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27/01/2023 | FRANCE | N°22/02331

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 27 janvier 2023, 22/02331


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/02331 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IP34



CS



PRESIDENT DU TJ DE CARPENTRAS

08 juin 2022

RG :22/00128



S.A.S. AJ LIFT



C/



S.C.I. HORIZON





Grosse délivrée

le

à









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 27 JANVIER 2023
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Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de Carpentras en date du 08 Juin 2022, N°22/00128



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opp...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02331 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IP34

CS

PRESIDENT DU TJ DE CARPENTRAS

08 juin 2022

RG :22/00128

S.A.S. AJ LIFT

C/

S.C.I. HORIZON

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de Carpentras en date du 08 Juin 2022, N°22/00128

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Janvier 2023, prorogé au 27 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S. AJ LIFT

immatriculée au RCS de LYON sous le n° 822 994 067

prise en la personne de sa Présidente en exercice, domiciliée de droit au siège sis

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey TRALONGO de la SELARL FRANCK LENZI ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON, substituée par Me Julien DUMAS-LAIROLLE, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Erick ZENOU de la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de VIENNE

INTIMÉE :

S.C.I. HORIZON

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Charlotte BRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 28 novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 27 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 5 septembre 2018, la SCI Horizon a donné à bail à la SAS AJ Lift des locaux à usage commercial comprenant un entrepôt d'une surface de 180 m² et des bureaux d'environ 40 m², situés à Camaret dans le département de Vaucluse, pour une durée de neuf années et moyennant un loyer mensuel de

1 100 € HT.

Par exploit d'huissier du 24 mai 2019, la SAS AJ Lift, se plaignant d'une coupure d'eau intempestive, a assigné en référé la SCI Horizon devant le président du tribunal judiciaire de Carpentras, pour la voir condamner sous astreinte à rétablir l'eau et à installer un compteur d'eau principal ainsi qu'un compteur électrique individuel.

Par ordonnance du 11 septembre 2019, le juge des référés, avant dire droit, a ordonné une consultation confiée à M. [S], lequel a remis son rapport le 25 septembre 2019, et renvoyé les parties à l'audience du 25 septembre 2019.

Par ordonnance contradictoire du 8 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras a :

- condamné la SCI Horizon, sous astreinte de 100 € par jour de retard - passé un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, à équiper les lieux loués à la SAS AJ Lift situés à Camaret - ZA du Joncquier selon le bail du 5 septembre 2018, d'un compteur principal et d'un compteur individuel eau et électricité,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit que les parties conserveront la charge de leurs propres dépens.

Par déclaration du 5 juillet 2022, la SAS AJ Lift a interjeté appel de cette ordonnance uniquement en ce qu'elle a rejeté ses demandes.

Dans des conclusions notifiées le 28 novembre 2022, la SAS AJ Lift demande à la cour d'appel de :

- déclarer irrecevables comme étant tardives les pièces et écritures de l'intimée, la SCI Horizon, notifiées le 25 novembre 2022 ;

- les rejeter en conséquence ;

Au fond,

- réformer partiellement l'ordonnance entreprise,

- autoriser la SAS AJ Lift à consigner les loyers auprès de la Caisse des Dépôts jusqu'à ce que la bailleresse justifie :

- de la potabilité de l'eau,

- de la mise en place d'un compteur d'eau principal afin de permettre à la SAS AJ Lift, d'ouvrir un sous- compteur,

- de la mise en place d'un compteur électrique et de la souscription d'un contrat d'électricité pour les locaux autres que ceux loués à la SAS AJ Lift,

- voir désigner tel expert qu'il plaira à la cour et compte tenu de l'urgence, afin de parfaire la consultation de l'expert, M. [S], intervenu en première instance, quant à chiffrer le préjudice subi, tant s'agissant du problème de l'électricité des lieux loués que de l'alimentation en eau, nonobstant le fait que la SCI Horizon, intimée, avait pourtant fait valoir, dans le cadre de la procédure de référé, avoir rencontré des difficultés techniques avec le système de pompage, s'étant engagée à remettre les lieux en l'état après le changement de la pompe ;

- en tout état de cause, et si la cour s'estimait suffisamment éclairée, et au regard de l'attestation de M. [E], expert-comptable, condamner la SCI Horizon à la somme en principal, sauf à parfaire de 56 526,19 € ;

- constater que la SCI Horizon n'a pas déféré à l'ordonnance de référé exécutoire de droit quant à la mise en place des deux compteurs, eau, électricité individuels ;

- confirmer pour le surplus la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SCI Horizon, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, à équiper les lieux loués selon bail du 5 septembre 2018, d'un compteur principal et d'un compter individuel, eau et électricité ;

- la condamner à la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, en ceux compris le constat d'huissier établi le 13 mai 2019, distraits au profit de Maître Tralongo, avocat, sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelante conclut à l'irrecevabilité des écritures et pièces de l'intimé en application de l'article 905-2 al 2 du code de procédure civile considérant que le délai imparti pour conclure expirait le 28 octobre 2022. Faute pour elle d'avoir conclu dans les délais en présence de conclusions déposées le 25 novembre 2022, les conclusions et pièces doivent être déclarées irrecevables.

Pour le surplus, la SAS AJ Lift entend rappeler tout d'abord que l'expert a noté dans son rapport que « l'alimentation en eau est commune au bailleur et au locataire sans que l'installation dispose d'un moyen de comptage différentié. Il n'existe qu'une seule alimentation de l'électricité pour l'ensemble du bâtiment à la charge du locataire. Le bailleur, la SCI Horizon, étant raccordé au même réseau, il a la possibilité de consommer de l'électricité sans que cela soit décompté de façon distincte, cette consommation étant imputée sur le contrat du locataire, la société AJ Lift. »

Elle soulève que, si le bail ne prévoit aucune disposition particulière sur l'alimentation électrique, il appartient toutefois au bailleur, en vertu de son obligation de délivrance, au vu de l'article 1719 du code civil, de fournir au locataire tous les accessoires nécessaires à la jouissance et à l'usage de la chose louée, et par conséquent de fournir les installations électriques conformes comportant des compteurs individuels.

Elle indique avoir subi des préjudices puisque l'activité commerciale de la société oblige à l'évidence de pouvoir travailler en eau et en électricité. Cependant, elle précise que, dès le lendemain de l'ordonnance de référé initiale, la SCI Horizon a procédé au changement de la pompe, l'alimentation en eau étant revenue sans toutefois pouvoir connaître le principe ou non de la potabilité de l'eau.

Elle souligne enfin que la consultation de l'expert n'est pas exploitable puisqu'aucun chiffrage n'a été établi, hormis le fait qu'il souligne l'entière responsabilité de la société requise sur le vol d'électricité et sur l'absence des comptes exacts quant à la consommation d'eau dès lors que l'alimentation en eau est commune au bailleur et au locataire sans que l'installation ne dispose, au mépris du contrat de bail, d'un moyen de comptage différencié.

Par conséquent, elle soutient la nécessité de la désignation d'un expert afin de parfaire la consultation de M. [S], et de chiffrer le préjudice subi du fait de la coupure d'eau et du problème de l'électricité, nonobstant le fait que la SCI Horizon avait fait valoir, dans le cadre de la procédure de référé, avoir rencontré des difficultés techniques avec le système de pompage et s'était engagée à remettre les lieux en l'état après changement de la pompe. Elle allègue sur ce point d'une perte substantielle de son chiffre d'affaires en lien avec la coupure d'eau intervenue du 7 mai au 11 septembre 2019 qu'elle chiffre à la somme de 56.526,19 euros.

Sur la demande de consignation des loyers, elle maintient cette prétention compte-tenu de l'absence totale de respect de la décision entreprise par la société bailleresse en l'absence de mise en place d'un compteur principal et d'un compteur individuel d'eau et d'électricité, mais également de la non-justification de la potabilité de l'eau.

Enfin, elle sollicite la condamnation de l'intimé au paiement des frais irrépétibles arguant avoir été contrainte d'engager une procédure devant le premier juge, mais au surplus, alors même que le juge des référés a condamné à la SCI Horizon sous astreinte de 100,00 € par jour de retard, à réaliser l'implantation de deux compteurs individuels eau et électricité.

Par courrier notifiée le 24 novembre 2022 à la cour d'appel, la SCI Horizon, intimé, informe la cour de l'impossibilité de conclure dans le délai d'un mois à compter de la notification des écritures par l'appelante le 28 septembre 2022. Elle se réfère donc à l'article 954 du code de procédure civile et indique déposer à l'audience du 5 décembre 2022 les conclusions et pièces dont elle s'est prévalue en première instance.

La clôture de la procédure est intervenue le 28 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 5 décembre 2022, pour être mise en délibéré, par disposition au greffe, au 23 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

-Sur le dépôt des conclusions et pièces :

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Dans cette hypothèse, la cour est saisie par les seuls moyens de l'appelant tendant à la réformation ou l'annulation de la décision déférée. Elle ne peut faire droit à la demande de l'appelant que si elle l'estime régulière, recevable et bien fondée, et ce, conformément au deuxième alinéa de l'article 472 du code de procédure civile (cass. 2e 30 avril 2009).

La SCI Horizon a adressé le 25 novembre 2022 par RPVA les conclusions et pièces produites en première instance en visant l'article 954 du code de procédure civile faute pour elle d'avoir pu conclure dans le délai imparti.

L'intimé a donc déposé à l'audience du 5 décembre 2022 ses conclusions et pièces de première instance.

En l'état, il est constant que, si la cour n'est pas valablement saisie de conclusions notifiées dans les délais impartis, celle-ci doit statuer sur les seules écritures de l'appelant et les motifs de la décision attaquée.

A cet égard, les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile n'autorise pas la cour à retenir les conclusions et pièces produites en première instance, mais seulement à considérer la motivation développée par le premier juge.

La cour n'est tenue dans son appréciation que par les écritures et pièces régulièrement déposées devant elle ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Dès lors, en application de l'article visé supra, il conviendra d'écarter des débats les conclusions et pièces produites en première instance par l'intimé qui seront déclarées irrecevables.

-Sur le fond :

Dans l'ordonnance déférée, le premier juge a constaté que, contrairement à ce que prévoyait le contrat de bail, l'installation d'alimentation en eau n'est pas équipée ni d'un compteur principal ni d'un sous-compteur individuel, de sorte qu'il a fait droit à la demande de la société AJ-LIFT en condamnant la société Horizon, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, à équiper les lieux loués d'un compteur principal et d'un compteur individuel eau.

Dans le même sens, il a condamné la société Horizon, sous astreinte, à équiper les locaux litigieux d'un compteur principal et d'un compteur individuel d'électricité, considérant que le bailleur méconnaissait son obligation de délivrance telle que stipulée à l'article 1719 du code civil impliquant la fourniture de compteurs individuels, alors même que la société AJ LIFT supportait seule la consommation électrique y compris celle de l'entrepôt occupé par la SCI Horizon.

Pour le surplus, le juge des référés a rejeté la demande relative à la fourniture de l'eau potable relevant qu'aucune disposition contractuelle du bail ne mettait à la charge du bailleur l'obligation d'assurer la fourniture en eau potable s'agissant de locaux à usage d'entrepôts.

S'agissant de la demande de consignation des loyers, le juge des référés n'y a pas fait droit considérant cette mesure excessive au regard de la gravité des manquements du bailleur. Enfin, sur la demande d'expertise, le juge des référés n'a pas donné suite, constatant en effet que cette demande n'était pas reprise dans le dispositif des conclusions, et enfin, s'agissant de la demande de provision, il l'a écartée, faute d'éléments de preuve et en l'absence d'investigations complémentaires qui auraient pu être sollicitées par l'appelante auprès de M. [S].

Par déclaration du 5 juillet 2022, la SAS AJ Lift a interjeté appel de l'ordonnance entreprise uniquement en ce qu'elle a rejeté ses demandes.

Ainsi, dans la limite de la saisine de la cour, seules les questions relatives à la consignation des loyers, à l'expertise judiciaire et à l'allocation d'une provision seront examinées.

Sur la consignation des loyers :

Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile prévoit que le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En première instance, le juge des référés n'a pas entendu accueillir favorablement la demande en lien avec la non-justification de la potabilité de l'eau relevant qu'aucune disposition contractuelle ne prévoyait la fourniture d'eau potable et que les locaux loués ont une fonction d'entrepôts.

En appel, la société AJ LIFT ne réclame plus la condamnation de l'intimée à justifier sous astreinte de la potabilité de l'eau mais sollicite l'autorisation de procéder à la consignation des loyers jusqu'à ce que le bailleur justifie de cette potabilité, ce qui conduit à examiner le bien-fondé d'un telle obligation à la charge de la SCI Horizon.

En l'espèce, le contrat de bail porte sur des locaux constitués d'un entrepôt avec un bloc sanitaire pourvu d'un lavabo et de toilettes ainsi que des bureaux au rez-de-chaussée incluant un coin sanitaire comprenant un WC avec lave-main.

Si le contrat de bail ne porte pas mention de l'obligation de fourniture d'eau potable à la charge du bailleur, il n'informe pas non plus le preneur de ce que l'eau alimentant les locaux provient d'un forage et qu'elle peut de ce fait ne pas être potable.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'indique le juge des référés, les locaux ne sont pas uniquement constitués d'entrepôts, mais comprennent également des bureaux avec un coin sanitaire laissant entendre une utilisation domestique de l'eau impliquant qu'elle soit potable.

La demande tendant à obtenir que le bailleur justifie de la potabilité de l'eau est fondée.

Ceci étant, l'appelant ne réclame nullement en appel que le bailleur en justifie, sous astreinte, si ce n'est en la liant à la demande de consignation.

En l'occurrence, la société AJ- LIFT fait grief à l'ordonnance entreprise d'avoir rejeté sa demande de consignation faisant valoir en appel que l'intimé n'a toujours pas déféré aux obligations imposées sous astreinte et n'a pas justifié de la potabilité de l'eau.

En l'état, la consignation des loyers sera rejetée comme étant une mesure disproportionnée au regard des manquements retenus à l'encontre du bailleur dans la mesure où ils ne privent pas le locataire de la possibilité d'user ni d'exploiter le local.

Pour le surplus, la non-exécution alléguée de l'ordonnance contestée ne peut suffire elle aussi à justifier en appel la mesure de consignation des loyers, l'astreinte ordonnée en première instance assurant à cet égard une fonction contraignante aux fins d'obtenir l'exécution de la décision.

L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée sur ce point.

Sur l'expertise judiciaire :

L'appelant sollicite la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire essentiellement pour chiffrer les préjudices subis.

En application de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Le premier juge a rejeté la demande d'expertise judiciaire présentée par l'appelant au motif qu'il n'a pas repris cette prétention dans le dispositif de ses dernières écritures.

Le juge du référé, souverain dans l'appréciation du motif légitime, doit considérer la vraisemblance des faits recherchés en preuve et leur influence sur la solution du litige qui pourrait être porté devant les juges du fond.

Ainsi, le demandeur à l'expertise doit justifier d'un intérêt né et actuel et non seulement d'un intérêt éventuel et il ne lui suffit pas d'alléguer une prétention potentielle pour pouvoir prétendre obtenir la désignation d'un technicien.

A l'appui de cette demande, la société AJ LIFT se prévaut de l'existence de divers préjudices nés, d'une part, d'une coupure d'eau en lien avec la défectuosité de la pompe entre le 7 mai 2019 et le 11 septembre 2019, d'autre part, d'une alimentation électrique et en eau commune au bailleur mais dont elle assume seule la charge. Elle explique ainsi que la répartition et le vol d'eau, outre l'absence de démonstration de sa potabilité, ont entraîné une perte substantielle de son chiffre d'affaires qu'elle chiffre à la somme de 56.526,19 euros, comme en atteste son expert-comptable.

En l'état, s'il n'est pas démontré que la baisse du chiffre d'affaires soit en lien avec la coupure d'eau, telle qu'elle le revendique, et alors même que l'eau n'a a priori pas de fonction autre que celle d'alimenter le bloc sanitaire, il est démontré, notamment au moyen de la consultation confiée à M [S], que l'installation d'alimentation en eau n'est ' équipée ni d'un compteur principal ni d'un sous-compteur' si bien que cette alimentation est commune au bailleur et au locataire.

En outre, il ressort de cette consultation que l'alimentation provient d'un forage, ce qui amène à se poser la question de la potabilité de l'eau, et s'agissant de l'alimentation électrique que 'l'entrepôt de la SCI Horizon est bien alimenté par l'installation de la SAS AJ LIFT sans un compteur permettant de différencier la consommation de chacune des parties'.

Il s'ensuit que l'appelante supporte le coût financier de la consommation en eau et en électricité du bailleur. Elle n'a, par ailleurs, aucune garantie de ce que l'eau fournie soit potable. Enfin, elle a subi une coupure d'eau en lien avec la défectuosité de la pompe entre le 7 mai 2019 et le 11 septembre 2019.

Il apparaît enfin que l'évaluation des éventuels préjudices subis est rendue difficile par l'absence d'un compteur général et individuel pour la consommation d'eau et l'absence de compteur permettant de différencier la consommation d'électricité de chacune des parties, étant précisé que le rapport de constatations établi M [S] n'apporte aucun élément sur un éventuel chiffrage.

Tenant ces éléments et tenant la nécessité pour la société AJ LIFT de connaître avec précision l'étendue de ses éventuels préjudices, il convient de dire qu'elle justifie d'un intérêt légitime à voir ordonner un complément d'expertise confié à M [S], dont la mission sera précisée au dispositif étant précisé qu'une telle mesure ne préjuge en aucun cas du fond et qu'elle est ordonnée aux frais de la partie qui la requiert.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera infirmée sur ce point.

Sur la demande de provision :

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En appel, la société AJ-LIFT demande, si la cour s'estime suffisamment éclairée, et au regard de l'attestation de M. [E], expert-comptable, de condamner la SCI Horizon à la somme en principal, sauf à parfaire de 56 526,19 €, qui représente la perte de chiffre d'affaires entre l'exercice 2018 et 2019.

Comme il a été vu supra, l'appelante ne justifie pas en appel du lien existant entre la coupure d'eau et une éventuelle perte d'exploitation, ce qui constitue une contestation sérieuse faisant obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de provision.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de provision.

-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dépens et des frais irrépétibles ont été exactement réglés par le premier juge.

En cause d'appel, les parties succombant tour à tour, l'appelant sera débouté de la demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour les mêmes motifs, chacune des parties gardera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référés et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les conclusions et pièces produites en première instance par la SCI Horizon,

Pour le surplus et dans la limite de la saisine de la cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 8 juin 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant rejeté la demande d'expertise de la société AJ LIFT,

Et statuant à nouveau de ce chef,

Ordonne un complément d'expertise,

Commet en qualité d'expert :

M. [H] [S]

[Adresse 3]

[Localité 6]

[Courriel 8]

tel: [XXXXXXXX01]

Avec pour mission de :

prendre connaissance des éléments du dossier,

recueillir les observations des parties,

se rendre sur les lieux situés au [Adresse 5],

entendre tout sachant et se faire délivrer tous les documents utiles à sa mission,

fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction qui sera saisie éventuellement de déterminer et évaluer les préjudices subis en lien avec l'alimentation commune en eau et en électricité ainsi qu'avec la coupure d'eau du 7 mai au 11 septembre 2019,

dire si la coupure d'eau est susceptible d'occasionner une perte d'exploitation et, dans l'affirmative, l'évaluer,

soumettre son pré-rapport aux parties,

rapporter au tribunal l'accord éventuel qui pourrait intervenir entre les parties, et à défaut, déposer son rapport dans les délais les plus brefs,

apporter tous éléments de nature a éclairer le tribunal sur la résolution du litige.

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu'en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées, qu'il pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix à charge d'en informer préalablement le juge commis ci-après,

Dit que l'expertise sera suivie par le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Carpentras,

Dit que la société AJ LIFT versera par chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances du tribunal judiciaire de Carpentras une consignation de 2 500 €, à valoir sur la rémunération de l'expert, et ce, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; que ce chèque sera adressé, avec les références du dossier au greffe du tribunal judiciaire de Carpentras, service des référés,

Rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque, selon les modalités fixées par l'article 271 du code de procédure civile,

Dit que l'expert devra déposer auprès du greffe du tribunal judiciaire de Carpentras, service des référés, un rapport détaillé de ses opérations dans les quatre mois de sa saisine et qu'il adressera copie complète de ce rapport, y compris la demande de fixation de rémunération à chacune des parties, conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure civile,

Précise qu'une photocopie du rapport sera adressé à l'avocat de chaque partie,

Précise que l'expert doit mentionner dans son rapport l'ensemble des destinataires à qui il l'aura adressé,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens exposés en appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/02331
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;22.02331 ?
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