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02/03/2023 | FRANCE | N°21/04153

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 02 mars 2023, 21/04153


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

























ARRÊT N°



N° RG 21/04153 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-IIDA



SL -AB



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

04 novembre 2021

RG:20/00267



[S]



C/



[O] épouse [H]

[Z]

S.A.S. NATHEMMA

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT



















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Grosse délivrée

le 02/03/2023

à [I] [U]

à Me Nicolas OOSTERLYNCK

à Me Julie ROLAND

à Me Jean-marie CHABAUD









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 02 MARS 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en dat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04153 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-IIDA

SL -AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

04 novembre 2021

RG:20/00267

[S]

C/

[O] épouse [H]

[Z]

S.A.S. NATHEMMA

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT

Grosse délivrée

le 02/03/2023

à [I] [U]

à Me Nicolas OOSTERLYNCK

à Me Julie ROLAND

à Me Jean-marie CHABAUD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 02 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 04 Novembre 2021, N°20/00267

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [M] [S]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Madame [W] [O] épouse [H]

née le 10 Mars 1943 à [Localité 14] (Tunisie)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Nicolas OOSTERLYNCK de la SCP PENARD-OOSTERLYNCK-BEVERAGGI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

Monsieur [K] [B]

né le 11 Mai 1993 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Julie ROLAND de la SCP ROLAND ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

S.A.S. NATHEMMA

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 3]

[Localité 8]

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT

es qualités de mandataire liquidateur de la SAS NATHEMMA suivant jugement du TC Avignon du 17 Juillet 2019

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 02 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 2 août 2018, reçu par Maître [M] [S], notaire à [Localité 13], Mme [W] [O] a vendu à la SAS Nathemma un tènement d'immeuble comprenant trois logements avec terrain attenant sis [Adresse 2] à [Localité 11].

Le prix de vente convenu entre les parties s'élevait à la somme de 330 000 euros payable à hauteur de 100 000 euros dans les 48 heures de la signature de l'acte, le surplus d'un montant de 230 000 euros devant être payé dans les six mois, c'est-à-dire le 2 février 2019 au plus tard.

L'acte de vente stipulait une clause résolutoire selon laquelle, à défaut de paiement et un mois après simple commandement de payer demeuré infructueux, la vente sera résolue de plein droit, conformément aux dispositions de l'article 1656 du code civil, si le commandement contient déclaration formelle par le vendeur de son intention de profiter de la présente clause.

En garantie du paiement du prix, le bien immobilier demeurait en outre affecté du privilège spécial du vendeur avec réserve de l'action résolutoire, prévu à l'article 2374 1° du code civil.

Le 2 août 2018, soit le jour même de la vente intervenue entre les parties, l'immeuble vendu a fait l'objet d'une mise en copropriété.

Cette division a permis à la société Nathemma de revendre, le 2 août 2018, trois lots à M. [B] pour le prix de 146 000 euros et la somme de 100 000 euros a été réglée à Mme [O] conformément aux stipulations de l'acte précédent.

Le solde du prix de vente, soit la somme de 230 000 euros, n'ayant pas été réglé dans les six mois de la vente, Mme [O] a adressé à la SAS Nathemma, le 28 mars 2019, une lettre recommandée avec accusé de réception intitulée 'mise en demeure de commandement de payer adressée par lettre recommandée avec accusé de réception' par le biais de Maître [S].

Cette lettre est restée sans effet.

Par jugement du 17 juillet 2019, le tribunal de commerce d'Avignon a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Nathemma et a désigné la SELARL Etude Balincourt, représentée par Maître [D] [A] en qualité de liquidateur judiciaire.

A titre conservatoire et par courrier recommandé du 23 septembre 2019, Mme [O] a déclaré entre les mains du liquidateur sa créance privilégiée d'un montant de 232 384, 56 euros.

Le conseil de Mme [O] a écrit le 9 octobre 2019 au liquidateur afin de lui proposer de voir constater par acte notarié, l'acquisition de la clause résolutoire incluse dans son acte de vente, ainsi que la rétrocession au profit de la requérante des lots non revendus à des tiers par la SAS Nathemma.

Par courrier du 30 octobre 2019, Maître [A] a répondu par la négative à cette proposition amiable.

Par acte du 18 février 2020, Mme [O] a assigné la SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur de la SARL Nathemma, ainsi que M. [B] en sollicitant:

- la résolution de plein droit de la vente intervenue le 2 août 2018,

- l'expulsion de M. [B],

- la condamnation de M. [B] à lui payer une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 1 000 euros à compter du 3 mai 2019,

- la fixation de sa créance à la liquidation judiciaire de la SARL Nathemma à la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

- la condamnation de la SELARL Balincourt ès qualités à lui payer la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 21 juillet 2020, M. [B] a appelé en cause le notaire, Maître [S], pour solliciter:

- la jonction avec l'affaire enrôlée sous le n° 20/00267,

- dire et juger commun et opposable le jugement à intervenir à Maître [S],

- la condamnation solidaire du notaire avec la SAS Nathemma prise en la personne de son liquidateur à lui payer :

o 171 966,22 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,

o juger que par le jeu des compensations l'ensemble des sommes qui serait restitué par Mme [O] devra être versé au profit de M.[B],

o la condamnation solidaire du notaire avec la SAS Nathemma à relever et garantir M. [B] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au bénéfice de Mme [O].

La jonction a été prononcée le 29 octobre 2020.

Par acte du 30 mars 2021, Mme [O] a appelé dans la cause la SAS Nathemma.

La jonction a été prononcée le 22 avril 2021.

Par jugement réputé contradictoire du 4 novembre 2021 le tribunal judiciaire de [Localité 11] a :

- débouté Mme [W] [O] de sa demande de résolution de la vente du 2 août 2018 conclue entre elle et la SAS Nathemma ;

- condamné Maître [M] [S], notaire, à payer à [W] [O] la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné Maître [M] [S], notaire, à payer à Mme [W] [O] la somme de 2500 euros, la même somme à M. [K] [B] et celle de 1 000 euros à la société Etude Balincourt ès qualités, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Maître [S], notaire, aux entiers dépens.

- rejeté toutes les autres demandes.

Le tribunal a notamment estimé que la clause résolutoire n'ayant pas été mise en oeuvre avant l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS Nathemma le 17 juillet 2019 à défaut de signification d'un commandement de payer visant la clause résolutoire telle que stipulée au contrat de vente à laquelle ne pouvait se substituer une simple mise en demeure, aucune action en résolution du contrat ne pouvait être engagée sur le fondement des dispositions de l'article L622-21 du code de commerce afférent à la règle de l'interruption des poursuites.

Il a cependant estimé que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité de Maître [S] étaient réunies en raison du manquement au devoir de conseil et à l'obligation d'information des parties et l'a condamnée à payer à Mme [O] la somme de 200 000 euros.

Par déclaration du 19 novembre 2021, Mme [M] [S] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 10 octobre 2022, la procédure a été clôturée le 15 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 janvier 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 2 mars 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2022, Maître [S] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de la vente intervenue entre Mme [O] et la SAS Nathemma,

- l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [O] la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- juger que Maître [S] n'a pas commis de faute en conseillant à Mme [O] de saisir un avocat pour faire valoir un commandement de payer après mise en demeure,

- juger qu'aucun préjudice né, actuel et certain n'est en relation de causalité avec l'intervention du notaire,

- débouter Mme [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

A titre subsidiaire,

- débouter M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- débouter la SELARL Etude Balincourt de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- débouter toutes les parties de leurs demandes dirigées à son encontre,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 3 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

L'appelante fait valoir que :

- les conditions d'engagement de sa responsabilité civile professionnelle ne sont pas réunies car elle n'a jamais été chargée de mettre en oeuvre la clause résolutoire insérée à l'acte de vente mais de délivrer une simple mise en demeure,

- elle n'a commis aucune faute en conseillant à Mme [O] de saisir un avocat aux fins d'engager une procédure judiciaire en résolution de la vente, ce qui a été effectué le 16 avril 2019, la saisine de l'avocat ayant déchargé le notaire de toutes diligences à partir de cette date,

- le préjudice allégué n'est pas en relation de causalité avec l'intervention du notaire.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 avril 2022, Mme [O], intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

- débouter Maître [S] de toutes ses demandes,

A titre incident,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résolution de la vente du 2 août 2018,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné Maître [S] à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire incluse dans l'acte de vente du 2 août 2018 à la date du 3 mai 2019 ;

- prononcer la résolution de la vente intervenue entre elle et la SAS Nathemma le 2 août 2018,

- ordonner la publication de la décision à intervenir au service de la publicité foncière dans les termes rappelés au sein de ses conclusions,

- ordonner l'expulsion de M. [B] des lieux qu'il occupe sis à [Localité 11], [Adresse 2], dans un ensemble immobilier cadastré section AD n°[Cadastre 5] (lots n°3 n°5, n°6) et lui appartenant, ainsi que de tous occupants de son chef en la forme ordinaire avec l'assistance de la force publique si besoin est,

- condamner M. [B] à lui payer une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 1 000 euros à compter du 3 mai 2019, date d'acquisition de la clause résolutoire, jusqu'à complète libération des lieux,

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la SAS Nathemma représentée par Maître [A], mandataire liquidateur, à la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

A titre subsidiaire,

- dire que l'absence d'acquisition de la clause résolutoire est entièrement imputable à Maître [S],

- juger que Maître [S] a commis une faute dans l'exercice de ses fonctions,

- condamner Maître [S] à lui payer la somme de 230 000 euros, outre intérêts au taux d'intérêt légal à compter du 28 mars 2019, en réparation de son préjudice,

A titre infiniment subsidiaire,

- fixer la créance de Mme [O] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Nathemma, à titre privilégié, à la somme de 232 384,56 euros, outre intérêts pour mémoire, se décomposant comme suit:

principal (solde du prix de vente) : 230 000 euros

intérêts au taux légal du 28 mars 2019 au 17 juillet 2019 : 2 384,56 euros

intérêts à échoir : mémoire

En toute hypothèse,

- condamner Maître [S] et/ou toute autre partie succombant, à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [O] fait valoir que :

- la clause résolutoire prévue par l'acte de vente notarié du 2 août 2018 est acquise puisque mise en oeuvre par le commandement de payer notifié par Maître [S] le 28 mars 2019 visant expressément la clause résolutoire, constituant une mise demeure conforme aux dispositions de l'article 1225 du code civil applicable en l'espèce,

- l'immeuble devra lui être restitué en entier et les effets de la résolution seront déclarés opposables au sous-acquéreur dès lors que celui-ci avait été informé du privilège de vendeur dont elle bénéficie tel que cela résulte expressément de l'acte de vente du 2 août 2018 et de la publication dont il a fait l'objet,

- à défaut, elle est fondée à engager la responsabilité de Maître [S], notaire, qui a manqué à son devoir de conseil et d'information en s'abstenant de faire délivrer à la SAS Nathemma un commandement de payer par acte d'huissier et ce faisant, a concouru directement à la réalisation de son préjudice direct et certain d'obtenir la résolution de la vente et la restitution du prix de vente soit la somme de 230 000 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, il convient d'admettre sa créance privilégiée au passif de la SAS Nathemma à hauteur de la somme de 232 384,56 euros.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2022, M. [B] demande à la cour de:

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [O] de toutes ses demandes formulées à son égard,

- débouter Maître [S] et la SELARL Etude Balincourt de toutes leurs demandes formulées à son encontre,

Subsidiairement,

- dire que la vente du 2 août 2018 intervenue à son profit est parfaite,

- dire inopposable à son égard la clause résolutoire contenue à l'acte de vente du 2 août 2018 ainsi que la clause du privilège du vendeur,

- fixer sa créance au passif de la SAS Nathemma prise en la personne de son liquidateur Maître [A] à la somme de 171 966,22 euros outre les intérêts à courir sur le solde en principal jusqu'au complet paiement de la créance,

- condamner solidairement les mêmes à le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice de Mme [O],

- juger que par le jeu des compensations l'ensemble des sommes qui serait restitué par Mme [O] devra être versé à son profit,

En tout état de cause,

- condamner solidairement Maître [S], Mme [O] et la SAS Nathemma prise en la personne de son liquidateur à lui payer la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure.

M. [B] fait valoir que :

- la clause résolutoire lui est inopposable eu égard à sa qualité de sous-acquéreur et l'absence de mention expresse relative à ladite clause sur la demande de publication de l'acte de vente initial le 28 août 2018 et la venderesse n'est plus en mesure de se prévaloir du privilège du vendeur principal pour lequel elle a accepté de donner mainlevée,

- à défaut, il est fondé à obtenir la condamnation de la SAS Nathemma à lui payer d'une part, la somme de 171 966,22 en réparation de son préjudice né de l'inexécution de son obligation de garantie d'éviction et à le relever d'autre part, de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au profit de Mme [O] dont indemnité d'occupation,

- si la résolution de la vente principale est prononcée, il est également fondé à obtenir la condamnation de Maître [S] à lui payer la somme de 171 966,22 en réparation de son préjudice né du manquement à son devoir de conseil, en application de l'article 1382 du code civil, outre sa condamnation solidaire avec la SAS Nathemma à le relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de Mme [O].

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 mai 2022, la SELARL Etude Balincourt ès qualités de liquidateur de la SAS Nathemma, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter Maître [S], Mme [O] et M. [B] de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner en outre Maître [S] et/ou tout succombant au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- l'action en résolution de la vente ne peut prospérer en application du principe de l'interdiction des poursuites prévu à l'article L 622-21 du code de commerce en l'absence de mise en oeuvre de la clause résolutoire antérieurement à la liquidation judiciaire de la SAS Nathemma, le courrier de mise en demeure du 28 mars 2019 ne répondant pas aux exigences posées par les stipulations contractuelles de l'acte de vente,

- l'action ne saurait prospérer puisque l'immeuble est désormais en copropriété et que le vendeur a renoncé au privilège du vendeur,

- elle s'en rapporte à la justice sur la demande d'admission de la créance sollicitée à titre infiniment subsidiaire par Mme [O] et s'agissant de la créance de M. [B] celle-ci ne pourrait qu'être admise à titre chirographaire.

La déclaration d'appel a été signifiée à la SAS Nathemma le 18 et le 26 janvier 2022.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'acquisition de la clause résolutoire :

L'article 1225 du code civil dispose que la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat.

La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

Les parties s'opposent sur le formalisme requis aux termes des stipulations contractuelles de l'acte de vente pour mettre en oeuvre la clause résolutoire insérée à l'acte.

La venderesse se prévaut des dispositions de l'article 1225 du code civil dans sa nouvelle rédaction applicable en l'espèce qui conditionne l'efficacité de la clause résolutoire à une mise en demeure infructueuse devant viser expressément la clause résolutoire.

Elle considère que les stipulations contractuelles ne nécessitaient nullement la délivrance d'un commandement de payer par acte d'huissier et que la mise en demeure adressée par le notaire le 28 mars 2019 était donc régulière et suffisante à entraîner l'acquisition de la clause résolutoire.

Le liquidateur judiciaire de la société Nathemma excipe de son côté de la seule application des stipulations contractuelles ayant expressément prévu la délivrance d'un commandement de payer, lequel n'est pas intervenu, ce qui a empêché la clause résolutoire de jouer.

La clause insérée à l'acte de vente est libellée comme suit :

' A défaut de paiement exact à son échéance d'un seul terme du principal et des intérêts s'il y a lieu, et un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux, les sommes qui resteront alors dues deviendront immédiatement et de plein droit exigibles sans qu'il soit besoin de remplir aucune autre formalité judiciaire, ni de faire prononcer en justice la déchéance du terme nonobstant toutes offres de paiement et consignations ultérieures.

Qu'au surplus, à défaut de paiement de tout ou partie du prix dans les termes convenus et un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux, la vente sera résolue de plein droit conformément aux dispositions de l'article 1656 du code civil si le commandement contient déclaration formelle par le vendeur de son intention de profiter de la présente clause'.

La lettre recommandée du 28 mars 2019 adressée par le notaire, intitulée ' mise en demeure de commandement de payer adressée par lettre recommandée avec accusé de réception' indique que:

'Conformément aux termes de l'acte de vente du 2 août 2018, je vous adresse ce courrier valant mise en demeure de commandement de payer la somme de 230 000 euros. A défaut de paiement dans le mois suivant la réception des présentes, la vente sera résolue de plein droit conformément aux dispositions de l'article 1656 du code civil'.

Si l'article 1225 du code civil subordonne la mise en oeuvre de la clause résolutoire à la délivrance d'une mise en demeure infructueuse sans que soit exigée la signification d'un commandement de payer, cette disposition ne saurait permettre de déroger aux stipulations contractuelles prévues par les parties devant s'appliquer en l'espèce en ce qu'elles constituent la loi des parties.

Or, les termes de la clause résolutoire stipulée à l'acte de vente sont parfaitement clairs, précis et dépourvus d'une quelconque ambiguïté et visent la délivrance d'un commandement de payer demeuré infructueux pendant un délai d'un mois pour que la clause résolutoire produise effet.

Un commandement de payer correspond à une acception juridique précise qui ne saurait être confondue avec une mise en demeure. Il s'agit d'un acte dressé par un huissier de justice ayant vocation à être signifié par acte extrajudiciaire.

En dépit de l'ambiguïté et de la confusion dans les termes juridiques employés par le notaire dans le courrier litigieux du 28 mars 2019 visant une 'mise en demeure de commandement de payer', cette missive ne saurait valoir commandement de payer et s'analyse en une simple mise en demeure comme l'a très exactement relevé le premier juge.

Il en découle que la clause résolutoire stipulée à l'acte de vente n'a pas été valablement mise en oeuvre avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Nathemma intervenue par jugement du 17 juillet 2019.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande de résolution de la vente.

Sur la faute imputée au notaire :

Le tribunal a retenu un manquement du notaire à son devoir de conseil et d'information aux motifs que la mise en demeure litigieuse délivrée le 28 mars 2019 n'était pas susceptible de faire jouer la clause résolutoire et que le notaire ne rapportait pas la preuve d'une information de Mme [O] sur ce point.

L'appelante conteste avoir commis un quelconque manquement à ses obligations professionnelles en ce qu'elle soutient ne pas avoir été chargée de mettre en oeuvre la clause résolutoire insérée à l'acte de vente. Elle affirme avoir délivré une simple mise en demeure conformément à la demande de la venderesse qui l'avait précisément saisie à cette fin.

Il résulte des termes du courrier adressé par Mme [O] le 20 mars 2019 qu'elle a donné l'ordre à Maître [S] de 'mettre en demeure la société Nathemma de payer la somme de 230000 euros par suite de l'arrivée du terme arrêté dans l'acte de vente en date du 2 août 2018 pour le paiement de ladite somme'.

Il en découle que Mme [O] a saisi le notaire aux fins d'obtenir le paiement du solde du prix de vente conformément aux stipulations de l'acte précisément rédigé par Maître [S].

Or, en sa qualité de professionnel, il appartient au notaire, non seulement d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il est chargé d'établir mais encore de conseiller les parties sur les moyens juridiques les plus adéquats pour parvenir à atteindre le but recherché par celles-ci.

L'appelante ne peut invoquer une interprétation littérale du mandat qui lui a été confié par Mme [O] dans les suites de l'acte de vente par lettre du 20 mars 2019 pour échapper à sa responsabilité alors que la mise en demeure délivrée par ses soins a précisément été intitulée 'mise en demeure de commandement de payer', ce dont il s'infère que Maître [S] entendait ainsi mettre en oeuvre la clause résolutoire prévue dans l'acte.

Or, il appartenait à Maître [S], qui était précisément la rédactrice de la clause résolutoire, d'assurer une pleine efficacité à la mise en demeure délivrée par ses soins dans le cadre de la mission spécialement confiée à cette fin par Mme [O] en l'informant de la nécessité de faire délivrer un commandement par acte d'huissier à la société Nathemma.

L'intervention postérieure d'un conseil aux côtés de Mme [O] ne permet pas d'exonérer le notaire de sa responsabilité dans la mesure où il est établi par la lettre adressée par l'avocat à Maître [S] le 16 avril 2019 que celui-ci a été saisi aux fins d'engager une procédure judiciaire en résolution de plein droit de la vente immobilière et non pour mettre en oeuvre la clause résolutoire insérée à l'acte de vente, laquelle constitue juridiquement l'étape préalable à propos de laquelle l'avocat justifie avoir interrogé le notaire sur le courrier valant commandement de payer adressé le 28 mars 2019.

C'est ainsi vainement que Maître [S] entend être déchargée de sa responsabilité en ce qu'elle a invité sa cliente à saisir un professionnel du droit pour assurer la défense de ses intérêts au moyen que l'avocat ne pouvait valablement considérer que la mise en demeure litigieuse valait commandement de payer alors que la faute antérieure du notaire est parfaitement établie en l'espèce.

Le jugement sera donc également confirmé sur ce point.

Sur le préjudice allégué :

Dans le cadre de son appel incident, Mme [O] réclame l'intégralité du solde du prix de vente non perçu par la venderesse en raison de la faute du notaire, soit la somme de 230 000 euros en lieu et place de la somme de 200 000 euros allouée par le premier juge correspondant au montant du préjudice subi du fait de l'inefficacité de la mise en demeure n'ayant pu faire jouer la clause résolutoire.

Elle fait grief au premier juge d'avoir analysé son préjudice en une simple perte de chance et se prévaut d'un préjudice direct, certain et actuel compte tenu de la liquidation judiciaire de la société Nathemma la privant de toute possibilité d'obtenir le prix de vente.

L'appelante principale conteste l'existence d'un lien de causalité entre le manquement qui lui est reproché et le préjudice allégué ainsi que l'existence d'un préjudice certain puisqu'il lui appartient d'attendre l'issue de la procédure de liquidation judiciaire de la société Nathemma et qu'elle avait chargé son conseil de la défense de ses intérêts de sorte que celui-ci aurait pu faire délivrer un commandement de payer avant la mise en liquidation judiciaire de la société le 17 juillet 2019.

L'argumentation afférente aux prétendus manquements imputés à l'avocat de Mme [O] est inopérante, la cour étant en l'espèce saisie de la seule question de la responsabilité civile professionnelle de Maître [S].

Le préjudice subi par Mme [O] s'analyse en la perte d'une éventualité favorable consistant dans l'impossibilité de recouvrer le solde du prix de vente dans les délais escomptés tels que prévus par l'acte de vente, ce qui caractérise une perte de chance qui a en l'espèce été perdue du fait de la faute commise par Maître [S] qui, saisie par sa cliente le 20 mars 2019, a délivré une mise en demeure le 28 mars 2019 n'ayant eu aucun effet sur la mise en oeuvre de la clause résolutoire stipulée à l'acte.

Or, si le notaire avait mieux informé sa cliente à cette date quant à la nécessité de faire délivrer un commandement de payer, la clause résolutoire de l'acte de vente aurait pu être acquise avant l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Nathemma, survenue quatre mois plus tard.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la perte de chance sera évaluée à 90 % et le préjudice subi par Mme [O] sera ainsi réparé par l'allocation de la somme de 207 000 euros correspondant à l'application de ce taux au solde du prix de vente dû par la société Nathemma.

Maître [S] sera ainsi condamnée à payer la somme de 207 000 euros à titre de dommages-intérêts à Mme [O] par voie d'infirmation du jugement déféré sur ce point.

Sur les autres demandes :

Succombant en son appel, Maître [S] sera condamnée à en régler les entiers dépens sur le fondement des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa prétention au titre des frais irrépétibles.

L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer à Mme [O] et à M. [B] la somme de 3000 euros à chacun au titre des frais irrépétibles exposés par ces derniers en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes allouées par le premier juge étant confirmées.

Maître [S] sera également condamnée à payer la somme de 1 000 euros à la Selarl Balincourt ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nathemma du même chef, la somme allouée par le premier juge étant également confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a condamné Maître [M] [S] à payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts à Mme [W] [O] ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne Maître [M] [S] à payer la somme de 207 000 euros de dommages-intérêts à Mme [W] [O] ;

Y ajoutant,

Condamne Maître [M] [S] aux entiers dépens de l'appel ;

Condamne Maître [M] [S] à payer la somme de 3 000 euros chacun à Mme [W] [O] et à M. [K] [B] et la somme de 1 000 euros à la Selarl Balincourt ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Nathemma ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/04153
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;21.04153 ?
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