RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03666 -
N° Portalis DBVH-V-B7F-IGR2
ET -AB
TRIBUNAL DE PROXIMITE DE PERTUIS
09 septembre 2021
RG :112100022
[H]
C/
[I]
S.A.R.L. CONTRÔLE TECHNIQUE AUTOMOBILE ARNIAUD
Grosse délivrée
le 19/01/2023
à Me Elisabeth HANOCQ
à Me Philippe RECHE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité de PERTUIS en date du 09 Septembre 2021, N°112100022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [J] [H]
née le 24 Juin 1976 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Elisabeth HANOCQ de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS ELISABETH HANOCQ, Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Paul SORIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
Madame [V] [I] divorcée [T],
née le 08 Avril 1971 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe RECHE de la SELARL GUALBERT RECHE BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
S.A.R.L. CONTRÔLE TECHNIQUE AUTOMOBILE ARNIAUD,
[Adresse 3]
[Localité 6]
Assignée le 14 décembre 2021 à personne morale,
Sans avocat constitué
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, en l'absence du Président légitimement empêché, le 19 Janvier 2023 conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [V] [I] a fait l'acquisition, le 23 septembre 2019, d'un véhicule d'occasion (C 25 ) de marque Citroën immatriculée [Immatriculation 8] vendu par Mme [J] [H] au prix de 5 600 euros.
Un procès-verbal de contrôle technique daté du 19 avril 2019 ne mentionnant que des défaillances mineures lui a été remis à cette occasion.
Le garagiste auquel elle a confié le véhicule pour procéder aux réparations mineures mentionnées par le contrôle technique, attirant son attention sur le caractère dangereux du véhicule, elle a fait procéder à un nouveau contrôle technique le 28 octobre 2019 par la société Autosur.
Sur la base des défauts relevés par ce nouveau contrôle technique, elle a par lettre du même jour, demandé à Mme [H] l'annulation de la vente en raison des vices dont il était affecté, demande à laquelle cette dernière s'est opposée.
Une expertise extrajudiciaire a été organisée afin de déterminer l'origine et les causes des désordres affectant le véhicule.
Le rapport de l'expert du cabinet BME expertises du 7 janvier 2020 a conclu à :
-un niveau de corrosion perforante affectant la coque et le plancher du véhicule qui rendent nécessaires de reconstruire le véhicule pour un coût supérieur à sa valeur à neuf ;
-l'existence d'un vice caché dès lors que le niveau de corrosion relevé n'a pu se révéler durant les 6 mois qui se sont écoulés entre les 2 contrôles techniques ;
-la responsabilité de la venderesse et du contrôleur technique initial.
Par acte du 7 janvier 2021, Mme [V] [I] a assigné Mme [J] [H] devant le tribunal de proximité de Pertuis aux fins de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et de condamnation de la SARL Contrôle technique automobile Arniaud à lui payer des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle du contrôleur technique.
Par jugement réputé contradictoire du 9 septembre 2021 a :
-ordonné la résolution de la vente du véhicule de marque Citroën immatriculé [Immatriculation 8], intervenue le 23 septembre 2019 entre Mme [J] [H] et Mme [V] [I], au prix de 5 600 euros en l'état de vices cachés,
- condamné in solidum Mme [J] [H] et la société Contrôle technique automobile Arniaud à payer à Mme [I] la somme de : 6 968,75 euros au titre de la restitution du prix de vente et des frais de réparations effectuées sur le véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2021, date de l'assignation,
- condamné Mme [I] à restituer le véhicule de marque Citroën immatriculé [Immatriculation 8] à Mme [J] [H] dès restitution du prix de vente,
- débouté Mme [V] [I] du surplus de ces demandes,
-condamné in solidum Mme [J] [H] et la société contrôle technique Arniaud à payer à Mme [I] la somme de : 700 euros sur le fondement des dispositions prévues à l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [J] [H] et la société contrôle technique Arniaud aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 7 octobre 2021 Mme [J] [H] a interjeté appel de la décision.
La clôture de l'instruction est en date du 7 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 novembre 2022.
EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 octobre 2022 Mme [H] demande à la cour de :
-constater que l'expertise réalisée le 7 janvier 2020 à l'initiative exclusive de Mme [I] n'a pas été contradictoire ;
-constater qu'elle n'a pas été informée des conclusions de l'expertise réalisée le 7 janvier 2020, préalablement à la saisine par Mme [I] du tribunal de proximité de Pertuis ;
-constater que Mme [V] [I] a réalisé approximativement 6 000 kilomètres au cours de la période du 23 septembre 2019 au 28 octobre 2019 pouvant ainsi utiliser le véhicule vendu le 23 septembre 2019 ;
-constater que Mme [V] [I] connaissait parfaitement l'état d'ancienneté du véhicule vendu, ce dernier étant mis en circulation le 24 décembre 1991 ;
-constater la régularité de la cession intervenue le 23 septembre 2019 entre elle et Mme [V] [I] du véhicule Citroën C25 immatriculé [Immatriculation 5] ;
-constater, en toute hypothèse, que conformément au rapport d'expertise du Cabinet BME Expertises établi en date du 14 février 2020, que l'acheteur comme le vendeur ont été induites en erreur par la société contrôle technique automobile Arniaud ;
En conséquence,
-constater que la solidarité de Mme [H] ne saurait être mise en jeu, s'agissant des différents remboursements à effectuer auprès de Mme [V] [I], s'agissant tant du prix de vente du véhicule que des frais de remise en état.
En conséquence,
-réformer le jugement rendu par Tribunal de proximité de Pertuis en date du 9 septembre 2021 (RG n°112100022),
-condamner Mme [V] [I] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner Mme [V] [I] à tous les dépens.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 28 mars 2022, Mme [I] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant, ordonner à Mme [H] de récupérer le véhicule litigieux dans le délai d'un mois au plus tard suivant le paiement de l'intégralité des condamnations mises à sa charge, juger qu'à défaut de récupération dudit véhicule à l'expiration du délai susvisé, elle sera autorisée à procéder à la destruction du véhicule dont le coût final sera supporté par Mme [H] ; la condamner aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et enfin la débouter de l'ensemble de ses demandes.
La société Contrôle technique automobile Arniaud n'a pas constitué avocat.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
1-Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Pour faire droits aux demandes de Mme [I] le tribunal a retenu que cette dernière rapportait suffisamment la preuve en l'état des conclusions du rapport d'expertise protection juridique contradictoire du 7 janvier 2020, que le véhicule litigieux était affecté de vices cachés existant au jour de la transaction et rendant le véhicule impropre à son usage.
Au soutien de son appel, Mme [H] fait valoir en premier lieu que les conditions de la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies, les vices constatés relevant selon elle de l'usure normale du véhicule en circulation depuis 27 ans ce que ne pouvait ignorer Mme [I], et que d'autre part, l'expertise extrajudiciaire produite s'est déroulée sans sa présence ni celle de son conseil, qu'elle n'a pas été informée des conclusions et n'a pu en contester les termes et enfin, qu'en toute hypothèse l'expert a conclu à l'existence de défauts liés exclusivement au caractère très ancien du véhicule.
Elle ajoute que Mme [I] a pu parcourir environ 6 000 km et ne démontre pas qu'elle était dans l'impossibilité d'utiliser le véhicule.
Elle prétend enfin que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le rapport d'expertise extrajudiciaire du cabinet BME expertises, ne permet pas d'établir de défaillance du véhicule qui a pu rouler et qu'en toute hypothèse, si la défaillance devait être retenue, cette expertise conclut également qu'elle ne pouvait s'en prémunir compte tenu de l'erreur d'appréciation du contrôleur technique.
Le rapport d'expertise extrajudiciaire produits aux débats, qu'il ait été réalisé contradictoirement ou pas, n'est pas dépourvu de toute force probante mais il est cependant, de jurisprudence constante, que la seule expertise extrajudiciaire produite par Mme [I] ne saurait suffire à prouver le bien fondé de ses prétentions. Cet avis doit donc être corroboré par d'autres éléments de preuve.
L'avis du cabinet BME expertises précise ainsi que " le niveau de corrosion perforante est conséquente et affecte la rigidité de l'assemblage ". Il indique également que " compte tenu du niveau d'évolution des zones affectées, le désordre apparaît latent au jour de la transaction ".
Mme [H] considère que cet état de fait est lié à l'usure naturelle de ce véhicule d'occasion qui n'a pas empêché Mme [I] de rouler, tout en indiquant de manière quelque peu contradictoire qu'elle a pu être trompée par l'avis du contrôle technique du 18 avril 2019 qui devait couvrir la période 2019 -2021.
Les constatations du cabinet BME expertises sont corroborées par l'avis technique du 28 octobre 2019 qui a relevé des anomalies graves et notamment : 'un état général du châssis avec une corrosion excessive affectant la rigidité de l'assemblage', 'un support de moteur avec anomalie de fixation', 'un plancher mal fixé ou gravement détérioré'.
Les observations de l'expert extrajudiciaire sont donc techniquement étayées et sont corroborées par le second diagnostic réalisé moins d'un mois après la vente.
Il est ainsi établi que les défauts affectant le véhicule étaient présents lors de la vente n'ayant pu se produire dans le délai séparant le premier contrôle technique du second séparés d'une période de 6 mois seulement, qu'ils affectent la solidité du véhicule et donc son usage normal.
Ils constituent ainsi des vices ignorés de Mme [I] qui s'en est remis au contrôle technique produit lors de la vente, et non de l'usure normale du véhicule ou d'un mauvais entretien, dès lors qu'il n'est nullement établi que Mme [I] ait eu un comportement qui ait pu précipiter la dégradation du véhicule au point de le rendre impropre à son utilisation en si peu de temps.
Enfin, ces vices de par leur gravité ont rendu le véhicule impropre à sa destination et doivent être qualifiés de rédhibitoires au regard du coût de la réparation qui selon l'expert serait largement supérieur au prix de vente du véhicule (plusieurs fois ce prix de 5 600 euros).
C'est donc à juste titre que le premier juge a prononcé la résolution de la vente et ordonné en conséquence les restitutions réciproques du véhicule et de la somme de 5 600 euros ainsi que la condamnation de la venderesse aux frais engagés consistant dans le coût d'un nouveau contrôle technique et les frais de réparations réalisés pour un montant de 1 368,75 euros en application des articles 1641 et 1644 du code civil.
Mme [H] ne saurait par ailleurs s'opposer à la condamnation solidaire avec la société de contrôle technique dès lors que la responsabilité de cette dernière qui n'entre pas dans le champ de l'appel et a été définitivement jugée, ne l'exonère pas de la garantie légale du vendeur sur le fondement des vices cachés et qu'elle n'a formé aucun appel en garantie contre cette société de contrôle technique.
La décision de première instance mérite confirmation en ses dispositions.
2-La demande additionnelle de Mme [I] concernant la possibilité de faire détruire le véhicule à ses frais en l'absence de récupération par Mme [H] sera accueillie et la cour précisera dans son dispositif qu'à défaut de récupération du véhicule par Mme [H] dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, Mme [I] sera autorisée à faire détruire le véhicule litigieux aux frais de la venderesse.
3-Partie perdante, Mme [J] [H] supportera la charge des dépens d'appel et sera nécessairement déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de Mme [V] [I] l'intégralité des frais exposés à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour sauf à mentionner qu'à défaut de récupération du véhicule par Mme [J] [H] dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, Mme [I] sera autorisée à faire détruire le véhicule litigieux aux frais de la venderesse ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [J] [H] à supporter la charge des dépens d'appel ;
La condamne à payer à Mme [V] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Arrêt signé par Mme TOULOUSE, Conseillère, par suite d'un empêchement du Président et par Mme RODRIGUES, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,