RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00016 -
N° Portalis DBVH-V-B7F-IJPS
SL -AB
TRIBUNAL DE PROXIMITE D'UZES
09 novembre 2021
RG :11-21-402
S.A.R.L. FROID-CLIMATISATION-ELECTRICITE-SANITAIRE (F-C-E-S )
C/
[P]
[F]
Grosse délivrée
le 16/02/2023
à Me Marie MAZARS
à Me Jean paul CHABANNES
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité d'UZES en date du 09 Novembre 2021, N°11-21-402
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
INTIMÉE à titre incident :
S.A.R.L. FROID-CLIMATISATION-ELECTRICITE-SANITAIRE (F-C-E-S ) prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
APPELANTS à titre incident :
Madame [G] [P] épouse [F]
née le 21 Mars 1961 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean paul CHABANNES de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [V] [F]
né le 21 Juin 1961 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean paul CHABANNES de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 16 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Selon devis du 26 mars 2018 les époux [F] [G] et [V] commandaient auprès de la société Froid-Climatisation-Electricité-Sanitaire (ci-après FCES) la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur air réversible Inverter Atlantic Fujistu à l'étage de la maison dont ils sont propriétaires sur la commune de [Adresse 4], moyennant paiement de la somme de 2097,12 euros.
Très rapidement les époux [F] constataient que l'équipement restait inefficace dans les chambres et la salle de bain attenante alors que l'unité intérieure installée dans le couloir refroidissait essentiellement ce lieu de passage.
Ils s'en inquiétaient alors auprès du responsable de la société, lequel proposait l'installation de nouveaux matériels ainsi que la reprise de la pompe à chaleur initialement posée pour un montant de 700 euros HT.
Insatisfaits des propositions reçues, les époux [F] s'adressaient à leur protection juridique qui initiait une expertise amiable.
Le cabinet Elex concluait ainsi : 'Le positionnement de l'unité intérieure à l'étage est loin d'être optimal et ne permet pas de refroidir les trois chambres ainsi que la salle de bain'.
Consécutivement, les époux [F] faisaient une proposition transactionnelle au professionnel, qui ne l'acceptait pas en considérant qu'il avait réalisé correctement sa prestation et satisfait à son obligation de conseil comme en témoigne la mention portée sur le devis ainsi qu'il suit : 'ATTENTION. En cas de forte demande, la puissance ici proposée peut ne pas suffire'.
Une expertise judiciaire était ordonnée en référé par décision du 9 septembre 2020. L'expert mandaté à cette fin rendait son rapport définitif le 25 janvier 2021.
Ce dernier mettait en exergue la non-conformité du positionnement de l'unité intérieure de l'étage et chiffrait les travaux de remise en état à la somme de 4 900 euros TTC.
Suivant acte signifié au gérant de la société le 2 septembre 2021, les époux [F] ont assigné la société venderesse devant le tribunal de proximité d'Uzès aux fins de constatation d'un manquement par cette dernière à son obligation de délivrance et de condamnation au coût de la remise en état de l'installation telle que chiffrée par l'expert à hauteur de la somme de 4 900 euros, outre 2 500 euros en réparation du préjudice de jouissance et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Alès a :
- déclaré la société Froid-Climatisation-Electricité-Sanitaire (FCES) responsable du préjudice subi par Mme [F] [G] née [P] et M. [F] [V] ;
- condamné la société FCES à payer aux époux [F] les sommes suivantes :
4 900 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution de son obligation de résultat en raison de la non-conformité du matériel fourni et posé, avec les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation ;
1 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Mme [F] née [P] et M. [F] du surplus de leurs demandes et notamment de celles relatives à leur préjudice de jouissance et au remboursement des frais d'expertise et de ceux relatifs à la procédure de référé ;
- condamné la société FCES aux entiers dépens de l'instance ;
- rappelé que le jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 28 décembre 2021, la SARL Froid-Climatisation-Electricité-Sanitaire (ci-après FCES) a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 10 octobre 2022, la procédure à été clôturée le 15 décembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 5 janvier 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 16 février 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, l'appelante demande à la cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :
- dire et juger que l'installation réalisée par la SARL FCES est conforme aux caractéristiques attendues d'un bien du même type ;
- dire et juger que la société FCES a satisfait à son obligation d'information envers les consorts [F] ;
- débouter les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
- débouter les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
- débouter les époux [F] des fins de leur appel incident comme étant mal fondé ;
A titre subsidiaire,
- Ne porter condamnation de la SARL FCES sur chiffrage de l'expert judiciaire que pour :
ordonner la reprise du split litigieux par la SARL FCES
prendre à sa charge la plus-value correspondante à l'installation d'un système gainable soit la somme de 1 002,88 euros TTC
En tout état de cause,
- condamner les consorts [F] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les consorts [F] aux entiers dépens de la présente procédure et de première instance.
L'appelante fait valoir que :
- le choix du système de climatisation et son positionnement ont été décidés par les acquéreurs en dépit des conseils préconisés par la société venderesse et ils ne peuvent par conséquent arguer de la non-conformité du matériel livré sur le fondement des dispositions de l'article L217-5 du code de la consommation ;
- en l'absence de désordres de nature à engager la garantie décennale et en l'absence de preuve d'une faute contractuelle qui lui soit imputable, elle ne peut voir sa responsabilité engagée au regard des informations fournies par le chauffagiste ;
- les intimés ne peuvent solliciter une double indemnisation pour un même préjudice et sont mal fondés à solliciter l'exécution en nature portant sur la reprise du split alors qu'ils ont obtenu l'indemnisation pour un montant global de travaux de reprise et le préjudice de jouissance allégué n'est pas établi.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2022, les époux [F], intimés, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
jugé la société FCES responsable du préjudice subi par les époux [F] ;
condamné la société FCES au paiement du coût de la remise en état de l'installation telle que chiffrée par l'expert judiciaire, soit 4 900 euros TTC avec intérêts au taux légal entre la date du dépôt du rapport et le paiement effectif ;
- réformer le jugement du 9 novembre 2021 pour le surplus et statuant à nouveau :
- ordonner à la société FCES de reprendre le split litigieux, dans les 15 jours suivant la décision à intervenir et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- condamner la société FCES au paiement de la somme de 2 500 euros au titre du préjudice de jouissance des époux [F] ;
- rejeter toutes demandes, fins ou conclusions, plus amples ou contraires;
- condamner la société FCES au paiement de la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi ;
- condamner la société FCES aux entiers dépens, de référé, de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés répliquent que :
- ils sont bien fondés à agir sur le fondement de la garantie légale de conformité et subsidiairement, sur le manquement à l'obligation de résultat et de conseil au regard des conclusions de l'expertise judiciaire ayant mis en évidence l'inutilité de l'installation litigieuse;
- les conditions de la garantie légale de conformité sont réunies puisqu'un matériel inadapté a été installé en un endroit inapproprié ;
- le professionnel a manqué à son obligation de résultat et de conseil et a ainsi engagé sa responsabilité et la matérialité du préjudice de jouissance est avérée depuis 2018 par la gêne occasionnée du fait de l'absence de climatisation de l'étage de la maison.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la non-conformité de l'installation :
Aux termes de l'article L217-4 du code de la consommation, le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.
L'article L217-5 dispose que le bien est conforme au contrat s'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable ou s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre, ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
L'appelante soutient que les conditions de la garantie légale de conformité ne sont pas réunies en l'espèce en arguant de la totale conformité de l'unité intérieure dont le positionnement a été installé conformément aux directives des acquéreurs en dépit des conseils contraires qui leur auraient été prodigués par le professionnel.
Les intimés arguent au contraire d'une non-conformité caractérisée par l'inutilité du matériel installé qui ne peut remplir son rôle.
Si l'expert judiciaire indique que l'installation proprement dite est conforme aux règles de l'art, il relève que l'unité intérieure est très mal positionnée et que la non-conformité concerne précisément ce positionnement et ajoute que la diffusion correcte de l'air par l'unité intérieure dans les deux chambres de l'étage est impossible.
Il est ainsi établi qu'aux termes de l'installation du matériel de climatisation effectuée par le professionnel, le refroidissement recherché des chambres à l'étage est, non pas seulement limité mais inexistant, l'expertise amiable ayant mis en évidence la cause de l'inefficacité du dispositif découlant des caractéristiques techniques du matériel basculant automatiquement en position 3 au bout de 30 minutes, ce qui empêche le flux d'air frais de pénétrer dans les chambres en raison de son orientation vers les traverses hautes des blocs portes.
La non-conformité du matériel par rapport aux caractéristiques légitimement attendues du produit commandé découle ainsi de son installation inadéquate par le professionnel.
L'appelante est mal fondée à se dégager de sa responsabilité au moyen de la mention apposée sur le devis indiquant 'en cas de forte demande, la puissance ici proposée peut ne pas suffire' alors que tant l'expertise judiciaire que l'expertise amiable ont mis en évidence une inefficacité de l'installation.
Elle ne peut par ailleurs se dédouaner en raison des prétendues directives des acquéreurs sur le positionnement du matériel puisqu'il appartenait au seul professionnel de s'assurer de son efficacité dans le cadre de la mission d'installation du matériel qui lui avait été confiée.
C'est ainsi à bon droit que le premier juge a retenu que les conditions légales de la garantie de conformité étaient remplies et la décision sera confirmée sur ce point.
Sur l'indemnisation du préjudice :
L'expert indique que les travaux nécessaires au conditionnement des deux chambres consistent à déposer le climatiseur installé et à le remplacer et que la fourniture et la pose d'un climatiseur gainable après dépose du climatiseur existant est évaluée à 4 900 euros TTC.
La condamnation prononcée par le premier juge à l'encontre de la société FCES au paiement de la somme de 4 900 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation sera donc confirmée.
Les intimés seront déboutés de leur appel incident tendant à obtenir la condamnation sous astreinte de la société FCES à reprendre le split litigieux sous astreinte, la dépose et la reprise de ce matériel ayant déjà été prise en compte dans le cadre de la condamnation prononcée par le premier juge.
La matérialité du préjudice de jouissance allégué par les intimés est établie par l'inutilité du climatiseur installé n'ayant pas permis le conditionnement des chambres situées à l'étage.
Ce préjudice sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 800 euros de dommages-intérêts que la société FCES sera condamnée à leur payer.
Sur les autres demandes :
Succombant à l'instance, la société FCES sera condamnée à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel, en ce compris les dépens de la procédure de référé et d'expertise judiciaire en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la décision du premier juge étant infirmée sur ces derniers points.
L'équité commande par ailleurs de condamner la société FCES à payer à M. et Mme [F] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par ces derniers en cause d'appel, en sus de la somme déjà allouée en première instance à hauteur de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société FCES sera déboutée de sa prétention du même chef en ce qu'elle succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté M. [V] [F] et Mme [G] [F] de leur demande de remboursement des frais d'expertise et de ceux relatifs à la procédure de référé ;
Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant,
Condamne la SARL Froid climatisation électricité sanitaire (FCES) à payer à M. [V] [F] et Mme [G] [F] la somme de 800 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance ;
Déboute M. [V] [F] et Mme [G] [F] de leur demande de condamnation sous astreinte de la société FCES à reprendre le split litigieux ;
Condamne la SARL Froid climatisation électricité sanitaire (FCES) aux entiers dépens de la procédure de référé et d'expertise et aux entiers dépens de l'appel ;
Condamne la SARL Froid climatisation électricité sanitaire (FCES) à payer à M. [V] [F] et Mme [G] [F] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,