été demandé au greffe du juge des libertés et de la détention d'Avignon de transmettre à la cour le dossier complet. En ce compris le récépissé de notification à la personne concernée de l'ordonnance, document qui ne figure pourtant pas au dossier.

Dans le même temps, l'affectation à un président de chambre par délégation du Premier Président n'a été effective que le 15 mars 2023, et ce alors que le délai de 48 heures pour statuer était expiré.

Le Parquet Général qui a été saisi pour avis a donné l'avis suivant :

Vu l'appel interjeté de l'ordonnance du 2 mars 2023 du juge des libertés et de la détention d'Avignon, intéressant Monsieur [L] [P], avec saisine du premier président de la cour d'appel ou son délégué par mémoire envoyé le 8 mars 2023, 

Vu les pièces produites,

Vu les articles L733-7 à L733-12 du CESEDA

Nonobstant tout développement ou analyse de fond, il apparaît que l'ordonnance dont appel devra être infirmée, au motif  que :

1°) si la dite ordonnance vise un article L561-2 du CESEDA abrogé, ayant été remplacé par les dispositions des articles L733-7 à L733-10 du CESEDA, en vigueur depuis le 1er mai 2021, la modification s'est certes faite à droit constant ;

2°) cependant le Premier Président ou son délégué devait statuer sur l'appel interjeté dans les 48h de sa saisine en application des dispositions de l'article L733-12 du CESEDA, ce qui n'a pas été le cas de l'espèce.

La préfecture a été saisie, en étant informée que la cour allait devoir statuer hors délai et statuerait par conséquent sur pièces.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'appel de l'ordonnance prononcée le 2 mars 2023 par le Juge des libertés et de la détention d'Avignon autorisant une visite domiciliaire :

Il ressort de l'ordonnance du 8 mars 2023 du juge des libertés et de la détention de Montpellier, compétent pour statuer sur la situation des étrangers placés au centre de rétention de Sète que celui n'a pas purgé la totalité des nullités soulevées par le conseil de l'intéressé, faisant justement observer son incompétence territoriale concernant l'ordonnance de visite domiciliaire du juge des libertés et de la détention d'Avignon au profit de la cour d'appel de Nîmes.

Ainsi qu'il le fait justement observer, l'absence de procès-verbal de notification de cette ordonnance et l'absence de mention sur l'ordonnance elle-même de la juridiction compétente pour exercer le recours a pour effet que le délai pour en relever appel n'a pas couru.

Dès lors, l'appel ne peut être que considéré comme recevable.

Sur la critique de cette ordonnance :

Aux termes de l'article L. 733-8 la visite domiciliaire a pour but de s'assurer de la présence de l'étranger, de permettre de procéder à son éloignement effectif ou, si le départ n'est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention.

Il appartient dans ce cas au juge des libertés et de la détention requis de s'assurer :

- du caractère exécutoire de la décision d'éloignement que la requête vise à exécuter ;

- de l'obstruction volontaire de l'étranger, laquelle résulte notamment de l'absence de réponse de l'étranger à sa demande de présentation pour les nécessités de l'exécution de la décision d'éloignement.

En l'état de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire figurant au dossier, le premier juge s'est certes justement assuré, dans ses motifs concis, du caractère exécutoire de la décision d'éloignement que la requête vise à exécuter ;

En revanche, il s'est contenté de considérer que l'obstruction de l'intéressé était prouvée, alors que celle-ci est très contestée et n'apparait pas démontrée.

En effet, la cour observe que :

Monsieur [L] [P] a respecté son obligation de présentation hebdomadaire à la gendarmerie d'[Localité 4] pendant tout le délai de son assignation à résidence qui expirait le 18 septembre 2022, ainsi qu'il ressort du PV de gendarmerie BTA [Localité 7] (84) n° 04582 ' 04183 '2022 du 2 décembre 2022.

Cette mesure d'assignation à résidence n'a manifestement pas été prolongée, puisque le courrier qui lui a été adressé le 18 novembre 2022 lui enjoignant de présenter son passeport en cours de validité lors de son prochain passage à la gendarmerie de [Localité 7] ne se réfère qu'à l'assignation à résidence prononcée le 4 août 2022, et aucunement à une nouvelle décision destinée à prolonger les effets de celle-ci.

Dès lors, à la date du 18 novembre 2022, Monsieur [L] [P] ne faisait plus l'objet d'une assignation à résidence.

La préfecture a cru pouvoir demander une visite domiciliaire afin de l'interpeler à son domicile et de le placer en rétention, aux motifs qu'il ne se serait pas présenté spontanément muni d'un passeport à la gendarmerie de [Localité 7] à la suite du courrier recommandé qui lui a été adressé le 18 novembre 2022 lui demandant de se présenter avec son passeport lors de son prochain passage afin de pouvoir lui réserver un vol de retour.

Or, si Monsieur [L] [P] n'avait pas obtenu de passeport, on voit mal pour quelle raison il se serait présenté pour l'organisation de son départ, étant observé qu'à aucun moment il n'a fait obstacle à une présentation aux autorités consulaires, puisque manifestement l'administration ne s'est pas chargée d'en organiser une.

On comprend mal pourquoi la Préfecture dans sa décision d'assignation à résidence et dans ce courrier charge l'intéressé d'une obligation d'obtenir son passeport alors qu'elle sait pertinemment que l'intéressé n'a aucun moyen de pression sur les autorités consulaires pour lui délivrer un passeport dans un délai déterminé.

Au contraire, les dispositions de l'article L.733-6 et L.733-7 prévoient le cas où l'étranger assigné à résidence fait obstacle à ce qu'il soit conduit devant les autorités consulaires, de sorte qu'il apparaît que c'est plutôt à l'administration qu'à l'intéressé d'obtenir un document de voyage auprès des autorités consulaires.

En outre, alors que la préfecture doit s'assurer que l'intéressé comprend les documents qui lui sont remis ou adressés, rien ne permet de s'assurer qu'il sait lire le français et qu'il a compris la teneur du courrier qui lui était adressé le 18 novembre 2022.

En toute état de cause, ces circonstances et la demande faite longtemps après l'expiration de l'assignation à résidence, ne caractérisent pas une obstruction de l'intéressé, lequel s'est peut-être trouvé simplement dans l'incapacité d'obtenir un passeport auprès des autorités consulaires marocaines et ne voyait pas par conséquent l'utilité de se présenter à nouveau à la gendarmerie tant qu'il n'avait pas obtenu de passeport et qu'un vol ne pouvait lui être réservé de ce fait ou peut-être n'a pas compris ce que l'on attendait de lui.

La cour considère donc que cette ordonnance, en l'état du dossier de pièces dont disposait le premier juge et tel que transmis à la cour, mériterait l'infirmation, à défaut d'avoir suffisamment caractérisé l'obstruction de l'intéressé.

Cet appel, qui n'a pu être régularisé qu'après l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier se déclarant incompétent pour statuer sur les moyens de nullités soulevés relatifs à cette ordonnance de visite domiciliaire et sa notification, a nécessairement retardé la possibilité pour l'intéressé de s'en saisir et de s'en prévaloir. En effet, si la cour avait été en mesure de statuer avant l'ordonnance du 8 mars 2023 du juge des libertés et de la détention de Montpellier, l'infirmation ou la nullité de l'ordonnance de visite domiciliaire donnait matière à obtenir une remise en liberté pour motif de nullité de procédure.

Dès lors, le défaut de notification des voies de recours contre l'ordonnance de visite domiciliaire lui a nécessairement causé un grief.

En outre, tenant l'impossibilité dans laquelle la cour s'est trouvée pour statuer dans les 48 heures de l'appel, il apparaît dès lors que la totalité de cette procédure se trouve entachée de nullité.

Dans ces conditions, la cour, ne pouvant que le constater a estimé devoir statuer sur pièces après avoir sollicité les observations de la Préfecture et du Ministère public.

La cour ne pouvant elle-même tirer les conséquences de ses constats, il appartiendra à l'intéressé de les porter devant le juge des libertés et de la détention de Montpellier.

PAR CES MOTIFS :

Déclare l'appel recevable,

Constate que le défaut de notification des voies de recours contre l'ordonnance attaquée n'a pas permis à l'intéressé d'exercer son recours avant la première prolongation, le privant de la possibilité de se prévaloir de ce moyen de nullité devant le juge des libertés et de la détention de Montpellier le 8 mars 2023 ;

Dit qu'au vu des pièces du dossier, le premier juge ne pouvait caractériser à suffisance l'obstruction de l'intéressé et autoriser la visite domiciliaire ;

Constate que la cour elle-même a été dans l'incapacité de statuer dans le délai légal de 48 heures, de sorte que toute la procédure de visite domiciliaire se trouve entachée de nullité dans sa totalité ;

Constate qu'elle ne peut elle-même en tirer les conséquences qui ne pourront qu'être portées devant le juge des libertés et de la détention de Montpellier.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

Ordonnance notifiée ce jour par courriel à :

- l'appelant par le biais de son conseil ;

- l'intimée,

- le JLD d'Avignon.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 23/00019
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;23.00019 ?
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