RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00953 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7CY
BM
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'ALES
19 février 2021 RG :19/00768
[T]
C/
S.A. GAN ASSURANCES IARD
Grosse délivrée
le
à SCP Delran-Bargeton ...
Selarl Lexavoue
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALES en date du 19 Février 2021, N°19/00768
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Bruno MARCELIN, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre
Madame Laure MALLET, Conseillère
M. Bruno MARCELIN, Magistrat honoraire juridictionnel
GREFFIER :
Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [B] [T]
né le 24 Août 1982 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A. GAN ASSURANCES IARD Société anonyme soumis au Code des assurances au capital de 109.817.739 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542 063 797, poursuites et diligences de ses représentant légaux en exercice domiciliés en cette qualité en son siège social
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Guillaume ANQUETIL de l'AARPI ANQUETIL ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 19 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS DE LA PROCEDURE ET DES MOYENS DES PARTIES
Le 06 février 2016, Monsieur [B] [T] a acquis un véhicule de marque AUDI type Q3 immatriculé [Immatriculation 4] qu'il a assuré auprès de la compagnie GAN ASSURANCES.
Le 16 décembre 2017, Monsieur [B] [T] déclarait un sinistre à son assureur qui, après avoir mandaté un expert, déniait sa garantie.
Après courrier adressé vainement le 21 décembre 2018 à la compagnie d'assurances, par acte en date du 1er juillet 2019, Monsieur [B] [T] a fait assigner la compagnie d'assurances GAN ASSURANCES devant le tribunal judiciaire de Alès, qui, par jugement rendu le 18 février 2021, a :
- débouté Monsieur [B] [T] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Monsieur [B] [T] aux dépens distraits au bénéfice de Maître Marion BAILLET GARBOUGE avocate au barreau d'Alès,
- condamné Monsieur [B] [T] à payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la compagnie GAN ASSURANCE.
Par déclaration électronique du 09 mars 2021, Monsieur [B] [T] a interjeté de cette décision, critiquant l'ensemble des chefs du jugement dans des conditions de forme et de délai non contestées.
Dans ses conclusions récapitulatives du 05 octobre 2022, Monsieur [B] [T] demande à la cour de :
- RECEVOIR l'appel de Monsieur [T],
Le disant bien fondé,
- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal d'ALES en date du 19.02.2021 ;
- CONDAMNER la Compagnie GAN à exécuter ses obligations contractuelles ;
- CONDAMNER la Compagnie GAN à payer à Monsieur [T] la somme de 36.800 euros au titre du remboursement de son véhicule conformément aux dispositions contractuelles.
- ASSORTIR la condamnation à intervenir des intérêts majorés à compter du 18.05.2018, date de la première mise en demeure,
- CONDAMNER la Compagnie GAN à payer à M. [T] la somme de 10.000 € au titre de son préjudice moral,
- CONDAMNER la Compagnie GAN au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions déposées par voie électronique le 12 octobre 2022, la compagnie d'assurances GAN ASSURANCES demande à la cour de :
- Dire Monsieur [T] recevable mais mal fondé en son appel.
En conséquence,
- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment ce qu'il a débouté Monsieur [B] [T] de l'ensemble de ses demandes eu égard à ses fausses déclarations sur les causes et circonstances de la survenance de l'incendie de son automobile.
Et statuant à nouveau,
- Relever que les déclarations de l'appelant sur les circonstances du sinistre sont mensongères et frauduleuses,
En conséquence,
- Débouter Monsieur [B] [T] de toutes ses demandes fins et conclusions plus amples ou contraires.
A titre subsidiaire :
- Déclarer que Monsieur [T] ne rapporte pas la preuve de la réalité du prix d'acquisition du véhicule,
En conséquence,
- Débouter Monsieur [B] [T] de sa demande de condamnation de la Compagnie GAN ASSURANCES à lui payer la somme de 36.800 €.
En tout état de cause :
- Débouter Monsieur [B] [T] de sa demande de condamnation de la Cie GAN ASSURANCES à lui payer la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral.
- Condamner Monsieur [B] [T] au versement d'une somme de 3.000 euros au profit de la compagnie GAN ASSURANCES et ce, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner Monsieur [B] [T] en tous les frais et dépens.
La clôture de la présente instance a été prononcée le 1er août 2022 avec effet différé au 06 octobre 2022.
Par ordonnance rendue le 12 octobre 2022, la clôture a été reportée au 20 octobre 2022.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' ou de 'dire' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur la demande principale
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.
Il appartient à l'assuré de rapporter d'une part, la preuve du sinistre qu'il invoque, d'autre part, d'établir que les garanties du contrat souscrit par lui doivent être mobilisées, alors que c'est à l'assureur qui dénie sa garantie de prouver que le contrat ne peut recevoir application faute pour l'assuré de remplir les conditions contractuelles.
En l'espèce, il est établi que le 16 décembre 2017 le véhicule de marque AUDI type Q3 immatriculé [Immatriculation 4] appartenant à Monsieur [B] [T] a pris feu en bordure de la route départementale 6110 entre [Localité 8] et [Localité 3]. Il a été retrouvé sur le plancher du coffre de l'essence ainsi qu'un bloc de béton ayant causé le bris de la lunette arrière. Le foyer principal de départ de l'incendie a été localisé dans le coffre, un second foyer a été identifié à l'avant droit de l'habitacle. Les prélèvements effectués ont révélé la présence d'essence pour auto et l'expert a conclu qu'aucune cause accidentelle n'a permis d'expliquer la survenance de cet incendie dont l'origine est humaine et volontaire.
Monsieur [B] [T] a indiqué qu'ayant constaté que le pneu arrière droit était crevé, il s'était arrêté et avait tenté de le regonfler. Il appelait alors son épouse à 01 heure 15 qui arrivait sur les lieux à 01 heure 30, le domicile du couple étant situé à [Localité 6] éloigné d'une vingtaine de kilomètres. L'incendie du véhicule a été signalé à 01 heure 50 aux pompiers qui sont intervenus 5 à 10 minutes plus tard alors que le véhicule n'était pas entièrement détruit.
Considérant que les déclarations de Monsieur [B] [T] étaient fausses, la compagnie d'assurances GAN, après avoir mandaté le cabinet d'expertise ACIF, refusait sa garantie.
Monsieur [B] [T] a indiqué avoir tenté de gonfler le pneu défaillant au moyen du compresseur, lequel possède une fiche d'alimentation électrique qui se branche sur l'une des prises de courant du véhicule. Il a déclaré à l'expert de la compagnie d'assurances, qu'après avoir constaté que le véhicule était dépourvu de roue de secours, il avait 'sorti le compresseur qui était rangé dans son logement sous le plancher du coffre, (...) déployé le fil d'alimentation de l'appareil afin de le brancher, (...) voulu brancher la prise de l'allume cigare, mais s'est rendu compte que cette prise était hors d'usage et qu'il était dans l'impossibilité d'utiliser le compresseur, (...) tout replacé en vrac dans le coffre'.
Dans ses conclusions de première instance, Monsieur [B] [T] a précisé que 'il a tenté de regonfler le pneu mais que le compresseur ne fonctionnait pas en étant branché sur la prise du coffre', son conseil de l'époque précisant que le fil a bien été déroulé puis réenroulé. Il a par la suite indiqué que ce n'était pas la prise de l'allume cigare qui était hors d'usage, mais l'embout du compresseur.
Par ailleurs, les photographies figurant dans le rapport d'expertise démontrent que 'le fil d'alimentation est maintenue par une attache amovible'. L'expert en a conclu que le fil d'alimentation n'avait pas été déployé et que le compresseur n'a pas servi avant l'incendie.
Monsieur [B] [T] soutient qu'il a enroulé le câble d'alimentation avant de replacer le compresseur dans le coffre ce qui ne correspond pas à sa première déclaration à l'assureur 'j'ai replacé 'en vrac' dans le coffre'.
Dans ces conditions les déclarations de l'appelant sont manifestement contraires aux éléments objectifs de l'espèce, Monsieur [T] n'ayant jamais, tel qu'il le prétend, utilisé (ou tenté de le faire) le compresseur électrique de son automobile.
L'appelant indique encore qu'il a appelé son épouse à 01 heure 15, et que celle-ci est arrivée à 01 heure 30. Madame [V] [F] épouse [T] a attesté avoir 'mis environ 20 minutes pour (se) rendre sur les lieux'. Le trajet tel qu'indiqué dans les écritures en s'appuyant sur google.maps, requiert 17 minutes, sans qu'il soit communiqué le temps que Madame [T] a pris pour fermer la porte du logement, aller à sa voiture et la démarrer. En évaluant ce temps à 5 minutes au minimum, Madame [T] est arrivée entre 01 heure 40 et 01 heure 45, et en supposant que Monsieur [B] [T] attendait devant son véhicule dont il avait fermé les portières et est entré immédiatement dans celui de son épouse, ils ont quitté les lieux entre 01 heure 42 et 01 heure 47, soit entre 03 et 8 minutes avant le signalement de l'incendie par un témoin, ce qui laisse supposer que soit l'incendiaire attendait à proximité du véhicule avec un bidon d'essence, soit il s'agit de Monsieur [B] [T].
L'expert mandaté par la compagnie d'assurances et la compagnie elle-même ont demandé à Monsieur [B] [T] à plusieurs reprises et au plus tard le 15 septembre 2018 la communication des données téléphoniques qui ne sont conservées par les opérateurs qu'une année. Monsieur [B] [T], qui soutient avoir transmis ses relevés téléphoniques mais n'en' a effectivement pas la preuve', n'a effectué cette demande auprès de son opérateur qu'au mois de juin 2021.
La compagnie d'assurances a encore relevé que le bloc de béton retrouvé dans le coffre aurait du être retenu par la plage arrière. Monsieur [B] [T] indique pour sa part que 'la plage arrière étant souple, soit elle était «enroulée», soit elle a cédé sous le poids du bloc et a fondu avec l'incendie'. Or, aucun reste de la plage arrière, ni l'enrouleur ne figurent sur les photographies annexées au rapport d'expertise et la face sur laquelle le bloc reposait sur le plancher ne comporte aucun morceau de cette plage arrière, entier ou fondu, ce qui laisse supposer que cette plage a été retirée au préalable.
L'agent d'assurances a indiqué à l'expert qu'il 'a été surpris d'apprendre que le sociétaire avait fait appel à l'assistance en pleine nuit pour ne pas faire déplacer le dépanneur, mais en précisant qu'il rappellerait le lendemain'.
Monsieur [B] [T] a précisé que son sac d'affaires de rugby et le siège auto n'ont pas été retrouvés et ont donc été volés, ce qui suffit à justifier un vol suivi d'un incendie. De son côté, la compagnie d'assurances relève que le véhicule, mis en circulation pour la 1ère fois le 29 janvier 2015, aurait atteint le 3ème anniversaire de sa mise en circulation le 29 janvier 2018, soit un mois avant la survenance de l'incendie et quelques jours avant le contrôle technique obligatoire de l'automobile. Elle ajoute que 'il s'agissait dans ces conditions manifestement pour l'assuré d'obtenir une indemnité correspondant à la valeur d'acquisition de son véhicule bien supérieure à la valeur à laquelle il aurait pu revendre son automobile sur le marché de l'occasion, la valeur de l'automobile ayant été estimée au jour du sinistre à la somme de 23.040,00 euros'.
L'expert a indiqué que 'concernant la prise du compresseur, il est troublant de constater qu'elle était défectueuse dans la mesure où elle n'avait jamais été utilisée auparavant. Enfin, si on considère que le véhicule en cause a fait l'objet d'une intervention auprès de la concession Audi de Nîmes et que le système électronique a bien été réinitialisé, il est troublant de constater que le voyant d'alerte 'pneu dégonflé' n'ait pas fonctionné comme l'affirme l'assuré'.
Compte tenu des variations des déclarations de l'assuré sur l'utilisation du compresseur, des incohérences et contradictions sur le timing, de l'absence de plage arrière et des constatations de l'expert, Monsieur [B] [T] a sciemment effectué une fausse déclaration.
L'article 61 des conditions générales du contrat souscrit par Monsieur [B] [T] dispose que 'en cas de fausses déclarations faites sciemment sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences d'un sinistre, l'assuré perd pour ce sinistre le bénéfice des garanties du contrat'.
Ces seuls motifs suffisent à justifier la décision des juges du fond qui, sans inverser la charge de la preuve, ont estimé que l'assuré, qui avait varié dans ses déclarations relatives au sinistre, perdait le bénéfice des garanties du contrat.
Sur les demandes accessoires
Il n'est pas inéquitable de condamner Monsieur [B] [T] à verser à la compagnie d'assurances GAN la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [B] [T] sera condamné aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 18 févrirt 2021 par le tribunal judiciaire de Alès,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Y ajoutant :
Condamne Monsieur [B] [T] à verser à la compagnie d'assurances GAN ASSURANCES la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [B] [T] aux entiers dépens.
Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.
La greffière, La présidente,