RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/03162 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ISNC
NG/CG
PRESIDENT DU TJ DE CARPENTRAS
14 septembre 2022
RG :22/00174
[F]
[J]
C/
[E]
[D]
[Z]
[I]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section B
ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de CARPENTRAS en date du 14 Septembre 2022, N°22/00174
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre
Mme Corinne STRUNK, Conseillère
M. André LIEGEON, Conseiller
GREFFIER :
Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
Monsieur [M] [F]
né le 10 Mai 1948 à [Localité 11]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Frédéric FRANC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
Madame [O] [J] épouse [F]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédéric FRANC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur [X] [N], [U] [E]
né le 24 Septembre 1957 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Christophe MILHE-COLOMBAIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Madame [B] [P], [C] [D] épouse [E]
née le 24 Juillet 1958 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Christophe MILHE-COLOMBAIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Monsieur [K] [A] [Z]
né le 05 Novembre 1962 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Christophe MILHE-COLOMBAIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Madame [G] [I] épouse [Z]
née le 26 Novembre 1961 à [Localité 7] (ALGÉRIE)
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Christophe MILHE-COLOMBAIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Statuant sur appel d'une ordonnance de référé
Ordonnance de clôture rendue le 2 janvier 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 13 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE :
Faisant grief à M. [M] [F] d'avoir branché l'évacuation de ses eaux usées sans autorisation pour ce faire, sur une canalisation privée, M. [N] [U] [E] et son épouse, Mme [B] [D], ainsi que M. [K] [Z] et Mme [I], son épouse, ci après les époux [E] et les époux [Z], ont fait assigner sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile M. [F] devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Carpentras pour le voir condamner à faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par le raccordement non autorisé sur une canalisation privée et pour le voir condamner, sous astreinte à cesser d'utiliser ce mode d'évacuation des eaux usées, de le voir condamner à payer à chacun d'eux une indemnité de 3 000 € à titre de dommages intérêts, outre une indemnité de 1 600 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [F] et son épouse Mme [O] [J], ci-après les époux [F], ont soulevé l'irrecevabilité des demandes formées à leur encontre pour défaut de qualité à agir des demandeurs qui ne sont pas propriétaires de la canalisation et font valoir qu'ils bénéficient par acte constitutif de servitude de la possibilité de brancher leurs eaux usées sur la canalisation privée en cause. Ils ont ajouté qu'aucun trouble dans la jouissance de leur droit n'est justifié de la part des demandeurs en référé. Ils ont conclu au rejet de la demande, injustifiée, en cessation du trouble invoqué par les époux [Z] et [E].
Par ordonnance contradictoire du 14 septembre 2022, le président du tribunal judiciaire de Carpentras a :
- accueilli l'intervention volontaire de Mme [O] [F],
- fait défense aux époux [F] de se raccorder et d'utiliser pour l'évacuation de leurs eaux usées les canalisations privées utilisées par les époux [E] et [Z], et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai d'un mois après la signification de la présente ordonnance,
- condamné les époux [F] à verser tant aux époux [E] qu'aux époux [Z] une indemnité de 100 € a titre de dommages-intérêts,
- condamné les époux [F] à verser aux époux [E] et [Z] une indemnité de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris le coût de la sommation interpellative du 8 février 2021,
- dit que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit.
Par déclaration du 28 septembre 2022, les époux [F] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 1er janvier 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, les époux [F] demandent à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :
-déclarer irrecevables les conclusions des intimés, transmises tardivement, la notification de la déclaration d'appel à laquelle ils ont procédée étant régulière,
- réformer l'ordonnance du 14 septembre 2022 dans son intégralité,
- déclarer irrecevables les demandes des consorts [Z] et [E] au titre de l'absence de qualité pour agir,
- dire n'y avoir lieu à référé,
- dire n'y avoir lieu à faire défense aux époux [F] de se raccorder aux canalisations privées utilisées par les époux [E] et [Z],
- déclarer l'acte de constitution de servitude de passage de canalisation du 6 avril 2020 opposable,
- dire l'absence de trouble manifestement illicite,
- condamner les époux [E] et [Z] au paiement d'une provision de
5 000 € à valoir sur le préjudice subi au titre de la procédure abusive,
- condamner les époux [E] et [Z] au paiement de la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 300 € au titre des frais de médiation et aux entiers dépens.
A titre liminaire, les appelants relèvent le non respect par les intimés des délais leur imposant de conclure avant le 2 décembre 2022, alors que leurs premières écritures n'ont été transmises que le 30 décembre 2022.
Au soutien de leur appel, les époux [F] font valoir que les consorts [Z] et [E] ne justifient pas de leur qualité de propriétaires de la canalisation d'évacuation des eaux usées dont ils entendent leur interdire l'accès indirect, et n'ont donc pas qualité pour agir. Ils précisent que les consorts [Z] et [E] ne sont pas les propriétaires de ce collecteur privé, de sorte qu'ils ne disposent d'aucun droit pour en autoriser ou interdire l'accès.
Ensuite, ils soutiennent l'absence de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du code de procédure civile puisque les intimés ne peuvent justifier de la saturation du collecteur ou d'un dysfonctionnement, le collecteur privé étant d'un diamètre suffisant pour accueillir de nombreuses habitations.
Ils ajoutent que les consorts [Z] et [E] ne justifient d'aucun droit pour contester le branchement réalisé sur la conduite privée des consorts [Y] en vertu d'une constitution de servitude et autorisée par acte notarié en date du 6 avril 2020, démontrant ainsi l'inexistence d'un trouble manifestement illicite. Ils précisent à ce titre que la servitude concédée leur permet uniquement d'évacuer les eaux usées dans la conduite appartenant aux consorts [Y].
Enfin, ils sollicitent une provision au titre de la procédure abusive considérant qu'elle a été menée sans fondement et qu'elle leur a causé un préjudice. Ils expliquent avoir sollicité leur voisin M. [R] [Y] pour obtenir le droit de se brancher afin d'assurer l'évacuation des eaux usées de leur propriété, et ne pas comprendre la position des intimés au regard des conditions environnementales.
Les époux [E] et les époux Mme [Z], intimés, ont constitué avocat, sans toutefois conclure dans les délais de l'article 905-2 du code de procédure civile, puisque leurs écritures ont été transmises le vendredi 30 décembre 2022 alors que les conclusions des appelants avaient été déposées au greffe de la cour le 3 novembre 2022 et que la clôture de la procédure était fixée au lundi 2 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
-Sur l'irrecevabilité des conclusions des intimés :
L'article 905-1 du code de procédure civile dispose : 'Lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
À peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.'
L'article 905-2 du même code prévoit : 'A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué'.
Il résulte de ces dispositions qu'en ne notifiant par RPVA leurs conclusions qu'à la date du 30 décembre 2022, alors que les appelants avaient notifié les leurs le 2 novembre 2022, les écritures des époux [E] et [Z] sont tardives, partant irrecevables, pour avoir été notifiées au-delà du délai d'un mois prévu à peine d'irrecevabilité par l'article 905-2 précité. Les intimés ne pouvaient ignorer que l'affaire serait fixée suivant la procédure à bref délai puisqu'il s'agit d'un appel portant sur une ordonnance de référé.
En conséquence, l'affaire est jugée en considération des seuls éléments fournis par les époux [F], appelants.
-Sur la qualité à agir des époux [Z] et [E] :
Pour soutenir l'irrecevabilité de l'action des époux [E] et des époux [Z], les appelants réitèrent la fin de non-recevoir qu'ils leur opposent en observant que les intimés ne justifient pas de leur qualité de propriétaires du collecteur privé, qui seule leur permettrait d'autoriser ou d'interdire un branchement à un réseau privé d'écoulement des eaux usées.
Toutefois, ainsi que le premier juste l'a pertinemment relevé, les demandeurs à l'action en référé bénéficient aux termes de chacun de leur acte de propriété d'une servitude de passage pour l'évacuation des eaux usées et la canalisation d'eau suivant un tracé figurant sur le plan annexé à leur acte, étant ajouté que les conduites d'eau en cause desservent également d'autres propriétés, ce dont il résulte que les époux [E] et les époux [Z] en tant qu'ils disposent ainsi de droits réels sur la canalisation litigieuse sont recevables à agir dès lors que le branchement en cause effectué par les époux [F] peut être de nature à porter atteinte à ces droits.
-Sur le bien fondé de l'action en cessation d'un trouble manifestement illicite :
Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (...).
Pour accueillir la demande formée par les époux [E] et [Z] devant le juge des référés en application du texte précité au titre des travaux de raccordement au tout-à-l'égout auxquels M. [F] a procédé, le premier juge a retenu que l'acte authentique de constitution de servitude du 6 avril 2020 instaurant au profit des nouveaux propriétaires- les époux [F] de la parcelle section E n° [Cadastre 1] de la commune de [Localité 12] le droit d'implanter dans l'assiette de la servitude existant au profit des propriétaires de la parcelle des vendeurs - les époux [Y] cadastrée section E n° [Cadastre 5], ne concerne que les canalisations futures sans qu'il s'agisse d'un raccordement au réseau privé, et ajoute que M. [Y] ne dispose d'aucune capacité à concéder seul des droits sur une servitude réciproque ce qui équivaudrait à aggraver celle-ci de manière illicite.
Cependant, même si les plans annexés à la demande de permis de construire déposée par M. [F] prévoyaient la construction d'une fosse d'assainissement des eaux usées autonome, d'un pré-filtrage et d'une zone d'épandage, il résulte des pièces du dossier d'abord que le branchement litigieux, sur le réseau collecteur privé se déversant sur le réseau public géré par la SAUR (Société d'aménagement urbain et rural) et dont M. [F] ne conteste pas être l'auteur, a été effectué avec l'accord de M. [Y], propriétaire de la parcelle désignée par l'acte authentique du 6 avril 2020 comme fonds servant, M. [Y] étant lui-même propriétaire d'un droit réel de servitude en tréfonds permettant le raccordement au réseau privé, ensuite qu'aucun risque de saturation de la canalisation privée n'est à craindre compte tenu des pentes du terrain ainsi que l'indique, en réponse à une question de M. [E], la société Suez chargée du service des eaux au sein de la commune, enfin que M. [F] s'est engagé à participer, aux côtés des autres utilisateurs de la canalisation en cause, aux frais d'entretien ou de réparation de cette installation, objet d'une servitude en tréfonds régulièrement publiée à l'occasion de chacun des actes de mutation des immeubles concernés.
Il suit de là que les époux [E] et [Z] ne rapportent pas la preuve dont ils ont la charge de l'existence d'un trouble manifestement illicite en relation directe avec le branchement litigieux effectué par M. [F] sur la parcelle dont M. [Y] est propriétaire.
Il convient, en conséquence, de réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée et de constater qu'il n'y a pas lieu à référé. Il convient en effet de renvoyer les parties ainsi qu'elles aviseront, notamment vers la juridiction de fond.
Le caractère abusif des demandes formées par les consorts [E] et [Z] n'est pas démontré, ayant au demeurant été accueillies favorablement par le juge du premier degré.
Les consorts [E] et [Z] supporteront les dépens de première instance et d'appel. L'équité commande de faire droit à la demande des époux [F] dans la mesure précisée au dispositif. Les frais de médiation, qui ne sont pas inclus dans les dépens, n'ont pas à être spécialement visés par cette décision.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,
Déclare irrecevables les conclusions des consorts [E] et [Z] en date du 30 décembre 2022,
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras du 14 septembre 2022,
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Renvoie les parties à se pourvoir comme elles l'aviseront,
Déboute M. [F] et Mme [O] [J], son épouse, de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne in solidum M. [X] [E] et Mme [B] [D], son épouse, M. [K] [Z] et Mme [G] [I], son épouse, à payer ensemble la somme de 1 000 € à M. [F] et Mme [J], son épouse, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M [E] et Mme [D], M. [Z] et Mme [I] aux entiers dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE