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12/01/2023 | FRANCE | N°21/03577

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 12 janvier 2023, 21/03577


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

























ARRÊT N°



N° RG 21/03577 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-IGJD



ET -AB



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

30 août 2021

RG:19/03449



S.C.I. RGT



C/



[H]





























Grosse délivrée

le 12/01/2023
>à Me Guilhem NOGAREDE

à Me Charles FONTAINE





COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre





ARRÊT DU 12 JANVIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 30 Août 2021, N°19/03449



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Marie-Pier...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/03577 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-IGJD

ET -AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

30 août 2021

RG:19/03449

S.C.I. RGT

C/

[H]

Grosse délivrée

le 12/01/2023

à Me Guilhem NOGAREDE

à Me Charles FONTAINE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 30 Août 2021, N°19/03449

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Novembre 2022 et prorogé au 12 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.C.I. RGT

Immatriculée au RCS NIMES sous le numéro 831 342 407, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Guilhem NOGAREDE de la SELARL GN AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [X] [H]

né le 20 Septembre 1939 à [Localité 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Charles FONTAINE de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 12 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [X] [H] était propriétaire d'un terrain sis [Adresse 5], cadastré BW numéro [Cadastre 4] d'une contenance de 40 a 05 ca, soit 4 005 m'. Il avait acquis cette propriété le 31 octobre 1991.

M. [H] et la Sci RGT signaient le 29 mars 2017 une promesse de vente.

Ce terrain était vendu à la SCI RGT le 27 juillet 2017 au prix de 44 000 euros par l'intermédiaire de la Scp Flaissier, notaires associes à Nîmes.

Le 21 février 2018, la Sci RGT déposait une demande de permis de construire qu'eIle obtenait le 20 juillet 2018.

M. [H] qui a vendu son terrain comme terrain de loisir et non comme terrain constructible, s'est estimé lésé de plus des 7/12ème et a par acte du 22 juillet 2019, assigné la SCI RGT devant le tribunal de grande instance de Nîmes sur le fondement des articles 1674 du code civil et suivants.

Il a ainsi demandé au tribunal de déclarer recevable son action en rescision pour lésion et de condamner la SCI RGT à lui payer le complément du prix dû à dire du collège d'experts qui sera désigné par le juge de la mise en état, selon le mode de calcul défini par l'article 1681 du code civil.

Par ordonnance en date du 6 octobre 2020, le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la SCI RGT au profit du juge du fond.

Par jugement contradictoire du 30 août 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

- débouté la SCI RGT de sa demande tendant à voir déclarer l'action de M. [X] [H] irrecevable puisque prescrite ;

- déclaré recevable l'action en rescision pour lésion de M. [X] [H] concernant la vente consentie à la SCI RGT par acte du 27 juillet 2017, portant sur la parcelle sise [Adresse 5], cadastrée BW numéro [Cadastre 4] d'une contenance de 40a 05 ca, pour un prix de 44 000 euros ;

- ordonné une mesure d'expertise conformément aux dispositions de l'article 1678 du code civil et désigné pour y procéder : M. [T] [M], Mme [R] [I] et M. [J] [U],

- sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

- dit que le dossier de la procédure sera retiré du répertoire des affaires civiles en cours pendant la durée du sursis à statuer sans que ne court le délai de péremption prévu à l'article 386 du code de procédure civile,

- dit que l'affaire sera réinscrite au dit répertoire à I'initiative de la partie la plus diligente, une fois levée la cause du sursis a statuer ;

- réservé les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en toutes ses dispositions.

Le tribunal a notamment estimé que l'action de M. [H] n'était pas prescrite puisque seul l'acte authentique de vente du 27 juillet 2017 permettait d'attester de la manifestation de l'accord des volontés entre les parties et pouvait constituer le point de départ du délai prévu à l'article 1676 du code civil.

Les premiers juges ont par ailleurs considéré que l'articulation des faits et notamment, les éléments apportés par le demandeur, apparaissaient assez vraisemblables et assez graves pour faire présumer la lésion et ont ajouté que les arguments adverses, quel que soit leur pertinence, étaient sans effet sur la décision de désigner un collège de trois experts.

Par déclaration du 28 septembre 2021, la Sci RGT a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 17 juin 2022, la procédure a été clôturée le 27 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 octobre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, la société RGT, appelante, demande à la cour d'infirmer la décision déférée et statuant à nouveau, de :

*à titre principal,

déclarer l'action de M. [H] irrecevable puisque prescrite;

*à titre subsidiaire,

débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

condamner M. [H] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions l'appelante fait valoir en résumé que la prescription de l'article 1676 du code civil commence à courir, en cas de vente sous conditions suspensives, à compter du jour de leur réalisation ou de la renonciation au bénéfice de ces conditions soit à compter des 17 et 18 juillet 2017 de sorte que l'action en rescision introduite par acte du 22 juillet 2019 est prescrite.

Subsidiairement, elle soutient que la lésion ne saurait être retenue puisqu'il n'y a nullement de lésion en l'état de la dévalorisation que fait subir à l'immeuble le risque né de l'incertitude sur les possibilités d'obtenir les autorisations administratives nécessaires pour construire, risque couru par le seul acquéreur et elle précise que pour apprécier la lésion, il demeure indifférent qu'un terrain soit constructible après la vente.

Dès lors, au jour de la vente qui doit être fixé le 18 juillet 2017 ou à tout le moins au 27 juillet 2017, le prix de vente du terrain qui n'était alors pas constructible, était tout à fait correct et nécessairement non lésionnaire.

Elle s'oppose enfin au raisonnement de M. [H] puisque la date de demande du permis de construire sur laquelle il se base, résulte d'une faute de frappe de la part de l'architecte reconnue par un procès verbal d'huissier établit le 23 février 2022. Ainsi, la demande du permis de construire n'a pas été effectuée le 7 février 2017 mais bien le 7 février 2018 de sorte qu'au jour de la vente il ignorait que le terrain était constructible.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2002, M. [H], demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf à modifier le contenu de la mission confiée au collège d'experts ;

In limine litis,

débouter la Sci RGT de ses demandes tendant à déclarer son action prescrite,

Sur le fond,

ordonner la désignation de trois experts afin de déterminer la valeur réelle du terrain qu'il a cédé à la Sci RGT au jour de la vente le 27 juillet 2017, tant en considération de ses qualités intrinsèques que de ses qualités urbanistiques,

accueillir la demande de modification de la mission d'expertise ordonnée par les premiers juges,

accorder un élargissement des recherches expertales dans une zone d'au minimum de 1 km autour de la parcelle litigieuse,

fixer la date à laquelle les parties reviendront devant le juge du fond pour statuer sur les mérites du rapport établi et ses conséquences,

A titre subsidiaire,

ordonner l'annulation de l'acte de vente signé entre les parties le 27 juillet 2017 avec toutes conséquences de droit

En toute hypothèse, :

condamner la Sci RGT à lui porter et payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens liés à la présente instance, ainsi que ceux de première instance, et le coût des deux rapports amiables établis par Mme [L] et M. [F].

Il soutient essentiellement que son action n'est pas prescrite dans la mesure où l'identité des parties, en l'espèce du bénéficiaire, a été modifiée entre l'acte sous seing privé et l'acte authentique de sorte que seule la signature de l'acte authentique du 27 juillet 2017 permet d'attester de la manifestation de l'accord des volontés entre les parties.

Il expose qu'il y a lieu de faire application des articles 1674 et 1675 du code civil au regard du caractère constructible du terrain établit depuis le 7 février 2017, soit antérieurement à la signature de la promesse de vente et de l'acte authentique, ainsi qu'en atteste le projet de construction intégré au dossier de demande de permis de construire.

Ainsi au regard du caractère constructible du terrain et de sa valeur réelle au jour de la vente tel que retenue par les experts [F] et [L] à la somme de 215 000 et 205 000 euros, il a été lésé de plus des 7/12 du prix de vente.

Il demande à la cour de de tenir compte de l'extension de mission sollicitée par l'expert, pour laquelle la présidente de la chambre s'est déclarée incompétente et, en conséquence, vu l'effet dévolutif de l'appel, de modifier la mission de l'expert et d'élargir le périmètre de recherches.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la recevabilité de l'action

L'action en rescision de la vente pour cause de lésion aux termes de l'article 1676 du Code civil n'est plus recevable après l'expiration de deux années, à compter du jour de la vente.

Ce délai court et n'est pas suspendu pendant la durée du temps stipulé pour le pacte du rachat.

La SCI RGT fait grief aux premiers juges d'avoir jugé l'action en rescision pour lésion engagée par M.[H] le 22 juillet 2019 non prescrite alors que l'accord des parties est intervenu au jour de la levée des conditions suspensives soit le 18 juillet 2017, date à laquelle a commencé à courir le délai de prescription de deux ans en application de l'article 1676 du code civil.

Il est de jurisprudence constante que pour l'application de ce texte lorsque l'acte authentique de vente est précédé par la signature d'une promesse, le délai court à compter de l'accord des volontés c'est à dire au jour de la promesse de vente en cas de promesse synallagmatique et au jour de la levée de l'option en cas de promesse unilatérale.

En cas de promesse de vente sous condition suspensive, le délai ne court qu'à compter de la réalisation de la condition ou de la renonciation à son bénéfice , c'est-à-dire à compter du jour où la vente est définitivement réalisée.

Enfin, le délai peut être reporté au jour de la signature de l'acte authentique s'il y a eu une modification de l'objet de la vente entre les deux actes.

En l'espèce, l'acte sous seing privé portant promesse de vente a été signé le 29 mars 2017 entre M. [H] et M.[E] [P] et l'acte authentique du 27 juillet 2017, a été établi entre M. [H], et la SCI RGT alors même que l'acte sous seing privé du 29 mars 2017, excluait expressément la possibilité de substitution : « Le BÉNÉFICIAIRE ne pourra substituer aucune personne physique ou morale dans le bénéfice de la présente promesse ».

Il en résulte que le seul acte qui a permis la rencontre des volontés entre la SCI RGT et M.[H] le vendeur est l'acte authentique et aucunement l' acte sous seing privé auquel la SCI RGT n'était pas partie et dont le bénéficiaire ne pouvait substituer aucune personne.

Par voie de conséquence, seule la signature de l'acte authentique permet d'attester de la manifestation de l'accord des volontés entre les parties et constitue le point de départ de la prescription du délai de deux ans qui n'était pas expiré au jour de l'acte introductif d'instance.

La décision de première instance mérite confirmation en ce qu'elle a déclaré recevable l'action en rescision pour lésion.

2- Sur la rescision pour lésion

L'article 1674 du Code civil prévoit que si le vendeur a été lésé de plus de 7/12èmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu'il aurait déclaré donner la plus-value.

Aux termes de l'article 1675 du Code civil pour savoir s'il y a lésion de plus de 7/12èmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente.

En cas de promesse de vente unilatérale, la lésion s'apprécie au jour de la réalisation.

L'appelante reproche au tribunal d'avoir commis une erreur d'appréciation et une erreur de dates pour retenir que la terrain était potentiellement constructible dés la vente dés lors que contrairement à ce qu'il a jugé le permis de construire n'a pas été accordé à la SCI RGT le 7 février 2017, c'est à dire antérieurement à la vente définitive, mais le 22 juillet 2018, suite à une demande déposée le 7 février 2018 soit plus d'un an après la vente.

Or, il rappelle que la lésion s'apprécie au jour de la conclusion du contrat de vente. Il en déduit que la plus-value acquise ou la moins-value subie par l'immeuble depuis cette date ne doivent pas être prises en compte pour établir si le contrat est ou non lésionnaire.

Il est exact que l'acte de vente, a annexé un certificat d'urbanisme informatif négatif. Il est également produit un certificat d'urbanisme négatif du 5 septembre 2017 faisant suite à une première demande reçue en mairie le 18 juillet 2017 (pièce 6), c'est à dire deux mois après la signature de l'acte authentique. Cette première demande réalisée par M.[N] associé de la SCI RGT, mentionnait comme objet de la demande : la construction d'une résidence principale avec piscine.

Pourtant cette opération envisagée par la SCI RGT est devenue très rapidement après cette première demande, soit le 3 novembre 2017, possible puisqu'un certificat d'urbanisme positif a été obtenu sur le même projet.

Ainsi ce terrain classé en zone N3 c'est à dire en zone d'habitat diffus sous équipé ce qui signifie que les constructions étaient possibles mais limitées à la réalisation de conditions, a fait l'objet de la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif moins de 4 mois après l'acte de vente et un seul refus.

Si la délivrance de ce certificat positif est liée à la réalisation des travaux et dépenses engagées par la SCI, son obtention dans un si court délai révèle cependant que cette société avait déjà envisagé que son projet de construction sur ce terrain situé en zone N3 était possible et qu'elle avait parfaitement compris que le PLU en vigueur de 2015 n'interdisait pas formellement toutes constructions.

Peu importe que la demande de permis de construire ait été déposée non en février 2017 mais postérieurement à la vente, en février 2018 et que celui-ci n'ait été obtenu qu'en juillet 2018, après que la SCI RGT a engagé des travaux pour équiper la parcelle, dés lors que la chronologie des démarches et le très court délai pour parvenir à son résultat démontrent qu'elle avait anticipé la constructibilité du terrain et l'absence de toute interdiction du PLU en vigueur en ce sens.

Il ne peut être retenu par ailleurs que le projet de construction est né uniquement de la cession des parts de la SCI aux époux [A] [V] qui eux seuls ont fait avec l'architecte un projet de villa avec piscine dés lors que les parts que détenaient les associés initiaux de la SCI RGT, ont été cédées en septembre 2019 et qu'il n'est pas démontré que le fichier évoqué par l'huissier daté de février 2018 et dénommé [A] [V], soit le seul projet de construction qui ait été conçu sur le terrain litigieux. De même l'opération réalisable mentionnée au certificat d'urbanisme positif de novembre 2017 à savoir une résidence principale avec piscine laisse supposer que bien avant le mois de février 2018 un projet avait été élaboré par l'architecte à cette fin et pour permettre que la demande soit déposée.

Il n'est d'ailleurs pas contesté que c'est un associé de la SCI, qui a accompli les démarches auprès de l'administration et a échangé avec l'architecte dans le cadre du projet de construction, l'intervention des consorts [A] [V] étant postérieure à ces démarches et aux travaux accomplis. Enfin les déclarations de l'architecte produites plus de 3 ans après l'engagement de l'action qui confirmeraient que le projet qu'il a établi était bien le seul et celui des consorts [A] [V] ne sont pas suffisamment probantes pour écarter tout projet antérieur de la part de la SCI. En effet, outre les observations formulées ci-dessus, les fichiers de l'architecte consultés par l'huissier, mentionnent alternativement comme nom du maître de l'ouvrage celui de monsieur [N] et celui des époux [A] [V].

La cour retiendra que c'est bien en amont de l'obtention du permis de construire que la SCI RGT a envisagé la constructibilité de ce terrain.

En revanche, il est loin d'être acquis que M.[H] ait pu comprendre au regard des mentions de l'acte de vente qualifiant son terrain de terrain agricole ou de loisir, que sa constructibilité n'était pas impossible. L'acte de vente indiquait également que le terrain n'étant pas classé en zone constructible ainsi qu'il résulte des documents d'urbanisme, la taxe sur la cession de terrain devenu constructible n'était pas exigible conformément aux dispositions de l'article 15291 du code général des impôts. Or comme indiqué ci-dessus la zone N3 est une zone à vocation d'habitat diffus limitant la construction mais permettant des dérogations.

Le déséquilibre des prestations contractuelles susceptible d'entraîner la remise en cause du contrat, existait donc au jour de la formation du contrat et non postérieurement comme le soutient injustement la SCI RGT.

L'article 1677 du Code civil, dispose que la preuve de la lésion ne pourra être admise que par jugement, et dans le cas seulement où les faits articulés seraient assez vraisemblables et assez graves pour faire présumer la lésion.

Aux termes de l'article 1678 du Code civil cette preuve ne pourra se faire que par un rapport de trois experts qui seront tenus de dresser un seul procès-verbal commun et de ne former qu'un seul avis à la pluralité des voix.

L'article 1680 du même code prévoit que les trois experts seront nommés d'office, à moins que les parties ne se soient accordées pour les nommer tous les trois conjointement

A l'appui de sa demande M.[H] produit deux rapports d'expertise (Mme [L] et M.[F]) qui concluent tous deux que la valeur de ce terrain était située entre 205 000 et 215 000 euros et font ainsi nettement apparaître un prix de vente de 44 000 euros comme lésionnaire.

Au regard de ce qui a été jugé ci-dessus c'est à tort que l'intimée soutient qu'à la date où le compromis a été signé, M.[N] qui deviendra associé de la SCI RGT était en possession d'une estimation du 13 juillet 2017, du terrain qui évaluait celui-ci entre 45 000 et 55000 euros et que le prix de vente, à la date où la vente a été consentie, était donc bien conforme à la valeur du terrain.

La cour estime en effet qu'au regard des démarches administratives accomplies et des travaux réalisés pour plus de 59 000 euros en vue de l'obtention du certificat d'urbanisme dans les 4 mois qui ont suivi la vente pour un projet de construction de maison avec piscine et l'obtention du permis de construire dans l'année de la vente, il n'existait pas d'incertitude pour la SCI RGT quant à la possibilité d'obtenir les autorisations pour construire.

Il existe donc au regard de la valeur annoncée par les deux experts missionnés par M.[H], indiscutablement des indices graves faisant présumer une lésion de plus des 7/12ème et justifiant qu'une expertise soit ordonnée conformément aux dispositions légales rappelées supra.

Le jugement de première instance sera donc confirmée en ce qu'il a ordonné un expertise aux fins d'évaluation du terrain sauf à préciser aux dispositifs que la mission des experts doit être étendue à un périmètre d'analyse et de comparaison plus important que celui mentionné par le tribunal et sauf à modifier le nom de deux des experts remplacés.

3-Sur les mesures accesoires

Partie perdante la SCI RGT supportera la charge des dépens et sera nécessairement déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de condamner la SCI RGT à payer à M.[H] la somme de 2000 euros aux titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf à préciser que :

-deux des experts désignés ont été remplacés par ordonnance de changement d'expert du 17 mars 2022 et que le collège d'expert est désormais composé de Mme [I], M.[O] et M.[K] ,

-la mission sera modifiée en ce sens que les experts pourront étendre leur termes de comparaison à des biens distants de plus d'un kilomètre de la parcelle litigieuse mais également dans les zones similaires telles que définies par le plan local d'urbanisme ;

Y ajoutant,

Déboute la SCI RGT de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne à payer à M.[H] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel;

La condamne à supporter les dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/03577
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;21.03577 ?
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