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06/02/2023 | FRANCE | N°22/00816

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 06 février 2023, 22/00816


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/00816 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ILRI



CS



PRESIDENT DU TJ D'ALES

28 janvier 2022

RG :21/00447



[L]



C/



Commune [Localité 7]





Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 06 FEVRIER 2023
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Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ d'ALES en date du 28 Janvier 2022, N°21/00447



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de pro...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/00816 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ILRI

CS

PRESIDENT DU TJ D'ALES

28 janvier 2022

RG :21/00447

[L]

C/

Commune [Localité 7]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 06 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ d'ALES en date du 28 Janvier 2022, N°21/00447

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente

M. André LIEGEON, Conseiller

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [V] [L]

née le 27 Décembre 1965 à [Localité 8]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Commune [Localité 7]

représentée par son Maire en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Gaëlle D'ALBENAS de la SCP TERRITOIRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Pierre D'AUDIGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 12 septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Corinne STRUNK, Conseillère faisant fonction de Présidente, le 06 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [V] [L] est propriétaire de plusieurs parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] situées sur le territoire de la Commune d'[Localité 7].

Par courrier du 1er avril 2021, le maire de la commune alertait Mme [V] [L] de ce qu'il avait été constaté des constructions nouvelles en cours sur la parcelle n°A [Cadastre 5], et ce, sans autorisation d'urbanisme, et la mettait ainsi en demeure de cesser les travaux ainsi que de se présenter en mairie aux fins de déposer une demande de régularisation, et ce, dans un délai maximum de 15 jours à compter de la réception du courrier.

Le 6 avril 2021, Mme [V] [L] informait le maire de ce qu'elle entendait édifier une tonnelle en bois avec fondations en béton.

Par courrier du 21 avril 2021, la commune lui rappelait de ce qu'il ne s'agissait pas d'une construction autorisée et régularisable en zone agricole et lui demandait de bien vouloir remettre en état son terrain dans un délai de 15 jours.

Par courrier du 22 avril 2021, le maire de la commune alertait également Mme [V] [L] de ce qu'il avait été constaté sur sa parcelle la surélévation de sa clôture par des panneaux en bois d'une hauteur supérieure à 2 mètres au surplus sans autorisation d'urbanisme.

Par exploit d'huissier du 15 décembre 2021, la commune d'[Localité 7], représentée par son maire, a assigné Mme [V] [L] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Alès afin de voir ordonner la remise en état de la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 5] impliquant l'enlèvement d'une cuisine d'été édifiée sur une dalle en béton et d'une clôture d'une hauteur de 2,40 mètres, ce sous astreinte de l00 € par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de la décision à intervenir, outre l'autorisation à défaut d'exécution dans les délais impartis, de procéder d'office aux travaux de remise en état aux frais et risques des parties requises, au besoin avec le concours de la force publique, et de voir condamner Mme [L] à lui verser la somme de 1.500 € en remboursement des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance réputée contradictoire du 28 janvier 2022, signifiée le 17 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Alès, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, et de l'article L.480-14 du code de l'urbanisme, a :

- ordonné à Mme [V] [L] de faire procéder à l'enlèvement de la cuisine d'été édifiée sur dalle en béton sur sa parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 5] sur la commune d'[Localité 7] sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

- ordonné à Mme [V] [L] de faire procéder à l'abaissement de la clôture de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 5] sur la commune d'[Localité 7] afin qu'elle ne dépasse plus la limite maximale prévue au PLU, et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

- débouté la commune d'[Localité 7] du surplus de ses demandes ;

- condamné Mme [V] [L] aux dépens ;

- condamné Mme [V] [L] à payer à la Commune d'[Localité 7] représentée par son maire la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Par déclaration du 1er mars 2022, Mme [L] [V] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées le 12 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [V] [L], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :

- réformer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire d'Alès le 28 janvier 2022 en ce que :

« - elle a ordonné à Mme [L] sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de la décision, l'enlèvement de la cuisine d'été édifiée sur la dalle béton, l'abaissement de la clôture afin qu'elle ne dépasse plus la limite maximale prévue au PLU de la Commune,

- elle a condamné Mme [L] au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens. »

Statuant à nouveau,

- se déclarer incompétent au profit du juge du fond,

A titre subsidiaire,

- rejeter l'intégralité des demandes formulées contre Mme [L],

En toutes hypothèses,

- condamner la commune d'[Localité 7] à payer à Mme [L] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de son appel, Mme [L] [V] reproche au juge des référés d'avoir repris des infractions pénales qui relèvent en principe de la compétence du juge pénal ; à défaut, en optant pour l'application des articles L 480-1 et L480-2 du code de l'urbanisme, il appartenait à la commune de prouver de manière certaine le caractère illicite du trouble allégué et son évidence. Elle considère à cet égard que la commune ne peut fonder son action devant le juge des référés sur l'article L 480-14 du code de l'urbanisme qui concerne seulement une procédure engagée devant le juge du fond.

L'appelante reproche également au juge des référés de s'appuyer uniquement sur le procès-verbal de constat d'huissier de justice communiqué par la commune pour affirmer que ces constructions seraient illicites, alors que l'huissier n'a nullement compétence pour dire ou non si des constructions contreviennent aux règles de l'urbanisme, ou si un ouvrage est constitutif d'une infraction pénale. Elle soutient à cet égard que le procès-verbal requis pour établir une infraction au sens de l'article 480-14 du code de l'urbanisme doit être un acte judiciaire émanant d'un agent assermenté.

L'appelante fait enfin valoir qu'aucun élément ne laisse supposer que les travaux litigieux constituent un abri de week-end, une cuisine d'été ou un cabanon ; elle oppose en effet que tous les éléments sont amovibles et démontables, son aménagement correspondant davantage à la mise en 'uvre d'une dalle béton de 20m² qui ne dépasse pas le niveau de sol, et n'ayant donc aucune emprise au sol. Elle en déduit que cet aménagement ne nécessitait pas d'autorisation administrative et explique en effet, qu'à la lecture du PLU, il n'existe aucune stipulation particulière sur l'emprise au sol de sorte qu'il n'y a donc pas de violation de la loi.

Elle oppose également la question de la nature des travaux considérant pour sa part que l'aménagement est lié directement à l'exploitation agricole la dispensant ainsi de toute demande d'autorisation.

S'agissant de la clôture, elle explique que, depuis son édification datée de 2014, la commune ne lui avait fait part d'aucune opposition jusqu'au courrier adressé en avril 2021. Elle affirme avoir régularisé la hauteur de cette clôture comme en atteste le procès-verbal de constat d'huissier du 23 février 2022.

Enfin, elle entend relever que la commune d'[Localité 7] ne respecte ni les dispositions du Plan Local d'Urbanisme pour ses propres clôtures, notamment sur la parcelle cadastrée n°[Cadastre 6], ni celles du code civil. Elle constate également la mauvaise foi de l'intimée, de sorte que cette dernière n'a pas les mêmes exigences avec les terrains dont elle est propriétaire et qu'elle choisit, parmi ses administrés, lesquels doivent respecter ou non les dispositions du Plan Local d'Urbanisme.

La Commune [Localité 7], intimée, par conclusions notifiées le 22 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, sollicite de la cour, de :

- débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,

- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance attaquée rendue le 28 janvier 2022 par le juge des référés du tribunal Judiciaire d'Alès,

Y ajoutant,

- condamner Mme [L] à une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A titre liminaire, la commune affirme que la parcelle litigieuse se situe sans contestation possible dans la zone A du Plan local d'urbanisme applicable, soit une «zone naturelle qu'il convient de protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles » et classée en zone F-NU au titre du Plan de Prévention des Risques d'Inondations du bassin de l'Auzon Auzonnet Alauzene, correspondant à une zone non urbanisée inondable par un aléa fort. Elle produit pour ce faire un document en attestant.

L'intimée défend ensuite la compétence du juge des référés puisque pour le juge judiciaire, le non-respect des règles et des autorisations d'urbanisme caractérisent un trouble manifestement illicite qu'une commune peut faire cesser par le recours au référé en application des dispositions de l'article 835 al 1er du code de procédure civile. En conséquence, elle considère que le juge des référés est compétent pour statuer sur la demande de remise en état de la commune, l'action civile autonome prescrite par l'article L.480-14 du code de l'urbanisme étant parfaitement indépendante de l'action pénale susceptible d'être ouverte en cas d'infraction, conformément aux dispositions de l'article L.480-4 du même code.

Par ailleurs, elle entend rappeler que l'article L.480-14 précité n'exige pas que soit dressé un procès-verbal de constat tel que prévu à l'article L.480-1 mais uniquement que soit démontrée l'existence d'un ouvrage édifié sans autorisation ou en méconnaissance d'une autorisation d'urbanisme, et qu'en l'espèce, le constat d'huissier versé par la commune, à l'appui de sa demande, ne fait état d'aucune infraction d'urbanisme mais se contente de dresser un descriptif des constructions présentes sur la parcelle, charge ensuite à la commune de démontrer que ces dernières sont irrégulières.

Plus précisément, elle soulève l'illicéité des travaux litigieux puisque l'appelante a édifié une cuisine d'été constituée d'une tonnelle couverte sur dalle en béton, d'une superficie de 21 m² alors qu'aucun dossier de permis de construire ou de déclaration préalable de travaux n'a été déposé en mairie, ni aucune déclaration d'ouverture de chantier. Elle précise de surcroît que la structure en bois scellée dans le béton et raccordée aux réseaux d'eaux et d'électricité ne constitue en aucun cas une structure temporaire et amovible dispensée d'autorisation d'urbanisme. Subsidiairement, elle indique qu'il est constant qu'aux termes de l'article L.421-8 du code de l'urbanisme, une telle dispense de formalités n'exonère pas pour autant l'administré de respecter les règles d'urbanisme applicables sur la parcelle.

Elle constate qu'il en est de même s'agissant de la clôture litigieuse qui n'a fait l'objet d'aucune déclaration préalable alors qu'une telle autorisation était exigée en application de la délibération du Conseil Municipal n° 2020-63 du 10 septembre 2020. A ce propos, elle soutient que le trouble manifestement illicite demeure caractérisé puisque les dispositions de l'article A11 du règlement applicable à la zone A n'admettent pas le bardage en bois, s'apparentant plutôt à un mur plein et ne facilitant pas la transparence hydraulique de l'ouvrage pourtant situé en zone inondable. En ce sens, elle estime qu'il est indispensable que Mme [L] dépose une déclaration préalable de travaux à titre de régularisation.

Concernant la violation du PLU de la commune, elle rappelle que sont expressément interdites, entre autres, les constructions d'abri de week-end et de cabanon, seules sont admises en zone A les constructions et installations directement liées et nécessaires à l'exploitation agricole, les constructions nécessaires aux élevages, et les ouvrages techniques divers nécessaires au fonctionnement des services d'intérêts publics.

Enfin, elle constate que la cuisine d'été, édifiée par l'appelante, méconnaît également les dispositions applicables du règlement du PPRI et ce faisant, aggrave le risque et la vulnérabilité des personnes et des biens situés sur le terrain.

Par ordonnance de référé du 20 mai 2022, le Premier Président de la cour d'appel de Nîmes a, notamment, débouté Mme [V] [L] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant l'ordonnance de référé prononcée le 28 janvier 2022 par le tribunal judiciaire d'Alès.

La clôture de la procédure est intervenue le 12 septembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 19 septembre 2022, puis renvoyée au 2 janvier 2023 pour être mise en délibéré au 6 février 2023.

MOTIFS :

Sur le bordereau de pièces notifié le 30 septembre 2022 :

Selon l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En application de l'article 802 du même code, il est dit qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Mme [V] [L] a notifié par RPVA le 30 septembre 2022 un bordereau comportant deux nouvelles pièces numérotées 12 et 13 en présence d'une clôture de la procédure intervenue le 12 septembre 2022.

En application des articles visés supra, il convient de constater l'irrecevabilité des pièces 12 et 13 produites par Mme [V] [L] comme ayant produites postérieurement à la clôture de la procédure.

Sur le trouble manifestement illicite :

En premier lieu, l'appelante reproche au juge des référés d'avoir repris des infractions pénales qui relèvent en principe de la compétence du juge pénal tout en ajoutant que la commune ne peut fonder son action devant le juge des référés sur l'article L 480-14 du code de l'urbanisme, qui doit être examinée par le juge du fond.

En réponse, il sera relevé que la compétence du juge des référés découle de l'application des dispositions de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile dont il résulte que le président du tribunal judiciaire, ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'occurrence, la violation des dispositions légales et réglementaires en matière d'urbanisme constitue un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile et le juge des référés peut intervenir à la demande d'une commune agissant au visa de l'article L480-14 du code de l'urbanisme, pour faire cesser le trouble.

La compétence du juge des référés sera donc retenue.

En second lieu, l'appelante fait grief au juge des référés d'avoir constaté l'illicéité des constructions et d'avoir ainsi tranché le fond du litige en se référant uniquement à un procès-verbal de constat établi par huissier de justice dont elle conteste la valeur probante. En effet, Mme [L] soutient que l'huissier n'est pas habilité à faire le constat de la violation d'une règle d'urbanisme ni du caractère illicite d'une construction au regard des règles d'urbanisme applicables, constatations qui relèvent de la seule compétence d'un agent assermenté. Enfin, elle fait valoir que l'aménagement en cause n'entraînant aucune emprise au sol (dalle en béton) ne nécessitait nulle autorisation et était directement lié à l'activité agricole consistant en l'exploitation de gîtes ruraux et chambres d'hôtes avec dégustation de produits bio.

En l'espèce, la commune d'[Localité 7], sur qui repose la charge de la preuve du trouble manifestement illicite, verse à l'appui de ses demandes un procès-verbal de constat du 24 août 2021 dressé par Me [J], huissier de justice.

Ce procès-verbal a été établi sur autorisation donnée par Mme la présidente du tribunal judiciaire d'Alès par une ordonnance sur requête en date du 4 juin 2021 aux termes de laquelle l'huissier de justice a été invité à procéder à toutes constatations utiles en vue de :

- décrire toutes les constructions ou installation se trouvant sur la parcelle susvisée et rapporter leur emplacement sur le plan ;

relever la superficie de chacune des constructions extérieures et intérieures existantes et préciser leur dimension (hauteur, largeur, longueur) ;

- décrire les aménagements intérieures des constructions ou installations se trouvant sur la parcelle susvisée et rapporter leur emplacement sur un plan avec leur dimension ;

- décrire l'usage ou la destination des constructions existantes ;

- décrire la consistance de la parcelle cadastrées section A N° [Cadastre 5].

Il y est établi que la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 5] propriété de Mme [V] [L] est composée de la manière suivante:

- la clôture côté propriété [L] présente une hauteur de 2,40 m et comporte trois segments entre la propriété [L] et [P] de 20 m de longueur environ du nord au sud, puis environ 6 m de l'ouest à l'est et enfin de 13 m du nord au sud.

- Coté ouest se trouve une dépendance à usage de salle à manger-cuisine-salon construite en partie sur la parcelle section A n° [Cadastre 5] et juste à côté une cuisine d'été constituée d'une tonnelle couverte réalisée sur une dalle de béton :

- la tonnelle est constituée de 6 poteaux en bois, sur platine scellés au sol  avec une dalle de 6 m de long et 3,50 m de large ;

- la tonnelle présente une hauteur de 2,70 m ;

- la cuisine d'été est alimentée en eau et électricité ;

- cet espace est équipé d'un comptoir bar, plonge, deux placards de rangement bas inox, une plancha au gaz et huit tabourets ;

- le comptoir en bois mesure 4,47 m de long sur 2,05 m de large et 1,23 m de hauteur

Mme [L] conteste la valeur probante de ce procès-verbal considérant que l'huissier de justice n'a aucune qualité pour constater l'existence d'infraction aux règles d'urbanisme.

En l'état, il sera rappelé que le constat est établi par un officier ministériel en sorte que les constatations ont une valeur probatoire jusqu'à preuve contraire. Or, l'appelante ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les constatations matérielles reprises dans le procès-verbal de constat du 24 août 2021 qui seront donc retenues par la cour.

Par ailleurs, si l'huissier de justice n'est effectivement pas habilité pour constater l'existence d'infractions aux règles d'urbanisme, il est possible de confronter les constatations matérielles aux règles d'urbanisme applicables et vérifier éventuellement l'existence d'un trouble manifestement illicite.

En l'occurrence, il n'est pas contesté par les parties que la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 5], propriété de Mme [L] et située sur la commune d'[Localité 7], est localisée dans la zone A du Plan local d'urbanisme applicable correspondant à une zone naturelle qu'il convient de protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

Par contre, l'appelante conteste la localisation de sa parcelle en zone F-NU au titre du Plan de Prévention des Risques d'Inondations du bassin de l'Auzon Auzonnet Alauzene, correspondant à une zone non urbanisée inondable par un aléa fort, ainsi que l'application de la réglementation qui en résulte. Elle soutient pour sa part que la parcelle litigieuse est localisée dans une zone urbanisée avec un aléa résiduel.

La commune intimée considère en justifier par la production de la pièce 1 relative aux dispositions applicables à la zone A ainsi que les pièces 2, 3 et 4 correspondant au PLU ainsi que le plan de prévention des risques d'inondation du bassin de l'Auzon, Auzonnet et Alauzène.

En l'état, si la lecture des cartographies communiquées permet de constater la présence d'une zone de prévention des risques d'inondation du bassin de l'Auzon, Auzonnet et Alauzène, l'imprécision des mentions ne permet pas de vérifier les déclarations de la commune d'[Localité 7] et notamment de localiser la propriété de l'appelante dans la zone concernée.

L'acte de vente du bien considéré produit par Mme [L] (pièce 1 appelante) précise par ailleurs dans la partie « urbanisme » que la parcelle section A n° [Cadastre 5] est située en zone A/UC étant relevé que seule la parcelle section D n° [Cadastre 1] est située en zone inondable.

Pour finir, il résulte de la pièce 1 communiquée par la commune que la zone A n'est que partiellement concernée par le risque d'inondation.

Au vu des éléments susvisés, il sera donc considéré que la parcelle A n° [Cadastre 5] est localisée dans la zone A du Plan local d'urbanisme sans qu'il y ait lieu de retenir son classement en zone F-NU. Il convient à cet égard de préciser la réglementation définie dans le PLU qui en découle.

S'agissant des murs de clôture, il est indiqué une hauteur maximale de 2 mètres.

Le juge des référés a condamné Mme [V] [L] de faire procéder à l'abaissement de la clôture de la parcelle cadastrée section 1 n°[Cadastre 5] sur la commune d'[Localité 7] afin qu'elle ne dépasse plus la limite maximale prévue au PLU et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de la décision à intervenir.

En appel, Mme [L] produit un procès-verbal de constat d'huissier en date du 23 février 2022 pour justifier de la réalisation de cette prestation.

S'il est justifié de l'exécution de cette obligation, l'ordonnance de référé sera néanmoins confirmée sur cette disposition en raison de la violation justifiée de la règle d'urbanisme applicable au moment où le juge des référés a statué.

S'agissant des constructions, il est distingué celles qui sont interdites et celles qui sont soumises à des conditions particulières.

Sont ainsi interdites :

- les opérations d'urbanisme, les hôtels, les restaurants, les terrains de camping et de stationnement de caravanes (autres que ceux liés aux exploitations agricoles), la construction d'abri de week-end et de cabanon, les aires de stationnement ouvertes au public et les dépôts de véhicules susceptibles de contenir au moins 10 unités , les affouillements et exhaussements de sol sauf s'ils sont nécessaires à l'exploitation de la zone, l'ouverture et l'exploitation de carrière, les parcs d'attraction.

Sont autorisées les occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières :

- les constructions et installations directement liées et nécessaires à l'activité agricole sous réserve du respect de la législation sur les installations classées ;

- les constructions nécessaires aux élevages relevant ou non du régime des installations classées à condition qu'elles soient implantées à une distance minimale de 500 m par rapport aux limites des zones U, AU, NT et NP du PLU ;

- les ouvrages techniques divers nécessaires au fonctionnement des services d'intérêt publics sous réserve d'être compatibles avec le caractère de la zone ».

Enfin, il est indiqué que l'emprise au sol n'est pas réglementée.

S'agissant de l'installation litigieuse localisée sur la parcelle A [Cadastre 5], les parties s'opposent sur le régime applicable, la commune d'[Localité 7] considérant qu'il s'agit d'une construction non autorisée pour laquelle elle n'a reçu aucune demande d'autorisation ni déclaration alors que Mme [L] soutient que l'aménagement concerné n'est pas une cuisine d'été ou un cabanon en présence d'éléments amovibles et démontables, et ne crée donc pas d'emprise au sol. Elle en déduit que cet aménagement ne nécessite pas d'autorisation administrative. Elle considère à défaut que cet aménagement est lié directement à l'exploitation agricole ce qui la dispense de toute demande d'autorisation.

En l'état, sur interrogation de l'huissier de justice reprise dans le procès-verbal de constat du 24 août 2021, l'appelante expose qu'elle « exerce une activité de chambre d'hôtes à l'année et que cet espace est à destination de ses clients qui peuvent en toute autonomie manger et cuisiner avec la plancha mise à disposition ». Il est également noté que cette zone d'une superficie de 21m² est alimentée en eau et électricité et est mise en place au moyen de 6 poteaux en bois scellés au sol implantés sur une dalle de 6 m de long et 3,50 m de large couverte d'une tonnelle présentant une hauteur de 2,70 m, cet espace comportant eu outre divers équipements (comptoir bar, plonge, deux placards de rangement bas inox, une plancha au gaz et huit tabourets).

Il s'ensuit au vu du descriptif susvisé que Mme [L] ne peut valablement revendiquer l'existence d'un aménagement amovible, non démontré par ailleurs, ne créant aucune emprise au sol et ne nécessitant aucune déclaration ni autorisation.

L'installation décrite par l'huissier de justice n'est pas amovible et crée manifestement une emprise au sol, en sorte qu'elle nécessite, a minima, si elle n'est pas interdite, une autorisation de la part de la commune concernée.

A cet égard, l'appelante conteste le caractère prohibé de l'aménagement puisque cette installation est directement liée et nécessaire à l'activité agricole.

Sans qu'il y ait lieu de statuer sur cette question, qui ne relève pas de la compétence du juge des référés, il sera simplement constaté que Mme [L] ne justifie d'aucune déclaration déposée auprès des services d'urbanisme de la commune d'[Localité 7], ni d'aucune demande d'autorisation, bien que la règlementation du PLU prévoit, même dans le cas où l'installation se rattache à une activité agricole, une autorisation.

L'édification de cette installation en zone A en-dehors de toute déclaration ou autorisation prescrites par la réglementation d'urbanisme caractérise un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser par la remise en état de la parcelle.

Pour finir, l'argumentation, selon laquelle la commune ferait une application inégalitaire de la règlementation d'urbanisme entre les habitants et qu'elle-même en ferait une application très aléatoire, est indifférente à la solution du présent litige.

Il convient en conséquence de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a ordonné à Mme [V] [L] de faire procéder à l'enlèvement de la cuisine d'été édifiée sur dalle en béton sur sa parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 5] sur la commune d'[Localité 7], sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de la décision à intervenir.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile a été justement apprécié par le premier juge. Ces dispositions seront donc confirmées.

L'équité commande de condamner Mme [L] à payer à la commune d'[Localité 7], contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande Mme [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Constate l'irrecevabilité des pièces 12 et 13 produites par Mme [V] [L],

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 28 janvier 2022 par le président du tribunal judiciaire d'Alès Nîmes,

Déboute Mme [V] [L] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [V] [L] à payer à la commune d'[Localité 7] la somme de1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel,

Condamne Mme [V] [L] aux entiers dépens.

Arrêt signé par la conseillère faisant fonction de présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/00816
Date de la décision : 06/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-06;22.00816 ?
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