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12/01/2023 | FRANCE | N°21/01924

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 12 janvier 2023, 21/01924


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





ARRÊT N°



N° RG 21/01924 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IBRS



VH



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

12 avril 2021

RG:19/03026



[X]

[H]



C/



S.A. GRAND DELTA HABITAT











































Grosse délivrée

le

à Me Moussavou


Me Viens













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 12 JANVIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Avignon en date du 12 Avril 2021, N°19/03026



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Anne DAMPFHO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01924 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IBRS

VH

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

12 avril 2021

RG:19/03026

[X]

[H]

C/

S.A. GRAND DELTA HABITAT

Grosse délivrée

le

à Me Moussavou

Me Viens

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Avignon en date du 12 Avril 2021, N°19/03026

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,

Madame Laure MALLET, Conseillère,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Monsieur [V] [Z] [X]

né le 13 Mars 1944 à [Localité 5] ([Localité 5])

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Charlene MOUSSAVOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Pierre LE BELLER, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [D] [H]

née le 21 Novembre 1949 à Hyere

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Charlene MOUSSAVOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Pierre LE BELLER, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE :

S.A. GRAND DELTA HABITAT La Société GRAND DELTA HABITAT, Société coopérative d'intérêt collectif d'HLM à forme anonyme et capital variable, dont le numéro SIRET est le 662 620 079 00043, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Fabien PEREZ de la SELAS PHILAE, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me Anne-catherine VIENS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Octobre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 12 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

M. [V] [X] et Mme [D] [H], mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, sont propriétaires à [Localité 9] d'une parcelle de terre non bâtie cadastrée [Cadastre 7] et [Cadastre 3], située [Localité 6], d'une contenance de 3 416 m2.

Ce terrain a fait l'objet d'un compromis de vente rédigé par Maître Fuentes, notaire, le 03 octobre 2018.

Le 15 octobre 2018, Maître Charles Fuentes, Notaire à La Tour d'Aigues, a notifié à la Commune de [Localité 9], l'intention des époux [X] de vendre la parcelle ci-dessus à M. [G], moyennant un prix de 650 000 euros dont 50 000 euros de commission d'agence à la charge du vendeur.

Suivant arrêté préfectoral en date du 17 janvier 2019, la commune de [Localité 9] a délégué à Grand Delta Habitat l'exercice de son droit de préemption pour l'acquisition de la parcelle susvisée en vue d'y réaliser une opération de logements sociaux, ledit projet ayant été préalablement approuvé par le comité d'engagement de Grand Delta Habitat.

Le 18 janvier 2019, la société Grand Delta Habitat a exercé son droit de préemption pour l'acquisition du terrain en informant les vendeurs, l'acquéreur initial et le notaire.

Cette décision de préemption était toutefois faite à un prix supérieur à celui réclamé de sorte qu'une décision de préemption corrigée était à nouveau adressée aux intéressés le 25 janvier 2019.

Cette décision de préemption n'ayant fait l'objet d'aucun recours dans le délai de deux mois, Grand Delta Habitat a sollicité un rendez-vous de signature en l'étude de Me Fuentes à la fin du mois de mars 2019, en vain.

Les époux [X] ont informé le 07 mai 2019 la société Grand Delta Habitat de leur refus de régulariser l'acte de vente au motif que le compromis avait été conclu en méconnaissance d'un compromis antérieur portant sur le même bien et encore en cours le jour de la signature.

Par acte d'huissier du 22 octobre 2019, la société Grand Delta Habitat a fait citer à jour fixe devant le tribunal de grande instance d'Avignon M. [V] [X] et Mme [D] [H] aux fins de régularisation de la vente.

Le tribunal judiciaire d'Avignon a :

- Constaté que la SA Grand Delta Habitat s'est valablement portée acquéreur par l'exercice régulier de son droit de préemption de la parcelle de terre non bâtie cadastrée [Cadastre 7] et [Cadastre 3], située [Adresse 8], appartenant à M. [V] [X] et Mme [D] [H] au prix de 650 000 euros (six cent cinquante mille euros) net fixé par les vendeurs;

- Dit que cette vente est parfaite et emporte toutes conséquences de droit;

- Dit que le présent jugement vaut acte de vente ;

- Ordonné la publication du présent jugement au fichier immobilier avec toutes conséquences de droit ;

- Débouté la SA Grand Delta Habitat de sa demande d'indemnisation formée à l'encontre de M. [V] [X] et Mme [D] [H]; - Débouté M. [V] [X] et Mme [D] [H] de leur demande en indemnisation formée à l'encontre de la SA Grand Delta Habitat ;

- Débouté M. [V] [X] et Mme [D] [H] de leur demande de rescision pour lésion;

- Débouté M. [V] [X] et Mme [D] [H] de leur demande de diligenter une expertise;

- Condamné in solidum M. [V] [X] et Mme [D] [H] à payer à la SA Grand Delta Habitat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; - Débouté M. [V] [X] et Mme [D] [H] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné in solidum M. [V] [X] et Mme [D] [H] aux entiers dépens de l'instance;

- Débouté M. [V] [X] et Mme [D] [H] de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

- Débouté la SA Grand Delta Habitat de ses autres demandes, plus amples ou contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Les époux [X] ont régulièrement interjeté appel de la décision.

L'instruction du dossier a été clôturée le 6 octobre 2022. L'affaire a été plaidée à l'audience en date du 25 octobre 2022 et mise en délibéré au 12 janvier 2022.

PRÉTENTIONS des parties

Par conclusions notifiées par voie électronique en date du 15 juillet 2021, les époux [X] demandent à la cour de :

- Réformer la décision du 12 avril 2021

- Constater l'absence de constat contradictoire de visite ;

- Constater l'irrégularité de la demande de visite ;

- Dire que le délai d'instruction de deux mois impartis au bénéficiaire du droit de préemption n'a pas été valablement suspendu;

En conséquence,

- Dire que la société Grand Delta Habitat doit être réputée avoir renoncé à exercer son droit de préemption ;

- Débouter la société Grand Delta Habitat de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société Grand Delta Habitat à porter et payer aux époux [X] la somme de 20 000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts ;

- Faire droit à l'action en rescision pour lésion exercée par les époux [X] ;

En conséquence ;

- Désigner un collège d'experts à l'effet d'évaluer le bien objet de la vente;

En tout état de cause,

- Débouter la société Grand Delta Habitat de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société Grand Delta Habitat à porter et payer aux époux [X] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2021, Grand Delta Habitat demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 12 avril 2021 par le Tribunal judiciaire d'Avignon en ce qu'il a :

- Constaté que la Société Grand Delta Habitat s'est valablement portée acquéreur par l'exercice régulier de son droit de préemption de la parcelle de terre non bâtie cadastrée [Cadastre 7] et [Cadastre 3], située [Adresse 8], appartenant à M. [V] [X] et Mme [D] [H] au prix de 650 000 euros (six cent cinquante mille euros) net fixé par les vendeurs ;

- dit que cette vente était parfaite et emporte toutes conséquences de droit ;

- dit que le présent jugement vaut acte de vente ;

- ordonne la publication du présent jugement au fichier immobilier avec toutes les conséquences de droit ;

- Débouté M. [V] [X] et Madame [D] [H] de leur demande en indemnisation formée à l'encontre de la Société GRAND DELTA HABITAT;

- Débouté M. [V] [X] et Mme [D] [H] de leur demande en rescision pour lésion ;

- Débouté M. [V] [X] et Mme [D] [H] de leur demande de diligenter une expertise ;

- Condamné in solidum M. [V] [X] et Mme [D] [H] à payer à la Société Grand Delta Habitat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté M. [V] [X] et Mme [D] [H] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné in solidum M. [V] [X] et Mme [D] [H] aux entiers dépens de l'instance ;

- Débouté M. [V] [X] et Mme [D] [H] de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement

- Infirmer le jugement rendu le 12 avril 2021 par le Tribunal judiciaire d'Avignon en ce qu'il a :

- Débouté la Société Grand Delta Habitat de sa demande d'indemnisation formée à l'encontre de M. [V] [X] et Mme [D] [H] ;

Et statuant à nouveau :

- Condamner solidairement les époux [X] à payer à la Société Grand Delta habitat la somme de 20 000 euros (Vingt mille euros) à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive à la signature de l'acte de vente définitif ;

- Condamner solidairement les époux [X] à payer à la Société Grand Delta Habitat la somme de 6 000 euros (six mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION :

I - sur la demande principale de Grand Delta Habitat

A - sur les délais d'exercice du droit de préemption

Les époux [X] considèrent que le délai de deux mois consécutifs à la réception de la DIA (déclaration d'intention d'aliéner) n'a pas été respecté et qu'en conséquence, le bénéficiaire du droit de préemption a renoncé à l'exercice du droit de préempter. Ils affirment qu'il n'y a pas eu prorogation du délai d'instruction de la DIA jusqu'au 21 janvier 2019. Selon eux, la demande de visite en date du 04 décembre 2018, réceptionnée le 05 décembre 2018, ne saurait avoir un quelconque effet suspensif en raison de son irrégularité.

a - Sur l'irrégularité de la visite :

Les époux [X] considèrent que les dispositions de l'article D. 213-13-4 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées ; la demande de visite a été notifiée seulement au notaire alors qu'elle doit être adressée au propriétaire. La demande de visite ne reproduit pas en caractères apparents, les dispositions de l'article L. 213-2 et celles des articles D. 213-13-2 et D. 213-13-3. Elle n'indique pas que la visite doit être faite en présence du propriétaire ou de son représentant et du titulaire du droit de préemption ou de la personne mandatée par ce dernier. Les références de la DIA ne sont pas non plus mentionnées. Les époux [X] affirment qu'en raison de son irrégularité, la demande de visite n'a produit aucun effet suspensif et ne peut leur être opposée.

La société Grand Delta Habitat affirme qu'elle justifie avoir adressé la demande aux notaire et propriétaire du bien.

Réponse de la cour :

L'article D 213-13-4 du code de l'urbanisme dispose :

« La demande de la visite du bien visée à l'article D. 213-13-1 indique les références de la déclaration prévue à l'article L. 213-2. Cette demande reproduit, en caractères apparents, les dispositions de l'article L. 213-2 et celles des articles D. 213-13-2 et D. 213-13-3.

Elle mentionne le nom et les coordonnées de la ou des personnes que le propriétaire, son mandataire ou le notaire peut contacter pour déterminer les modalités de la visite.

Elle indique que la visite doit être faite en présence du propriétaire ou de son représentant et du titulaire du droit de préemption ou de la personne mandatée par ce dernier ».

L'article D 213-13-2 du code de l'urbanisme dispose :

« Un constat contradictoire précisant la date de visite et les noms et qualité des personnes présentes est établi le jour de la visite et signé par le propriétaire ou son représentant et par le titulaire du droit de préemption ou une personne mandatée par ce dernier ».

En l'espèce, il résulte des pièces versées au dossier que le 11 octobre 2018, Maître Fuentes écrit à la mairie de [Localité 9], service urbanisme, aux fins de lui notifier, conformément à l'article L 213-2 du code de l'urbanisme, une déclaration d'intention d'aliéner de la parcelle appartenant aux époux [X], moyennant un prix de 650 000 euros dont 50 000 euros de commission d'agence inclus à la charge du vendeur. Il ressort du tampon apposé sur ce courrier qu'il a été réceptionné par la commune le 15 octobre 2018, puis par le service urbanisme le 17.

La société Grand Delta Habitat verse aux débats la demande de visite en date du 4 décembre 2018 qui reproduit l'intégralité des dispositions de l'article L. 213-2 et de celles des articles D. 213-13-2 et D. 213-13-3. Le courrier explique de surcroît que la visite « s'effectuera, à la convenance des propriétaires, en leur présence ou en présence de leur représentant, et du titulaire du droit de préemption ».

Les époux [X] ne peuvent se prévaloir d'un défaut de notification de la visite, ayant eux-mêmes écrit 'nous vous confirmons par la présente notre accord afin que vous puissiez visiter les parcelles (...)' en réponse au courrier en date du 4 décembre 2018.

Un constat contradictoire de visite a été réalisé le 21 décembre 2018 et ce dernier comporte la signature de M. [X] et de Mme [X].

La visite était donc régulière. Cette visite a donc nécessairement eu pour effet de proroger d'un mois la décision éventuelle de préemption, soit jusqu'au 21 janvier 2019.

La décision du premier juge doit donc être confirmée sur ce point.

b - sur le caractère tardif de la notification en date du 25 janvier 2019 :

Par courrier en date du 25 janvier 2019, Grand Delta Habitat a adressé aux époux [X] une décision de préemption dite rectificative venant corriger la décision en date du 18 janvier 2019 notifiée le 21 janvier 2019 au motif que celle-ci comportait une erreur quant au prix.

Les époux [X] affirment que cette décision dite rectificative du 25 janvier 2019, intervenue hors délai, ne saurait rétroagir à la date du 18 janvier 2019, date de la première décision.

Réponse de la cour :

Conformément à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, toute aliénation visée à l'article L.213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien.

Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption.

Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption.

Le législateur a prévu seulement deux hypothèses visées par l'article L213-2 du code de l'urbanisme entrainant une prolongation du délai de deux mois qui est imparti au titulaire du droit de préemption, à savoir :

- la demande de documents

- la demande de visite.

Ces deux hypothèses ont été visées de manière limitative par le législateur. A l'exception de ces deux hypothèses, le législateur n'a pas prévu d'autres situations qui auraient une incidence sur le délai d'instruction.

Ce texte ne peut être que d'interprétation stricte dans la mesure où le délai de deux mois se comprend comme une garantie pour le propriétaire qui doit être rapidement fixé. La jurisprudence notamment administrative a rappelé à cet égard que « ce délai constitue une garantie pour le propriétaire qui doit savoir dans les délais les plus brefs s'il peut disposer librement de son bien » (Conseil d'Etat, 24 juillet 2009, n°316158).

La société Grand delta verse aux débats la décision de préemption intervenue le 18 janvier 2019 laquelle a été signifiée par voie d'huissier le 21 janvier 2019, de sorte qu'il est établi qu'elle est intervenue dans le délai imparti.

Il est établi que cette décision de préemption comportait cependant une erreur matérielle quant au prix, puisqu'elle visait un prix de 700 000 euros alors que la déclaration d'intention d'aliéner visait un prix de 650 000 euros, raison pour laquelle un courrier destiné à corriger cette erreur a été adressé le 25 janvier 2019 par courrier recommandé.

Ce courrier rectificatif n'est toutefois pas de nature à remettre en cause la volonté de préempter intervenue le 18 janvier 2019, laquelle ne pouvait se faire qu'au prix fixé aux termes de la déclaration d'intention d'aliéner.

C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que : « Cette décision modificative ne remet nullement en cause la décision de préemption de la SA Grand Delta Habitat en date du 18 janvier 2019, cette décision modificative visant seulement à rectifier une erreur matérielle portant sur le prix qui correspond à celui mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner. Dès lors, l'intention de préempter résulte de la décision du 18 janvier 2019, notifiée le 21 janvier 2019, de sorte que l'exercice du droit de préemption est intervenu dans le délai imparti. ».

B - sur l'absence de transmission au contrôle de légalité du Préfet de la décision de préemption

Les époux [X] soutiennent que Grand Delta Habitat ne justifie pas de la transmission de la décision de préemption au contrôle de légalité du Préfet, dans le délai imparti pour préempter, soit dans un délai de deux mois. Ils font valoir que le juge judiciaire a compétence pour constater l'absence de transmission de la décision de préemption au contrôle de légalité et considérer comme illégale la décision de préemption.

Réponse de la cour :

Le pouvoir du juge judiciaire d'écarter les décisions de préemption prises hors délai est conforté par une jurisprudence plus générale qui donne compétence au juge civil pour écarter les actes administratifs manifestement irréguliers.

Il résulte de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales que la décision de préemption doit être transmise au préfet pour être exécutoire.

Aux termes de l'article L.2131-1 du code général des collectivités territoriales :« Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement.»

En l'espèce, la société Grand Delta Habitat verse aux débats le courrier en date du 18 janvier 2019 reçu le 21 janvier dans lequel elle écrit au directeur général un courrier ayant pour objet ': droit de préemption urbain - notification d'un arrêté prefectoral de délégation ponctuelle commune de [Localité 9]' dans lequel elle notifie l'arrêté préfectoral du 17 janvier 2019.

C'est pertinemment que le premier juge a relevé qu'il ressortait de l'arrêté du 17 janvier 2019 la mention de la délégation de droit de préemption, l'exercice de celui-ci pour l'acquisition du bien immobilier litigieux et en a conclu qu'il était établi que la préfecture avait nécessairement été informée de la décision de préemption de la SA Grand Delta Habitat dans le délai imparti et qu'en conséquence, cette décision était ainsi devenue exécutoire.

C - sur la nullité de la préemption hors du périmètre

Les époux [X] considèrent que la commune de [Localité 9] a voté pour un périmètre de préemption dans la zone U et AU , et nullement dans la zone AC. Selon eux, dès lors la préemption est totalement hors de la zone prévue à la délibération de telle sorte selon elle que les actes du préfet et de Grand delta Habitat sont nuls et ne sont pas opposables aux propriétaires des parcelles sises en Zone AC .

Réponse de la cour :

Les époux [X] procèdent par voie d'affirmation sans motiver leur demande. Par ailleurs, le premier juge avait relevé que les défendeurs ne versaient aucune pièce de nature à établir que la commune de [Localité 9] avait voté pour un périmètre de préemption restreint à la seule zone U et AU.

La cour constate qu'aucune pièce supplémentaire n'est versée en cause d'appel. La décision du premier juge doit donc être confirmée.

D - sur la nullité du compromis de vente

Les époux [X] entendent se prévaloir de l'irrégularité du compromis de vente rédigé par Maitre FUENTES, en date du 03 octobre 2018. Ils arguent qu'un premier compromis de vente portant sur le même bien a été signé entre les époux [X] et M. [K] [N]. Ce premier compromis était, selon eux, encore effectif lors de la signature du compromis en date du 03 octobre 2018. Ils considèrent que M. [K] [N] avait jusqu'au 15 novembre 2018 pour conclure la vente devant notaire. Le compromis en date du 03 octobre 2018 n'aurait jamais dû être signé en l'état.

La société Grand Delta Habitat répond que l'existence d'un précédent compromis de vente portant sur le même bien n'est pas de nature à priver la société Grand Delta Habitat de son droit de préemption du bien litigieux, ni de l'entacher d'une quelconque irrégularité.

Réponse de la cour :

Il est établi qu'aucune déclaration d'intention d'aliéner n'a été effectuée à la suite de la signature dudit compromis, alors même qu'en ce cas, la société Grand Delta Habitat aurait pu préempter à un moindre prix. Les époux [X] ne démontrent ni n'alléguent que ce compromis n'a en outre été publié.

Au demeurant, le droit de préemption a été exercé en suite d'un compromis dont la validité n'est et n'a jamais été remise en cause.

Ainsi, l'existence d'un compromis précédent n'était pas de nature à faire échec au droit de préemption exercé. La décision du premier juge doit donc être confirmée.

E - sur la rescision pour lésion :

Les époux [X] se prévalent de la rescision pour lésion et affirment que le prix fixé par le compromis de vente est ridiculement bas et ne correspond pas au prix du marché dans la zone géographique concernée. Le prix moyen des terrains dans la zone géographique de [Localité 9] varie selon eux, entre 360 euros/ M2 et 400 euros/ M2.

Réponse de la cour :

Selon l'article 1674 du code civil :

« Si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu'il aurait déclaré donner la plus-value».

En l'espèce, le relevé PERVAL produit aux débats par la société Grand Delta Habitat démontre au contraire, comme elle le soutient, que le prix des terrains viabilisés à [Localité 9] est très bas, notamment quand ces derniers se situent dans des zones carencées soumises à préemption.

La cour souligne en outre que la viabilisation du terrain a été réalisée non pas par les époux [X] mais par M. [N] lui-même de sorte que les époux [X] n'en ont nullement supporté les frais.

Les époux [X] échouent à rapporter la preuve d'un quelconque élément laissant supposer l'existence d'une telle lésion, la production d'une capture d'écran relativement illisible sans aucune signature ou indication précise d'un site internet immobilier n'étant pas de nature à constituer une estimation fiable.

La décision sera confirmée sur ce point aussi.

II - les demandes de dommages-intérêts formées par Grand Delta Habitat et par les époux [X]

L'exercice d'une action en justice étant un droit et la preuve d'une intention malveillante ou d'une erreur grossière équipollente au dol n'étant pas rapportée, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée de chaque partie sera donc rejetée.

Sur les frais du procès :

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [V] [X] et Mme [D] [H] à payer à la S.A. Grand Delta Habitat la somme de 1 200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M.[V] [X] et Mme [D] [H] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/01924
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;21.01924 ?
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