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13/02/2023 | FRANCE | N°22/03204

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 13 février 2023, 22/03204


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/03204 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ISQ7



NG/MM



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

08 septembre 2022

RG :22/00051



[A]

[U]



C/



[K]

[W]

[O]





Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B>


ARRÊT DU 13 FEVRIER 2023





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PRIVAS en date du 08 Septembre 2022, N°22/00051



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en applicati...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03204 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ISQ7

NG/MM

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

08 septembre 2022

RG :22/00051

[A]

[U]

C/

[K]

[W]

[O]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 13 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PRIVAS en date du 08 Septembre 2022, N°22/00051

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Monsieur [Y] [H] [M] [F] [A]

né le 06 Août 1961 à NOGARO (32110)

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représenté par Me Claude GRAVIER de la SCP ABG Elvire GRAVIER-Claude GRAVIER, Plaidant, avocat au barreau d'ARDECHE

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [S] [U] épouse [A]

née le 27 Janvier 1968 à MONTREUIL (93100)

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représentée par Me Claude GRAVIER de la SCP ABG Elvire GRAVIER-Claude GRAVIER, Plaidant, avocat au barreau d'ARDECHE

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Madame [V] [K]

[Adresse 16]

[Localité 11]

Représentée par Me Hugues DUCROT de la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, Plaidant, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Viviane SONIER, Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE

Monsieur [J] [W]

né le 07 Octobre 1953 à ESSEX (GRANDE BRETAGNE)

[Adresse 15]

[Localité 4] ([Localité 4])

ECOSSE

Représenté par Me Isabelle REBOUL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE

Madame [Z] [O] épouse [W]

née le 02 Avril 1956 à DUFERMLINE -ECOSSE

[Adresse 15]

[Localité 4] ([Localité 4])

ECOSSE

Représentée par Me Isabelle REBOUL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 5 décembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 13 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 juillet 2021, M. [Y] [A] et Mme [S] [U] épouse [A] ont acquis un bâtiment unique à usage d'habitation et de commerce situé sur la Commune de [Localité 14] ([Localité 14]), cadastré Section C n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7], soumis au régime de la copropriété composée deux lots, jouxtant la propriété appartenant à Mme [V] [K], cadastrée section C n° [Cadastre 5], et celle de M. [J] [W] et Mme [Z] [O] épouse [W], propriétaires d'un ensemble immobilier section C n° [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 1] .

M. [Y] [A] et Mme [S] [U] épouse [A] ont rencontré des difficultés avec leurs deux voisins portant sur leur droit de propriété.

Par exploits d'huissier en date des 24 et 25 janvier 2022, M. [Y] [A] et Mme [S] [U] épouse [A] ont fait assigner Mme [V] [K], M. [J] [W] et Mme [Z] [O] épouse [W] devant le président du tribunal judiciaire de Privas, statuant en référé, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.

Par ordonnance de référé contradictoire du 8 septembre 2022, le président du tribunal judiciaire de Privas a :

-au principal, renvoyé les parties à se pourvoir comme elles en aviseront, mais dès à présent ;

-écarté l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance soulevée par M. [J] [W] et Mme [Z] [O] épouse [W] ;

-dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise sollicitée par M. [Y] [A] et Mme [S] [U] à l'encontre de Mme [V] [K] et de M. [J] [W] et Mme [Z] [O] épouse [W] ;

-condamné M. [Y] [A] et Mme [S] [U] à payer à Mme [V] [K] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. [Y] [A] et Mme [S] [U] à payer à M. [J] [W] et Madame [Z] [O] épouse [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. [Y] [A] et Mme [S] [U] aux dépens de l'instance en référé et les a débouté de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration en date du 3 octobre 2022, M. [Y] [A] et Mme [S] [U] épouse [A] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions, à l'exception du jugement écartant l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance soulevée par les époux [W].

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 24 novembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [Y] [A] et Mme [S] [U] épouse [A], appelants, demandent à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :

- d'infirmer l'intégralité de l'ordonnance de référé du 8 septembre 2022, à l'exception du jugement écartant l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance soulevée par les époux [W],

- Désigner tel expert qu'il lui plaira de désigner aux fins de :

1. Se rendre sur les lieux sis [Adresse 17] ; 2. Prendre connaissance de tous documents et pièces utiles à sa mission ;

3. Décrire la position des fenêtres donnant sur la propriété des demandeurs au regard des articles 676 et 677 du code civil ;

4. Noter tous les empiétements qui existent sur la propriété des demandeurs et notamment la parabole de Mme [K] et le compteur électrique des époux [W] ;

5. Déterminer si les époux [W] sont enclavés et, si tel était le cas, décrire le trajet le plus court et le moins dommageable du fonds enclavé à la voie publique, conformément aux articles 682 et 683 du code civil ;

6. Décrire tous les éléments considérés comme indispensables par l'expert qui s'avéreraient nécessaires à la manifestation de la vérité ;

- dire que l'expert déposera son rapport dans un délai de quatre mois ;

- condamner in solidum Mme [V] [K] et les époux [W] à payer à M. [Y] [A] et à Mme [S] [U] une somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum Mme [V] [K] et les époux [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leur appel, M. et Mme [A] font valoir que la demande d'expertise portant sur la création de fenêtre donnant sur leur première terrasse et leur jardin, d'une fenêtre et d'une porte donnant sur la deuxième terrasse, d'une parabole empiétant sur leur propriété, la présence d'un petit portillon donnant accès à la propriété des époux [W] se situant sur leur propriété, ainsi qu'un compteur électrique empiétant sur leur propriété, est indispensable à la manifestation de la vérité et permettra éventuellement de trouver une issue amiable afin d'éviter de saisir le juge du fond.

S'agissant précisément du petit portillon donnant accès à la propriété des époux [W] se situant sur leur propriété, ils font valoir qu'une expertise est indispensable pour vérifier l'état d'enclave de la propriété des époux [W] aux fins que la disparition de cet état d'enclave puisse ensuite être constaté par une décision de justice, conformément à l'article 685-1 du code civil.

Ils estiment que le juge des référés s'est érigé en juge du fond, outrepassant ainsi ses compétences, sa motivation étant contraire à la jurisprudence sur l'assiette de plus de trente ans de l'exercice de la servitude.

En réponse aux conclusions de Mme [V] [K], les appelants soulèvent que cette dernière n'a pas bien saisi les motivations du juge de première instance, lequel a bien séparé le litige concernant les fenêtres et celui concernant les portes-fenêtres. Ils ajoutent qu'elle a versé aux débats quelques photographies qui ne sont ni datées ni certifiées ainsi qu'un permis de construire, accordé le 21 août 1985, portant sur les modifications extérieures de locaux à usage d'habitation.

Mme [V] [K], en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 27 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demandent à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, et de l'article 690 du code civil, de :

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance de référé du 08 septembre 2022 en toutes ses dispositions,

Le cas échéant,

- mettre purement et simplement hors de cause Mme [V] [K] en l'absence de motifs légitimes/d'utilité à ordonner une mesure d'instruction à son contradictoire, notamment compte-tenu de la prescription de toute action au fond à son encontre,

A titre subsidiaire,

- prendre acte des protestations et réserves d'usage formulées par Mme [V] [K] quant à cette demande d'expertise sollicitée par les requérants,

En toutes hypothèses,

- condamner in solidum M. et Mme [A] à lui payer la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de l'avocat soussigné sur son affirmation de droit.

Mme [V] [K] rappelle, tout d'abord, qu'il ne peut être fait droit à une demande d'expertise in futurum fondée sur l'article 145 du code de procédure civile si la demande d'expertise est dépourvue de motif légitime, d'une part, et s'il est établi que l'action au fond est manifestement vouée à l'échec, d'autre part, puisque les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans.

Elle explique avoir entrepris des travaux de rénovation de sa maison en 1985 suivant un permis de construire du 21 août 1985 et un certificat de conformité du 1er juillet 1986, limités à la création d'une fenêtre donnant sur le jardin des appelants ainsi qu'à la réfection des huisseries donnant sur leur deuxième terrasse, précisant qu'aucune ouverture n'a été créée.

Elle ajoute que, depuis 37 ans, elle n'a pas réalisé d'autres travaux portant sur les vues de sa maison et que, par conséquent, l'action en suppression de ces vues est prescrite, les portes et fenêtres litigieuses existant depuis plus de 30 ans. Elle soulève aussi que les acquéreurs ne pouvaient ignorer l'existence de ces vues parfaitement visibles au jour de la vente.

A titre subsidiaire, elle entend formuler, sans aucune reconnaissance des demandes dirigées contre elle mais au contraire sous les plus expresses réserves de responsabilités, les protestations et réserves d'usage quant à la demande d'expertise judiciaire.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 14 novembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. et Mme [W], intimés, demandent à la cour, au visa des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, et des dispositions des articles 685 et 690 du code civil, de :

Déboutant toutes conclusions contraires,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 8 septembre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Privas, céans querellée,

Ce faisant,

- débouter les époux [A] de leur demande tendant à l'organisation d'une mesure d'expertise,

Infiniment subsidiairement et si par impossible il devait être fait droit à la demande d'expertise des consorts [A] - [U],

- dire que la mesure ordonnée le serait aux frais avancés des demandeurs, les époux [W] émettant, à son sujet, toutes protestations et réserves,

En tout état de cause et, ajoutant aux termes de l'ordonnance du 8 septembre 2022, qui sera confirmée,

- condamner supplémentairement in solidum les consorts [A] [U] à verser aux époux [W] une indemnité de 4 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Isabelle Reboul, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les époux [W] rappellent, tout d'abord, qu'aucune mesure d'instruction n'a lieu d'être ordonnée en référé, en l'absence de motif légitime, étant précisé qu'il appartient au demandeur à l'expertise, de caractériser non seulement un procès potentiel, mais également la viabilité de l'action envisagée.

Ils font valoir qu'en l'espèce et au visa de l'article 145 du code de procédure civile, la demande d'expertise judiciaire est dépourvue de motif légitime et que la prescription fait obstacle à toute éventuelle action au fond, expliquant que le bien qu'ils ont acquis en 1999 n'a subi aucune modification, ni depuis cette date, ni même au cours des soixante dernières années et que la fenêtre ouverte dans le mur pignon et celle qui donne non pas sur, mais en face de la rue publique, sont percées depuis bien plus d'un siècle.

Ils rappellent également qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation, de l'établir.

La clôture de la procédure est intervenue le 5 décembre 2022, l'affaire a été appelée à l'audience du 12 décembre 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 13 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Le premier juge a rejeté la demande de désignation d'un expert formulée par M. [Y] [A] et Mme [S] [U] en considérant que ces derniers étaient défaillants dans la démonstration d'un motif légitime à voir ordonner une expertise. Il souligne qu'une telle mesure sous la forme d'une expertise n'est pas davantage utile sur la question d'empiétements relatifs à l'installation d'une parabole et d'un compteur électrique.

Le juge du référé, souverain dans l'appréciation du motif légitime, doit considérer la vraisemblance des faits recherchés en preuve et leur influence sur la solution du litige qui pourrait être porté devant les juges du fond.

Mme et M. [A], pour fonder leur demande, citent les articles 676 et 677 du code civil concernant les vues sur la propriété de leurs voisins ainsi que les articles 544 et suivants du même code pour ce qui concerne la violation du droit de propriété. Ils sollicitent la désignation d'un expert judiciaire aux fins, d'une part, de décrire la position des fenêtres donnant sur leur propriété, d'autre part, de noter tous les empiétements qui existent sur leur propriété et notamment la parabole de Mme [K] ainsi que le compteur électrique des époux [W], puis de déterminer si ces derniers sont enclavés.

Sur le premier point portant sur les ouvertures, fenêtres et portes-fenêtres donnant sur leurs terrasses et leur jardin, les appelants considèrent qu'il existe un problème de vues sur leur propriété ainsi qu'une violation du droit de propriété au sens de l'article 544 du code civil. Au soutien de leur appel, ils versent à l'appui de leur demande uniquement des photographies, non datées et sans aucune indication, censées démontrer l'existence de ces aménagements. Or, les ouvertures présentaient par la maison de Mme [V] [K] existaient antérieurement aux travaux de rénovation de sa propriété qu'elle a engagés, autorisés suivant permis de construire délivré le 21 août 1985 et certificat de conformité établi le 1er juillet 1986. La lecture de ce permis met en évidence que ces travaux portaient uniquement sur l'obturation d'une ouverture par la création d'une fenêtre donnant sur le jardin des appelants ainsi que la réfection des huisseries donnant sur leur deuxième terrasse. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, que Mme [V] [K] a réalisé d'autres travaux portant sur les vues litigieuses.

Quant aux époux [W], ils ont acquis leur bien le 15 octobre 1999 tel qu'il ressort du titre de propriété produit aux débats. Si les photographies versées ne sont pas authentifiées, il n'en demeure pas moins que l'étude sur les origines de propriété en date du 28 juin 2022, les plans d'origine de la parcelle C [Cadastre 8] datés de 1962 ainsi que le permis de construire délivré le 19 février 1966, permettent d'établir que la fenêtre litigieuse existe depuis plus de trente ans, bien avant la restauration du bien en 1967.

En application de l'article 690 du code civil, les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre ou par la possession de trente ans. Ainsi, l'action en suppression de ces ouvertures, susceptible d'être engagée devant le juge du fond, s'avère prescrite, en l'état des éléments du débat, et par conséquent, le procès au fond est manifestement voué à l'échec, étant précisé qu'au moment de l'acquisition, les appelants ne pouvaient pas ignorer l'existence de ces fenêtres et portes et ont donc acquis leur bien, le 15 juillet 2021, en toute connaissance de cause.

Sur le deuxième point portant sur les empiétements allégués, les appelants évoquent notamment la présence d'un petit portillon utilisé par les époux [W] pour accéder à leur propriété et à la porte d'entrée de leur bien après un passage par leur parcelle n°[Cadastre 6] depuis la rue publique. Outre le fait que l'assiette de ce passage existerait depuis plus de trente ans sans avoir subi la moindre modification depuis l'acquisition de leur bien en 1999, ainsi qu'il en résulte de l'attestation établie par M. [M] [I], maire de [Localité 14], le 22 avril 2022, et du témoignage émanant de M. [R], voisin domicilié rue publique, attestant que l'accès à leur habitation ne peut se faire uniquement par un passage entre les bâtiments depuis la rue publique et une porte unique, en l'état de la configuration des lieux, les appelants échouent à justifier leurs allégations en ne versant aux débats que des photographies, dépourvues de toute authentification, qui ne sauraient constituer une preuve incontestable de l'état des lieux. En effet, ces clichés n'ayant pas la même valeur que les prises de vue réalisées par un commissaire de justice, il ne peut être considéré que la situation des biens immobiliers y figurant corresponde aux propriétés des parties en cause, d'autant qu'à l'exception du cadastre, aucun plan ne permet de localiser les empiétements reprochés. Par ailleurs, les intimés ne reconnaissent pas l'atteinte au droit de propriété des époux [A] qui leur est reprochée, se limitant à soutenir que l'agencement existant n'a pas été modifié.

Quant à la parabole et l'installation d'un compteur électrique, la mise en 'uvre d'une mesure expertale apparaît sans intérêt. En effet, le compteur dont l'implantation est contestée, qui est apparemment jumelé avec un second compteur situé au même endroit, n'est pas localisé avec précision au vu des simples photographies produites. Il n'est pas possible, dans ces conditions, de déterminer leur lieu d'implantation. Par ailleurs, la parabole de Mme [K], qui empiéterait sur la propriété des appelants, ne justifie pas, à elle seule, une mesure d'instruction, d'autant que, dans ses écritures et sans aucune reconnaissance d'un quelconque empiétement, Mme [K] s'est engagée à démonter la parabole litigieuse, indiquant que cette installation s'avérait inutile.

Sur le troisième point relatif à l'état d'enclave, les appelants soutiennent que les époux [W] s'approprient sans droit ni titre d'une servitude de passage en l'absence d'enclave, de leur parcelle C [Cadastre 8] donnant directement sur la rue publique. Ils ne justifient pas de la réalité de leurs allégations, que les époux [W] n'approuvent pas. Ainsi, à défaut d'une preuve incontestable d'un passage de leurs voisins sur leur fond, il ne peut être caractérisé de motifs légitimes à solliciter une expertise. Des photographes personnelles et le plan du cadastre, qui sont les seules preuves versées au débat, sont insuffisants à rapporter légalement la preuve de la situation dont ils se plaignent. De plus, l'analyse des plans et le permis de construire produits par les époux [W] ne permettent pas de mettre en exergue une atteinte à leur droit de propriété.

Tenant ces éléments, il y a lieu de considérer que Mme et M. [A] sont défaillants dans la démonstration d'un motif légitime à voir ordonner une expertise de ces chefs, destinée à établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'ordonnance entreprise a débouté M. [Y] [A] et Mme [S] [U] de leur demande désignation d'un expert judiciaire.

La décision doit, en conséquence, être confirmée.

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, il convient d'accorder à Mme [V] [K], contrainte d'exposer des frais pour se défendre, une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Cette même somme sera allouée à M. [J] [W] et Mme [Z] [O] épouse [W]. M. [Y] [A] et Mme [S] [U], qui succombent, devront supporter les dépens de l'instance d'appel, avec distraction au profit des avocats des intimés, et ne sauraient bénéficier d'une somme au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Dans les limites de l'appel, confirme les dispositions de l'ordonnance de référé rendue le 8 septembre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Privas, en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise sollicitée par M. [Y] [A] et Mme [S] [U] à l'encontre de Mme [V] [K] et de M. [J] [W] et Mme [Z] [O] épouse [W] ;

- condamné M. [Y] [A] et Mme [S] [U] à payer à Mme [V] [K] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [Y] [A] et Mme [S] [U] à payer à M. [J] [W] et Madame [Z] [O] épouse [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [Y] [A] et Mme [S] [U] aux dépens de l'instance en référé et les a débouté de leur demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne M. [Y] [A] et son épouse, Mme [S] [U], à payer à Mme [V] [K] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Les condamne à payer à Mme et M. [W] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Déboute M. et Mme [A] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens de la procédure d'appel, avec distraction au profit des conseils des intimés.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/03204
Date de la décision : 13/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-13;22.03204 ?
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