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06/02/2023 | FRANCE | N°22/01035

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 06 février 2023, 22/01035


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/01035 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMDQ



CS



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'ALES

03 mars 2022

RG :21/00172



[N]

[F]



C/



[I]

[D]





Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU

06 FEVRIER 2023





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALES en date du 03 Mars 2022, N°21/00172



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procéd...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01035 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMDQ

CS

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'ALES

03 mars 2022

RG :21/00172

[N]

[F]

C/

[I]

[D]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 06 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALES en date du 03 Mars 2022, N°21/00172

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Madame [A] [N] épouse [F]

née le 12 Juillet 1949 à [Localité 29]

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Jean paul CHABANNES de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [H] [F]

né le 07 Mars 1983 à [Localité 28]

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me Jean paul CHABANNES de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Madame [C] [T] [I] épouse [D]

née le 25 Décembre 1939 à [Localité 37]

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représentée par Me Barbara silvia GEELHAAR de la SCP S2GAVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ALES

Monsieur [B] [D]

né le 07 Novembre 1970 à [Localité 32]

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représenté par Me Barbara silvia GEELHAAR de la SCP S2GAVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ALES

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 12 septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 06 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] [D] est usufruitière d'un tènement immobilier composé d'une maison à usage d'habitation, de dépendances, d'une cour et d'un terrain situés au lieudit « [Localité 34] » sur la commune de [Localité 36], le tout étant cadastré section AM [Cadastre 7] et [Cadastre 9] (devenues [Cadastre 23]), section AM [Cadastre 1], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 24] et section AM [Cadastre 3]. Par donation du 8 avril 1991, son fils, M. [B] [D], est devenu nu-propriétaire desdites parcelles.

Quant à Mme [F] [A], elle est propriétaire de parcelles issues d'un partage par lot datant de 1850, avoisinant les parcelles de Mme [D], et cadastrées section AM [Cadastre 26], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 8].

En 2019, des difficultés sont apparues dans les relations des intéressés, une serrure ayant été posée sur un portail installé sur un chemin attenant les deux propriétés, sur lequel Mme [F] revendique le bénéfice d'une servitude de passage grevant le fonds servant, propriété des consorts [D].

Par courriers recommandés en date des 6 mai 2019 et 6 août 2019, elle mettait en demeure Mme [D] qu'il soit mis un terme à l'entrave au passage, sans succès.

Une expertise amiable était organisée le 6 novembre 2019. L'expert rendait son rapport le 25 novembre 2019.

Par exploit d'huissier délivré le 2 février 2021, Mme [A] [F] née [N] et M. [H] [F] ont fait assigner Mme [C] [I] épouse [D] et M. [B] [D] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes afin de voir, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile :

constater que le portail installé par Mme [D] sur l'assiette de la servitude de passage, fermé à clé, constitue un trouble manifestement illicite en ce qu'il fait obstacle au passage ;

condamner, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir, Mme [D] à faire cesser l'entrave en déposant le portail installé sur l'assiette de la servitude ;

condamner Mme [D] au paiement de la somme de 2.500 euros en réparation du préjudice causé tenant la résistance abusive opposée ;

condamner Mme [D] au paiement des entiers dépens, en ce compris le remboursement du constat d'huissier du 14 avril 2020, outre la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 24 mars 2021, le juge des référés de Nîmes s'est déclaré incompétent au regard de la localisation des fonds, au profit du juge des référés du tribunal judiciaire d'Alès qui a été saisi selon les modalités des articles 81 et 82 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 3 mars 2022 , le juge des référés du tribunal judiciaire d'Alès a sur le fondement de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile :

dit n'y avoir lieu à référé en l'absence de trouble manifestement illicite,

débouté Mme [A] [F] née [N] et M. [H] [F] de l'intégralité de leurs demandes,

condamné Mme [A] [F] née [N] et M. [H] [F] aux dépens,

débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 16 mars 2022, Mme [N] [A] épouse [F] et M. [F] [H] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par des conclusions notifiées le 9 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, Mme [N] [A] épouse [F] et M. [F] [H], appelants, demandent à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :

infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

débouter les consorts [D] de l'intégralité de leurs demandes,

juger que le portail installé par Mme [D] sur l'assiette de la servitude de passage, fermé à clé, constitue un trouble manifestement illicite en ce qu'il fait obstacle au passage,

condamner, sous astreinte de 250 € par jour de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir, Mme [D] à faire cesser l'entrave en déposant le portail installé sur l'assiette de la servitude,

condamner Mme [D] au paiement de la somme de 2.500,00 € en réparation du préjudice causé, tenant la résistance abusive opposée,

rejeter toutes demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires,

Subsidiairement,

condamner, sous astreinte de 250 € par jour de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir, Mme [D] à remettre les clés du portail et de la grille à Mme [A] [F] née [N] et M. [H] [F],

En toute hypothèse,

condamner Mme [D] au paiement des entiers dépens en ce compris le remboursement du constat d'huissier du 14 avril 2020, et au paiement de la somme de 2 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur appel, les consorts [F] reprochent en substance aux intimés la pose d'un portail fermé à clé à l'entrée de leur propriété prétendant que ce portail constituerait un trouble manifestement illicite à l'exercice d'un droit de passage dont leurs fonds bénéficieraient depuis l'acte de partage de 1850.

Les appelants se prévalent ainsi de l'existence d'une servitude de passage conventionnelle au bénéfice de leur fonds qui n'est pas sérieusement contestable pour apparaître dans l'acte de partage du 13 décembre 1850 et 5 avril 1851, et pour être reprise dans l'acte de donation du 8 avril 1991, ainsi que dans les documents émanant des hypothèques qui attestent de sa publication.

Selon eux, cette servitude est également confirmée par la configuration des lieux laissant entrevoir l'existence du passage aménagé et délimité par des clôtures, l'accès à la boite aux lettres revendiqué et par les diverses attestations produites. Ils rappellent en dernier lieu que l'existence de cette servitude est également confirmée par les conclusions d'intimés produites en première instance et en appel, puisqu'ils déclarent effectivement « qu'ils n'ont jamais interdit aux riverains de passer par ce portail ».

Ceci étant, en présence d'une servitude conventionnelle non contestable, les appelants affirment en second lieu que l'argument selon lequel ils disposeraient d'une autre voie d'accès est inopérant au visa de l'article 685-1 du code civil puisqu'il est constant que les dispositions de cet article laissent en dehors de son champ d'application les servitudes conventionnelles.

Ils soutiennent enfin que la présence du portail sans la remise des clés constitue un trouble manifestement illicite, rappelant que la servitude n'est pas attachée aux personnes, mais aux biens. Sur ce point, ils soulignent que, dans le cadre de l'expertise judiciaire, Mme [D] a clairement exprimé le souhait de voir fermer le passage litigieux ; sa volonté d'entraver le chemin est certaine.

Ils expliquent donc que la pose d'une serrure sur le portail est un obstacle, voire une entrave à la servitude, qui en interdit son usage, et considèrent donc, à titre principal, que la demande d'enlèvement du portail est légitimement justifiée et subsidiairement, ils sollicitent la remise des clés dudit portail. Sur ce dernier point, ils contestent l'ordonnance déférée dans la mesure où aucune clé n'a été remise aux bénéficiaires de la servitude conventionnelle et devait conduire à l'accueil de leurs prétentions.

Mme [I] [C] [T] épouse [D] et M. [D] [B], en leur qualité d'intimés, par conclusions en date du 30 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour de :

confirmer l'ordonnance de référé du 3 mars 2022,

débouter les consorts [F] de l'intégralité de leurs demandes,

condamner M. et Mme [F] au paiement de la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

les condamner en outre aux dépens d'appel.

Les intimés rappellent tout d'abord que les servitudes continues, non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, telles les servitudes de passage, ne peuvent s'établir que par titre et font donc valoir que les appelants n'ont produit ni en première instance, ni en appel, l'acte par lequel ils sont devenus propriétaires des parcelles et sur lequel figure la servitude de passage qu'ils revendiquent.

Ils soulèvent que l'acte de partage visé prévoit que la finalité du passage est de permettre aux propriétaires des 1er, 2ème, 3éme et 7ème lots de se rendre au puits commun et à la rivière de [Localité 30], mais ne prévoit nullement que ce chemin est destiné à désenclaver tel ou tel fonds du fait du partage pour avoir un accès à la voie publique. De plus, ils attestent que Mme [F] accède directement et sans aucune difficulté de ses propres parcelles au chemin visé dans l'acte de partage, sans passer par le portail leur appartenant.

Ils contestent l'assiette de la servitude de passage visée dans l'acte de partage datant de 1850/1851 et réfutent que la pose d'un portail sur une partie du chemin, dont il est formellement contesté qu'elle est grevée d'une servitude de passage conventionnelle au bénéfice des demandeurs, constitue un trouble manifestement illicite, d'autant que Mme [D] a remis une clé à Mme [F], qui lui a été refusée. De plus, ils entendent préciser qu'à aucun moment, les appelants leur ont demandé amiablement, ou les ont mis en demeure de leur remettre une clé du portail litigieux.

Ils considèrent que l'usage réclamé par les consorts [F] n'est absolument pas conforme à l'acte initial et, dans ce sens, ils portent atteinte à la règle de fixité de la servitude, en violation des dispositions de l'article 702 du code civil. A supposer même que les consorts [F] justifient d'un droit de passage, ils estiment que le fait de clôturer sa propriété et d'installer un portail dont la clé est à la disposition du bénéficiaire de la servitude, ne saurait être considéré comme une entrave ou une aggravation de l'exercice de ladite servitude telle qu'elle a été fixée dans l'acte fondateur dans le sens de l'article 701 du code civil.

Ils exposent que les consorts [F] échouent à démontrer la caractérisation d'un trouble manifestement illicite, d'autant qu'aucune pièce versée aux débats ne démontre que le portail litigieux n'est pas ouvert.

Enfin, ils indiquent qu'aucune résistance n'est démontrée, pas plus qu'un quelconque préjudice, de sorte que le rejet de la demande formée au titre de dommages et intérêts s'impose, même à titre provisionnel.

La clôture de la procédure est intervenue le 12 septembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 19 septembre 2022, puis renvoyée à l'audience du 2 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande principale :

Aux termes de l'alinéa 1 de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Conformément à l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. Ainsi, si le propriétaire du fonds grevé d'une servitude de passage conserve le droit d'y faire tous travaux qu'il juge convenables, il ne doit cependant rien entreprendre qui puisse diminuer l'usage de la servitude ou la rendre moins commode.

En première instance, le juge des référés a constaté l'existence d'une servitude conventionnelle telle qu'elle est prévue par l'acte de partage des 13 décembre 1850 et 5 avril 1851. Il ajoute que, si le point de départ de la servitude n'est pas précisé dans l'acte de partage, cette servitude a néanmoins pour but de permettre l'accès au puits des consorts [M] et qu'il n'est possible d'y accéder sans emprunter le passage longeant la maison des consorts [D] sur lequel le portail est érigé. Dès lors, même s'il est contesté que l'intégralité du chemin puisse constituer la servitude, il s'agit bien de ce chemin qui permet aux consorts [F] d'accéder audit puits. Sur ce constat, le juge des référés a dit que « sous réserve de la remise des clés du portail à tous les bénéficiaires de la servitude conventionnelle, la présence du portail permettant de clôturer la propriété de Mme [D] ne constitue pas un trouble manifestement illicite et a dit n'y avoir lieu à référé ».

En appel, les consorts [F] se prévalent d'une servitude conventionnelle, dont leurs fonds bénéficieraient depuis l'acte de partage des 13 décembre 1850 et 5 avril 1851, et qui serait reprise dans l'acte de donation du 8 avril 1991, consistant en un « chemin de 2 mètres de largeur établi entre la 3ème et la 6ème parcelle jusqu'à la hauteur dudit puits en suivant la direction du Nord au midi » pour permettre l'accès à un puits commun aux lots n° 1, 2, 3 et 7. Aussi, la présence d'un portail fermé à clé constitue une entrave à l'exercice de leurs droits sur cette servitude ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

Mme [D] conteste en premier lieu l'existence d'une servitude au profit des consorts [F] considérant que leurs parcelles ne sont pas comprises dans l'assiette de ce droit de passage. Elle indique que la servitude de passage ayant bénéficié au lot n°7 dans l'acte de 1850 n'a pas été maintenue totalement lors du partage opéré par acte datant de 1868 puisque le lot n° 7 a été divisé en deux sous-lots 1 et 2 et la servitude n'a été maintenue que pour le lot n°1, précision faite que le lot n°2 correspond aujourd'hui à la propriété des consorts [F].

Elle conteste, en second lieu, l'existence d'une servitude au profit des consorts [F] affirmant qu'une simple tolérance de passage ne vaut pas reconnaissance d'un droit de passage.

Elle dénonce par ailleurs l'usage revendiqué qui traduit selon elle une aggravation de cette servitude puisqu'elle est destinée initialement à permettre l'accès à un puits et non à désenclaver un fonds pour assurer son accès à la voie publique, ni desservir un immeuble en location ou permettre l'accès à une boîte aux lettres.

Pour finir, elle conteste l'existence d'un trouble manifestement illicite en l'absence de demande adressée par les appelants quant à la remise d'une clé, ce à quoi elle n'a jamais été opposée, contrairement à la dépose du portail, lequel a été exigé par son assureur et qui est l'expression de son droit de propriété.

Le trouble manifestement illicite peut se définir comme « toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ». L'illicéité résulte de la méconnaissance d'une norme juridique obligatoire dont l'origine est délictuelle ou contractuelle.

Le juge des référés ne dispose pas du pouvoir de statuer sur le fond du droit. Toutefois, le juge des référés peut prendre des dispositions conservatoires ou des mesures de remise en état, si l'une des conditions prévues par l'article 835 du code de procédure civile susvisé est remplie.

Il s'ensuit que, pour qu'il soit fait droit aux demandes des appelants, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle le juge statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d'un droit ou d'une obligation par les consorts [D] diminuant la servitude de passage ou la rendant plus incommode pour le fonds dominant.

En l'espèce, il résulte de la demande de renseignements adressée au service de la publicité foncière que Mme [D] est propriétaire d'un ensemble immobilier situé lieudit « [Localité 34] » sur la commune de [Localité 36] composé de plusieurs parcelles cadastrées section AM [Cadastre 7] et [Cadastre 9] (devenues [Cadastre 23]), AM [Cadastre 1],[Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 24] et [Cadastre 3].

Les consorts [F] sont propriétaires des parcelles contigües à celles des intimés et qui sont cadastrées section AM [Cadastre 26], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 8]. Les appelants revendiquent l'existence d'une servitude de passage qu'ils localisent sur la portion d'un chemin attenant à la parcelle AM [Cadastre 3] sur laquelle est édifiée l'habitation de Mme [D].

L'existence de la servitude repose sur l'acte de partage de l'indivision [K] relative à la succession d'[Y] [K] et [J] [U] reçu les 13 décembre 1850 et 5 avril 1851 ainsi rédigé :

« art1er- le chemin de trois mètres de largeur qui de la voie publique conduit à la maison dite le mas Ratier, sera commun entre les propriétaires des premier, troisième et septième lot ;

Art 2- l'escalier extérieur au midi de la cour sera commun entre les propriétaires des 2ème, 3ème et 7ème lot ;

Art 3 - le puits qui se trouve dans la sixième parcelle de l'article six qui a été attribué au 2ème lot sera commun entre ce lot, le 1er, le 3ème et le 7ème.

Afin d'arriver à ce puits, on suivra le chemin de deux mètres de largeur établi entre la 3ème et 6ème parcelle dudit article 6 jusqu'à la hauteur dudit puits et de la jusqu'au dit puits en suivant la direction du nord au midi ; on passera sur un chemin d'un mètre de largeur sur une étendue d'environ dix-neuf mètres, néanmoins le dit chemin de deux mètres de largueur continuera jusqu'à la rivière de [Localité 30] dans le sens du couchant levant ».

Cette servitude est rappelée dans l'acte de donation reçu le 8 avril 1991.

La lecture de l'acte de partage révèle l'existence d'une servitude qui est composée de trois sections continues :

la première constituée d'un chemin de 3 mètres de large qui part de la voie publique dite l'impasse du [Localité 33] et conduit à la maison dite le [Localité 35] bénéficiant aux propriétaires des lots 1, 3 et 7 ;

la seconde section constituée par la prolongation du chemin d'une largeur de 2 mètres séparant les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 24] qui profite aux lots 1, 2, 3 et 7 et qui se prolonge jusqu'à la rivière de [Localité 30] ;

la troisième section correspondant à un chemin d'une largeur d'un mètre sur une longueur de 19 mètres qui profite aux lots 1, 2, 3 et 7.

Pour plus de clarté et après confrontation de divers plans cadastraux produits, des écritures des parties et autres pièces versées aux débats, il convient d'apporter les précisions suivantes :

la parcelle [Cadastre 24] de l'acte de partage initial est constituée des parcelles aujourd'hui cadastrées section AM n°[Cadastre 25], [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 8], [Cadastre 13], [Cadastre 18], [Cadastre 19] , [Cadastre 20] et [Cadastre 17], qui sont la propriété des consorts [F] ;

la parcelle [Cadastre 9] est constituée des parcelles aujourd'hui cadastrées section AM [Cadastre 3], [Cadastre 23], [Cadastre 21], [Cadastre 22] et [Cadastre 24], qui sont la propriété des consorts [D] ;

le puits commun situé sur la parcelle [Cadastre 24] et faisant partie du lot 2 est localisé aujourd'hui sur la parcelle cadastré section AM [Cadastre 17], propriété des consorts [F] ;

Selon l'acte de partage des 13 décembre et 5 avril 1851, l'accès au puits se fait en empruntant un premier chemin de deux mètres de large situé entre les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 24] ; il résulte du cadastre actuel qu'il longe les parcelles AM [Cadastre 3], [Cadastre 14], [Cadastre 15] [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 20] d'un côté et les parcelles AM [Cadastre 21], [Cadastre 22] et [Cadastre 24] pour aboutir à la rivière de [Localité 30]. L'accès au puits se fait à la perpendiculaire de ce chemin par un passage d'une largeur d'un mètre sur une longueur de 19 mètres qui se situe sur la parcelle AM [Cadastre 17].

La vue géoportail permet de visualiser que le chemin part à l'origine de l'[Adresse 31] à l'angle de la parcelle AM [Cadastre 1], propriété des consorts [D], et AM [Cadastre 5] , propriété de Mme [M] située en face pour se poursuivre jusqu'à la rivière de [Localité 30].

Il résulte par ailleurs du rapport d'expertise amiable daté du 25 novembre 2019 que :

-  les parcelles [F] constituent le lot 2 et les parcelles [D] représentent les lots 1 et 7 tels qu'ils sont spécifiés dans l'acte de partage des 13 décembre et 5 avril 1851 ;

- le portail litigieux se situe à l'intersection des parcelles AM [Cadastre 5], [Cadastre 3] et [Cadastre 23] qui représentent le lot 1 comme décrit dans l'acte de partage des 13 décembre et 5 avril 1851 ;

- le chemin d'une largeur de 2 mètres, qui profite aux lots 1, 2, 3 et 7, commence à l'intersection des parcelles AM [Cadastre 21] et [Cadastre 3].

Il s'ensuit que le portail se situe sur la section [Cadastre 1] du chemin pour laquelle est prévue une servitude de passage au profit des lots 1, 3 et 7.

Les consorts [F], qui revendiquent l'exercice d'un droit de passage sur la section [Cadastre 1] dudit chemin, ne produisent pas le titre par lequel ils sont devenus propriétaires des parcelles et sur lequel figurerait la servitude de passage.

Aucun acte ne permet ainsi de retenir que les parcelles, dont ils revendiquent la propriété, sont comprises dans les lots bénéficiant de la servitude de passage sur la première section du chemin, à savoir les lots n° 1, 3 et 7.

Ils ne justifient pas non plus du bénéfice d'une servitude légale puisque leurs parcelles sont desservies par un autre accès, comme en témoigne les plans produits aux débats, en direction du sud, qui leur permet de rejoindre, via leur propriété, la section 2 du chemin en cause assurant l'accès au puits commun.

Enfin, s'il résulte des attestations produites que les appelants utilisent la première section du chemin avec l'accord des consorts [M] qui les autorisent à emprunter le passage longeant leur habitation sur une dizaine de mètres, cette tolérance ne suffit pas toutefois à confirmer l'existence d'une servitude leur bénéficiant.

En conséquence, les consorts [F] ne démontrent pas la méconnaissance d'un droit par les consorts [D] qui serait constitutive d'un trouble manifestement illicite. Il sera dit n'y avoir lieu à référé.

L'ordonnance contestée sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'accorder aux intimés la somme de 1 200 euros.

Les consorts [F], qui succombent en leur demande principale, devront supporter les dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance rendue le 3 mars 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Alès en toutes ses dispositions,

Condamne solidairement Mme [A] [F] née [N] et M. [H] [F] à payer à Mme [C] [I] épouse [D] et M. [B] [D] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [A] [F] née [N] et M. [H] [F] aux entiers dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/01035
Date de la décision : 06/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-06;22.01035 ?
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