RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/02266 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IPU6
CG
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
06 avril 2021 RG :19/03207
[I]
[I]
S.C.I. LA VALABREGUE
C/
S.A.S. COEUR DE L'ISLE
Grosse délivrée
le
à Selarl Lexavoue
Selarl Guille
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 26 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 06 Avril 2021, N°19/03207
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine GINOUX, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre
M. André LIEGEON, Conseiller
Mme Catherine GINOUX, Magistrat honoraire juridictionnel
GREFFIER :
Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
Madame [W] [B] [Z] [I]
née le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Pierre-françois GIUDICELLI de la SELARL CABINET GIUDICELLI, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [G] [O] [D] [I]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Me Pierre-françois GIUDICELLI de la SELARL CABINET GIUDICELLI, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
S.C.I. LA VALABREGUE poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité en son siège social
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentée par Me Pierre-françois GIUDICELLI de la SELARL CABINET GIUDICELLI, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A.S. COEUR DE L'ISLE prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [K] [R] es qualité de liquidateur amiable, domicilié audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline GUILLE de la SELARL CELINE GUILLE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me René SPADOLA de la SELARL DRAGON PARADIS, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 26 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique reçu le 15 novembre 2016, Mme [W] [I], M. [G] [I] (les consorts [I]) et la sci La Valabregue ont vendu à la SAS Coeur de l'Isle un tènement immobilier sis à [Localité 8], comportant des locaux d'habitation , bureaux et ateliers de réparation moyennant le prix de 735.392 euros.
Par acte d'huissier délivré le 16 octobre 2019, invoquant une pollution des sols, la Sas Coeur de l'Isle, a fait assigner les consorts [I] et la Sci La Valabregue en dommages et intérêts .
Par jugement prononcé le 6 avril 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon a :
- condamné in solidum les consorts [I] et la SCI La Valabregue à payer à la Sas Coeur de L'Isle la somme de 59.076 € à titre de dommages et intérêts au titre du coût des travaux de dépollution de la parcelle
- condamné in solidum les consorts [I] et la SCI La Valabregue à payer à la Sas Coeur de L'Isle la somme de 1.500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Par déclaration effectuée le 24 juin 2022, les consorts [I] et la Sci La Valabregue ont interjeté appel.
Suivant conclusions notifiées le 5 juillet 2022, les consorts [I] et la Sci La Valabregue demandent à la cour :
- d'annuler le jugement
- d'infirmer le jugement
- de débouter la sas Coeur de l'Isle de l'ensemble de ses demandes
- de la condamner à leur payer la somme de 5.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Les appelants soutiennent que la Sas Coeur de l'Isle n'a pas qualité à agir puisqu'elle est en liquidation amiable et qu'ainsi seul son liquidateur peut représenter la société . Ils estiment que la procédure au fond est donc entâchée de nullité . Ils prétendent que la société a acheté en toute connaissance des risques de pollution . Ils font valoir que les services archéologiques n'ont pas rencontré de problèmes de pollution sur le site lors de leurs investigations , de sorte que les réserves émises lors des pourparlers quant à la prise en charge par le vendeur des travaux de dépollution, ne figurent pas dans l'acte définitif de vente
Suivant conclusions notifiées le 26 août 2022, la Sas Coeur de l'Isle demande à la cour de :
- débouter les appelants de leur demande de voir déclarer nul le jugement
- confirmer le jugement
- condamner solidairement les appelants à leur verser la somme de 3.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'intimée rappelle que la liquidation amiable d'une société n'a pas d'effet interruptif sur les instances en cours . Elle soutient qu'elle a gardé sa personnalité morale lui permettant d'ester en justice . Elle prétend que les consorts [I] qui ont exploité un garage dans les lieux ne pouvaient raisonnablement ignorer la présence d'huiles usagées et d'essence . Elle estime que la pollution de la parcelle par les hydrocarbures est caractérisée et que les vendeurs auraient dû l'en informer loyalement .
La clôture de la procédure a été fixée au 27 octobre 2022
Motifs de la décision
Sur la nullité de la procédure
La société Sas Cour de l'Isle a été placée en liquidation amiable le 31 août 2020, soit pendant le cours de l'instance devant le tribunal judiciaire.
A partir de cet événement, les dirigeants étaient dépourvus du pouvoir de représenter la société , seul le liquidateur amiable ayant cette qualité.
Les appelants estiment que l'omission du nom du liquidateur amiable comme représentant de la société dans le cadre des conclusions devant le tribunal judiciaire ainsi que dans le cadre des actes d'exécution, constitue une irrégularité de fond affectant l'ensemble des éléments de procédure et entâchant de nullité le jugement du 6 avril 2021.
Toutefois, il importe de rappeler qu'une société en liquidation judiciaire qui n'a pas encore fait l'objet d'une radiation, conserve sa personnalité morale.
Par ailleurs, l'omission de l'organe habilité à représenter une société en justice constitue un vice de forme dont la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l' invoque de prouver l'existence de griefs , ce qui n'est ni allégué ni démontré en l'espèce.
Il y a donc lieu de rejeter le moyen tiré de la nullité du jugement .
Sur les dommages et intérêts pour réticence dolosive
Selon l'article 1116 du code civil, en sa version applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
En l'espèce, la Sas Coeur de l'Isle a découvert lors des travaux de démolition des bâtiments, la présence de poches d'huiles usagées et de carburant situés sous la partie surélevée d'un étage des anciens bureaux du garage exploité par les consorts [I].
La société Coeur de l'Isle a été contrainte pour poursuivre son projet de construction de bâtiments à usage d'habitation, d'évacuer les terres polluées dans un centre de traitement dédié, dont le coût s'est élevé à 59.076 € .
Rien ne permettait à l'acquéreur de deviner l'existence de ces déchets d'hydrocarbures , puisque toutes les investigations effectuées sur le site pendant le délai de trois ans séparant la promesse de vente de l'acte authentique n'avaient pas révélé de points de pollution, que seuls des travaux destructifs du bâti ont pu mettre en évidence .
Les consorts [I], qui avaient fait construire le bâtiment litigieux et y avaient exploité une activité de garagiste jusqu'à la vente, ne pouvaient manifestement ignorer l'existence de ces déchets d'hydrocarbure, source de pollution.
Ils ont donc fait preuve de réticence dolosive en taisant l'existence du stockage de ces déchets sous la partie surélevée de leur bureau.
La société Coeur de l'Isle avait manifesté tout au long des pourparlers sa préoccupation quant à l'existence d'une source de pollution et l'impact financier en résultant, puisque lors de l'établissement des différents avant- contrats, elle avait fait insérer une clause de prise en charge par les vendeurs du coût d'une éventuelle dépollution excédant la somme de 5.000€.
Le silence gardé par les consorts [I] sur ces éléments d'information, lesquels étaient déterminants pour les acquéreurs, qui n'auraient pas contracté ou auraient pour le moins acquis l'immeuble à un prix inférieur en considération du montant des travaux de reprise, démontre que le vendeur s'est rendu coupable de réticence dolosive.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les vendeurs à payer à la Sas Coeur de l'Isle la somme de 59.076 € à titre de dommages et intérêts correspondant au coût des travaux de dépollution de la parcelle acquise par acte authentique de vente le 15 novembre 2016
Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La cour ayant confirmé le jugement au principal, confirmera également les chefs de décision concernant l'indemnité accordée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens.
Les appelants qui succombent en leur recours, supporteront les dépens d'appel et seront condamnés à verser à la société Coeur de l'Isle la somme de 2.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Ecartant le moyen tiré de la nullité du jugement
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant
Condamne in solidum Mme [W] [I], M. [G] [I] et la SCI La Valabregue à payer à la Sas Coeur de l'Isle la somme de 2.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne in solidum Mme [W] [I], M. [G] [I] et la SCI La Valabregue aux dépens d'appel
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,