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26/01/2023 | FRANCE | N°21/01179

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 26 janvier 2023, 21/01179


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/01179 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7TO



AD



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES

02 mars 2021 RG :18/06026



S.A.R.L. L'AGENCE DU MIDI



C/



[O]

[T]

[Y]

[W]















Grosse délivrée

le

à SCP Gasser Puech...

Selarl Lexavoue











COUR D'A

PPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 26 JANVIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de NIMES en date du 02 Mars 2021, N°18/06026



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et Mme L...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01179 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7TO

AD

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES

02 mars 2021 RG :18/06026

S.A.R.L. L'AGENCE DU MIDI

C/

[O]

[T]

[Y]

[W]

Grosse délivrée

le

à SCP Gasser Puech...

Selarl Lexavoue

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 26 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de NIMES en date du 02 Mars 2021, N°18/06026

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et Mme Laure MALLET, Conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. L'AGENCE DU MIDI,

SARL au capital de 50.000 € inscrite au RCS de Nîmes sous le n° 560 200 263, prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié es qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 3]

Représentée par Me Vincent PUECH de la SCP GASSER-PUECH-BARTHOUIL-BAUMHAUER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

APPELANTS ET INTIMÉS :

Monsieur [Z] [O]

né le 27 Novembre 1964 à [Localité 11]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [E] [T] épouse [O]

née le 10 Mai 1961 à BURKINA FASO

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [R] [U] [A] [Y]

né le 06 Novembre 1971 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Localité 13]

Représenté par Me Raphaël LEZER de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [N] [V] [S] [W] épouse [Y]

née le 09 Mars 1971 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 13]

Représentée par Me Raphaël LEZER de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 03 Novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 26 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

Exposé :

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 2 mars 2021, ayant statué ainsi qu'il suit :

' dit que les époux [O], qui étaient avisés avant la signature du compromis de vente et de l'acte authentique de vente avec les époux [Y] de l'existence de deux projets immobiliers sur les parcelles voisines de leur propriété vendue aux requérants, ont commis une réticence dolosive,

' condamne les époux [O] à payer in solidum aux époux [Y] la somme de 295'000 € à titre de réparation pour leur préjudice,

' dit que la société l'Agence du midi a commis en qualité de mandataire professionnelle, une faute engageant sa responsabilité contractuelle en n'informant pas ses mandants, les époux [O], de la nécessité d'aviser les candidats acquéreurs d'au moins un des deux projets immobiliers envisagés sur les parcelles voisines du bien objet de la vente, en l'occurrence le projet immobilier de la société Terra Lotti, qui avait fait l'objet d'un affichage public et de la délivrance d'un permis de construire dont en sa qualité de professionnelle, elle ne pouvait ignorer l'existence,

' condamne la société l'Agence du midi à relever et garantir les époux [O] de toutes les condamnations prononcées à leur encontre,

' ordonne l'exécution provisoire,

' condamne les époux [O] et la société l'Agence du midi in solidum aux dépens et à payer à Monsieur et Madame [Y] la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 22 mars 2021 et 19 avril 2021 par la société l'Agence du midi ainsi que par Monsieur et Madame [O] le 20 avril 2021.

Vu l'ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Nîmes le 9 juillet 2021 ayant rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, mais en ayant ordonné l'aménagement en prévoyant la consignation du montant des condamnations à hauteur de la somme de 297'500 € sur un compte à la caisse des dépôts et consignations dans les 30 jours de la présente décision.

Vu les conclusions de la société Agence du midi, en date du 3 juin 2022, demandant de :

' réformer le jugement en ce qu'il a retenu sa faute, l'a condamnée à relever et garantir les époux [O] de l'ensemble des condamnations et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau,

' juger qu'elle n'a pas commis de faute permettant d'engager sa responsabilité civile délictuelle vis-à-vis des acheteurs et contractuelle vis-à-vis des vendeurs, qu'il n'existe à son encontre aucune présomption de connaissance de l'ensemble des permis de construire délivrés par la ville de [Localité 3],

' rejeter toutes les demandes de Monsieur et Madame [Y] à son encontre ainsi que celle de Monsieur et Madame [O],

' condamner in solidum Monsieur et Madame [Y] et Monsieur et Madame [O] à lui payer la somme de 6000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'agence fait valoir que la vente lui a été confiée par un mandat du mois de juillet 2016, plus de deux ans après l'affichage du premier permis de construire en 2014, suivi de deux permis modificatifs en mars 2017 et août 2020, les travaux n'ayant débuté qu'à partir de 2017 ; qu'il ne peut y avoir de présomption de connaissance de l'octroi du permis de construire de sa part ; que les acquéreurs ont acheté dans un périmètre urbain dense, qu'ils ont visité les locaux à plusieurs reprises et que le jugement lui fait supporter une présomption de connaissance de l'ensemble des permis de construire délivrés par la ville de [Localité 3], quelle que soit leur date ; que le programme Terra Lotti est postérieur à la vente puisque le permis de construire a été obtenu le 9 mars 2017 et la déclaration préalable de chantier affichée le 21 décembre 2017 ; que l'EHPAD existait avant la vente et que les permis de construire qui ont été octroyés en 2014 n'ont jamais été portés à sa connaissance.

Vu les conclusions de Monsieur et Madame [O] en date du 24 octobre 2022, demandant de :

' déclarer l'appel recevable et bien fondé,

' réformer le jugement en ce qu'il a retenu qu'ils avaient commis une réticence dolosive et en conséquence, les a condamnés à payer la somme de 295'000 € à titre de dommages et intérêts,

a ordonné l'exécution provisoire, les a condamnés aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' statuant à nouveau,

' dire qu'ils n'ont pas commis de réticence dolosive et rejeter toutes les demandes de Monsieur et Madame [Y],

' à titre subsidiaire, si la réticence dolosive est retenue, dire que Monsieur et Madame [Y] ne démontrent pas une perte de chance indemnisable et rejeter toutes leurs demandes,

' à titre infiniment subsidiaire, ordonner une expertise sur la valeur du bien immobilier en litige en fonction des 2 projets immobiliers,

' en tout état de cause, confirmer le jugement qui a retenu la faute de l'agence immobilière et l'a condamnée à les relever et garantir,

' rejeter toutes les demandes à leur encontre,

' condamner la société Agence du midi, Madame [W] et Monsieur [Y] à leur payer la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils font essentiellement valoir que le bien vendu se trouve dans un quartier urbanisé, exposé aux risques de projets immobiliers développés, que les 2 parcelles où les projets dénoncés ont été édifiés étaient d'ores et déjà construites, qu'il y avait donc un bâti préexistant à l'achat, qu'ils ignoraient tout des projets qui ont émergé après la vente et que si Monsieur [O] a été présent au moment du bornage, en l'absence de suite donnée par le promoteur pendant plusieurs années, les vendeurs ont supposé que le projet était abandonné ; que les attestations produites sont, soit mensongères, soit non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ; que les époux [Y] auraient pu avoir connaissance des projets puisqu'ils ont visité le bien à plusieurs reprises et sont donc passés par la [Adresse 2] et le numéro 28 sur lequel le permis était supposément apparent ; que le permis de l'opération sur le [10] (Ehpad) n'était pas connu d'eux, ayant été affiché au fond d'une impasse à 7 minutes à pied de la [Adresse 2] et à son opposé pour éviter que les riverains n'en aient effectivement connaissance ; que l'information n'était pas déterminante du consentement car l'environnement n'a pas été sensiblement modifié, l'immeuble ayant conservé son cachet et sa vue sur la [Adresse 14] ; qu'il n'y a donc pas eu de dissimulation intentionnelle ; que les avis de valeur produits par les acquéreurs ont été émis par des agences parisiennes n'ayant pas connaissance du marché nîmois alors qu'eux-mêmes versent un véritable rapport d'expertise démontrant que la valeur n'a pas été atteinte par les projets immobiliers voisins ; à titre subsidiaire, ils sollicitent l'instauration d'une mesure d'expertise.

Vu les conclusions de Monsieur et Madame [Y], en date du 11 octobre 2022, demandant de :

' rejeter les demandes des deux appelants et confirmer le jugement,

' y ajoutant :

' condamner les époux [O] et la société Agence du midi à payer chacun la somme de 3500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils soulignent que le tribunal a jugé sur le fondement du dol, mais qu'ils se prévalent de la violation du devoir d'information précontractuelle du vendeur en soulignant que celui-ci doit à son acquéreur un devoir de loyauté, et notamment, doit mettre en perspective les éléments objectifs de l'environnement du bien et la connaissance acquise de l'importance des projets immobiliers à venir, susceptibles d'avoir des répercussions sur les qualités intrinsèques de la maison vendue.

Ils soulignent que le quartier bénéficie d'un environnement exceptionnel, verdoyant et arboré que l'on ne rencontre que dans des quartiers beaucoup plus excentrés et que l'altimétrie du positionnement du bien lui conférait un panorama inouï et étendu ; qu'ils démontrent l'incidence objective des facteurs liés à l'amputation de la vue et à la présence de 2 immeubles contigus sur la valeur de leur propre immeuble à raison d'une décote de 25 à 30 %.

Ils affirment que leur vendeur avait été personnellement contacté par le directeur de l'EHPAD depuis 2014 et qu'il connaissait le projet de la société Terra Lotti, ayant participé au bornage avec le promoteur en 2013 ; que le permis de cette opération qui a été affiché en 2014 n'était plus affiché en 2016 et qu'au moment de son affichage, il informait bien d'un projet d'immeuble de 10 logements avec une hauteur de 8,65 m ; qu'eux mêmes habitent [Localité 13] et qu'ils ignoraient tout de ces projets ; que le projet concernant l'EHPAD est relatif à un agrandissement de 60 % de la surface pour un bâtiment de 13 m de haut, surplombant leur propriété ; que le silence des vendeurs est, en outre, caractéristique d'un vice caché, la construction désormais achevée impliquant, notamment, des vis-à-vis pour leur propriété ; que l'agent immobilier a également commis un manquement à son devoir d'information et que son obligation de moyen doit s'apprécier en fonction des circonstances de la cause ; que le tribunal n'a pas inversé la charge de la preuve en ce qui concerne le préjudice qu'il a fixé au vu des éléments fournis par Monsieur et Madame [Y].

Vu la clôture du 3 novembre 2022.

Motifs

Monsieur et Madame [O] ont confié, par mandat de vente sans exclusivité du 26 juillet 2016, la vente de leur maison à la société l'Agence du midi.

Le bien vendu est voisin :

- d'une propriété sur laquelle la société Terra Lotti avait obtenu un permis de construire, lequel avait été affiché sur le terrain en cause en 2014,

- ainsi que d'un autre terrain concerné par un projet de restauration d'EHPAD.

Monsieur et Madame [O] ont donc, par l'entremise de cette agence, passé un compromis de vente le 11 août 2016 avec Monsieur et Madame [Y].

L'acte authentique a été signé le 16 décembre 2016 au prix de 1'180'000 €.

Aucun de ces actes ne mentionne les projets immobiliers en cause sur les terrains voisins.

Dans le jugement attaqué, le tribunal a considéré que Monsieur et Madame [O] avaient gardé le silence sur ces deux projets dont ils avaient pourtant connaissance, qu'il ne pouvait être retenu, malgré leurs dénégations, qu'ils n'en étaient pas informés alors que cette situation était de nature, si elle avait été connue par les acheteurs, à les faire renoncer à la vente ou à les faire contracter à d'autres conditions ; que leur rétention avait un caractère de dolosif.

Le jugement observe à cet égard que l'attestation du directeur de la maison de retraite relate que le permis de construire a été validé le 4 novembre 2016, que le projet avait fait l'objet d'une information et d'échanges oraux et physiques avec les propriétaires du voisinage en 2014 et 2015, notamment avec Monsieur [O], et ce d'autant qu'il y avait un autre projet immobilier sur une parcelle voisine ; qu'il y a eu des réunions de bornage ; que le procès-verbal de bornage du 5 octobre 2013 mentionne la présence de Monsieur [O] qui ne peut donc prétendre avoir ignoré le projet immobilier, ni le but de cette opération de bornage ; qu'une autre personne présente à ce bornage écrit que les riverains y assistant étaient informées du projet immobilier ; qu'enfin, il existait au mois de juillet 2014 des panneaux d'affichage pour le terrain au [Adresse 2] alors que les époux [O] habitent au [Adresse 5], ledit affichage exposant que le projet concernait alors 10 logements pour une surface de plancher de 886,28 m², une hauteur de 8,65 m avec un permis de construire délivré le 27 mai 2014.

Le tribunal a admis une dépréciation de la valeur du bien immobilier qu'il a évalué à 295'000 € et a condamné Monsieur et Madame [O] à payer cette somme à Monsieur et Madame [Y] au titre de leur indemnisation.

En ce qui concerne la responsabilité de l'agence immobilière, le premier juge a retenu qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier sur le marché de [Localité 3], elle ne pouvait prétendre avoir ignoré l'existence du projet, au moins celui de la société Terra Lotti qui avait fait l'objet d'un affichage public.

Il a ainsi considéré que l'agent immobilier, tenu d'une obligation d'information et de conseil, doit délivrer toutes les informations en sa possession et qu'en n'informant pas les époux [O] de la nécessité d'aviser les candidats acquéreurs, il avait commis une faute justifiant qu'il les relève et garantisse des condamnations prononcées.

Il est constant que ni la promesse de vente du 11 août 2016, ni l'acte du 16 décembre 2016 établis pour la vente du bien [O] à Monsieur et Madame [Y] au prix de 1'180'000 € ne mentionnent donc les projets immobiliers voisins .

Il résulte par ailleurs :

- de l'attestation non contestable regard des exigences du code de procédure civile de Monsieur [M], directeur de maison de retraite voisine, qu'il existait un projet de reconstruction d'EHPAD avec un permis de construire qui a été validé le 4 novembre 2016 par la mairie, mais qui avait fait l'objet d'informations et d'échanges oraux préalables avec le voisinage, celui-ci y relatant même plusieurs échanges téléphoniques et physiques avec Monsieur [O] et précisant que les contacts avaient été plus réguliers en 2015 car il existait un autre projet de promotion immobilière 'mitoyen à nos deux parcelles' et rappelant que des réunions contradictoires de bornage avaient eu lieu sans qu'il ne se souvienne de la date ;

- de l'écrit d'une résidente de la [Adresse 2], Mme [K] [B], qu'elle a assisté à une rencontre entre un représentant de la société Terra Lotti et Monsieur [O] pour un bornage des parcelles et qu'elle a alors été informée du projet immobilier 'avec tous les participants à cette rencontre' qu'elle situe au mois d'octobre 2013, étant observé que cet écrit, s'il ne répond pas aux exigences du code de procédure civile, est cependant confirmé par l'attestation ci-dessous également analysée;

- de l'attestation, également non contestable regard des exigences du code de procédure civile de Madame [I], habitant [Adresse 2], que tous les propriétaires concernés par les travaux de construction sur le site de [10] et le projet d'habitation donnant sur la [Adresse 2] avaient été conviés à un bornage, qu'elle situe également 2013, étant considéré sur son caractère prétendument erroné quant à la présence de Madame [O], qu'il y est mentionné au titre des présences ' les personnes présentes ou représentées : [10], Monsieur et Madame [O], Monsieur et Madame [H], Monsieur et Madame [I], le propriétaire du [Adresse 4] (j'ignore son nom) », d'où il résulte qu'elle n'atteste en réalité pas de la présence physique de Madame [O], celle-ci pouvant, en effet et vu la rédaction, y avoir été seulement représentée par son époux ;

- des documents d'urbanisme produits qu'un permis de construire a été accordé pour la construction au [Adresse 2] d'un immeuble d'habitation comportant 10 logements au bénéfice de la société Terra Lotti le 27 mai 2014 ; que l'affichage du permis de construire de cette opération a été constaté les1er et 24 juillet 2014 ainsi que le 25 août 2014 au 28 bis de la rue de la Garrigue, sur un panneau aux dimensions réglementaires de plus de 80 cm, parfaitement visible et lisible depuis la voie publique et mentionnant la nature des travaux, à savoir, 10 logements, la superficie de plancher, 886,8 m², la surface du terrain, 2009 m², la hauteur du sol naturel, 8,65 m,

' que le permis relatif à l'opération de reconstruction de l'EHPAD a été également affiché au [Adresse 6], et constaté 17 novembre 2016, le 19 décembre 2016, le 17 janvier 2017 s'agissant d'un permis délivré le 4 novembre 2016 pour un bâtiment d'une hauteur de 13 m et surface de plancher de 5660 m² et une surface bâtiment à démolir de 3506 m², ce qui constitue une modification notable, au vu de l'ampleur prise par le nouveau bâtiment, de l'environnement du bien vendu,

' du procès-verbal de bornage qu'il avait pour objet la reconnaissance des limites séparatives entre les parcelles cadastrées aà [Localité 3] section D numéro [Cadastre 7], [Adresse 2] et les parcelles riveraines ci-dessus répertoriées, étant observé que dans les parcelles riveraines, existent bien celle de l'EHPAD, celle de Monsieur [O], et que le bornage se fait à l'initiative de la société Terra Lotti représentée par Monsieur [F].

Les derniers éléments relatifs au projet de l'EHPAD sont, certes, postérieurs aux actes ayant conduit à la vente à Monsieur et Madame [Y], mais mis en perspective avec les autres éléments relatifs à ce projet, l'ensemble démontre suffisamment, notamment compte tenu de son ampleur, des réunions auxquelles il a donné lieu et auxquelles ont participé les vendeurs enfin, au vu des attestations ci-dessus rappelées, que ceux-ci ne pouvaient en ignorer la réalité alors que pourtant, ils n'en ont donné aucune information au moment de la vente.

Aucun élément ne démontre par ailleurs que les acquéreurs, qui étaient alors domiciliés à [Localité 13] et qui ne se sont donc intéressés au bien qu'à partir de l'année 2016, ont pu avoir connaissance de ces éléments, dont on relèvera qu'ils sont pour la plupart antérieurs à l'année 2016 et dont il n'est pas prouvé, en ce qui concerne l'affichage de l'opération relative à l'EHPAD qui date de la fin de l'année 2016, qu'ils aient pu en avoir connaissance, rien ne démontrant, en effet, qu'ils soient revenus sur [Localité 3] dans les semaines précédant la signature de l'acte réitératif, fixé au mois de décembre 2016 .

Enfin, la mise en perspective des mentions portées au procès-verbal de bornage, de son organisation à l'initiative de la société Terra Lotti, mitoyenne dans sa propriété avec celle de Monsieur et Madame [O], de la date d'octroi du permis de construire pour cette opération et de son affichage, de l'attestation de M [M] et de celle de Madame [I], qui ne peuvent se voir faits de grief par rapport à l'article 202 du code de procédure civile et qui vont donc dans le même sens que l'écrit de Madame [K], lesdits documents concordants pour établir qu'il était alors débattu notamment en présence de Monsieur [O] des 2 projets, démontre leur connaissance de la modification de leur environnement immédiat par l'implantation de projets d'ampleur, préjudiciant, par leur seule implantation et importance, à son caractère naturel et préservé tel qu'il existait jusqu'alors.

Les époux [O] invoquent vainement la circonstance que la société protestante des amis des pauvres n'était pas propriétaire au moment où Monsieur [M] relate avoir informé les vendeurs en 2014 /2015 dès lors que le projet pouvait exister même sous l'égide d'un autre propriétaire et ils prétendent, encore vainement, avoir pu croire à un abandon du projet Terra Lotti par les promoteurs car vu l'importance de ces informations par rapport aux qualités du bien en cause et vu leur obligation de loyauté à l'égard des acquéreurs, il leur incombait de leur en faire part, même avec d'éventuelles réserves sur l'effectivité de leur réalisation, leur abstention de ce chef contrevenant à l'obligation de loyauté et d'information précontractuelle qui leur incombait à l'égard des époux [Y].

L'abstention par Monsieur et Madame [O] de ce chef est, en effet, constitutive, sinon d'une réticence dolosive dont M et Mme [Y] réitèrent devant la cour qu'ils ne l'invoquent pas, à tout le moins, donc de la violation sus citée de leur obligation précontractuelle d'information à l'égard de leurs acquéreurs, qui s'ils avaient connu les projet de reconstruction de l'EHPAD ainsi que de l'opération immobilière Terra Lotti, font légitimement valoir l'importance de cette information et son carctère préjudiciable en ce que lesdits projets encerclent véritablement la propriété vendue et créent une promiscuité, bouleversant, indépendamment de la question d'un droit à la vue qui ne saurait effectivement être invoqué, ses qualités essentielles tenant à son caractère incontestablement résidentiel et au caractère préservé de son environnement tels qu'ils résultent des pièces versées aux débats, y compris l'attestation de l'un de ses précédents occupants, la circonsatnce que le bien se situe dans un environnement urbanisé ne pouvant être alléguée comme de nature à les priver de la possibilité de se prévaloir de l'attrait particulier que constituait son environnement dans leur choix ni d'un préjudice à raison de sa dépréciation .

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité in solidum de Monsieur et Madame [O], sauf à dire que le fondement de celle-ci réside, non pas dans la réticence dolosive, mais dans le manquement à leur obligation précontractuelle d'information.

Le préjudice subi consécutivement à cette réticence par les acquéreurs a, par ailleurs, été justement fixé, en l'état des éléments versés aux débats et sans inversion de la charge de la preuve, à la somme de 295 000 €, compte tenu du prix payé à la dernière transaction, des caractères de l'immeuble et des éléments tirés de deux évaluations, distinctes et motivées sur la question de sa dépréciation de ce chef, étant considéré que la circonstance que cette évaluation ait été faite par deux agences dont il est allégué qu'elles travaillent sur [Localité 13] (alors qu'elles-mêmes revendiquent une activité locale à [Localité 3]) est, en toute hypothèse, inopérante dès lors que l'une se réfère à des éléments locaux, non critiqués et que l'autre procède à une évaluation en se référant à une seul pourcentage de minoration de valeur, que les deux rapports sont, par ailleurs, motivés par une étude précise des éléments du quartier et que ces éléments ne sont combattus que par l'évaluation proposée par Monsieur et Madame [O], laquelle n'est, en revanche pas utilement exploitable dans la mesure où la valeur y fixée est une valeur vénale à la date du mois de juillet 2021, l'expert commis par Monsieur et Madame [O] y rappelant, en outre, l'évolution à la hausse des prix du marché de l'immobilier entre 2016 et 2019 de 7,61 %, ce qui permet d'en déduire, au vu du taux ainsi arrêté, une valeur de l'immeuble au moment de la vente inférieure de 20 % au prix payé en 2016.

La société l'Agence du midi conteste, pour sa part, la faute retenue à son encontre par le jugement.

Il sera de ce chef considéré que la vente lui a été confiée par un mandat du mois de juillet 2016 ; que l'affichage du permis de construire de l'opération Terra Lotti date de 2014 ainsi que le permis de construire accordé, versé aux débats par Monsieur et Madame [Y] ; qu'il ne peut, dans ces conditions être considéré, vu le délai de deux ans écoulés au jour de la conclusion de son mandat, qu'elle avait une connaissance nécessaire et certaine des projets immobiliers du quartier au moment de la vente en cause ; que par ailleurs, l'EHPAD existait déjà et que si Monsieur et Madame [O] ont été conviés à des réunions d'information à son sujet pour sa reconstruction et également à des opérations de bornage en 2014, rien ne démontre qu'elle même ait pu en avoir connaissance ; qu'il n'existait pour elle aucun élément de nature à attirer son attention sur ces projets et sur les modifications susceptibles d'en découler, de sorte qu'elle ne peut être tenue d'une quelconque responsabilité pour ne pas avoir incité les vendeurs à en informer les acquéreurs ou encore pour ne pas avoir informé, elle même, les acquéreurs.

Enfin, elle conteste, à bon droit, les allégations de Monsieur et Madame [O] sur son implication dans des programmes immobiliers avenue Péladan, le seul fait qu'elle ait pu, à une date au demeurant ignorée, commercialiser un programme qui a, en outre, échoué et qui n'était pas strictement voisin, ni mitoyen du bien en cause étant inopérant et la circonstance alléguée de ce qu'elle avait pour habitude de commercialiser des programmes neufs sur le marché nîmois ne saurait, pour autant, faire peser sur elle une présomption de connaissance de tous les programmes neufs de la ville.

Il en résulte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir mis en garde ses mandants ni les acquéreurs sur leur propre défaut d'information de ce chef.

Les demandes formées à son encontre, sur le fondement contractuel ou délictuel, seront donc rejetées et le jugement infirmé.

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile et la succombance de Monsieur et Madame [O].

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'il sera dit au dispositif ci-dessous dans les seuls rapports de M et Mme [O] et de M et Mme [Y].

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamnés in solidum Monsieur et Madame [O] à payer à Monsieur et Madame [Y] la somme de 295'000 € à titre de dommages et intérêts, sauf à considérer, conformément aux moyens développés par Monsieur et Madame [Y], que le fondement de leur condamnation est la violation de leur obligation précontractuelle d'information et non la réticence dolosive,

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Rejette toute demande contre la société l'Agence du midi,

Condamne in solidum Monsieur et Madame [O] au paiement au titre de la procédure de première instance de la somme de 1300 € par application de l'article 700 du code de procédure civile à Monsieur et Madame [Y],

Rejette les demandes plus amples de ce chef,

Condamne in solidum Monsieur et Madame [O] aux dépens de première instance,

y ajoutant :

Condamne in solidum Monsieur et Madame [O] à verser à Monsieur et Madame [Y], par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1300 € au titre des frais exposés devant la cour,

Rejette les demandes plus amples,

Condamne in solidum Monsieur et Madame [O] à supporter les dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/01179
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;21.01179 ?
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