La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2023 | FRANCE | N°22/01767

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 23 janvier 2023, 22/01767


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/01767 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IOGE



CS



PRESIDENT DU TJ D'ALES

13 mai 2022

RG :22/00082



[C]



C/



[M]





Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 23 JANVIER 2023





Déc

ision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ d'ALES en date du 13 Mai 2022, N°22/00082



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01767 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IOGE

CS

PRESIDENT DU TJ D'ALES

13 mai 2022

RG :22/00082

[C]

C/

[M]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 23 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ d'ALES en date du 13 Mai 2022, N°22/00082

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente

M. André LIEGEON, Conseiller

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [L] [C]

né le 20 Décembre 1959 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Euria THOMASIAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ALES

INTIMÉ :

Monsieur [E] [O] [M]

né le 22 Décembre 1952 à [Localité 4]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Stéphane ALLARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ALES

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 28 novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Corinne STRUNK, Conseillère faisant fonction de Présidente, le 23 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

M. [E] [M], bailleur, est propriétaire d'un immeuble cadastré AB [Cadastre 7] à [Localité 4].

Suivant acte notarié du 1er juillet 1982, le rez-de-chaussée et le 1er étage ont fait l'objet d'un bail commercial avec Mme [G], régulièrement renouvelé.

Par acte du 9 juin 2020, Mme [G] a sollicité le renouvellement du bail et a cédé son fonds de commerce à M. [C], preneur, le 9 juillet 2020.

Par acte du 5 août 2020, M. [M] a accepté le renouvellement du bail moyennant une augmentation du loyer mensuel de 310 à 400 €.

Considérant que des loyers sont demeurés impayés, M. [M] a fait délivrer le 19 janvier 2022 à M. [C], un commandement visant la clause résolutoire lui enjoignant de payer la somme en principal de 4 304,35 € au titre des loyers et charges dus au 19 janvier 2022 et de communiquer son attestation d'assurance.

Par assignation en référé délivrée le 27 janvier 2022, M. [L] [C] a attrait par devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Alès, M. [E] [M] afin d'obtenir notamment la désignation d'un expert, chargé d'évaluer la dangerosité des locaux loués.

Par ordonnance de référé du 13 mai 2022, le juge des référés a :

constaté la résiliation du bail commercial liant M. [E] [M], bailleur, à M. [L] [C], locataire, sur un local situé à [Localité 4], [Adresse 3] et [Adresse 1], par acquisition de la clause résolutoire en date du 19 février 2022,

ordonné la libération des lieux dans les quinze jours de la signification de la décision et, à défaut, l'expulsion de M. [C] et de tous occupants de son chef,

condamné M. [C] à payer à M. [M] une indemnité mensuelle provisionnelle égale au montant du loyer et des charges dû,

débouté M. [C] de sa demande d'expertise,

condamné M. [C] à payer à M. [M] une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 20 mai 2022, M. [C] [L] a interjeté appel de cette ordonnance, en toutes ses dispositions.

Par exploit délivré le 21 juin 2022, M. [C] a fait assigner M. [M] en référé devant le premier président, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, aux fins de voir arrêter l'exécution provisoire de la décision dont appel.

Par ordonnance de référé du 18 août 2022, le premier président a débouté M. [C] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant l'ordonnance prononcée le 13 mai 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Alès.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 3 novembre 2022, M. [C] [L], appelant, demande à la cour, au visa des articles 145, 809 alinéa 2 du code de procédure civile, et des articles 1792 et suivant du code civil, de :

déclarer l'appel recevable et régulier tant sur la forme que sur le fond,

réformer la décision déférée en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

dire et juger qu'il n'y a plus lieu à expertise,

dire et juger que le bailleur a manqué à ses obligations,

rejeter la demande de la partie adverse au titre de l'indemnité d'occupation,

dire et juger que le locataire a respecté ses obligations,

condamner M. [M] à payer au requérant une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner M. [M] aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, M. [C] [L] fait valoir que l'expertise judiciaire n'a plus lieu d'être étant donné qu'il a quitté les lieux le 13 octobre 2022 mais il demande à la cour d'appel de relever les manquements du bailleur au regard de l'état d'insalubrité manifeste du local. Il se réfère sur ce point au procès-verbal de constat établi par huissier de justice ainsi qu'au rapport Socotec qui confirme la dangerosité de l'immeuble et enfin à l'arrêté de procédure de mise en sécurité-urgence en date du 24 juin 2022.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire, l'appelant soutient que le juge des référés, qui ne peut prendre que des mesures provisoires sans prendre parti sur le fond, ne peut pas prononcer la résolution judiciaire d'un bail et que si le bailleur considère qu'il y a eu des manquements graves, il devra saisir le juge du fond, seul compétent pour apprécier leur réalité.

Il ajoute que toute violation par un locataire d'une de ses obligations contractuelles peut justifier le prononcé de la résolution du contrat par le juge, laquelle est soumise au pouvoir d'appréciation du juge, qui n'est pas tenu de prononcer systématiquement la résiliation du bail.

En tout état de cause, il soutient justifier de l'entier paiement des loyers, avoir satisfait complètement à ses obligations et d'être en conséquence redevable d'aucun loyer.

Enfin, il entend préciser que la demande reconventionnelle de la partie adverse n'est pas une demande évidente et urgente que doit connaître le juge des référés, laquelle souffre dès lors d'une contestation sérieuse.

M. [M] [E], intimé, par conclusions notifiées le 18 novembre 2022, demande à la cour de :

rejeter l'appel et les demandes de M. [C],

confirmer l'ordonnance de référé du 13 mai 2022, en ce qu'elle a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail renouvelé le 1er août 2020 concernant le local à usage commercial sont réunies à la date du 19 février 2022, condamné M. [L] [C] à payer à M. [E] [O] [M] à titre provisionnel une indemnité mensuelle d'occupation à compter de la date de résiliation effective du contrat de bail, soit le 19 février 2022, et fixé cette indemnité mensuelle d'occupation au montant, calculée tel que si le contrat s'était poursuivi ;

dire sans objet les demandes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation pour l'avenir, M. [C] ayant quitté les lieux loués et remis les clefs le 13 octobre 2022 ;

dire sans objet la demande d'expertise ;

condamner M. [L] [C] à payer à M. [E] [M] la somme provisionnelle de 1 262,31 € au titre de l'indemnité d'occupation due jusqu'à son départ effectif le 13 octobre 2022 ;

condamner M. [L] [C] à verser à M. [E] [M] la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris le commandement de payer, le commandement d'avoir à quitter les lieux et le procès-verbal d'expulsion.

L'intimé expose, à titre liminaire, que M. [C] a visité les lieux avant d'acquérir le fonds de commerce en connaissance de cause et que lors de sa prise de possession, ce dernier ne l'a pas contacté pour faire un état des lieux contradictoire comme le prévoit l'article L.145-40 alinéa 1er du code de commerce.

Il expose que suite à une ordonnance rendue le 14 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif a désigné M. [P] en qualité d'expert qui a été moins alarmiste que le rapport Socotec. Il a entrepris des travaux de mise en sécurité sans que ne soient retenus d'ailleurs ni le péril ni la nécessité de fermer le bar. Il en déduit qu'aucun manquement ne peut lui être reproché.

Ensuite, il indique que l'appelant n'a réglé aucun loyer de juillet 2019 à novembre 2019, puis a procédé à un règlement partiel à hauteur de la moitié du loyer alors qu'il exploitait normalement le fonds de commerce. Il ajoute que l'intégralité de la dette n'a pas été soldée par le virement du 15 mars 2022 et qu'à ce jour, M. [C] reste débiteur de la somme de 511,27 €, ce dernier n'ayant toujours pas produit son attestation d'assurance. C'est à bon droit que le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire.

En tout état de cause, il sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée en précisant que les demandes d'expertise et d'expulsion sont devenues sans objet suite au départ de M. [C] des lieux loués.

La clôture de la procédure est intervenue le 10 octobre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 17 octobre 2022.

Par ordonnance du 17 octobre 2022, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture du 10 octobre 2022, fixé la clôture de la procédure au 28 novembre 2022 et renvoyé l'affaire à l'audience du 5 décembre 2022.

MOTIFS :

Les parties conviennent de ce que M. [C] a quitté le local commercial le 13 octobre 2022 et que la mesure d'expertise judiciaire n'est plus sollicitée du fait de ce départ. Il sera en conséquence constaté que la cour n'est plus saisie d'une demande aux fins d'expertise judiciaire.

Pour s'opposer à l'acquisition de la clause résolutoire et à la demande en paiement d'une indemnité d'occupation, M. [C] argue d'une exception d'inexécution du fait du non-respect par le bailleur de ses obligations contractuelles de délivrance d'un local décent et en bon état d'usage et de réparation.

M. [M] conteste pour sa part tout manquement et oppose à l'appelant le fait qu'il ait intégré les lieux sans émettre aucune réserve s'abstenant à cet égard de solliciter l'organisation d'un état des lieux, mais également en prétendant que le rapport d'expertise établi par M. [P] est moins alarmiste que le rapport Socotec, qui n'a retenu ni le péril ni la nécessité de fermer le bar. Il ajoute avoir entrepris en outre des travaux de mise en sécurité.

En l'état, l'exception d'inexécution ne peut être utilement mise en 'uvre par le preneur que dans l'hypothèse où la chose louée est rendue totalement inutilisable, du fait du bailleur, au regard de l'activité prévue au bail ou si la gravité des manquements du bailleur à ses obligations est de nature à justifier le non-paiement des loyers.

Si le preneur peut invoquer devant le juge des référés une exception d'inexécution, encore faut-il que la contestation qu'il oppose revête un caractère sérieux et repose sur des éléments suffisamment probants.

En l'espèce, à l'appui de ses prétentions, M. [C] produit un procès-verbal de constat établi le 15 juillet 2020 par huissier de justice ainsi qu'un rapport Socotec daté du 10 juin 2022 et enfin l'arrêté de procédure de mise en sécurité-urgence en date du 24 juin 2022.

Le procès-verbal de constat d'huissier met en évidence les désordres suivants :

* rez de chaussée :

sol en mauvais état ; les murs et les plafonds sont en mauvais état avec la peinture qui s'effrite ; présence de fissures, un trou avec deux câbles coupés est apparent ; le double porte en bois est en état d'usage s'agissant du dégagement et du sas entre le dégagement et la salle de bar ;

salle de bar : présence de carreaux au sol fendus ; la partie lambrissée en bois des murs est en bon état à l'exception de quelques lambris partiellement cassés ; le bar est en bon état ; le sol en bois est en état d'usage ; l'éclairage est en bon état et fonctionne'

local avec accès cave : les murs et plafonds sont en mauvais état, le restant étant qualifié en bon état ;

cave : le sol et les murs sont en mauvais état, à la différence du plafond qui est en bon état ;

toilettes : les murs sont en mauvais état, le restant étant qualifié en bon état ;

* 1er étage :

Dégagement et escalier : le plafond est en mauvais état avec la présence de traces d'infiltrations et de fissures, l'enduit se décrochant par endroits ; présence de nombreuses fissures sur les murs et les cloisons ; le local est décrit comme étant en très mauvais état ; les murs de l'escalier sont en mauvais état (fissures visibles, peinture s'effrite') ;

Première pièce au fond du dégagement : cloison présente d'importantes fissures qui laissent apparaitre le jour tout comme le plafond, l'installation électrique étant qualifiée de vétuste ;

Pièce en enfilade : de nombreuses fissures sont visibles au plafond et sur les murs, des traces d'infiltration sont visibles, l'installation électrique est vétuste ;

Pièce au départ du dégagement : les murs sont en mauvais état (fissures, trou dans la cloison, peinture dégradée) ; le plafond est en mauvais état (fissures, peinture écaillée, traces d'infiltrations) ;

*2nd étage :

Pièce au fond du dégagement : importantes traces d'infiltrations visibles au plafond et aux murs ; plafond en mauvais état (peinture s'effrite, trou, fissures') ; présence de fissures sur les murs ;

Pièce attenante : traces d'infiltrations apparentes aux murs, au plafond et au sol ; l'enduit du plafond et des murs se décroute et de nombreuses fissures sont visibles ;

Dégagement et escalier : de nombreux jours sont visibles sur la toiture qui n'est pas isolée ; présence d'auréoles sur la charpente en bois ;

* Extérieur :

Store installé en mauvais état ; traces d'infiltrations visibles sur la façade donnant sur la rue de l'esplanade au bas de la façade entre les deux portes, ainsi que sur la partie haute de la façade ; traces d'infiltration également visibles sur l'autre façade au premier étage et à proximité de l'immeuble voisin ; les encadrements et appui de fenêtres sont en mauvais état à l'exception de deux fenêtres du 2ème étage.

Ces désordres sont confirmés par l'agence Socotec, dans le rapport de « diagnostic solidité » du 10 juin 2022, sollicitée à la suite de la chute de gravats sur le trottoir au droit de l'immeuble litigieux.

Ce rapport met en effet en évidence l'existence d'un bâti très ancien avec un rez-de-chaussée exploité par le « Café-Bar », un 1er étage et 2nd niveau, exploités autrefois à titre de logements, inoccupés depuis longtemps et un 3ème étage également inexploité, le tout étant relié par un escalier intérieur commun avec porte extérieure côté rue, le commerce ayant ses propres accès en façades.

L'agence Socotec a ainsi fait les constatations suivantes :

« 

cloisonnement intérieur fissuré avec présence de nombreuses fissures horizontales, verticales et biaises de plusieurs ml en autre sur les cloisons briques du 1er étage ;

cloison intérieure « ruinée » (trou béant) sur 2m² environ entre logement et palier du 1er ;

fissures intérieures en sous-face de planchers, entre autres à la jonction de façades ;

défauts de planéité et d'horizontalité (flèches excessives) des planches d'étage ;

fissure intérieure (avec décalage de niveau) sur revêtement de sol du palier étage ;

fissure extérieure en façade sur 2 linteaux de fenêtres ;

décollement du corps d'enduit extérieur en façade sur Boulevard au droit d'un encadrement de fenêtre au 1er étage ;

traces intérieures d'infiltrations d'eaux sur plafonds 2ème étage et sous combles ;

couverture poreuse par tuiles cassées ou manquantes et solins déficients ;

étanchéité à l'eau et l'air déficiente par les menuiseries extérieures bois (bois sans entretien, vitrages manquants) ».

Sur la base de ce constat, Socotec met en évidence les désordres suivants :

« 

1/ fonction couvert (étanchéité à l'eau et à l'air) non assurée due aux infiltrations d'eaux provenant de la toiture (tuiles cassées ou manquantes, solins déficients, durée de vie dépassée du matériau des tuiles, défauts de planéité des versants de toiture) ;

2/ charpente bois de toiture : risque de pourriture grave des bois (en particulier dans les zones encastrées dans les maçonneries, non accessibles lors de la visite) pouvant occasionner une ruine immédiate partielle ou totale ;

3/ fonction clos (étanchéité à l'eau et à l'air) non assurée en façades due à la très forte vétusté des revêtements extérieurs de façades (aggravation probable de chute de corps d'enduit, ou de mortier de jointement des pierres, ou morceaux d'encadrements de baies) et des menuiseries (pourriture accélérée à craindre des bois déjà dégradés, vitrages manquants) : infiltrations possibles d'eaux/d'humidité à l'intérieur des locaux par les façades et menuiseries ;

4/ cloisonnement intérieur briques à l'origine « non porteur » (car monté après planchers) devenu « porteur » dans le temps (vu la flexibilité des planchers, les cloisons sont mises en compression) ; or ces cloisons ne pouvant pas supporter les effets de mise en compression, elles fléchissent (fissures, bombements visibles) jusqu'à la ruine (cas au 1er étage) ; le cloisonnement a un état de très forte vétusté et déjà ruiné parfois ; ce phénomène de ruine va s'accélérer ce qui va conduire à des risques plus graves sur les structures ;

5 / Planchers intérieurs : risque de ruine immédiate partielle (effondrements) des planchers :

vu les risques de pourriture des bois des poutres de planchers (entre autres au droit des encastrements dans les façades : zones inaccessibles au seul examen visuel),

vu les flèches excessives des planchers, certains voutains en sous-face ne présentant plus la forme de voûte ,

vu l'actuelle « descente de charges » dangereuse, adaptée à la possibilité de poutres déjà cassées, à la mise en compression des cloisons'. non dimensionnées à cet effet ;

vu l'aggravation quotidienne de la vétusté des structures, soumises directement aux intempéries ».

Ces désordres s'expliquent, pour l'essentiel, par l'absence d'entretien du clos et du couvert du bâtiment, et de l'âge de la construction. Au titre des propositions d'actions correctives et recommandations, l'agence Socotec émet l'avis technique suivant :

« 

1/ interdiction d'accès aux personnes (fermeture du bar, et maintien de l'inexploitation des étages), vu la possible ruine immédiate (effondrements possibles de planchers') ;

2/ réfection complète (suivant le principe de démolition préalable, ou le principe de renforcement) du clos et du couvert et des structures (planchers, façades) ;

préconisation de référé préventif : bien que ne relevant pas de notre mission, nous recommandons, en prévision d'un éventuel litige ultérieur, d'établir un constat de l'état apparent des existants et chez les avoisinants, par voie de référé préventif. Il est rappelé que les modifications dans les transferts de charges que vont entraîner les travaux envisagés conduiront inévitablement à des manifestations mineures : fissurations, déformations ou autres'

Par ailleurs, pour mémoire, bien que ne relevant pas de notre mission :

1 / notre analyse vous recommande d'interdire l'exploitation actuelle du bâti' ».

En conclusion, Socotec dit que « la durée de vie dépassée de certains matériaux, et l'état de très forte vétusté de certains structures (dont les « planchers intérieurs ») conduisent à des risques de ruine immédiate partielle ou totale du bâti. Il convient d'interdire l'accès aux personnes (fermeture du bar, et maintien de l'inexploitation des étages) vu la possible ruine immédiate (effondrements possibles de planchers) ».

Enfin, M. [C] produit l'arrêté de procédure de mise en sécurité-urgence en date du 24 juin 2022 pris par la mairie de [Localité 4] qui a mis en demeure M. [E] [M], bailleur, sur la base du rapport dressé par M. [K] [P], expert désigné par ordonnance du président du tribunal administratif de Nîmes en date du 14 juin 2022, d'effectuer sans délais sur le bâtiment litigieux des travaux de mise en sécurité (condamnation de l'accès du 2nd étage, neutralisation des alimentations électriques des deux compteurs EDF non utilisés sur le palier du 1er étage, mise en place d'un filet de protection pour retenir les gravats susceptibles de tomber sur la terrasse du bar' ) ; dans l'attente, la terrasse n'est plus accessible du fait de la mise en place d'un périmètre de sécurité.

Aux termes de cet arrêté, il est également demandé au propriétaire d'engager d'autres travaux de réfection sans délais prescrits (reconstruction de planchers avec réalisation d'une dalle en béton armée ferraillée avec renforts sur les poutres de bois', démolition des cloisons intérieures, réfection de la toiture').

Cet arrêté reprend in extenso les termes du rapport en date du 20 juin 2022 établi par M. [P], expert judiciaire, qui conclut à l'urgence de la situation et à l'existence d'un péril avéré pour le public et les usagers de la terrasse, outre à la nécessité de garantir la sécurité publique, justifiés par les éléments suivants : les planchers sont déstabilisés ; des morceaux de tuiles ou parfeuilles tombent sur le trottoir du boulevard et la terrasse du bar ; l'installation électrique est déficiente.

En appel, M. [C] produit le rapport d'expertise en date du 20 juin 2022 établi par M. [P] duquel il découle que :

« le 1er étage sert de réserve au bar et est actuellement inusité pour insalubrité et dégradations conséquentes ;'le 2nd étage avait vocation d'appartement locatif, il est inoccupé dans un état d'insalubrité avancé ;' l'immeuble est ouvert aux vents, intempéries et sert de « dortoir » à une colonie de pigeons ' ces emplâtres en mortier de ciment fortement dosés se décollent' des morceaux menacent de choir sur la rue' des lézardes verticales sont visibles sur les murs porteurs et en escalier sur les cloisons faites de briques plaines plâtrées ; les planchers de l'immeuble, constitués de outres bois et voutains en briques pleines ou parfeuilles, forment des ventres aux droits des voutains, ces affaissements sont importants ; les cloisons se sont désolidarisées de leur support et sont cisaillées en pied , elles sont de fait suspendues ;' des jours d'importance émaillent la couverture. Depuis la rue, les tuiles en rive basse sur la génoise sont particulièrement déstabilisées. Il a été relevé des chutes de gravas, morceaux de parfeuilles et/ou tuiles. Il est à noter que la terrasse du bar se trouve sur le trottoir du boulevard à l'aplomb de ces chutes' les disjoncteurs sont alimentés alors que l'installation électrique des étages est inexistante et /ou obsolète.

Il existe de fait un péril avéré pour le public et les usagers de la terrasse ' pour les raisons suivantes : les planchers sont déstabilisés ; des morceaux de tuiles ou parfeuilles tombent sur le trottoir du boulevard et la terrasse du bar ; l'installation électrique est déficiente' »

Au titre des mesures prescrites, l'expert judiciaire demande également au propriétaire de mettre en place un ligne d'étaiement des planchers en soutien éventuel en sus de mesures à mettre en 'uvre immédiatement (condamnation de l'accès du 2nd étage, neutralisation des alimentations électriques des deux compteurs EDF non utilisés sur le palier du 1er étage, mise en place d'un filet de protection pour retenir les gravats susceptibles de tomber sur la terrasse du bar' ) .

L'ensemble de ces pièces démontre l'état d'insalubrité des locaux litigieux en présence de problèmes d'humidité et d'infiltration, mais également leur dangerosité du fait de désordres affectant la structure du bâtiment de nature à empêcher l'exploitation du local commercial par le preneur en présence d'un risque d'effondrement.

Les constatations faites dans le cadre de l'expertise judiciaire ne sont pas contraires à celles retenues dans le rapport Socotec puisque M. [P] demande à ce que soit mis en place un étaiement des planchers et réclame au bailleur, sous couvert de l'avis d'un ingénieur structure, de reconstruire les planchers par la réalisation d'une dalle en béton armée ferraillée avec renforts sur les poutres de bois, de démolir les cloisons intérieures, et de procéder à la réfection de la toiture. A cet égard, les désordres affectant les planchers, les cloisons et la toiture ont été bien été constatés par M. [P], qui préconise leur démolition.

Si l'expert n'impose pas de délai dans la réalisation de ces travaux ni n'évoque expressément le risque d'effondrement, il n'affirme pas cependant que les lieux sont sans danger alors que diverses opérations de réfection sont proposées. Rien ne permet de dire que les conclusions de l'expertise sont moins alarmistes que les constatations faites par l'agence Socotec.

Aussi, l'expertise judiciaire ne permet pas d'exclure, comme le soutient l'intimé, la dangerosité des lieux telle que constatée dans le rapport Socotec dont les conclusions sont émises sans réserve en faveur d'une « interdiction d'accès aux personnes (fermeture du bar, et maintien de l'inexploitation des étages) au vu la possible ruine immédiate (effondrements possibles de planchers') et d'une réfection complète (suivant le principe de démolition préalable, ou le principe de renforcement) du clos et du couvert et des structures (planchers, façades) » ce qui est en adéquation avec les mesures préconisés dans le rapport d'expertise judiciaire.

L'insalubrité et la dangerosité des lieux entravant l'exploitation des locaux ne peuvent donc être valablement contestées par le preneur au vu des éléments techniques produits aux débats.

Elles illustrent un manquement du bailleur à son obligation de délivrance puisque le rapport Socotec explique l'origine des désordres par l'ancienneté du bâtiment et un défaut d'entretien, ce qui exclut une quelconque participation du preneur à la dégradation du bâtiment qui était déjà dans cet état lors de son entrée dans les lieux.

Or, il incombe au bailleur, au titre de ses obligations contractuelles, d'assurer au locataire la délivrance d'un local décent, en bon état d'usage et de réparation de nature à permettre l'exploitation de son activité commerciale. L'entrée dans les lieux sans réserve du preneur n'est pas de nature à exonérer le bailleur d'une telle obligation.

De surcroît, si le preneur a pris les locaux en l'état sans solliciter l'organisation d'un état des lieux, aucun élément ne pouvait l'alerter sur l'étendue et la gravité des désordres constatés s'agissant d'éléments affectant la structure de l'immeuble ce qui permet d'exclure toute acceptation de l'état du logement comme allégué par le bailleur.

En outre, il sera relevé que trois mois après son entrée dans les lieux, le preneur a formalisé son opposition quant à l'état des locaux et ce par l'intermédiaire de son conseil, en adressant au bailleur, par courrier daté du 23 octobre 2020 (AR signé le 30 octobre 2020), une mise en demeure aux termes de laquelle il réclame l'exécution de travaux de grosses réparations dans un délai de 15 jours en raison de l'état extrêmement dégradé et dangereux d'une partie des locaux (1er étage).

M. [M] n'a pas déféré à cette mise en demeure. Il produit un procès-verbal de constat du 15 juin 2022 établissant qu'il n'avait pas accès au bâtiment. Cette situation est indifférente puisqu'il lui appartenait en qualité de bailleur de solliciter du locataire l'autorisation de pénétrer dans les lieux pour procéder à la réfection du bâtiment.

Il produit enfin un rapport de consultation daté du 15 septembre 2022 pour justifier de la réalisation des travaux préconisés par la mairie et ainsi fonder la demande présentée au titre de l'indemnité d'occupation.

Si la réalisation des travaux à exécuter sans délai sont justifiés, la lecture de ce rapport met cependant en évidence le fait que « dans la perspective d'une exploitation locative de l'immeuble, les travaux préconisés par l'expert judiciaire sont nécessaires ».

Il s'ensuit que l'exploitation des locaux suppose la réalisation de travaux de réfection concernant les planchers, les cloisons intérieures et la toiture ce dont M. [M] ne justifie pas et ce qui légitime par ailleurs l'argumentation de l'appelant relative au caractère inexploitable des lieux.

En conséquence, au vu des éléments susvisés, M. [C] caractérise, avec l'évidence requise en référé, une impossibilité totale d'occuper les lieux loués, ainsi que des manquements manifestes du bailleur à ses obligations, qui constituent des contestations sérieuses au jeu de la clause résolutoire qu'il a entendu mettre en oeuvre.

Dès lors, les demandes présentées par M. [M] au juge des référés ne pouvaient être retenues.

Il en résulte donc que c'est à tort que le premier juge a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et a condamné, à titre provisionnel, M. [C] au paiement d'une indemnité mensuelle provisionnelle égale au montant du loyer et des charges dû.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée sur ces points et il sera dit n'y avoir lieu à référé, en considération de la contestation sérieuse soulevée par M. [C].

M. [M] succombant, il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné M. [C] aux dépens et à l'indemnité de procédure.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [M] au paiement d'une somme de 2 500 euros.

M. [M], qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance du 13 mai 2022 rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Alès en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Constate que la cour d'appel n'est pas saisie de la demande aux fins d'expertise judiciaire,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par M. [M],

Enjoint les parties à mieux se pourvoir,

Condamne M. [E] [M] à payer à M. [L] [C] une somme de 2 500 euros en l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [E] [M] aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par la conseillère faisant fonction de présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/01767
Date de la décision : 23/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-23;22.01767 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award