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09/02/2023 | FRANCE | N°20/02277

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 09 février 2023, 20/02277


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/02277 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZQ5



AL



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

30 juin 2020 RG :18/03249



[M]

[U]



C/



S.A. MMA VIE

S.A.R.L. JCR GESTION





















Grosse délivrée

le

à Me Tartanson

SCP Fortunet et associés

Me Kostova











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 30 Juin 2020, N°18/03249



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



M. André LIE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02277 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZQ5

AL

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

30 juin 2020 RG :18/03249

[M]

[U]

C/

S.A. MMA VIE

S.A.R.L. JCR GESTION

Grosse délivrée

le

à Me Tartanson

SCP Fortunet et associés

Me Kostova

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 30 Juin 2020, N°18/03249

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. André LIEGEON, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Monsieur [H] [M]

né le 23 Novembre 1957 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 2] - FRANCE

Représenté par Me Jacques TARTANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Madame [B] [U] épouse [M]

née le 31 Juillet 1961 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 2] - FRANCE

Représentée par Me Jacques TARTANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉES :

S.A. MMA VIE immatriculée au RCS LE MANS prise en la personne de ses repr

ésentants légaux domiciliés es qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3] / FRANCE

Représentée par Me Jean-philippe DANIEL de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

S.A.R.L. JCR GESTION, inscrite au RCS d'AVIGNON sous le N° 388 591 034 dont le siège est situé [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Benjamin PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Silvia alexandrova KOSTOVA, Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 09 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] [M], gérant de société, et Mme [B] [U] épouse [M], commerçante, ont adhéré chacun, les 21 et 23 mars 2006, par l'intermédiaire de la SARL JCR GESTION, courtier en assurance, au contrat d'assurance collectif d'assurance vie MMA MULTISTRATEGIES RETRAITE PRO souscrit par l'association APPICAL auprès de la SA MMA VIE, pour un futur complément de retraite. Ils ont versé chacun lors de la souscription une somme de 750 EUR puis ont effectué des versements trimestriels de 750 EUR ramenés à compter de 2011 à 450 EUR.

A la fin de l'année 2017, M. [H] [M] a fait valoir ses droits à retraite.

Par courrier en date du 22 décembre 2017, la SA MMA VIE, saisie d'une demande de renseignements, a informé M. [H] [M], par l'intermédiaire de la SARL JCR GESTION, que ses droits s'établissaient comme suit :

- rente annuelle de 1.027,74 EUR pour une rente sans réversion,

- rente annuelle de 852,84 EUR pour une rente avec réversion,

- rente annuelle de 785,97 EUR pour une réversion à 150 %.

Faisant valoir qu'il ne leur avait jamais été indiqué que les estimations de rente s'entendaient d'une rente annuelle, les époux [M], suivant un courrier de leur conseil du 29 janvier 2018, se sont rapprochés de la SA MMA VIE pour obtenir des explications.

Par un dernier courrier en date du 7 mai 2018, la SA MMA VIE a fourni des explications sur les estimations retenues.

Par actes des 31 août et 4 septembre 2018, les époux [M] ont assigné la SA MMA VIE et la SARL JCR GESTION, au visa des articles L. 141-4, L. 521-1 et L. 132-27-1 du code des assurances, pour obtenir leur condamnation in solidum au remboursement du capital versé au titre de chacun des contrats, ainsi qu'au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 30 juin 2020, le tribunal a :

- dit que l'action de M. [H] [M] et Mme [B] [U] épouse [M] n'est pas prescrite,

- dit que la SA MMA VIE et la SARL JCR GESTION ont manqué à leur obligation de diligence et de conseil à l'encontre de M. [H] [M] et Mme [B] [U] épouse [M] en omettant de préciser le caractère annuel de la rente viagère,

- rejeté la demande en résolution des contrats MMA MUTISTRATEGIES RETRAITE PRO de M. [H] [M] (contrat n°01164513) et Mme [B] [U] épouse [M] (contrat n°01164516),

- constaté l'absence de démonstration de préjudice par les époux [M],

- débouté M. [H] [M] et Mme [B] [U] épouse [M] de leur demande de paiement,

- condamné les époux [M] in solidum à payer la somme de 800 EUR à la SA MMA VIE et celle de 800 EUR à la SARL JCR GESTION en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les époux [M] in solidum aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 16 septembre 2020 enregistrée le même jour au greffe, M. [H] [M] et Mme [B] [U] épouse [M] ont relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en qu'il a dit que leur action n'était pas prescrite et que la SA MMA VIE et la SARL JCR GESTION avaient manqué à leur obligation de diligence, d'information et de conseil.

Aux termes des dernières conclusions de M. [H] [M] et Mme [B] [M] née [U] reçues par RPVA le 25 septembre 2020, il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'AVIGNON le 30 juin 2020, en ce qu'il a dit que l'action des époux [M], en responsabilité, n'était pas prescrite, et que la SA MMA VIE et la SARL JCR GESTION ont manqué à leur obligation de diligence, d'information et de conseil à l'encontre de M. et Mme [M],

- réformer la décision dont appel,

- condamner in solidum la SA MMA VIE et la SARL JCR GESTION à réparer l'entier préjudice subi par les époux [M] et à leur allouer les sommes suivantes :

35.000 EUR à titre de dommages et intérêts, à chacun d'eux, en réparation du préjudice économique, à savoir un investissement effectué sans aucune contrepartie ni fiscale, ni de rente à la hauteur de l'investissement, investissement effectué à pure perte,

3.000 EUR à titre de dommages et intérêts, à chacun d'eux, à titre de réparation de préjudice moral,

- condamner in solidum la SA MMA VIE et la SARL JCR GESTION à verser aux époux [M] la somme de 5.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les timbres fiscaux.

Aux termes des dernières conclusions de la SA MMA VIE reçues par RPVA le 5 novembre 2020, il est demandé à la cour de :

- vu les dispositions de l'article 1231-1 du code civil,

- vu les dispositions de l'article 1136 du code civil,

- vu les dispositions des articles L. 112-2 et L. 112-2-1 du code des assurances,

- vu les dispositions de l'article L. 520-1 du code des assurances,

- vu les pièces,

- dire et juger que l'action des époux [M] est prescrite,

- dire et juger que les époux [M] ont été destinataires de l'ensemble des documents contractuels légaux,

- dire et juger que la SA MMA VIE n'était pas débitrice de l'obligation d'information et du devoir de conseil à l'égard des époux [M],

- dire et juger que la SA MMA VIE n'a commis aucun manquement à l'égard des époux [M],

- dire et juger que les époux [M] ne rapportent pas la preuve de l'existence et de l'étendue des préjudices qu'ils allèguent,

En conséquence, sur l'appel principal :

- débouter les époux [M] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SA MMA VIE,

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a rejeté leurs demandes en paiement et a condamné les époux [M] à verser à la SA MMA VIE la somme de 800 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance,

Sur l'appel incident :

- infirmer le jugement sur le surplus et statuant à nouveau à ce titre,

- déclarer prescrite l'action des époux [M],

- dire et juger que la SA MMA VIE n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard des époux [M],

- condamner les époux [M] à verser à la SA MMA VIE une indemnité de 5.000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.

Aux termes des dernières écritures de la SARL JCR GESTION reçues par RPVA le 10 décembre 2020, il est demandé à la cour de :

Liminairement :

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. et Mme [M], et statuant à nouveau, déclarer leur action irrecevable comme prescrite,

Au fond :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la SARL JCR GESTION avait manqué à son obligation de diligence, d'information et de conseil à l'encontre de M. et Mme [M] en omettant de préciser le caractère annuel de la rente viagère,

- confirmer intégralement le jugement pour le surplus,

- y ajoutant, condamner in solidum M. et Mme [M] à payer à la SARL JCR GESTION une somme de 3.000 EUR au titre des frais irrépétibles d'appel,

- y ajoutant, condamner in solidum M. et Mme [M] au paiement des dépens d'appel.

En date du 27 novembre 2020, la SARL JCR GESTION a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande tendant au constat de la prescription de l'action engagée par les époux [M].

Par ordonnance du 13 avril 2021, le conseiller de la mise en état a dit que l'examen de la fin de non-recevoir tenant à la prescription de l'action, discutée devant le premier juge, est de la compétence de la cour d'appel et excède les pouvoirs du conseiller de la mise en état.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient, pour un rappel exhaustif des moyens, de se reporter aux écritures précitées des parties.

Par ordonnance du 15 septembre 2022, la clôture a été fixée au 17 novembre 2022.

MOTIFS

SUR LA PRESCRIPTION

Dans son jugement, le premier juge a dit que l'action des époux [M] n'était pas prescrite, le point de départ du délai quinquennal de l'article 2224 du code civil devant être fixé au 16 février 2018, date du courrier par lequel la SA MMA VIE a apporté une réponse aux interrogations exprimées par ces derniers, via leur conseil.

Aux termes de leurs écritures, la SA MMA VIE et la SARL JCR GESTION concluent l'une et l'autre à l'infirmation sur ce point du jugement.

Au soutien de sa fin de non-recevoir, la SA MMA VIE expose que les époux [M] reçoivent depuis 2006 et sans interruption depuis cette date, une lettre d'information annuelle qui fait un point précis sur l'évolution du placement, la répartition entre les produits choisis et l'avantage financier qui en résulte par un rappel de l'épargne obtenue en début et en fin d'exercice, et ont ainsi reçu une information claire et suffisante leur permettant d'apprécier en cours d'exécution si celui-ci demeurait adapté à leurs attentes et besoins. Ils ajoutent que malgré cette information annuelle, ils n'ont jamais formulé aucune réclamation ou demande d'explication durant plus de dix ans. Ils indiquent encore que la lettre d'information portant sur l'année 2007 mentionne clairement le capital constitué au 31 décembre 2006 ainsi que le taux d'intérêt produit par les placements choisis, et que c'est par voie de conséquence à compter de la réception non contestée de cette lettre d'information qu'ils ont dû nécessairement avoir conscience de la prétendue insuffisance de l'information reçue au précontractuel, la date de cette réception constituant ainsi le point de départ de la prescription quinquennale.

Reprenant en substance l'argumentation développée par la SA MMA VIE, la SARL JCR GESTION indique, à supposer qu'aucun conseil n'ait été fourni en dehors de la remise des documents contractuels, qu'en application de l'article L. 132-22 du code des assurances modifié par l'arrêté du 24 août 2011 faisant obligation à l'assureur de fournir chaque année une estimation du montant de la rente viagère, les époux [M] ont nécessairement reçu, à compter du 31 décembre 2011, une telle information qui aurait dû leur permettre d'agir si véritablement, ils avaient été mal informés, ce qu'ils n'ont pas fait. Elle ajoute que leur action est dès lors prescrite.

Selon l'article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Les conditions générales des contrats MULTISTRATEGIES RETRAITE PRO souscrits les 21 et 23 mars 2006 par les époux [M] fixent les modalités de constitution de l'épargne retraite et prévoient, à compter du départ en retraite, le versement d'une rente viagère dont le montant lors de la souscription n'est pas connu, étant fonction de l'option qui sera choisie au moment du départ en retraite, des versements à effectuer et du rendement des placements qui aura été obtenu.

Aucune simulation n'est jointe aux demandes d'adhésion et ce n'est qu'en vertu de l'information annuelle dont l'assureur est redevable, selon la clause figurant en page 12 des conditions générales, qu'il est remis, chaque année un relevé indiquant :

- les versements effectués au cours de l'année, la valeur de transfert, le montant de l'épargne retraite (provision mathématique),

- pour le support libellé en euros : le taux moyen de rendement des actifs détenus en représentation des engagements au titre des contrats de même catégorie ainsi que le taux moyen de participation aux bénéfices,

- pour le support libellé en unités de compte : la performance du support du contrat et le cas échéant, les modifications apportées aux caractéristiques principales de l'unité de compte,

- en présence d'une rente viagère, les informations relatives à son montant et sa valorisation.

Il appartient à l'assureur et au courtier, qui font valoir que les époux [M] ont bien été destinataires de cette information prévue au contrat et résultant par ailleurs de l'article L. 132-22 du code des assurances, de démontrer que les assurés ont bien été destinataires des lettres d'information annuelle. Or, cette preuve n'est pas rapportée. Ainsi, s'il est établi que Mme [B] [M] a reçu cette information au titre des années 2015 et 2016 au vu des lettres qu'elle produit aux débats, rien ne vient toutefois établir qu'elle a été destinataire d'autres courriers d'information, aucune autre lettre la concernant n'étant versée aux débats, et il ne peut être soutenu, alors même qu'elle indique, à l'instar de son mari, que le tribunal a écarté à juste titre la prescription, que la remise de ces lettres n'est pas contestée. Par ailleurs, il importe de relever, concernant M. [H] [M], que la seule production en copie de lettres d'information annuelle au titre de la période ayant couru de 2007 à 2014 ne suffit pas à justifier de leur envoi.

Il s'ensuit que le point de départ de la prescription ne peut être fixé en 2007 ou 2011, et le point de départ du délai de cinq ans édicté par l'article 2224 du code civil devant être fixé, au mieux pour Mme [B] [M] à compter de la réception de la lettre d'information annuelle relative à l'année 2015 et pour M. [H] [M], à compter du 18 février 2018, date du courrier de la SA MMA VIE fournissant des éléments de réponse au conseil des époux [M], c'est par conséquence à bon droit que le premier juge a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SA MMA VIE et la SARL JCR GESTION, l'assignation ayant été délivrée les 31 août et 4 septembre 2018.

SUR LA DEMANDE D'INDEMNISATION DES EPOUX [M]

Dans son jugement, le premier juge a considéré, au visa de l'article L. 511-1 du code des assurances, que la SARL JCR GESTION, en sa qualité d'apporteur d'affaires, et la SA MMA VIE, en sa qualité d'assureur, étaient l'une et l'autre titulaires d'une obligation de diligence, d'information et de conseil, et devaient être tenues solidairement envers les assurés. Il ajoute, sur le fondement de l'article L. 141-4 du code des assurances, que le souscripteur d'une assurance de groupe est tenu à l'égard de l'adhérent d'une obligation de diligence qui comprend l'information et le conseil de l'assuré, l'objet de cette obligation étant de mettre ce dernier en mesure d'apprécier l'étendue des garanties proposées. Le jugement précise encore qu'au cas d'espèce, le contrat est flou quant à la pension viagère qui sera reversée, aucune indication n'étant donnée quant à sa périodicité dans les conditions générales ou dans la lettre d'information annuelle, de sorte que tant la SARL JCR GESTION que la SA MMA VIE ont manqué à leur obligation de diligence, d'information et de conseil. En outre, il indique que les époux [M], au soutien de leur demande en paiement, pour chacun des contrats, d'une somme équivalente au capital constitutif versé au jour de la décision (soit à tout le moins les sommes de 33.763,9 EUR au titre du contrat n°0164513 et de 34.705,35 EUR au titre du contrat n°01164516), ne justifient pas d'un préjudice. Il note que les contrats relevant du dispositif « MADELIN » emportent par nature des avantages fiscaux tout au long de leur exécution, et que si le montant de la rente viagère est modeste après plusieurs années d'épargne, c'est parce que le contrat relevant d'un tel dispositif a un effet immédiat (défiscalisation annuelle du montant des primes versées) et un effet différé (perception d'une rente viagère à la retraite). Il ajoute que les époux [M] ne prouvent pas que le défaut d'information leur a causé un préjudice ou même, qu'ils n'auraient pas souscrit ces contrats s'ils avaient connu le montant de la rente viagère ou son caractère annuel lors de la retraite.

Aux termes de leurs écritures, les époux [M] concluent à la confirmation du jugement en ce qui concerne les manquements imputés à la SA MMA VIE et à la SARL JCR GESTION, mais contestent le bien-fondé de la motivation du premier juge s'agissant du préjudice. Ils font valoir que l'incidence fiscale ne justifiait pas un tel investissement à fonds perdus, et que l'intérêt et l'avantage d'une telle opération sont nuls sur le plan économique. Ils indiquent encore que de la même manière, le complément de retraite proposé, de l'ordre de 1.000 EUR par an, est dérisoire au regard du capital investi, et qu'ils auraient eu plus intérêt à placer leur argent dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie, étant précisé que dans cette hypothèse, ils auraient toujours été propriétaires du capital et auraient pu en disposer, ce qui n'est pas le cas s'agissant des contrats souscrits.

En réplique, la SA MMA VIE expose qu'elle a fourni tous les documents contractuels visés par les articles L. 112-2 et L. 112-2-1 du code des assurances, comme cela ressort des bulletins d'adhésion et des pièces que les appelants produisent eux-mêmes. Elle ajoute avoir répondu aux demandes d'éclaircissements des intéressés qui ont par ailleurs reçu annuellement une lettre d'information, étant précisé que le fait que la périodicité de la rente n'y soit pas précisée ne constitue pas en soi un défaut d'information, et conteste ainsi avoir failli à l'obligation d'information. Elle indique encore qu'il ne peut, en tout état de cause, lui être reproché un quelconque manquement à son obligation d'information et de conseil quant aux choix et contenu des contrats dans la mesure où elle n'a jamais rencontré les époux [M], ni négocié avec eux, et où il appartenait à la seule SARL JCR GESTION, en sa qualité de courtier et conformément à l'article L. 520-1 du code des assurances, de fournir à ces derniers un conseil adapté, compte tenu de leurs attentes relativement au produit qu'ils entendaient souscrire. Par ailleurs, elle fait valoir, après avoir rappelé l'économie du contrat relevant du dispositif « MADELIN », que les époux [M] ne démontrent pas avoir souhaité souscrire un autre produit d'assurance ou financier, et que l'erreur sur la valeur économique de l'obligation ne peut, selon l'article 1136 du code civil, constituer une cause de nullité, quand bien même elle aurait déterminé le consentement. Elle ajoute que les intéressés, du fait de leur qualité de gérant de société (pour M.) et de commerçante (pour Mme) étaient du reste en mesure d'apprécier, lors de la souscription, si les primes futures versées seraient rentables et adaptées à leurs besoins. Enfin, elle fait valoir, ainsi que l'a retenu le tribunal, que la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée, ajoutant sur ce point qu'il n'est notamment pas établi de perte de chance de ne pas contracter ou de modifier leur volonté d'investir.

La SARL JCR GESTION soutient en premier lieu que la demande des époux [M] doit en réalité s'analyser en une demande en restitution, demande qu'ils formulaient en première instance, ce à quoi elle ne peut être tenue dès lors qu'elle n'est pas détentrice des fonds. En outre, elle fait valoir qu'elle n'a pas commis de faute, et note que les articles L. 520-1 et L.132-27-1 du code des assurances cités par les époux [M] en première instance ne sont pas applicables, compte tenu de la date de souscription des contrats. Elle indique encore que la notice d'information est parfaitement claire concernant les garanties offertes et l'absence de possibilité de rachat, hors les cas visés à l'article L. 123-23 du code des assurances, et précise que ces derniers ne pouvaient l'ignorer, n'ayant pu également se méprendre, compte tenu notamment des lettres d'information annuelle, sur le fait que la rente viagère présentait un caractère annuel et non mensuel. Elle conteste encore l'existence d'un préjudice en relevant qu'ils ont obtenu, pour chacun des contrats, un bénéfice fiscal correspondant à 15 % des montants versés, et que les deux objectifs prévus, à savoir un bénéfice fiscal et un complément de retraite, ont été obtenus. Elle ajoute que les intéressés ne mentionnent pas quel placement aurait pu leur permettre, en investissant une somme trimestrielle de 450 EUR, de bénéficier à vie d'une somme mensuelle de 1.000 EUR, et fait valoir que dans l'hypothèse où il serait fait droit à leur demande d'indemnisation, ils continueraient à bénéficier de leur rente mensuelle tout en n'ayant pas à rembourser l'avantage fiscal obtenu.

A titre liminaire, il sera rappelé que le contrat MULTISTRATEGIES RETRAITE PRO constitue un contrat d'assurance groupe souscrit par l'association APPICAL auprès de la SA MMA VIE de sorte que les dispositions de l'article L. 141-4 du code des assurances visé dans le jugement déféré ne sont pas applicables au présent litige. Pareillement, toute référence aux dispositions de l'article L. 132-27-1 du code des assurances est inopérante dès lors que cet article a été créé par l'ordonnance 2009-106 du 30 janvier 2009 et ne peut donc recevoir application, s'agissant d'adhésions réalisées en 2006. Et de la même façon, les dispositions des articles L. 511-1 et L. 520-1 du code des assurances telles qu'elles résultent de la loi n°2005-1564 du 15 décembre 2005 ne sont pas applicables au cas d'espèce pour être entrées en vigueur, suite au décret d'application du 30 août 2006, postérieurement aux adhésions des époux [M].

Par ailleurs, il sera noté, selon l'article L. 511-1 du code des assurances dans sa version applicable à la date des adhésions, que le courtier n'engage l'assureur, sur le fondement de l'article 1384 ancien du code civil, que s'il a agi en qualité de mandataire de l'assureur. Or dans le cas présent, s'il est constant que la SARL JCR GESTION est intervenue en qualité de mandataire de l'assuré, il n'est pas démontré qu'elle soit également intervenue en qualité de mandataire de la SA MMA VIE, assureur. Aussi, le principe d'une responsabilité in solidum de la SA MMA VIE et de la SARL JCR GESTION, au titre de l'application des dispositions des articles L. 511-1 du code des assurances et 1384 ancien du code civil, n'a pas lieu d'être.

L'obligation d'information et de conseil s'apprécie à la date de souscription du contrat.

Il est constant, en cas d'assurance groupe, que l'obligation précontractuelle d'information et de conseil à l'égard de l'adhérent ne pèse pas sur l'assureur mais sur le souscripteur du contrat. Aussi, la SA MMA VIE, en sa qualité d'assureur, n'était pas tenue à l'égard des époux [M] à cette obligation, et aucun manquement ne peut donc lui être reproché à ce titre. Surabondamment, il sera observé que la SA MMA VIE n'a jamais eu, au stade de la conclusion du contrat, de contact direct avec les époux [M], ceux-ci ayant adhéré au contrat de groupe proposé par la SARL JCR GESTION.

Aussi, sa responsabilité ne peut à ce titre être engagée par les époux [M]. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la SA MMA VIE a manqué à son obligation de diligence, d'information et de conseil.

Il est de principe que le courtier est tenu à une obligation d'information et de conseil à l'égard des assurés dont il est le mandataire. A ce titre, il lui appartient de les informer sur les produits d'assurance et de leur fournir tous conseils utiles pour leur permettre de choisir le contrat le mieux adapté à leurs besoins. Etant redevable de cette obligation, il lui appartient de démontrer qu'il y a satisfait.

En l'occurrence, les conditions générales et la notice d'information indiquent de façon claire que le contrat, qui a pour objet de permettre la constitution d'une épargne procurant à l'âge de la retraite un complément de revenus, et de bénéficier, conformément à la loi « MADELIN », d'avantages fiscaux, ne peut faire l'objet de rachats, même partiels, sauf dans les cas prévus au quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 132-23 du code des assurances qui sont expressément rappelés. En revanche, ces documents et la demande d'adhésion, s'ils font mention du versement d'une rente viagère, ne donnent aucune précision sur la périodicité de cette rente, et pas davantage, les lettres d'information adressées au titre des années 2014 et 2015 ne fournissent de renseignements sur ce point. Par ailleurs, la SARL JCR GESTION ne démontre pas avoir attiré l'attention des appelants sur le fait que la rente viagère était annuelle. En outre, il sera noté que ce caractère annuel de la rente ne pouvait s'évincer de son seul caractère viager et souligné que l'indication figurant dans les conditions générales selon laquelle la rente viagère est payable mensuellement ou trimestriellement pouvait être source, ainsi que l'a relevé le premier juge, de confusion pour les assurés.

De l'ensemble de ces éléments, il résulte que la SARL JCR GESTION a commis une faute dans l'accomplissement de son obligation d'information et de conseil. Cette faute ne peut cependant donner lieu à réparation que si la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice est rapportée. A cet égard, il sera observé que contrairement à ce que soutient la SARL JCR GESTION, la demande formée en cause d'appel par les époux [M] ne tend pas à la restitution des capitaux versés, ce dont elle ne pourrait être redevable, mais à l'octroi de dommages-intérêts.

Il est de principe que le préjudice résultant du manquement à l'obligation d'information et de conseil consiste dans la perte d'une chance de ne pas contracter ou de procéder à un choix plus judicieux. Cette perte de chance ne peut toutefois donner lieu à indemnisation que si elle existe.

Dans le cas présent, aucune perte de chance n'est caractérisée dès lors qu'il n'est pas établi que s'ils avaient été parfaitement informés, les époux [M] auraient renoncé au contrat proposé et envisagé un autre placement. Ainsi, il sera observé que le contrat proposé leur permettait à la fois de bénéficier d'avantages fiscaux consistant en une réduction d'impôt correspondant à un pourcentage des sommes investies et de se constituer un complément de revenus au moment de la retraite. En outre, il sera noté que les sommes remises étant investies par l'assureur sur divers supports, ils bénéficiaient, comme dans tout contrat de capitalisation, des performances enregistrées annuellement, et il n'est pas sans intérêt, sur ce point, de relever qu'ils ne donnent aucun renseignement sur le ou les autres placements plus avantageux qu'ils auraient pu réaliser, se contentant d'affirmer, sans autre précision, que l'économie fiscale n'était pas substantielle et que l'intérêt économique de l'opération est nul. Surabondamment, il sera observé, ainsi que le soulignent les intimées, que le versement trimestriel d'une somme de 750 EUR puis de 450 EUR ne pouvait permettre, en tout état de cause, le règlement, à peine plus de dix ans après les adhésions, d'une somme de 1.000 EUR par mois et par contrat, ce dont les époux [M], qui savaient par ailleurs qu'aucun rachat n'était possible sauf dans les cas prévus à l'article L. 132-23 du code des assurances, ne pouvaient pas ne pas avoir conscience.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté leur demande et le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Il sera également confirmé en ce qu'il a débouté les époux [M] de leur demande en paiement de la somme de 3.000 EUR à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné les époux [M] au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité ne commandant pas qu'il soit fait application de ces dispositions en faveur de la SA MMA VIE et de la SARL JCR GESTION.

Les époux [M], qui succombent, seront déboutés de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En équité, il ne sera pas fait application en cause d'appel de ces dispositions en faveur de la SA MMA VIE et de la SARL JCR GESTION.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de AVIGNON du 30 juin 2020 en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a dit que la SA MMA VIE a manqué à son obligation de diligence, d'information et de conseil à l'encontre de M. [H] [M] et Mme [B] [U] épouse [M] en omettant de préciser le caractère annuel de la rente viagère, et a condamné ces derniers au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau de ces seuls chefs,

DIT que la SA MMA VIE n'a pas manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard de M. [H] [M] et Mme [B] [U] épouse [M], et rejette toute demande de ce chef en son encontre,

DEBOUTE la SA MMA VIE et la SARL JCR GESTION de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à l'application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [H] [M] et Mme [B] [U] épouse [M] aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 20/02277
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.02277 ?
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