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09/02/2023 | FRANCE | N°21/02247

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 09 février 2023, 21/02247


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/02247 - N° Portalis DBVH-V-B7F-ICMH



AD



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

22 avril 2021 RG :19/01022



[N]



C/



[G]

[K]























Grosse délivrée

le

à Selarl Lexavoue

Me Pomies Richaud











COUR D

'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Carpentras en date du 22 Avril 2021, N°19/01022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02247 - N° Portalis DBVH-V-B7F-ICMH

AD

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

22 avril 2021 RG :19/01022

[N]

C/

[G]

[K]

Grosse délivrée

le

à Selarl Lexavoue

Me Pomies Richaud

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Carpentras en date du 22 Avril 2021, N°19/01022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et Mme Laure MALLET, Conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [M] [N]

née le 20 Décembre 1948 à [Localité 28] (Royaume-Uni)

[Adresse 1]

[Localité 32]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Alexandre COQUE, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉES :

Madame [J] [G] épouse [R]

née le 19 Mars 1946 à [Localité 33]

[Adresse 5]

[Localité 26]

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Nicolas HEQUET, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

Madame [A] [K]

née le 10 Janvier 1949 à [Localité 29]

[Adresse 30]

[Localité 32]

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Nicolas HEQUET, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 DECEMBRE 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 09 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ :

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Carpentras le 22 avril 2021, ayant statué ainsi qu'il suit :

' reçoit Madame [R] et Madame [K] en leur action,

' dit que le chemin matérialisé sur le cadastre, passant sur la parcelle section F numéro [Cadastre 18] sur son confront ouest, puis longeant le confront sud des parcelles [Cadastre 16] et [Cadastre 4] avant de pénétrer de nouveau sur la parcelle [Cadastre 18] sur son confront Est, de pénétrer le confront sud de la parcelle [Cadastre 27], puis de pénétrer sur la propriété [Cadastre 12] et d'aboutir à la parcelle [Cadastre 25], doit être qualifié de chemin d'exploitation,

' fixe l'assiette du chemin à une largeur d'emprise de 3 m sur toute sa longueur,

' condamne Madame [N] à rétablir dans les limites de cette assiette du chemin d'exploitation le libre accès et la circulation au travers des parcelles lui appartenant par la suppression de tous les ouvrages s'y trouvant ( clôture, portail, portillon) et par la démolition de divers aménagements et constructions, notamment le bâtiment technique de la piscine empiétant sur cette assiette dans un délai de 6 mois à compter du jour où le présent jugement sera devenu définitif,

' dit que l'obligation ainsi imposée sera assortie d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard pour une durée de 6 mois, à l'issue de laquelle il appartiendra à Madame [R] et Madame [K] de saisir le juge de l'exécution d'une demande de liquidation d'astreinte,

' rejette les demandes de Madame [R] et de Madame [K] en dommages et intérêts ainsi que celle de Madame [N] pour procédure abusive,

' condamne Madame [N] aux dépens et à verser aux dames [R] et [K] la somme de 3500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, y compris les frais du constat d'huissier du 13 août 2018,

' rejette la demande d'exécution provisoire.

Vu l'appel interjeté par Madame [N] le 10 juin 2021.

Vu les conclusions de l'appelante, en date du 24 novembre 2022, demandant de :

' ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats en disant ses écritures recevables,

' faire droit à l'appel, infirmer le jugement et statuant à nouveau,

' rejeter les demandes de Madame [R] et de Madame [K],

' dire que le tracé du chemin d'exploitation est limité aux parcelles section F [Cadastre 4],[Cadastre 16],[Cadastre 18] et ne va pas au-delà de ces parcelles,

' rejeter en conséquence la demande relative à l'existence du chemin d'exploitation matérialisé au cadastre en pointillé sur les parcelles F [Cadastre 4] et [Cadastre 16] qui sont sa propriété et qui desservent les fonds adverses ainsi que les demandes en rétablissement du chemin et en enlèvement de toutes obstruction sous astreinte,

' à titre subsidiaire, si la cour retenait l'existence du chemin d'exploitation, dire que l'assiette de la servitude sur les parcelles [Cadastre 16] et [Cadastre 4] est de 1,99 m et rejeter toute demande plus ample d'astreinte et de fixation à 4 m de large sur toute la longueur,

' en tout état de cause, rejeter la demande de dommages et intérêts des intimées et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' les condamner à lui payer la somme de 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions de Madame [R] et de Madame [K] en date du 15 novembre 2022, demandant de :

' rejeter toutes les demandes de l'appelante, confirmer le jugement et statuant sur leur appel incident,

' réformer le jugement sur la question de l'assiette du chemin qu'il conviendra de fixer à une largeur de 4 m sur toute sa longueur,

' condamner l'appelante à payer à chacune la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts,

' condamner l'appelante à leur payer la somme de 4500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu la clôture, initialement prise à la date du 17 novembre 2022, sa révocation à l'audience et le prononcé d'une nouvelle clôture avant l'ouverture des débats.

MOTIFS

Madame [N] est propriétaire, depuis un acte du 20 juin 2014, des parcelles situées à [Localité 32], section F numéro [Cadastre 4], [Cadastre 16] et [Cadastre 17] d'une superficie de 4 ares et 44 centiares.

Madame [K] est propriétaire, depuis le 11 janvier 1988, d'une propriété agricole et de terres attenantes et non attenantes, comprenant notamment les parcelles cadastrées section E [Cadastre 23], [Cadastre 24] et [Cadastre 25].

Madame [R] est propriétaire, depuis le 11 juillet 1997, d'un ensemble immobilier bâti et non bâti, cadastré section F, numéro [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14].

Madame [R] et Madame [K] se sont prévalues d'un passage en nature de chemin de terre qu'elles qualifient de chemin d'exploitation à l'encontre de Madame [N] à laquelle elles reprochent son obstruction.

Le jugement déféré a considéré que les critères caractérisant l'existence d'un chemin d'exploitation étaient réunis et a fait droit à la demande des dames [R] et [K].

Retenant par ailleurs que l'appelante avait implanté une clôture, un portail et un portillon sur ce chemin et également construit un bâtiment technique pour la piscine empiétant sur l'assiette du chemin, il a, en conséquence, ordonné la suppression des éléments affectant l'assiette de ce chemin sous astreinte et a fixé une largeur de 3 m pour permettre le passage des engins d'exploitation des parcelles des intimées.

Le tribunal a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées de chacune des parties.

Devant la cour, les parties débattent à nouveau du bien-fondé de l'existence du chemin d'exploitation ainsi revendiqué, outre de son assiette, la discussion sur le défaut d'intérêt à agir ayant été abandonnée.

Aux termes de l'article L 162 ' 1 du code rural et de la pêche maritime, les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation.

Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir au propriétaire riverain, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés.

L'usage de ces chemins peut-être interdit au public.

Le chemin en question apparaît sur le plan cadastral actualisé et également sur sa version de 1953 en pointillés, débutant sur la parcelle [Cadastre 25], puis traversant la parcelle [Cadastre 12], puis,en partie la parcelle [Cadastre 27], longeant ensuite la parcelle [Cadastre 21] en traversant la parcelle [Cadastre 18] et les parcelles de Madame [N] numéro [Cadastre 4], [Cadastre 16] et [Cadastre 17], puis à nouveau, la parcelle [Cadastre 18] pour aboutir à la voie publique, [Adresse 31].

Ce chemin est également matérialisé par les photographies aériennes de l'IGN datant de 1973.

L'acte d'acquisition de Madame [N] en date du 20 juin 2014 mentionne en page 11 :

'la propriété vendue est traversée par un chemin porté en pointillé sur le plan cadastral demeuré ci annexé et approuvé par les parties. L'acquéreur déclare avoir connaissance de l'existence de ce chemin probablement d'exploitation tel que figuré en pointillé sur ledit plan annexé. Il est rappelé que les chemins d'exploitation sont régis par les articles L 162 ' 1 et suivants du code rural ci-après retranscrit... par conséquent, la suppression de ce chemin nécessiterait l'accord de tous les propriétaires riverains dudit chemin. Le vendeur déclare que ce chemin est à l'usage exclusif des propriétaires riverains, chaque copropriétaire riverain du chemin possédant un accès à la voie communale. Aux termes d'un acte reçu ce jour par le notaire soussigné, Monsieur [U], acquéreur de la parcelle voisine cadastrée F [Cadastre 18], a expressément renoncé à l'usage de ce chemin sur les parcelles, objet de la présente. L'acquéreur déclare être parfaitement informé de cette situation et avoir reçu toutes les explications utiles sur la réglementation relative au chemin d'exploitation. Il déclare vouloir faire son affaire personnelle de cette situation sans recours contre le vendeur, ni le notaire, rédacteur des présentes'.

Le titre de propriété de Monsieur [U] également en date du 20 juin 2014 mentionne pour sa part :

- en page 9:

Aux termes de l'acte d'acquisition par Madame [V] du 18 février 1977, il a été constitué la servitude ci-après littéralement retranscrite : « sur la parcelle présentement vendue, il existe au nord et au sud (extrême limite de ladite parcelle) un droit de passage avec tous véhicules profitant à divers propriétaires existant en vertu de droit (sic) remontant à plus de 30 ans dont l'acquéreur déclare avoir parfaite connaissance ».

- en page 10 :

La propriété vendue est traversée par un chemin porté en pointillé sur le plan cadastral demeuré annexé et approuvé par les parties. L'acquéreur déclare avoir connaissance de l'existence de ce chemin probablement d'exploitation tel que figuré en pointillé sur ledit plan annexé. Il est rappelé que les chemins d'exploitation sont régis par les articles L 162 ' 1 et suivants du code rural ci-après retranscrit... Par conséquent, la suppression de ce chemin nécessiterait l'accord de tous les propriétaires riverains dudit chemin. L'acquéreur déclare être parfaitement informé de cette situation et avoir reçu toutes les explications utiles sur la réglementation relative au chemin d'exploitation. Il déclare vouloir faire son affaire personnelle de cette situation sans recours contre le vendeur, ni le notaire, rédacteur des présentes.

- en page 11 :

Le chemin d'exploitation susvisé traverse également la propriété voisine du bien, objet des présentes, cadastré section F numéro [Cadastre 4],[Cadastre 16] et [Cadastre 17]. Monsieur M. [U], acquéreur, déclare avoir parfaitement connaissance de l'existence de ce chemin d'exploitation et déclare renoncer purement et simplement à son droit de passage sur ce chemin d'exploitation traversant la propriété voisine, cadastrée section F numéro [Cadastre 4], [Cadastre 16] et [Cadastre 17].

Au soutien de son appel, Madame [N] fait essentiellement valoir qu'un chemin d'exploitation ne doit servir qu'à la communication entre les fonds ou exploitations et qu'il voit son existence démontrée dès lors qu'il est utile à la communication des fonds ; que son titre ne fait état que d'un chemin d'exploitation limité à sa parcelle et à celle de Monsieur [U], l'acte mentionnant que chacun des propriétaires riverains du chemin possède un accès à la voie communale et que Monsieur [U] a renoncé à ses droits sur ce chemin ; qu'au-delà de ces parcelles, les pointillés qui se trouvent sur le plan ont un tracé erratique, que le chemin n'y trouve plus de tracé rectiligne comme en justifient les plans du cadastre qui d'ailleurs ne font état que d'une largeur très faible, 0,99 m sur les parcelles [Cadastre 27] et [Cadastre 12] et d'une coupure du tracé à l'entrée de la parcelle [Cadastre 18], alors qu'il y a un marquage courbé sur la parcelle [Cadastre 12] avec un élargissement subit.

Elle expose encore que le tracé du cadastre n'est pas suffisamment cohérent pour justifier de l'existence d'un chemin d'exploitation et que les photographies aériennes ne sont pas probantes, notamment en ce qui concerne le passage sur la parcelle [Cadastre 27] et [Cadastre 18] de sorte qu'il n'y a pas de desserte continue entre la parcelle [Cadastre 18] et la parcelle [Cadastre 12], le tracé étant interrompu sur la parcelle [Cadastre 27] ; que l'acte du 18 février 1977 évoque un droit de passage, mais non un chemin d'exploitation ; qu'en ce qui concerne la parcelle [Cadastre 25], l'acte fait éta d'un chemin au couchant, mais pas de chemin au sud contrairement à ce qu'invoque l'adversaire ; qu'en ce qui concerne l'acte de 1966, il n'est pas démontré que les parcelles [Cadastre 6],[Cadastre 7] et [Cadastre 8] correspondraient, comme le prétendent les intimés, aux parcelles [Cadastre 22],[Cadastre 19] à [Cadastre 20] qui sont d'ailleurs éloignées de la zone et ne concernent pas le prétendu tracé chemin d'exploitation ; qu'il n'y a pas, non plus, de correspondance démontrée entre la parcelle [Cadastre 10] et les parcelles [Cadastre 24] et [Cadastre 25] ; qu'au demeurant, le chemin d'exploitation mentionné au nord de ces parcelles ne concerne pas l'emplacement du prétendu chemin et que le chemin figurant au midi n'est pas précisé comme chemin d'exploitation ; que la pièce 20 est illisible ; qu'en outre, les intimés ne démontrent pas la véritable utilité du chemin pour desservir les parcelles riveraines, et ce, même s'il n'est pas nécessaire que le chemin soit entretenu, les autres indices nécessaires à caractériser un chemin d'exploitation n'étant pas présents ; que le passage prétendument fréquent et aisé des engins agricoles n'est pas démontré, qu'au contraire, il est établi que ce passage se fait à côté du talus tandis que l'accès par le chemin prolonge le trajet de 500 m et n'est pas carrossable sur les parcelles [Cadastre 27] et [Cadastre 12] ; que la circonstance qu'elle ait pu donner les clés à un voisin démontre seulement qu'elle reconnaît le chemin d'exploitation sur les parcelles qui sont les siennes et sur celle de son voisin, mais pas au-delà.

En toute hypothèse, elle affirme encore qu'il ne peut être demandé que le rétablissement du chemin dans son état d'origine et non un élargissement de son emprise, ce qui constituerait une demande de désenclavement ; que la largeur de 3 m retenue par le tribunal n'a pas de cohérence avec la largeur du chemin constatée sur les fonds et aux alentours qui est de moins de 2 m et que les engins agricoles peuvent utiliser une voie d'une telle largeur ; que la largeur résultant des plans du cadastre tourne autour de 2 m ; que le [Adresse 31], qui est desservi par le chemin litigieux, présente un goulot d'étranglement de 1,89 m, ce chemin étant l'unique desserte du chemin en cause ; que d'ailleurs, sur le fond [K], la largeur est de 1,54 m ; que le rétablissement de l'assiette d'un chemin d'exploitation ne doit pas être réalisé en fonction des commodités des ayants droits, mais de la topographie historique des lieux ; que le moyen tiré de l'installation d'un portail sur le fonds [D], parcelle [Cadastre 21], qui serait d'une largeur de 4 m est inopérant car aucune mesure de portail n'est jointe de manière précise et que la correspondance de ce portail avec le prétendu tracé du chemin n'est pas établie ; qu'enfin, les intimés exploitent leurs parcelles avec des chemins qui sont, à ce jour, de 3m de large ; que ce chemin était inexistant à l'entrée de son fonds dès 2014 ; qu'il n'y a pas d'éléments objectifs, de type rapport d'expertise ou repères physiques, pour justifier la position des intimées sur le tracé du chemin.

Mesdames [R] et [K] lui opposent, en substance, que le chemin en question a toujours été matérialisé au cadastre ancien et au cadastre rénové; elles rappellent les mentions des actes d'achat de Madame [N] et de Monsieur [U] ainsi que celles des titres de leur auteur commun ; elles soulignent que la propriété de Madame [N] est traversée par un chemin qui sert effectivement à la communication et l'exploitation de divers fonds, dont ceux des intimées ; que dès lors que les éléments propres à caractériser l'existence du chemin d'exploitation, et notamment leur usage à la communication entre divers héritages et à exploitation, existent, il appartient au défendeur d'administrer la preuve contraire; que le chemin est, en outre, identifié sur les photographies aériennes, notamment celle de 1973 ; que peu importe l'état actuel du chemin, sa disparition matérielle ne pouvant suffire à priver les propriétaire riverains des droits qui leur sont conférés de ce chef.

En droit, il sera rappelé que les chemins d'exploitation sont des chemins privés qui servent à l'usage commun des propriétaires riverains, à la communication entre les fonds, à leur exploitation et desserte ;que son caractère exclusif justifie qu'il peut en être interdit le passage à ceux dont les fonds ne sont pas riverains, ni concernés par la desserte ; qu'un chemin d'exploitation, qui dessert plusieurs héritages riverains, qu'il les traverse, qu'il les borne ou qu'il y aboutisse, a un usage commun à tous les propriétaires concernés et ne peut être supprimé que du consentement de tous les usagers ; qu'enfin , le droit d'usage n'est pas lié à la propriété du sol, que son régime juridique n'est pas celui de la servitude, qu'il ne se perd donc, ni par un non usage, ni par sa disparition, ni par sa dégradation matérielle.

Les principes ainsi posés seront confrontés aux spécificités du présent litige, telles que résultant des différents éléments produits aux débats ci-dessous analysés.

L'examen des 2 plans cadastraux, celui ancien datant de 1953 et celui actuel, datant de 2020, permet de retenir qu'ils mentionnent, tous deux, en pointillés, le chemin d'exploitation sur deux tracés concordants entre eux en ce qui concerne son cheminement entre son point de départ, sa traversée des fonds [N] et [U] et son extrémité aux confins du fonds [Cadastre 25] et ce quand bien même sur celui de 1953, l'extrémité pénètre sur le fonds [Cadastre 25] tandis que sur celui actualisé, il s'arrête à sa limite divisoire, peu important que sa représentation sur l'ancien y soit plus large que sur le nouveau, étant de ce chef observé que la photographie produite de l'IGN en date du 30 juin 1973 conforte clairement et parfaitement le tracé du plan de 1954 et qu'en revanche, le procès verbal de constat d'huissier versé par Mme [N] n'est pas suffisamment précis notamment en ce qu'il n'y évoque que la mention d'un fossé longeant la maison sise sur la parcelle [Cadastre 21], en l'état des éléments ci-dessus et également au vu du point à partir duquel lesdites constatations ont été faites, à savoir, soit, de chez M [U], soit 'en position sur la voie publique..., le [Adresse 31]'.

Madame [N] a par ailleurs parfaitement connaissance aux termes de son acte de propriété de la situation de ce chef, tout comme Monsieur [U], qui acquiert du même auteur que Madame [N] et le même jour, leurs deux actes comportant le plan cadastral en annexe y mentionné approuvé par les parties et celui-ci y étant donc expressément visé à propos de la stipulation relative au chemin en cause.

Il est également produit l'acte, au terme duquel Madame [V] qui est l'auteur commun des fonds, actuellement [Cadastre 16] et [Cadastre 17], propriété [N] et [Cadastre 18], propriété [U] , celle-ci en étant devenue propriétaire en 1977 en l'acquérant de M [X] [G], lequel tient, lui même, ses droits de [C] [G] et qui décrit l'existence d'un passage avec tous véhicules au nord et au sud (extrême limite de ladite parcelle )de [Cadastre 18] ; cet acte rappelle, en outre, que sur la parcelle [Cadastre 18], ce droit profite 'à divers propriétaires' et remonte à plus de 30 ans, de sorte qu'il ne peut être argué que ce chemin ne bénéficierait qu'aux propriétés de Madame [N] et M [U] et que vu la propriété initialement réunie en une seule main desdits fonds, vu l'absence d'autres accès des fonds, notamment [Cadastre 12] et [Cadastre 25] et vu ladite mention de ce que le passage y prévu 'profite à divers propriétaires', le chemin desservait nécessairement plusieurs autres fonds .

Enfin, d'une part, la lecture de l'acte du 12 avril 1955 ayant permis l'acquisition par Monsieur [V] de [C] [G] d'une partie de 360m2 de la parcelle anciennement cadastrée [Cadastre 3] (laquelle correspond en son entier et actuellement aux 4 parcelles [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18], vu la comparaison des 2 cadastres) vient encore corroborrer la réunion antérieure en une seule main des fonds en cause et révèle qu'il y est également fait état de la présence de ce chemin et d'autre part, celle de l'acte de vente des 5 et 21 avril 1996 de la parcelle, actuellement [Cadastre 25] selon la nouvelle numérotation, qui correspond à la parcelle [Cadastre 2] ancienne numérotation, indique également, de façon concordante avec les éléments ci-dessus, que celle-ci confronte au sud un chemin.

Il en résulte ainsi , peu important qu'il n'y ait acune correspondance établie entre les parcelles anciennement cadastrées [Cadastre 6],[Cadastre 7] et [Cadastre 9] et les parcelles nouvellement cadastrées [Cadastre 22],[Cadastre 19] et [Cadastre 20], que l'existence du chemin en son tracé tel que figuré par les pointillés des plans cadastraux de 1953 et 2020 et ainsi corroboré par les plans et les actes sus analysés est, dans ces conditions, suffisamment avérée.

Reste, dès lors, à rechercher s'il dessert notamment les propriétés des intimées et s'il sert à leur exploitation.

À cet égard, il sera considéré, au vu du tracé figurant sur les plans, que le chemin sert à la desserte et à l'exploitation, notamment des parcelles de Madame [R] et de Madame [K] ; qu'il ne saurait être limité aux seuls usages des parcelles de Madame [N] et M [U]; qu'il a donc une utilité en ce que sur l'une de ses extrémités, il est relié à la voie publique et en ce qu' à son autre extrémité, après les parcelles [N] et [U], il donne aussi accès aux propriétés des intimées ; que pour cela, il emprunte donc les propriétés [N], [U], [L], [R] et [K] ; qu'ainsi, il présente, sur tout son tracé, les caractéristiques du chemin d'exploitation telles que définies à l'article L 161 ' 1 du code rural.

L'ensemble de l'analyse ainsi faite est au demeurant conforté par celle des titres, dont il résulte que même si les parcelles de Madame [R] ont été dans la famille [G] depuis 1938, sans pour autant que soit démontrée une origine avec les parcelles provenant de [C] [G], celle de Madame [K] (ici la parcelle [Cadastre 25]) n'a aucun auteur commun avec les parcelles de Madame [N], de M [U] et de Mme [R]; qu'en revanche, il y a un auteur commun entre Mme [N] et M [U]; que leur titre respectif fait état, en des termes parfaitement identiques, de la présence du chemin ainsi que de son tracé cohérent avec ce qui a été ci-dessus déjà étudié et retenu, alors donc que l'acte d'acquisition par Madame [V] de la parcelle [Cadastre 18] rappelait d'ores et déjà, l'existence dans des conditions permettant de l'assimiler à l'assiette du chemin d'exploitation en litige d'un droit de passage avec tous véhicules profitant à divers propriétaires et existant en vertu d'un droit remontant à plus de 30 ans.

Le moyen tiré de ce qu'il existerait un fossé en limite du fonds des intimées à l'endroit du chemin est inopérant dans la mesure où il n'est pas démontré, vu la relation y faite du point d'observation pour les constatations de ce chef de l'huissier et en l'absence d'étude topographique précise des lieux, que le constat d' huissier produit sur ce sujet ait procédé à des constatations correspondant à cet endroit et coïncidant précisément avec l'assiette du chemin d'exploitation revendiquée telle que résultant des plans cadastraux et photographies.

En outre, la dégradation ou la disparition du chemin ne saurait priver les propriétaires riverains de leur droit, un chemin d'exploitation ne pouvant, en effet, être supprimé que du consentement de tous les propriétaires et ne pouvant, non plus, être perdu par un non usage trentenaire.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu l'existence du chemin d'exploitation sur les parcelles, notamment, de Madame [N] et Monsieur [U], non limité à leurs propres et seuls fonds, mais bénéficiant aux autres fonds riverains, à savoir,en l'espèce, les fonds de Madame [K] et de Madame [R] et en conséquence, en ce qu'il a ordonné la suppression de tous les éléments constituant une obstruction du passage sur ce chemin tels que listés au dispositif du jugement.

Sur l'appel incident et la question, également contestée par l'appelante de la largeur du chemin, il sera retenu que Madame [N] ne saurait, de ce chef, se prévaloir utilement des mesures graphiques qu'elle a réalisées à partir des plans du cadastre, qui ne sont que des documents à vocation fiscale ; qu'en revanche, au regard de l'usage du chemin d'exploitation et des propriétés desservies, certaines ne portant d'ailleurs pas de bâti, et qui nécessitent pour leur exploitation, le passage de véhicules agricoles de type tracteur, la largeur minimale de 3 m sera confirmée, étant à cet égard considéré que dans l'acte évoquant la servitude de passage de 1977, il y est même envisagé une largeur de 4 m.

Aucun document ne vient par ailleurs démontrer, en l'état des usages et nécessités techniques d'une exploitation, le bien-fondé de la position des intimées revendiquant un passage d'une largeur fixée à 4 m.

Aucun préjudice n'étant démontré autre que celui de la nécessité d'ester en justice, indemnisée par l'application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts des intimées .

En raison de sa succombance, Madame [N] sera déboutée de toutes ses demandes et supportera les dépens.

L'équité commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'il sera dit ci-dessous.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

La cour, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Rejette les demandes de Madame [N] et confirme jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

Rejette l'appel incident de Madame [K] et de Madame [R] au titre de la largeur du chemin d'exploitation,

Condamne Madame [N] à verser, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à Madame [K] et à Madame [R] ensemble la somme de 2000 €,

Rejette toute demande plus ample,

Condamne Madame [N] aux dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/02247
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;21.02247 ?
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