RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/01635 - N°Portalis DBVH-V-B7G-IN2I
ET - NR
PRESIDENT DU TJ DE NIMES
13 avril 2022
RG:22/00087
[Z]
C/
[Z]
Grosse délivrée
le 26/01/2023
à Me Audrey MOYAL
à Me Céline GUILLE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 26 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Président du TJ de NIMES en date du 13 Avril 2022, N°22/00087
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Décembre 2022 et prorogé au 26 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [M] [Z]
née le 01 Septembre 1979 à [Localité 1]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Audrey MOYAL de la SELARL CABANES BOURGEON MOYAL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Cédric CABANES de la SCP LECLERC CABANES CANOVAS, Plaidant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉ :
Monsieur [U] [Z]
né le 15 Octobre 1974 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Céline GUILLE de la SELARL CELINE GUILLE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Jenny CARLHIAN, Plaidant, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 26 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Monsieur [O] [Z] est décédé le 8 février 2020, laissant pour lui succéder :
- Mme [M] [Z], sa fille,
- M. [U] [Z], son fils.
Selon la déclaration de succession établie par Maître [C] notaire à [Localité 1], l'actif brut de succession s'établit à la somme totale de 485 479,62 euros, dont 478 000 euros au titre d'un bien immobilier, vendu à ce prix le 4 décembre 2020.
Le prix de vente a été séquestré en l'étude du notaire, en l'absence d'accord entre les héritiers et des craintes exprimées par M. [U] [Z] sur un possible détournement d'actif de la succession qu'il impute à Mme [M] [Z].
Il a, à ce dernier titre, déposé entre les mains du procureur du tribunal de Draguignan une plainte contre sa soeur, et a introduit une action en référé devant le tribunal du Mans contre la compagnie d'assurances MMA Vie, pour obtenir la production du contrat d'assurance- vie souscrit par son père ainsi que les avenants rédigés deux mois avant sa mort et modifiant le nom du bénéficiaire au seul profit de Mme [M] [Z].
Par acte du 28 octobre 2021, Mme [M] [Z] a assigné M. [U] [Z] devant le tribunal judiciaire d'Aix en Provence, aux fins de voir, selon la procédure accélérée au fond prévue par l'article 815-11 du Code civil :
- ordonner une avance de 200 000 euros en capital à son profit, dont sa vocation est de moitié sur l'actif de la succession,
- juger que Maître [C], notaire à [Localité 1], devra lui verser sans délai le montant de cette somme sur les fonds qu'il détient.
Selon ordonnance de référé rendue le 18 janvier 2022, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant le tribunal judiciaire de Nîmes sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile, Mme [M] [Z] exerçant la profession d'avocat au barreau d'Aix-en-Provence.
Par jugement contradictoire du 13 avril 2022, le tribunal judiciaire de Nîmes a :
- rejeté la demande de nullité de l'assignation ;
- ordonné le sursis à statuer sur les demandes de Mme [M] [Z], dans l'attente de l'issue donnée à la plainte pénale déposée par M. [U] [Z] entre les mains du procureur de la république près le tribunal judiciaire de Draguignan ;
- ordonné une avance de 200 000 euros en capital au profit de M. [U] [Z] ;
- dit que Maître [C], notaire à [Localité 1], actuellement détenteur des fonds, devra verser le montant de cette somme a M. [U] [Z] sur les fonds qu'il détient ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Le tribunal a rejeté la demande de nullité de l'assignation soulevée par M. [U] [Z] mais à fait droit à sa demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de sa plainte pénale au motif que, en l'état de cette plainte, il n'existait aucune certitude sur la somme de 200 000 euros telle que sollicitée par Mme [M] [Z].
Par déclaration du 11 mai 2022, Mme [M] [Z] a interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été instruite selon la procédure à bref délai de l'article 905 du code de procédure civile et a été fixée à l'audience du 18 octobre 2022.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022 l'appelante demande à la cour de :
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer,
- ordonner une avance de 200 000 euros en capital à son profit, dont la vocation est de moitié sur l'actif net de succession, demeurant en liquidités entre les mains de Me [C], notaire, à hauteur de 474 471 euros,
- juger que Me [C], notaire à [Localité 1], et actuellement détenteur des fonds, devra lui verser sans délai le montant de cette somme sur les fonds qu'il détient,
- condamner M. [U] [Z] au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Mme [M] [Z] fait valoir en substance que la demande de sursis à statuer formulée est irrecevable car n'ayant pas été soulevée simultanément avec l'exception d'incompétence présentée par conclusions du 3 décembre 2021, ainsi que l'impose l'article 74 du code procédure civile.
Cette demande est par ailleurs mal fondée au regard du principe selon lequel le criminel ne tient plus le civil en l'état et qui est rappelé à l'article 4 du code de procédure pénale ainsi qu'au regard des éléments de faits qu'elle rapporte et qui démontrent que le changement de bénéficiaire de l'assurance vie litigieuse est dépourvu de caractère frauduleux.
Elle se trouve en revanche, parfaitement fondée dans sa demande en application des dispositions de l'article 815-11 du Code civil, sa vocation héréditaire s'établissant à une somme supérieure à celle demandée de 200 000 euros.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, M. [U] [Z], demande à la cour de :
- révoquer l'ordonnance qui doit être rendue le 11 octobre 2022 et différer la clôture du dossier et ce, dans un soucis du respect du contradictoire,
- débouter Mme [M] [Z] de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre des frais irrépétibles ;
Y ajoutant,
- condamner Mme [M] [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient essentiellement que la demande de sursis à statuer est recevable car soulevée avant toute défense au fond conformément aux articles 73 et 74 du code de procédure civile et qu'elle est bien fondée en application des dispositions des articles 378 et 2 du code de procédure civile ainsi que 4 du code de procédure civile, l'avenir de la plainte déposée étant essentiel pour déterminer l'issue du litige.
Il ajoute que la demande de Mme [Z] visant à obtenir sa condamnation sous astreinte au paiement des droits successoraux est sans objet et ne saurait prospérer puisqu'il justifie désormais du règlement complet des droits successoraux.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur l'irrecevabilité de la demande de sursis à statuer
Aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.
L'appelante soulève l'irrecevabilité de la demande de sursis à statuer formée par M. [U] [Z] faute d'avoir été soulevée simultanément avec les autres exceptions de procédure devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence.
M. [Z] pour sa part soutient que cette demande est recevable comme l'a jugé le tribunal judiciaire de Nîmes, au motif qu'il a soulevé cette exception par conclusions du 3 décembre 2021 et avant toute défense au fond.
Or, la demande de sursis à statuer soulevée devant le juge d'Aix-en-Provence a été formulée aux termes des conclusions du 3 décembre 2021 à titre subsidiaire et dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle.
Ainsi, la modification des moyens fondant la demande de sursis à statuer devant le tribunal judiciaire de Nîmes en fait une nouvelle exception de procédure qui n'est recevable que si la cause qui la fonde s'est manifestée postérieurement.
En l'espèce, l'intimé a dans ses écritures rappelées ci-dessus, avant toute défense au fond à la demande de Mme [M] [Z] que soit ordonné une avance en capital de 200 000 euros à valoir sur ses droits d'héritière, soulevé à titre principal une exception d'incompétence et à titre subsidiaire une demande de sursis à statuer fondée sur sa saisine du bureau d'aide juridictionnelle.
Devant le tribunal judiciaire de Nîmes, il a demandé qu'il soit sursis à statuer sur la demande de sa soeur dans l'attente du résultat de la plainte pénale qu'il a déposée.
Cette plainte pénale a été déposée à la suite de l'assignation délivrée par Mme [Z] devant le juge des référés d'Aix-en-Provence le 28 octobre 2021, auprès du procureur de la république de Draguignan par courrier du 21 novembre 2021 et préexistait aux écritures de M.[U] [Z] développées devant le juge des référés à l'audience du 7 décembre 2021.
L'exception de sursis à statuer fondée sur le moyen tiré du dépôt de plainte, pouvait donc être formée simultanément à la précédente demande de sursis à statuer fondée sur la demande d'attribution de l'aide juridictionnelle et à l'exception d'incompétence ayant fait l'objet de l'ordonnance de dessaisissement au profit du tribunal judiciaire de Nîmes.
Il en résulte qu'ayant été formée pour la première fois devant le tribunal judiciaire de Nîmes alors que la nouvelle cause de la demande de sursis s'était manifestée antérieurement à ses écritures du 3 décembre 2021 et de l'audience devant le juge des référés d'Aix-en-Provence, sa demande de sursis à statuer est irrecevable et la décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale.
2- Sur la demande d'avance sur les droits d'indivisaires dans le partage à venir
Aux termes de l'article 815-11 du code de procédure civile, tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive.
A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir.
La jurisprudence estime que le montant susceptible d'être alloué à un indivisaire à titre d'avance en vertu de ce texte ne peut excéder le montant le plus bas susceptible de lui revenir définitivement.
Mme [M] [Z] demande que lui soit allouée à titre d'avance sur les droits qu'elle possède dans la succession de son père, la somme de 200 000 euros. Elle rappelle que le notaire chargé de la succession de M. [Z] père dispose d'une somme de 478 000 euros pour le compte de la succession et que ses droits sur la succession s'élevent à un montant 241 095 euros. Ainsi elle démontre que quelque soit la recevabilité des contestations élevées par son frère qui sont de l'ordre de 31 100 euros, sa demande est parfaitement fondée.
Elle ajoute que contrairement à ce que l'intimé soutient, M. [Z] père avait toutes ses facultés mentales comme en atteste son médecin traitant et a signé des chèques pour sa fille et sa petite-fille de sa propre volonté. Il ne saurait être prétendu que le montant des sommes détournées ne serait pas connu ce qui rendrait incertain le montant minimum qu'elle pourrait percevoir, dés lors que s'agissant de libéralités déclarées et connues elles seront rapportées.
M. [U] [Z] pour sa part, s'oppose à cette demande en soutenant que les sommes susceptibles d'avoir été détournées sont importantes puisque sur les utilisations des cartes bancaires de son père à hauteur de 7 500 euros sont sans explications, que plusieurs chèques ont été tirés au seul profit de [M] [Z] et de sa fille, qu'elle a bénéficié de la cession d'un véhicule Audi qui n'apparaît pas sur le décompte de succession dont la valeur est de 20 à 25 000 euros et enfin, que la modification de la clause des bénéficiaires l'assurance- vie souscrite par leur père le 24 décembre 2019 jour de sa sortie de l'hôpital et alors qu'il avait été une nouvelle fois hospitalisé pour aggravation des lésions cérébrales, est plus que douteuse même si cette dernière est hors succession.
Il ressort de la plainte déposée par M. [Z] (pièce 21) que le montant des chèques détournées serait de 17 600 euros.
Ainsi, il résulte de ce qui précède que les sommes que M. [U] [Z] reproche à sa soeur d'avoir détourné du patrimoine de la succession hors assurance-vie qui n'en fait pas partie, sont inférieures à 50 100 euros.
S'agissant de l'abus de faiblesse qu'il reproche à [M] [Z] d'avoir commis amenant M. [O] [Z] à modifier la clause bénéficiaires de son assurance-vie à son seul profit ou celui de son enfant, il doit être observé que M.[U] [Z] ne démontre pas, aurait-il au final raison, que sa soeur ne serait pas en capacité financière de restituer les sommes perçues à tort, n'évoquant pas au surplus leur montant.
Par voie de conséquence, Mme [M] [Z] dont les droits dans la succession de son père sont de la moitié, bénéficierait en toute hypothèse et déduction faites des charges de la succession dont Maître [C] indique qu'elle s'élèverait à 30 000 euros maximum, de la somme de (241 095 - 30 000/2 - 50 100) 175 995 euros.
Il sera ainsi fait droit à sa demande d'avance sur ses droits dans la succession à hauteur de cette somme et il sera ordonné à Maître [C], notaire chargée de la succession et détenteur des fonds, de lui verser la somme de 175 995 euros sur les fonds qu'il détient.
3- Sur les demandes accessoires
Partie perdante, M. [U] [Z] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et sera nécessairement débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucun motif d'équité ne commande de faire droit à la demande de Mme [Z] au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte déposée par M. [U] [Z] auprès du procureur de la république de Draguignan ;
Fait droit à la demande d'avance de Mme [M] [Z] sur ses droits d'indivisaires dans la partage à venir à hauteur de 175 995 euros ;
Autorise Maître [C], notaire à [Localité 1] et détenteurs des fonds de la succession de M. [O] [Z], à verser à Mme [M] [Z] cette somme ;
Condamne M. [U] [Z] à supporter la charge des dépens de première instance et d'appel;
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,