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14/02/2023 | FRANCE | N°21/02997

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 14 février 2023, 21/02997


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/02997 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IENC



CS



TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'ANNONAY

07 juillet 2021

RG :5120000002



[G]



C/



[V]





Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023







Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'ANNONAY en date du 07 Juillet 2021, N°5120000002



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procéd...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02997 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IENC

CS

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'ANNONAY

07 juillet 2021

RG :5120000002

[G]

C/

[V]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'ANNONAY en date du 07 Juillet 2021, N°5120000002

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [J] [G]

né le 01 Février 1975 à CHAMPAGNOLE (39300)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Olivier MARTEL, avocat au barreau d'ARDECHE

INTIMÉE :

Madame [P] [V] épouse [U]

née le 07 Juillet 1944 à ANNONAY (07100)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel DESILETS de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Statuant en matière de baux ruraux

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 14 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous-seing privé en date du 1er janvier 2010, Mme [P] [V] épouse [U] a donné à bail à M. [J] [G] des terres, des bâtiments d'exploitation et des bâtiments d'habitation sur la commune de [Localité 1] ([Adresse 5]) pour une superficie totale de 30ha 97a 17ca, moyennant un loyer annuel de 1.945 euros pour les terres, 255 euros pour les bâtiments d'exploitation et installations hors sol, payables annuellement, ainsi que la somme annuelle de 2.400 euros pour les bâtiments d'habitation payable mensuellement.

Par jugement définitif du 3 juin 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay a :

- prononcé la résiliation du bail à ferme conclu le 1er janvier 2010 ;

- ordonné l'expulsion de M. [J] [G] et de tous occupants de son chef des lieux considérés, et ce, au besoin avec le concours de la fonction publique, sans astreinte ;

- condamné M. [J] [G] à payer à Mme [P] [U] la somme de 2.548,25 euros au titre des fermages 2015 (terres et bâtiments d'exploitation) ;

- sur le fondement de l'exception d'inexécution contractuelle, exonéré M. [J] [G] de son obligation en paiement du loyer du bâtiment d'habitation pour 2014 et 2015 ;

- accordé un délai de paiement de 24 mois à M. [J] [G] emportant suspension des effets de la résiliation (délai de grâce) et de l'expulsion ;

- autorisé M. [J] [G] à s'acquitter de la somme susvisée en 24 mensualités d'égale importance la première devant intervenir dans le mois suivant la présente décision ;

- jugé qu'à défaut de paiement partiel ou total à la date convenue d'une seule mensualité ou/et fermage 2016 et 2017 à leur date d'échéance contractuelle, l'intéressé sera déchu du bénéfice de ce délai, le solde devenant immédiatement exigible, la résiliation reprenant ses effets et l'expulsion pouvant alors être poursuivie ;

le tout assorti du bénéfice de l'exécution provisoire.

En présence d'impayé de loyers, un commandement de quitter les lieux a été signifié à la demande de Mme [P] [U] le 17 février 2017 à M. [J] [G].

Par jugement du 18 janvier 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Privas a débouté que M. [J] [G] de ses demandes en nullité du commandement de quitter les lieux et d'octroi de délais.

Un procès-verbal d'expulsion relatif à l'habitation située à [Adresse 4] à [Localité 1] a été dressé le 4 mai 2018.

Considérant la mesure d'expulsion partielle au regard de l'occupation de parcelles par M. [J] [G], Mme [P] [U] l'a fait convoquer, par requête déposée au greffe du tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay le 17 juillet 2020, aux fins de voir :

-constater la résiliation totale du bail prononcée par le jugement du tribunal paritaire le 3 juin 2016 et contestée par le locataire, qui considérait que les conditions de son application n'étaient pas remplies,

-ordonner son expulsion sous astreinte,

- et le voir condamner à des dommages et intérêts et indemnités d'occupation à hauteur de 500 euros par mois, outre une indemnité de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 7 juillet 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay a :

- débouté [J] [G] de toutes ses prétentions (moyens, exceptions et demandes reconventionnelles),

- jugé que le bail à ferme liant les parties en date du 1er janvier 2010 (parcelles et bâtiments d'habitation et d'exploitation sis à [Adresse 5]) est résilié en exécution du jugement définitif du tribunal paritaire d'Annonay en date du 3 juin 2016,

- jugé que les effets de cette résiliation étaient suspendus du 3 juin 2016 au 14 février 2017 et que la résiliation reprenait ses pleins et entiers effets à compter de cette dernière date (commande-ment de quitter les lieux),

- jugé que le jugement précité ordonnait l'expulsion de M. [J] [G] et de tous occupants de son chef et ce au besoin avec le concours de la force publique à défaut de respect des termes du moratoire, et jugé donc que cette expulsion peut être poursuivie sans délai autres que ceux prévus par la loi, et sans astreinte (rejet par la décision du 3 juin 2016 et incompétence de la présente juridiction pour la prononcer a posteriori),

- condamné [J] [G] à payer à [P] [U] née [V] des indemnités d'occupation égales au montant des fermages (parcelles, bâtiments d'exploitation et d'habitation) à compter du 14 février 2017 jusqu'à la date de libération effective des lieux,

- jugé n'y avoir lieu à indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente procédure est assortie de l'exécution provisoire de plein droit,

- condamné [J] [G] aux entiers dépens de l'instance y compris le coût des mesures d'exécution forcées.

Suivant déclaration en date du 30 juillet 2021, M. [G] [J] a interjeté appel du jugement rendu en toutes ses dispositions.

Après une tentative de médiation, l'affaire a été appelée à l'audience du 11 octobre 2022.

Par des conclusions notifiées le 10 décembre 2022, M. [G] demande à la cour, au visa de l'article 1719 du code civil, de :

- recevoir son appel et le dire bien fondé,

- au principal, surseoir à statuer dans l'attente du jugement intervenir, relatif à la mise en cause de Me [L] [Z], huissier de justice, devant le tribunal judiciaire de Privas, pour avoir délivré, contre tous les principes applicables, une saisie-attribution sur le compte professionnel de M. [J] [G] ;

-subsidiairement,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [P] [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions, comme irrecevables et mal fondées,

- dire définitive la suspension des effets de la clause résolutoire,

-reconventionnellement,

- recevoir l'action en résiliation partielle du bail à ferme du 1er octobre 2010 conclu entre Mme [P] [V] et M. [J] [G],

- dire et juger, qu'en l'état des éléments communiqués, et en cas de besoin, après une mesure d'instruction judiciaire, la bailleresse a contrevenu à ses obligations essentielles, d'ordre public, découlant du bail consenti, expressément pour une habitation, en ne délivrant pas un logement décent,

- résilier partiellement le bail à ferme, pour la partie habitation, seulement, à compter du 18 septembre 2017, date du constat d'huissier,

- condamner Mme [P] [U] à une indemnité de 3.000 € pour le préjudice de jouissance subi en raison d'une situation d'inexécution contractuelle, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel, M. [G] rappelle tout d'abord avoir saisi la juridiction par voie de conclusions, parallèlement à la saisine de son bailleur, de demandes tendant à la résiliation de la partie habitation du fermage liant les parties. Il entend donc solliciter la résiliation partielle du bail, pour la partie habitation, impropre à sa destination en raison de son insalubrité et ce même après la réalisation de travaux taxés de partiels.

Il reproche au juge de première instance d'avoir négligé la condition essentielle et majeure de la persistance du lien entre bailleur et fermier, à savoir, la finalisation des travaux de réhabilitation du logement. Il soutient l'inexécution de ces travaux pendant la période de suspension, pourtant préconisés par deux rapports de l'organisme [A] sur l'habitat indigne relevant la nécessité de l'isolation thermique des murs et sous toiture, du traitement de l'humidité tellurique des murs et de la vérification du système de chauffage pour un usage efficace et normal.

Par ailleurs, il indique que la suspension de la résiliation du bail est acquise au regard des torts de la bailleresse, qui n'a réalisé aucune intervention dans la partie habitation bien que les murs au nord soient infiltrés d'eau lors d'intempéries, tout en le faisant vivre dans des conditions de vie inacceptables. Il considère donc que la bailleresse a violé l'obligation fondamentale, d'ordre public, tenant à mettre à la disposition de son fermier un logement décent, que ce soit dès la conclusion du bail que dans le cours de celui-ci. Il explique que le logement donné à bail est très vétuste, puisque l'électricité n'est pas aux normes, qu'il n'y a pas d'installation de chauffage effective, qu'il y a des entrées d'eau, que faute d'isolation une condensation persiste et qu'enfin, il n'y a pas d'eau chaude, les travaux réalisés s'avérant insuffisants.

Il demande donc à la cour de faire droit à sa demande en prononçant la résiliation du bail à ferme pour manquement à la décence pour la partie habitation du bail, et ce, à compter du 18 septembre 2017.

Ensuite, il soulève le caractère abusif de la saisie-attribution pratiquée sur son compte professionnel visant une somme en principal de 4.205 €, somme non renseignée dans le procès-verbal de saisie-attribution, et non justifiée en l'espèce, rappelant qu'un huissier de justice ne peut procéder à des mesures d'exécution que sur les seules dispositions des titres exécutoires qui lui sont remis. Or, il considère que cette saisie-attribution fautive a joué un rôle important dans la situation difficile qu'il rencontre, raison pour laquelle il réclame à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction saisie de la question de la responsabilité de l'huissier de justice.

Enfin, et au regard de l'ensemble de ces éléments, il sollicite l'allocation de dommages et intérêts car ses demandes légitimes étant demeurées vaines, il a incontestablement éprouvé un préjudice qui mérite d'être réparé par une indemnité pour les préjudices moral et de jouissance.

A l'audience du 13 décembre 2022, M. [J] [G], présent et assisté de son conseil, en sa qualité d'appelant, expose ses prétentions et moyens et s'en rapporte à ses conclusions notifiées le 10 octobre 2022 pour le surplus.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 août 2022, Mme [P] [V] épouse [U], en sa qualité d'intimée, demande à la cour de :

-dire et juger irrecevable et mal fondé l'appel de M. [G] ;

-le rejeter intégralement ;

-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- débouté M. [G] de toutes de toutes ses prétentions,

- jugé que le bail à ferme liant les parties en date du 1er janvier 2010 (parcelles et bâtiments d'habitation et d'exploitation sis à [Adresse 5]) est résilié en exécution du jugement définitif du tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay en date du 3 juin 2016,

- jugé que les effets de cette résiliation étaient suspendus du 3 juin 2016 au 14 février 2017 et que la résiliation reprenait ses pleins et entiers effets à compter de cette dernière date,

- jugé que le jugement précité ordonnait l'expulsion de M. [J] [G] et de tous occupants de son chef et ce au besoin avec le concours de la force publique à défaut de respect des termes du moratoire, et jugé donc que cette expulsion peut être poursuivie sans délai autres que ceux prévus par la loi,

-le réformer pour le surplus et statuant à nouveau :

-dit et jugé que l'expulsion de M. [G] à compter de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel, sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai de 30 jours du prononcé de la décision à intervenir, et sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard passé le délai de 60 jours du prononcé de la décision à intervenir jusqu'à libération complète des lieux ;

- condamner M. [G] à lui payer des indemnités d'occupation équivalente à 500 euros par mois tant que l'ensemble des biens loués (parcelles, bâtiment d'exploitation et d'habitation) ne seront pas complètement libérés ;

- condamner M. [G] à lui régler une somme de 500 euros par mois, sauf à parfaire, 500 euros x 60 mois = 30.000 euros ;

- condamner M. [G] à lui régler la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Madame [U] considère que le bail en cause est résilié depuis la décision rendue le 3 juin 2016 par le tribunal paritaire des baux ruraux. Si elle saisit à nouveau cette juridiction, c'est uniquement pour obtenir la confirmation de cette résiliation au regard du non-respect des conditions posées à la poursuite de la location définies dans le jugement rendu le 3 juin 2016. Elle réclame en sus le prononcé d'une astreinte assortissant la décision d'expulsion dans la mesure où l'appelant occupe les parcelles sans droit ni titre, et ce, plus de 7 ans après la décision autorisant son départ. Du fait de cette présence non autorisée sur ses terres, Madame [U] sollicite également une indemnité d'occupation dissuasive de 500 euros par mois à compter du début de l'année 2017 et la réformation de la décision déférée sur ce point.

En réponse à l'appelant, elle conteste le règlement effectif de la totalité des fermages de 2016 à 2020 ainsi que le respect de l'échéancier tel que fixé par le jugement du 3 juin 2016 ce qui justifie d'ailleurs le bien-fondé de la saisie-attribution pratiquée. Elle précise que l'appelant s'est abstenu de tout règlement pour les années 2018, 2019 et 2020 et qu'il n'a plus réglé aucun fermage à compter de 2016.

Enfin, sur les désordres présentés par l'habitation, elle soutient avoir initié les travaux nécessaires et relève que M. [G] n'a jamais jugé utile de saisir une juridiction pour venir contester leur qualité ni d'ailleurs réclamer la suspension de son obligation de paiement, et qu'il s'est opposé à ce que [A] puisse vérifié que les travaux prescrits avaient été exécutés. Pour le surplus, elle rappelle l'autorité de la chose jugée indiquant que les points contestés ont été tranchés par le tribunal paritaire des baux ruraux dans la décision du 3 juin 2016.

A l'audience, Mme [P] [U], assistée de son conseil, expose ses prétentions et moyens et s'en rapporte à ses conclusions notifiées le 30 août 2022 pour le surplus. Dans les motivations de ses conclusions, Mme [U] fait état d'une demande de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remettre en état les biens loués. Mais, elle ne reprend pas cette demande dans le dispositif de ses écritures et n'en a pas fait état lors de l'audience, la procédure étant orale.

Il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la demande de sursis à statuer :

En application des articles 377 et suivants du code de procédure civile, il est dit qu'en-dehors des cas où la loi le prévoit, l'instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie ou ordonne son retrait du rôle. La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

M. [G] sollicite une décision de sursis à statuer dans l'attente du jugement à intervenir relatif à la mise en cause de Me [L] [Z], huissier de justice, pour avoir délivré une saisie-attribution sur son compte professionnel.

Il produit en appel une assignation délivrée le 11 mars 2022 devant le tribunal judiciaire de Privas à l'encontre de la SCP Masse Vandenberghe ainsi que deux jeux de conclusions pour justifier de l'action en responsabilité intentée à l'encontre de cet huissier de justice, devenu commissaire de justice.

La demande de sursis n'est nullement justifiée au cas d'espèce en l'absence de lien direct entre les deux instances, la décision à intervenir n'entrainant aucune conséquence sur la présente procédure.

Il convient en conséquence de débouter M. [J] [G] de cette demande.

Sur la résiliation :

Mme [U] a ressaisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay, par requête du 17 juillet 2020, pour obtenir la confirmation de la résiliation du bail à ferme la liant à M. [G] au regard du non-respect des conditions posées à la poursuite de la location définies dans le jugement rendu le 3 juin 2016.

En réponse, l'appelant a saisi la juridiction paritaire des baux ruraux d'une demande en résiliation partielle du bail à ferme pour la partie habitation à compter du 18 septembre 2017.

Les parties sont en l'état de plusieurs décisions judiciaires dont :

- le jugement rendu le 3 juin 2016 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aubenas qui notamment :

- a prononcé la résiliation du bail à ferme conclu le 1er janvier 2010 ;

- a ordonné l'expulsion de M. [J] [G] et de tous occupants de son chef des lieux considérés et ce au besoin avec le concours de la fonction publique, sans astreinte ;

- l'a condamné à payer au bailleur la somme de 2.548,25 euros au titre des fermages 2015 (terres et bâtiments d'exploitation) ;

- l'a exonéré de son obligation en paiement du loyer du bâtiment d'habitation pour 2014 et 2015 sur le fondement de l'exception d'inexécution contractuelle;

- lui a accordé un délai de paiement de 24 mois emportant suspension des effets de la résiliation (délai de grâce) et de l'expulsion ;

- l'a autorisé à s'acquitter de la somme susvisée en 24 mensualités d'égale importance la première devant intervenir dans le mois suivant la présente décision ;

- a jugé qu'à défaut de paiement partiel ou total à la date convenue d'une seule mensualité ou/et fermage 2016 et 2017 à leur date d'échéance contractuelle, l'intéressé sera déchu du bénéfice de ce délai, le solde devenant immédiatement exigible, la résiliation reprenant ses effets et l'expulsion pouvant alors être poursuivie.

Le tribunal paritaire était alors saisi par requête déposée le 16 octobre 2015 par Mme [U] qui sollicitait la condamnation de M. [J] [G] au paiement de fermages, la résiliation du bail et l'expulsion sous astreinte. A titre reconventionnel, le locataire justifiait le retard de paiement par l'insalubrité du logement et sollicitait le bénéfice de délais de paiement et de grâce.

- un jugement du 18 janvier 2018 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Privas, qui a notamment :

- rejeté la demande de nullité du commandement de quitter les lieux signifié à M. [J] [G] le 17 février 2017 par Mme [P] [U] ;

- rejeté les demandes de délais formulés subsidiairement par M. [J] [G] ;

- rejeté les demandes de paiement en dommages et intérêts. 

Le juge de l'exécution était alors saisi par M. [J] [G] qui sollicitait la nullité du commandement de quitter les lieux délivré le 14 février 2017 et subsidiairement l'octroi de délais pour quitter les lieux. Ce magistrat a jugé le commandement valablement délivré sur le constat que ce dernier n'avait pas fait face à son obligation de paiement du loyer à échéance prévue par le bail et partiellement aménagée par le tribunal paritaire des baux ruraux.

- un jugement du 2 juillet 2018 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance Privas, qui a :

- constaté que des meubles ont été laissés sur place à l'occasion des opérations d'expulsion de M. [J] [G] d'un logement situé [Adresse 4] à [Localité 1] (07410) ;

- constaté que la personne expulsée a été informée du délai et des modalités de retrait de ses meubles et n'a pas procédé à leur retrait intégral ;

- autorisé la vente aux enchères des meubles de valeur et déclaré abandonnés les objets sans valeur ;

- dit que les objets sans valeur pourront être remis à une association 'uvrant pour l'insertion des personnes en difficulté ou, à défaut, pourront être détruits.

Il résulte de l'ensemble de ces décisions, dont le caractère définitif n'est pas contesté ni contestable, que les questions relatives à la résiliation du bail et l'expulsion du preneur ont été tranchées par le tribunal paritaire des baux ruraux dans un jugement du 3 juin 2016 en sorte que la juridiction ne peut plus en être valablement saisie.

En application de cette décision, la résiliation du bail est en effet acquise, l'appelant n'ayant pas respecté le plan d'apurement défini par le tribunal paritaire, étant précisé que cette juridiction avait décidé qu'à défaut de paiement partiel ou total à la date convenue d'une seule mensualité et/ou des fermages 2016 et 2017 à leur date d'échéance, l'intéressé serait déchu du bénéfice du délai de grâce, la résiliation reprenant ses effets et l'expulsion pouvant alors être poursuivie.

Par ailleurs, il doit être souligné que, dans le cadre de la première instance, l'exception d'inexécution contractuelle revendiquée par M. [J] [G] devant le tribunal paritaire n'a pas été suivie d'une résiliation du contrat de bail prononcée aux torts de l'intimée mais a permis au locataire de bénéficier d'une exonération du paiement des loyers du logement sur les années 2014/2015, ainsi que des délais de grâce pour le règlement du solde locatif, la résiliation et l'expulsion afin de tenir compte des propres manquements du bailleur.

Se prévalant du non-respect de l'échéancier, Mme [U] a fait délivré le 14 février 2017 un commandement de quitter les lieux, dont la validité a été confirmée par le juge de l'exécution qui a constaté l'inexécution des modalités de paiement définies par la juridiction paritaire des baux ruraux.

Il en résulte que le bail conclu entre les parties le 1er janvier 2010 a été valablement résilié en application des dispositions du jugement rendu le 3 juin 2016.

Il s'ensuit que la demande reconventionnelle présentée par M. [J] [G] aux fins de voir constater la résiliation du bail d'habitation au regard du manquement du bailleur à ses obligations est irrecevable en présence d'une résiliation déjà acquise sur la totalité des biens immobiliers loués. Ce faisant, Mme [U] est déjà autorisée par le premier jugement à faire procéder à l'expulsion du preneur, à défaut de départ volontaire.

Le jugement déféré sera amendé sur ce point dans la mesure où le tribunal paritaire a rejeté ces demandes au lieu d'en constater l'irrecevabilité.

Sur les demandes présentées par Mme [U] :

Mme [U] sollicite une indemnité d'occupation égale à 500 euros par mois tant que l'ensemble des biens loués, parcelles, bâtiments d'exploitation et d'habitation, ne seront pas complètement libérés.

Le jugement de première instance lui avait accordé le paiement de cette indemnité, qui correspondait à sa demande, à savoir une somme mensuelle égale au montant des loyers et des charges, à compter du 14 février 2017, date délivrance du commandement de quitter les lieux.

En l'état, il est démontré par diverses attestations (pièces 8, 9, 10, 54, 55) ainsi que par l'enquête préliminaire établie le 7 avril 2021 par la gendarmerie nationale (pièce 58), le jugement correctionnel rendu le 22 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Privas, ainsi que diverses photographies produites au dossier sur plusieurs années (2018 à 2022) que M. [G] continue d'occuper les lieux par la présence d'animaux lui appartenant (brebis, patous) localisés sur les parcelles concernées par le bail à ferme ainsi par la présence de bottes de foin dans la grange.

Il sera ajouté que le tribunal correctionnel de Privas a condamné le 22 janvier 2021 l'appelant pour des faits de dégradations commis le 10 juillet 2020 sur la propriété de Mme [U] consistant en la détérioration d'un cadenas et d'une chaîne servant à verrouiller le portail d'accès à la ferme, ainsi que d'une serrure de porte de grange appartenant également à l'intimée. Il est indiqué dans la décision que M [G] « a reconnu les faits de dégradation, les 12 et 29 juin 2020' mais s'estime légitime considérant qu'il est chez lui ou en tout cas qu'il est toujours locataire de Mme [V] et doit pouvoir user du lieu ».

En présence d'une occupation non autorisée par Mme [U] et au regard de la résiliation du bail acquise le 14 février 2017, M [G], occupant sans droit ni titre, est bien redevable d'une indemnité d'occupation, qui n'avait pas été prévue par le tribunal paritaire des baux ruraux dans son jugement du 3 juin 2016, à défaut de demande à ce titre.

Mme [U] réclame en appel une somme de 500 euros par mois tant que les biens loués comprenant les parcelles, les bâtiments d'exploitation et l'habitation ne seront pas complètement libérés.

En l'état, il est justifié par M. [G] que l'habitation ne répond pas aux critères de décence en dépit de travaux engagés par la bailleresse.

En effet, il résulte du rapport datant du 2 mai 2016 élaboré par [A] que des améliorations notables avaient été effectuées dans le logement assurant ainsi de meilleures conditions d'habitabilité mais qu'il restait néanmoins à finaliser le projet de remise aux normes s'agissant de l'isolation thermique, des murs et sous toiture, ainsi que le traitement de l'humidité tellurique des murs et la vérification du système de chauffage pour un usage efficace et normal.

Ces désordres sont constatés dans le procès-verbal d'huissier dressé le 18 septembre 2017 par Me [D].

Il n'est pas justifié par Mme [U] de la réalisation de ces derniers travaux et du respect de son obligation de délivrance si bien qu'il ne saurait lui être accordé une indemnisation en contrepartie de l'occupation de l'habitation.

Par ailleurs, si l'astreinte présente un caractère incitatif afin de contraindre celui à l'encontre duquel elle est prononcée à exécuter la condamnation mise à sa charge, il n'en va pas de même de l'indemnité d'occupation qui doit réparer le préjudice causé au bailleur d'une poursuite d'occupation irrégulière, raison pour laquelle cette condamnation peut être rétroactive, comme en l'espèce.

Il sera en conséquence dit que cette indemnité est équivalente à la somme de 250 euros par mois et est due par M. [G] à compter du 14 février 2017, date de délivrance du commandement de quitter les lieux.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Mme [U] sollicite la condamnation de M. [G] à lui régler une somme de 30.000 euros à parfaire correspondant au paiement mensuel de cette indemnité d'occupation de 500 euros par mois à compter du 14 février 2017 et sur une durée de 5 années.

Il sera fait droit à cette demande à hauteur de 15.000 euros sur la base d'une indemnité d'occupation d'un montant de 250 euros par mois.

S'agissant de l'astreinte sollicitée par l'intimée en vue d'assurer l'exécution du jugement rendu le 3 juin 2016 par le tribunal paritaire des baux ruraux, il résulte de l'article L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution que « tout juge peut même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision. Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité ».

Le tribunal paritaire a rejeté dans sa décision du 3 juin 2016 la demande d'astreinte présentée par Mme [U] dans le cadre de la saisine du 16 octobre 2015.

Cette décision étant définitive, il s'ensuit que seul le juge de l'exécution est compétent pour connaître d'une telle demande et des difficultés liées à l'exécution de cette décision.

La cour se déclare donc incompétente pour statuer sur ce chef de demande.

Sur la demande indemnitaire présentée par M. [G] :

M. [G] réclame une indemnité de 3.000 € pour le préjudice de jouissance lié à une situation d'inexécution contractuelle, celui-ci faisant grief à Mme [U] de ne pas avoir poursuivi la réhabilitation du logement d'habitation au cours de l'année 2016, ainsi que pour prendre en considération son préjudice moral.

Il sera rappelé que dans le jugement du 3 juin 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux a fait droit à l'exception d'inexécution contractuelle revendiquée par M. [J] [G] en lui accordant une exonération du paiement des loyers de l'habitation sur les années 2014/2015 ainsi que des délais de grâce pour la résiliation et l'expulsion tenant ainsi compte des propres manquements du bailleur.

En l'état, l'appelant revendique l'indemnisation de son préjudice de jouissance pour l'année 2016 au motif que Mme [U] s'est abstenue de poursuivre la rénovation de l'habitation dans l'attente de la résiliation du contrat de bail ce qu'elle conteste.

Cependant, il résulte du rapport datant du 2 mai 2016 élaboré par [A] que, si des améliorations notables avaient été effectuées dans le logement assurant ainsi de meilleures conditions d'habitabilité, il restait toutefois à finaliser le projet de remise aux normes s'agissant de l'isolation thermique des murs et sous toiture, ainsi que le traitement de l'humidité tellurique des murs et à vérifier le système de chauffage pour s'assurer d'un usage efficace et normal.

Ces désordres sont constatés dans le procès-verbal de constat dressé le 18 septembre 2017 par Me [D].

Il n'est pas justifié par Mme [U] de la réalisation de ces derniers travaux et du respect de son obligation de délivrance, si bien que M. [G] a subi un préjudice de jouissance dans la mesure où l'habitation ne respectait pas les normes de décence du fait d'un manque d'isolation thermique et d'une humidité persistante.

M. [G] peut ainsi légitimement prétendre à l'indemnisation de son préjudice de jouissance mais seulement pour la période sur laquelle il était autorisé à occuper le bien, soit du mois de janvier 2016 au 17 février 2017.

Pour finir, il réclame la prise en compte de son préjudice moral qu'il ne caractérise pas ni ne démontre. Il sera donc débouté de cette demande.

Il lui sera en conséquence alloué la somme forfaitaire de 2 000 euros qui viendra en déduction des sommes dont il est redevable à l'égard de Mme [U].

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Dans les motivations des conclusions de Mme [U], celle-ci fait état d'une demande de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remettre en état les biens loués. Mais, elle ne reprend pas cette demande dans le dispositif de ses écritures et n'en a pas fait état lors de l'audience, la procédure étant orale. La cour constate donc qu'elle n'est pas saisie de cette prétention.

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, il convient de mettre les dépens d'appel à la charge de M. [G], qui succombe principalement dans le soutien de ses prétentions, et de le débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles. L'équité commande par ailleurs qu'il soit alloué à l'intimée une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déboute M. [J] [G] de la demande de sursis à statuer,

Constate que la cour n'est pas saisie de la demande évoquée par Mme [U] dans ses écritures tendant au paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remettre en état les biens loués,

Confirme le jugement rendu le 7 juillet 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay en toutes ses dispositions sauf :

- en ce qu'il a débouté M. [G] de toutes ses demandes,

- en ce qu'il a fixé au montant des loyers et des charges l'indemnité mensuelle d'occupation (parcelles, bâtiments d'exploitation et d'habitation) due par [J] [G] à Mme [U] née [V],

dispositions qui sont réformées,

Statuant à nouveau, de ces chefs, et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes en résiliation partiel du contrat de bail et en suspension des effets de la clause résolutoire formées par M. [G],

Fixe l'indemnité mensuelle d'occupation due par [J] [G] à [P] [U] née [V] à la somme de 250 euros, à compter du 14 février 2017 jusqu'à la date de libération effective et complète des lieux loués,

En conséquence, condamne [J] [G] à payer à [P] [U] née [V] au titre de cette indemnité d'occupation une somme totale de 15.000 euros correspondant à cinq années d'occupation illicite à compter du 14 février 2017 au 14 février 2022,

Condamne [J] [G] à payer à [P] [U] née [V] cette indemnité mensuelle d'occupation de 250 euros à compter du 14 février 2022 jusqu'à la date de libération effective et complète des lieux,

Condamne Mme [P] [V] épouse [U] à payer à M. [J] [G] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance,

Dit que cette dernière somme viendra en déduction des sommes dont M. [J] [G] est redevable à l'égard de Mme [P] [V] épouse [U] et ordonne la compensation,

Se déclare incompétente au profit du juge de l'exécution pour fixer une astreinte assortissant l'obligation de quitter les lieux prononcée par le jugement du 3 juin 2016, qui est définitif sur la résiliation du bail et l'expulsion, à défaut de respect par M. [G] de l'échéancier fixé,

Condamne M. [J] [G] à payer à Mme [P] [V] épouse [U] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [J] [G] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/02997
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;21.02997 ?
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