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09/03/2023 | FRANCE | N°21/02455

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 09 mars 2023, 21/02455


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 21/02455 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IC5Z



VH



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

14 janvier 2021

RG:18/02212



[G]

[R]

Compagnie d'assurance GMF ASSURANCES



C/



[U] VEUVE [A]-[B]

Compagnie d'assurance CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES MEDITERRANEE

Société [N]

S.A. MAAF ASSURANCES

>




















Grosse délivrée

le

à Selarl Favre de Thierrens

SCP Bastias Balazard

SCP Fortunet













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 09 MARS 2023





Décision déférée à la ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02455 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IC5Z

VH

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

14 janvier 2021

RG:18/02212

[G]

[R]

Compagnie d'assurance GMF ASSURANCES

C/

[U] VEUVE [A]-[B]

Compagnie d'assurance CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES MEDITERRANEE

Société [N]

S.A. MAAF ASSURANCES

Grosse délivrée

le

à Selarl Favre de Thierrens

SCP Bastias Balazard

SCP Fortunet

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 09 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 14 Janvier 2021, N°18/02212

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,

Mme Laure MALLET, Conseillère,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Madame [K] [L] [J] [G]

née le 05 Mars 1958 à [Localité 14]

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Caroline FAVRE DE THIERRENS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [S] [W] [E] [R]

né le 07 Septembre 1952 à [Localité 15]

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représenté par Me Caroline FAVRE DE THIERRENS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Compagnie d'assurances GMF ASSURANCES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Caroline FAVRE DE THIERRENS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

Madame [C] [Z] [F] [U] Veuve [A]-[B]

née le 22 Octobre 1946 à [Localité 16]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurence BASTIAS de la SCP BASTIAS-BALAZARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES MEDITERRANEE Compagnie d'assurance exerçant sous le nom commercial de GROUPAMA MEDITERRANEE Inscrite au RCS d'AIX EN PROVENCE sous le n° 379 834 906, Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège Assureur de Madame [A]-[B], notamment sous la police n°GSU 2015-061-601/CA

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurence BASTIAS de la SCP BASTIAS-BALAZARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

SOCIETE [N] Représentée par son liquidateur Monsieur [Y] [N]

assignée par procès verbal de recherches infructueuses le 21 septembre 2021

[Adresse 2]

[Localité 10]

S.A. MAAF ASSURANCES au capital de 160 000 000€, immatriculée RCS NIORT n° 542 073 580 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-Philippe DANIEL de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 22 Décembre 2022

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 09 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [K] [G] et M. [S] [R] (ci-après les consorts [R]-[G]) sont propriétaires d'un mas sis à [Localité 11], au [Adresse 7]. Cet immeuble est assuré par la GMF Assurances.

Courant de l'année 2015, Mme [G] est devenue auto entrepreneur, et a décidé d'ouvrir à la location, au sein de l'immeuble susvisé, deux chambres d'hôtes.

M. et Mme [C] [A] [B] sont propriétaires de l'immeuble voisin, qui est mitoyen à celui des consorts [R]-[G], Mme [A] [B] est devenue seule propriétaire, suite au décès de son mari intervenu le 8 septembre 2017.

Courant mai 2015, les époux [A] [B] ont confié à la société [N] des travaux de réfection complète de la couverture de l'immeuble, étant précisé que la société [N] était assurée auprès de la MAAF Assurances.

A la suite de ces travaux, les consorts [R]-[G] se sont plaints d'infiltrations en plafond dans l'une des deux pièces qu'ils entendaient louer comme chambre d'hôtes et située à l'aplomb de la couverture récemment rénovée par la société [N].

Imputant ces désordres aux travaux réalisés par la société [N], ils faisaient procéder à une expertise amiable au contradictoire de leurs voisins.

Or, postérieurement à la réalisation de ces travaux, les consorts [R]-[G] ont constaté la présence d'infiltrations importantes en plafond d'une chambre d'hôtes directement située à l'aplomb de la couverture.

Par ordonnance en date du 2 mai 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon a ordonné une mesure d'expertise judiciaire, la confiant à M. [D].

M. [D] a procédé à ses opérations et a déposé son rapport définitif le 24 août 2016.

La société [N] a accepté de procéder aux travaux de réparation définis par l'expert judiciaire, travaux finalement réalisés le 21 octobre 2016.

Cependant, les consorts [R]-[G] ont sollicité l'intervention de leur propre maçon en novembre 2016, compte tenu du fait que, selon eux, M. [N] n'avait pas procédé à la réparation intégrale, ayant laissé un trou béant sous une tuile déplacée lors de la pose du solin.

Les consorts [R]-[G] d'une part, et la GMF d'autre part, ont assigné, devant le tribunal de grande instance d'Avignon, M. [N], son assureur la MAAF, Mme [A] [B] et son assureur GROUPAMA MEDITERANNEE en sollicitant leur condamnation solidaire au paiement de diverses sommes.

La SAS [N] a fait l'objet d'une dissolution amiable à compter du 31 mars 2018, rendant nécessaire l'appel en cause de son liquidateur M. [Y] [N] par les consorts [G]-[R].

Par jugement en date du 14 janvier 2021, le Tribunal judiciaire d'Avignon a statué ainsi :

- Mets hors de cause la SA GROUPAMA et fait droit à l'intervention volontaire de la CRAMA MEDITERRANEE dénommée GROUPAMA MEDITERRANEE, en ses lieux et place,

- Rejette la fin de non recevoir soulevée par la MAAF et declare les demandes contre la MAAF recevables,

- Déboute la GMF de sa demande en paiement de la somme de 3 609,65 euros,

- Condamne in solidum les parties requises à payer aux consorts [R]-[G] la somme de 3 500 euros, au titre des préjudices consécutifs aux pertes d'exploitation,

- Déboute les consorts [R]-[G] de leurs autres demandes,

- Condamne la société [N] et son assureur la MAAF à relever et garantir Mme [A] [B] des condamnations en indemnisation des consorts [R]-[G] prononcées à son encontre à hauteur de 70 %,

- Déboute Mme [A] [B] de sa demande reconventionnelle de dommages intérêts,

- Condamne les consorts [R]-[G], Mme [A] [B], la MAAF à supporter chacun un tiers de la charge des dépens en ce compris les frais d'expertise,

- Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Les consorts [G]-[R] et leur assureur, la SA GMF, ont interjeté appel de ce jugement selon déclaration en date du 25 juin 2021.

Ils ont signifié la déclaration d'appel à la société [N] par acte en date du 21 septembre 2021 selon procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile).

Par ordonnance du 15 septembre 2022, la cloture a été fixée au 22 décembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 10 janvier 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du notifiées par voie électronique le 13 avril 2022, Mme [K] [G], M. [S] [R] et la GMF ASSURANCES, appelants, demandent à la cour de :

Dire et juger l'appel interjeté mal fondé en la forme et sur le fond (sic);

Y faire droit ;

Réformer le jugement dont appel en ce que le Tribunal judiciaire d'Avignon a :

- débouté la GMF de sa demande en paiement de la somme de 3 609,65 euros,

- condamné in solidum les parties requises à payer aux consorts [R]-[G] la somme de 3500 euros au titre des préjudices consécutifs aux pertes d'exploitation au lieu de la somme de 18 894 euros sollicitée de ce chef par les consorts [R]-[G],

- débouté les consorts [R]-[G] de leurs autres demandes, et notamment de leurs demandes de condamnation des requis à la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice

moral subi et 18 384 euros au titre du préjudice financier lié spécifiquement à l'invalidation de 2 trimestres cotisés dans le cadre d'une retraite anticipée,

- débouté les consorts [R]-[G] de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les consorts [R]-[G], Mme [A] [B], la MAAF à supporter chacun un tiers de la charge des dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire

Débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes fins et conclusions

Débouter Mme [A] [B] de son appel incident et de ses demandes fins et conclusions

Statuant à nouveau :

Condamner solidairement les intimés à porter et payer à la GMF la somme de 3 609,65 euros,

Condamner solidairement les intimés à porter et payer à M. [R] et Mme [G] les sommes suivantes :

- 18 894 euros au titre des préjudices consécutifs aux pertes d'exploitation,

- 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi,

- 18 384 euros au titre du préjudice financier lié spécifiquement à l'invalidation de 3 trimestres cotisés dans le cadre d'une retraite anticipée, les concluants ayant accepté de limiter le montant de leur demande,

Condamner solidairement les intimés à porter et payer à M. [R] et Mme [G], et à la GMF:

- 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance,

- aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés au titre de la présente instance,

- aux entiers dépens d'appel.

* * *

En l'état de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2022, contenant appel incident, Mme [C] [A] [B] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée exerçant sous le nom commercial de GROUPAMA MEDITERRANEE, intimées, demandent à la cour de :

Vu les articles 1240 du code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats et notamment le rapport d'expertise judiciaire,

A titre principal

- débouter Mme [K] [G] et M. [S] [R] de l'ensemble de leur prétentions et demandes d'appel ;

- confirmer le jugement querellé dans l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [C] [A] [B] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêt au titre du préjudice moral subi ;

-recevoir Mme [C] [A] [B] en son appel incident ;

En conséquence, statuant à nouveau :

Vu les articles 9 et 32-1 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement sur le fondement de la responsabilité délictuelle, M. [S] [R] et Mme [K] [G] à payer à Madame [C] [A] [B] la somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice moral.

En tout état de cause y ajoutant,

- Condamner solidairement M. [S] [R] et Mme [K] [G] à payer à Mme [C] [A] [B] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles ont signifié leurs conclusions à la société Da Cuhna, n'ayant pas constitué avocat par acte du 22 février 2022.

* * *

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, la SA MAAF ASSURANCES, intimée, demande à la cour de :

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu les articles 122 et 123 du code de procédure civile,

Vu le rapport d'expertise judiciaire,

- Déclarer irrecevable le recours de la SA GMF, faute de respecter le préalable obligatoire de conciliation stipulée par la convention CORAL,

- Confirmer le jugement querellé dans l'ensemble de ses dispositions,

- Débouter en conséquence les appelants de l'ensemble de leurs prétentions et demandes d'appel,

Y ajoutant,

- Condamner conjointement et solidairement les consorts [R]-[G] et la SA GMF à verser en cause d'appel à la SA MAAF une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Me Jean-Philippe DANIEL, sur ses affirmations de droit.

Elle a signifié ses conclusions à la société Da Cuhna, n'ayant pas constitué avocat par acte du 21 mars 2022.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

I - Sur les responsabilités :

Les demandeurs avaient engagé leur action sur le fondement de la garantie décennale de la SAS [N]. Les premiers juges ont considéré qu'ils n'avaient pas qualité pour agir de ce chef, cette garantie légale ne profitant qu'au maître de l'ouvrage ou au sous-acquéreur de l'ouvrage. En l'espèce, la SAS [N] n'étant intervenue que sur la toiture des époux [A] [B], seuls ces derniers pourraient agir sur ce fondement juridique. Ils ont été déboutés aussi d'un manquement à l'obligation de conseil et de précaution, n'ayant pas contracté avec la SAS [N] lesquels ne pouvaient donc prétendre être créanciers d'une telle obligation.

Les premiers juges ont écarté ces fondements juridiques pour ne retenir que la faute de nature délictuelle découlant d'un défaut de réparation affectant la toiture de Mme [A] [B] sur laquelle la SAS [N] était intervenue.

Les premiers juges ont considéré que cette dernière avait commis une faute en négligeant de « s'assurer de l'étanchéité de la zone canal infiltrante [R]/[G], désormais à découvert du fait de la moindre longueur de la couverture' ».

Ces fondements juridiques ne sont pas remis en cause en appel.

II - Sur l'action subrogatoire de la GMF au titre des travaux de réfection de la chambre :

Les époux [R]-[G] auraient fait réaliser des travaux de réfection intérieure de la chambre d'hôte sinistrée, préfinancés par la GMF, leur assureur multirisques habitation, à hauteur de 3 609,65 euros.

La GMF sollicitait ainsi la condamnation in solidum de la société [N] au titre de la garantie décennale et de Mme [A]-[B] au titre du trouble anormal du voisinage au paiement de cette somme de 3 609,65 euros.

Les premiers juges l'ont déboutée en considérant que sa demande n'était pas justifiée puisqu'elle ne rapportait pas la preuve du paiement effectif de cette somme.

En appel, les appelants indiquent produire l'acte de subrogation pour la somme sollicitée dûment régularisé par les consorts [R]-[G], la lettre de paiement en date du 03 février au moyen d'un chèque bancaire de 3 609,65 euros et enfin le chèque de 3 609,65 euros.

Les intimées considèrent que ces pièces sont insuffisantes. Par ailleurs, la MAAF soutient que la GMF n'a pas respecté les dispositions de la convention CORAL qui s'impose entre assureurs et qu'en conséquence sa demande est irrecevable.

Réponse de la cour :

A titre liminaire, le document versé au débat intitulé convention de règlement amiable des litiges (CORAL) ne précise pas si la GMF a signé cette convention.

Par ailleurs la convention indique s'appliquer à compter de 2016, le sinistre ayant eu lieu en 2015, la convention ne précise pas si elle pourrait s'appliquer. Enfin, page 3 de cette convention, est indiqué qu'est considérée comme preuve suffisante pour justifier de la subrogation la copie écran de règlement à son bénéficiaire alors que la MAAF qui s'en prévaut indique que le courrier de paiement est insuffisant.

Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de la GMF en raison de l'absence de respect de la procédure CORAL est donc inopérant. La demande formulée par la GMF est recevable.

* * *

L'article L.121-12 du code des assurances prévoit en son premier alinéa que l'assureur qui a payé l'indemnité à son assuré est subrogé dans les droits et actions de celui-ci contre les tiers responsables qui, par leur fait, ont causé le dommage ou y ont contribué. Il s'agit d'une subrogation légale qui est conditionnée par le paiement préalable de l'indemnité à l'assuré.

La GMF affirme avoir pré financé les travaux de réfection de la chambre dite la soie pour un montant à hauteur de la somme de 3 609,65 euros. Elle verse afin d'établir ce fait dont elle supporte la charge de la preuve l'acte de subrogation régularisé par M. [R] et Mme [G], la lettre de paiement en date du 3 février et enfin la copie du chèque lui même.

Ce fait contesté par les intimées est établi par les nouvelles pièces versées au débat en cause d'appel.

Il y a donc lieu de réformer le jugement sur ce point et de recevoir la demande en paiement sur le fondement de la subrogation légale et d'y faire droit pour la somme réclamée de 3 609,65 euros.

III - Sur l'indemnisation des consorts [G]-[R] :

Les consorts [R]-[G] avaient formulé en première instance, les demandes suivantes:

- 18 894 euros au titre des préjudices consécutifs aux pertes d'exploitation,

- 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi,

- 18 384 euros au titre du préjudice financier lié spécifiquement à l'invalidation de 2 trimestres cotisés dans le cadre d'une retraite anticipée.

Dans son jugement en date du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon a alloué aux consorts [R]-[G] :

-une somme de 3500 euros au titre des pertes d'exploitation ;

-les a déboutés de leur demande au titre du préjudice financier lié aux droits à la retraite et au titre du préjudice moral.

Les appelants contestent l'indemnisation de ces trois chefs de préjudice.

1 - Sur le prétendu préjudice d'exploitation :

Les consorts [R]-[G] revendiquent l'infirmation du jugement en ce qu'il leur a accordé une indemnité de 3 500 euros au titre des pertes d'exploitation subies lors des années 2015 et 2016. Ils sollicitent que la cour fixe leur indemnisation à hauteur de 18 894 euros.

Les consorts [R]-[G] versent aux débats une pièce complémentaire ; l'attestation de leur expert-comptable. Ils arguent ne pas avoir pu atteindre le chiffre d'affaires prévisionnel, qui figurait au dossier de demande de subvention établi en avril 2015. Ils affirment qu'il ressort de leur pièce une perte comptable de chiffre d'affaires pour les saisons 2015, 2016 et suivantes du fait du décalage de progression du CA jusqu'en 2019 d'un montant total de 30 215 euros.

Les intimées arguent que cette pièce n'est pas davantage de nature à établir la réalité du préjudice d'exploitation invoqué.

Réponse de la cour :

Comme l'a relevé le premier juge, il n'est pas contesté et il ressort du certificat d'inscription INSEE que les consorts [R]-[G] ont déclaré une activité d'hébergement touristique en date du 30 juin 2015 soit précisément à la date de constatation par eux des dommages litigieux. Il est constant que la seconde chambre dite 'les Mûriers' n'a pas été impactée par la fuite litigieuse, seule étant sinistrée la chambre dite 'la soie'.

C'est aussi à bon droit que les premiers juges ont considéré que les affirmations des demandeurs, selon lesquelles il s'agissait d'un « projet global qui impliquait la création d'un site et toute communication y afférent afin de booster la commercialisation, qui ne pouvait se faire qu'en proposant deux chambres et non une seule, selon lesquelles la survenance du sinistre dans la deuxième chambre à la veille du démarrage de la saison 2015 (ouverture prévue le 14 juillet) a provoqué l'interruption temporaire du projet dans sa globalité car l'ensemble des aménagements et équipements devaient être réalisés concomitamment, selon lesquelles le dossier TECGECOOP d'aide à la creation d'entreprise en tant que travailleur handicapé, tel que présenté par Mme [G] dans le cadre de sa reconversion professionnelle, était conditionné par l'ouverture simultanée des deux chambres, ne sont corroborées par aucun élément.

ll en résulte, contrairement à ce qu'affirment les Consorts [R]-[G], qu'au moins une des deux chambres pouvait être louée et que ceux-ci ne peuvent sérieusement soutenir avoir réalisé aucun chiffre d'affaires durant la période litigieuse.

Ce préjudice ne peut, au vu de l'ensemble de ce qui précède, résider que dans la différence entre le bénéfice, qui auraient été obtenus après déduction des charges qui auraient dues de toute façon être exposées, pour la location de la chambre d'hôte dite 'la soie' et ceux qui l'ont été en présence des infiltrations litigieuses, la période à prendre en compte étant celle comprise entre juin 2015, date de la première constatation des dommages, correspondant d'ailleurs au début de l'activité de la location de chambres d'hôtes, et le 21 octobre 2016, date des travaux de reprise effectués par la société [N] en application des préconisations de l'expert.

Pour la période à prendre en compte, il est versé au débat les pièces de première instance :

-les déclarations trimestrielles de CA 2016,

- les factures chambre d'hôtes « les Muriers '' 2016,

-les plannings locations gites 2015, 2016,

- le tarif des chambre d'hôtes 2016

et en plus des pièces versées en première instance :

- une attestation de l'expert-comptable

- un tableau de calcul de perte du chiffre d'affaires avec explication.

Pour autant, ce tableau (celui repris dans les conclusions) présente des pertes de chiffre d'affaires et ne calcule pas la perte de bénéfice net. Par ailleurs, il établit le calcul de la perte sur les deux chambres, étant pourtant établi que seule une des deux chambres a été affectée par les infiltrations. Les appelants ne démontrent toujours pas en quoi ils ne pouvaient pas ouvrir une seule chambre, sachant que finalement ils ont bien ouvert en 'décalé' leur gîte avec une seule chambre dans un premier temps puis dans un second temps les deux chambres. Leur demande qui consiste à se voir indemnisé de la somme de 20 848,71 euros (ramenée à 18 894 euros) est fondée sur la perte d'un chiffre d'affaires sur les deux chambres (muriers et la soie) et ne peut être retenue en l'état.

Pour autant, le document (pièce n° 32) présenté par les appelants sur trois pages complètes de calculs et d'explications apparaît cohérent sur la méthode de travail. Il peut ainsi servir de base de calcul au préjudice sous réserve, en raison des précédentes explications de déduire des chiffres retenus la perte liée à la chambre des muriers, celle-ci n'étant pas sinistrée. Enfin les travaux ayant été finalisés en octobre 2016, on comprend mal le manque à gagner sollicité sur les années 2017 et 2018. La phrase indiquant 'le déclage de 2015 et 2016 a poursuivi ses effets durant les exercices suivants' n'est étayée par aucun élément.

En prenant donc en compte le document de travail des appelants et sous ces réserves il y a lieu de retenir le manque à gagner pour 2015 à hauteur de 3 891,60 et pour l'année 2016 à hauteur de 3 970,26 euros, soit la somme de 7 861,86 euros.

La décision sera donc confirmée sur le principe en ce qu'elle a admis l'indemnisation de ce préjudice mais infirmée sur le quantum alloué.

2 - Sur le prétendu préjudice financier lié à la perte de 2 trimestres de cotisation dans le cadre d'une retraite anticipée :

Mme [G] argue qu'elle aurait subi un préjudice financier à hauteur de 18 384 euros constitué par l'invalidation de deux trimestres cotisés dans le cadre d'une retraite anticipée et ceci en raison d'une impossibilité totale d'exercer l'activité de location de chambres d'hôtes.

Le tribunal judiciaire d'Avignon a débouté les concluants sur ce point, reprochant aux concluants de n'avoir produit qu'une estimation indicative globale INFO RETRAITE.

Les appelants produisent un relevé de carrière définitif ainsi qu'un état récapitulatif des versements effectués par les organismes de retraite depuis le mois d'avril 2020 ainsi que le relevé de carrière définitif de la Carsat.

Réponse de la cour :

Mme [G] ne démontre pas qu'elle n'a pas pu commencer son activité d'accueil touristique comme elle le prétend à cause du sinistre, sachant qu'une seule des deux chambres objet du gîte était touchée, que l'autre pouvait accueillir des habitants.

Par ailleurs, elle ne démontre pas plus qu'elle aurait pu valider des trimestres d'auto-entrepreneur sur une activité touristique naissante. Elle verse aux débats un tableau montrant les chiffres d'affaires qu'elle aurait dû réaliser pour valider ces trimestres de retraite, mais rien ne permet d'établir que ces chiffres auraient été atteints.

Enfin, le lien de causalité entre le retard allégué de 9 mois pour la liquidation de ses droits à la retraite, qui fonde sa demande d'indemnisation à hauteur de 18 384 euros (bien que le préjudice soit calculé à hauteur de 23 561,98 euros) et les infiltrations sur une des deux chambres n'est pas établi.

Il y a lieu de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté cette demande.

3 - Sur le préjudice moral :

En première instance, les consorts [R]-[G] réclamaient au titre du préjudice moral qu'aurait subi Mme [G] la somme de 15 000 euros. Ils maintiennent une telle demande en cause d'appel.

Ils ont été déboutés de leur demande faute de produire le moindre élément médical de nature à établir un lien de causalité entre la situation litigieuse et son préjudice.

Ils produisent devant la cour un certificat médical. Les intimées s'opposent à cette indemnisation.

Réponse de la cour :

Le certificat médical produit du Docteur [M]-[O] atteste que Mme [G] 'a subi en 2016 un état de stress aigu ayant nécessité la prise d'anxiolytiques'. Ce certificat établi le 2 novembre 2021, ne permet pas d'établir de lien de causalité entre les infiltrations et le stress subi notant de surcroît que les travaux objet du litige ont eu lieu en mai 2015.

Il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges sur ce point aussi.

IV - S'agissant de l'appel incident formé par Mme [A] [B] sur sa demande de dommages-intérêts :

En première instance, Mme [A]-[B] soutenait, au visa des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, que les consorts [R]-[G] avaient commis un abus de droit constitutif d'une faute délictuelle en l'assignant devant le tribunal judiciaire d'Avignon. Elle maintient cette demande en appel.

Elle expose que le rapport final d'expertise judiciaire a été rendu le 24 août 2016, les travaux de réparation des désordres ont eu lieu le 21 octobre 2016 et ceux de remise en état de la chambre sinistrée en mars 2017, que les consorts [R]-[G] ont cependant attendu le 27 juin 2018, soit près de 15 mois après les derniers travaux, pour l'assigner aux fins d'indemnisation de prétendus préjudices datant de 2015 et 2016. Elle souligne que l'assignation en justice a causé la résiliation de la promesse de vente conclue entre elle et ses acheteurs.

Réponse de la cour :

Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus que dans l'hypothèse de malice ou mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol mais l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.

Il ne peut en l'espèce être reproché aux demandeurs à l'instance initiale d'avoir agi à l'encontre de Mme [A] [B] en l'absence de preuve d'une mauvaise foi de leur part non caractérisée en l'espèce, le délai pour agir en justice n'étant pas constitutif de malice, de sorte que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée par voie de confirmation de la décision déférée.

Sur les frais du procès :

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par défaut, en matière civile, et en dernier ressort,

- Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :

* Débouté la GMF de sa demande en paiement à hauteur de 3 609,65 euros

* condamné in solidum les parties requises à payer aux consorts [R] [G] la somme de 3 500 euros au titre des préjudices liés aux pertes d'exploitation,

Statuant à nouveau de ces chefs :

- Condamne in solidum Mme [C] [A] [B], la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée exerçant sous le nom commercial de GROUPAMA MEDITERRANEE, la SAS [N] et la SA MAAF ASSURANCES à payer à la GMF la somme de 3 609,65 euros,

- Condamne in solidum Mme [C] [A] [B], la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée exerçant sous le nom commercial de GROUPAMA MEDITERRANEE, la SAS [N] et la SA MAAF ASSURANCES à payer à Mme [G] [K] et M. [R] [S] la somme de 7 861,86 euros au titre des préjudices liés aux pertes d'exploitation,

Y ajoutant,

- Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la MAAF en cause d'appel,

- Condamne in solidum Mme [C] [A] [B], la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée exerçant sous le nom commercial de GROUPAMA MEDITERRANEE, la SAS [N] et la SA MAAF ASSURANCES à payer à Mme [G] [K] et M. [R] [S] et la GMF la somme de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'appel,

- Condamne in solidum Mme [C] [A] [B], la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée exerçant sous le nom commercial de GROUPAMA MEDITERRANEE, la SAS [N] et la SA MAAF ASSURANCES aux dépens d'appel et de première instance comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

Arrêt signé par la présidente et la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/02455
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.02455 ?
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