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05/01/2023 | FRANCE | N°21/00625

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 05 janvier 2023, 21/00625


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













ARRÊT N°



N° RG 21/00625 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6GO



AD



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

01 septembre 2020 RG :18/04414



[V]



C/



[E]

[E]



























Grosse délivrée

le

à SCP Fortunet

Me Vialette









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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 05 JANVIER 2023







Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 01 Septembre 2020, N°18/04414



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00625 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6GO

AD

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

01 septembre 2020 RG :18/04414

[V]

C/

[E]

[E]

Grosse délivrée

le

à SCP Fortunet

Me Vialette

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 01 Septembre 2020, N°18/04414

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Madame Laure MALLET, Conseillère

Madame Virginie HUET, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [R] [V] veuve [D]

née le 14 Avril 1962 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 11] (ROYAUME-UNI)

Représentée par Me LETELLIER-TARDY de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉS :

Madame [O] [E]

née le 20 Juin 1944 à [Localité 9] ([Localité 9])

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Carmelo VIALETTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [S] [E]

né le 25 Septembre 1936 à [Localité 8] (Italie)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Carmelo VIALETTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Octobre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 05 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

Exposé :

Estimant que Madame [R] [V], veuve [D], propriétaire de la parcelle AK [Cadastre 2] (fonds dominant) sur la commune de [Localité 10] (Gard) avait aggravé la servitude de canalisations dont elle bénéficiait sur leur parcelle AK numéro [Cadastre 3], (fonds servant), Mme [O] [W] épouse [E] et M. [S] [E] ont, par acte d'huissier en date du 22 août 2018, fait assigner Mme [D] aux fins de remise en état des lieux.

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 1er septembre 2020, ayant statué ainsi qu'il suit :

- constate que l'installation, à compter du 17/10/2017, d'une station de traitement des eaux usées conforme aux normes d'urbanisme et sanitaires à la demande de M. [G], auteur de Mme [R] [V] veuve [D], caractérise une aggravation de l'assiette de la servitude supportée par le fonds servant cadastré AK n° [Cadastre 3] appartenant aux époux [E],

- dit que l'installation à compter du 17 octobre 2017 d'une station de traitement des eaux usées conforme aux normes d'urbanisme et sanitaires à la demande de M. [G], auteur de Mme [R] [V] veuve [D], était rendue obligatoire par application des normes d'urbanisme et sanitaires en particulier l'article L 1331-1-1 du code de la santé publique,

- déboute M. [S] [E] et Mme [O] [W] épouse [E] de leur demande de remise en état des lieux sous astreinte,

par conséquent,

- condamne Mme [R] [V], veuve [D], propriétaire du fonds dominant cadastré section AK n°[Cadastre 2] et qui vient aux droits de M. [G], ancien propriétaire de la parcelle avant le 27/10/2017 à payer à M. [S] [E] et Mme [O] [W] épouse [E] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par ces derniers à la suite de l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux usées,

- rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,

- déboute M. [S] [E] et Mme [O] [W], épouse [E] de leurs autres demandes en dommages-intérêts à l'encontre de Mme [R] [V], veuve [D],

- condamne Mme [R] [V], veuve [D], au paiement des entiers dépens,

- condamne Mme [R] [V], veuve [D], à payer aux requérants la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 12 février 2021 par Mme [D].

Vu les conclusions d'incident de l'appelante en date du 21 octobre 2021, demandant au conseiller de la mise en état de prononcer l'irrecevabilité de l'appel incident des intimés

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 avril 2022, ayant statué ainsi qu'il suit :

- déclare irrecevable l'appel incident de Mme [O] [W] épouse [E] et M. [S] [E] formulé dans leurs conclusions du 21 octobre 2021,

- renvoie l'affaire à la mise en état électronique du 05 juillet 2022,

- dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond.

Vu les conclusions de Mme [D] en date du 21 octobre 2021, demandant de :

Vu les articles 637, 697 et 702 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu la jurisprudence précitée,

Vu les pièces versées aux débats,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* constaté que l'installation à compter du 17 octobre 2017 d'une station de traitement des eaux usées conforme aux normes d'urbanisme et sanitaires à la demande de M. [G],, auteur de Madame [R] [V], veuve [D], caractérise une aggravation de l'assiette de la servitude supportée par le fonds servant cadastré AK n°[Cadastre 3] appartenant aux époux [E],

* condamné Mme [R] [V], veuve [D], propriétaire du fonds dominant cadastré section AK n°[Cadastre 2] et qui vient aux droits de M. [G], ancien propriétaire de la parcelle avant le 27 octobre 2017 à payer à M. [S] [E] et Mme [O] [W] épouse [E] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par ces derniers à la suite de l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux usées,

* condamné Mme [R] [V], veuve [D], à payer aux requérants la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme [R] [V], veuve [D], au paiement des entiers dépens,

et statuant à nouveau :

à titre principal :

- dire et juger que la parcelle appartenant aux requérants est grevée d'une servitude d'écoulement des eaux usées au profit de la parcelle de Madame [D],

- dire et juger que les travaux réalisés étaient indispensables à l'usage et la conservation de la servitude et rendus nécessaires pour adapter la servitude aux besoins de la vie moderne,

- dire et juger que la servitude n'a subi aucune aggravation,

- dire et juger que Madame [D] ne saurait être tenue responsable des circonstances dans lesquelles a été réalisée l'installation litigieuse,

- dire et juger, en conséquence, que Madame [D] n'est débitrice d'aucune indemnité,

- débouter les consorts [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Sur le surplus des prétentions des consorts [E] :

à titre principal :

- rappeler que la cour d'appel ne peut statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties,

- dire et juger que les consorts [E] n'ont saisi la cour d'appel que de leur demande tendant à voir « confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Madame [R] [D], propriétaire du fonds dominant, à payer et porter aux époux [E] la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité en compensation de l'aggravation de la servitude concernant l'écoulement des eaux usées objet du litige», à l'exclusion de toute autre demande,

- dire et juger n'y avoir lieu à statuer sur le surplus des prétentions des consorts [E],

à titre subsidiaire :

- dire et juger que les consorts [E] ne justifient d'aucun préjudice moral ni de jouissance,

- dire et juger que Madame [D] ne peut être tenue responsable des conséquences dommageables des travaux de mise en conformité réalisés par son auteur,

- confirmer, en conséquence, le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts [E] de leurs autres demandes de dommages et intérêts à l'encontre de Madame [R] [V], veuve [D] relativement aux frais de remise en état du système de production d'électricité, à la réparation de la perte financière induite par l'impossibilité de revendre à ERDF la production d'énergie et du préjudice de jouissance et moral,

en toutes hypothèses :

- condamner les consorts [E] à verser à Madame [D] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

Vu les conclusions de Monsieur et Madame [E] en date du 21 octobre 2021, demandant de :

Vu les articles 544, 698, et 702 du code civil,

sur l'appel de Madame [D]

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* condamné Madame [R] [D], propriétaire du fonds dominant, à payer et porter aux époux [E] la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité en compensation de l'aggravation de la servitude concernant l'écoulement des eaux usées objet du litige,

* condamné Madame [R] [D] à payer et porter aux époux [E] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Madame [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

sur l'appel incident des époux [E]

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* débouté les époux [E] de leurs demandes indemnitaires dirigées contre Madame [D],

statuant à nouveau,

- condamner Madame [D] à payer et porter aux époux [E] la somme de :

* 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice de jouissance,

* 547,80 € à titre d'indemnisation en réparation frais de remise en état du système de production d'électricité,

* 576 € à titre d'indemnisation en réparation de la perte financière induite par l'impossibilité de revendre à ERDF la production d'énergie,

- en tout état de cause, condamner Madame [D] à payer et porter aux époux [E] la somme de 2 400 € au titre de l'article 700 en cause d'appel et la condamner aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 20 octobre 2022.

MOTIFS

Monsieur et Madame [E], qui sont propriétaires de la parcelle [Cadastre 3] voisine à celle de Madame [V], ont un titre de propriété qui mentionne une servitude conventionnelle d'écoulement des eaux usées ainsi qu'il suit: « il existe un droit d'écoulement des eaux usées provenant de l'immeuble sus désigné cadastré sous le numéro [Cadastre 2] section AK lieu-dit [Localité 6]... dans la fosse septique et le puits perdu se trouvant dans la parcelle [Cadastre 3] présentement vendue à Monsieur [E] et Madame [W]

En conséquence, la parcelle [Cadastre 2] constitue le fonds dominant et la parcelle [Cadastre 3] constitue le fonds servant ».

A la suite d'un contrôle de l'installation d'assainissement du bien, désormais propriété de Madame [V] venant aux droits des consorts [G] aux termes d'un acte du 27 octobre 2017 , l'agence Veolia a adressé à l'auteur de Madame [D] un avis de non-conformité précisant, « installation à réhabiliter sous quatre ans, un an en cas de vente immobilière ».

Le bien ayant donc été vendu à Madame [D] le 27 octobre 2017, les travaux ont été effectués par son auteur et le 17 octobre 2017 l'agence Veolia a délivré un certificat de conformité.

Le titre de vente du bien à Madame [D] mentionne : « le vendeur déclare que les travaux prescrits ont été effectués par ses soins et à ses frais exclusifs ainsi qu'il résulte du rapport Veolia en date du 17 octobre 2017 et selon devis et factures qui resteront annexés aux présentes après mention. »

Monsieur et Madame [E] ont cependant estimé que ces travaux avaient engendré une aggravation de la servitude conventionnelle grevant leur fonds et ont pris l'initiative de la présente instance.

Au soutien de son appel, Madame [D], veuve [V], invoque les dispositions de l'article 697 du Code civil aux termes duquel celui auquel il est dû une servitude a le droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver, ce qui suppose la possibilité pour le propriétaire du fonds dominant de disposer de la liberté de réaliser les adaptations nécessaires à la pérennité de la servitude dont son l'héritage bénéficie.

Elle ajoute que son fonds n'est pas raccordé au réseau public d'assainissement, qu'elle a l'obligation légale, en vertu du code de la santé publique, de procéder à l'entretien de ses installations et de faire réaliser les travaux prescrits à la suite du contrôle de celles-ci ; qu'à défaut de réalisation des travaux prescrits, la servitude n'aurait pu être conservée et rendait l'immeuble inhabitable ; que c'est donc à bon droit que la juridiction a refusé toute demande de remise en état des lieux ; que cependant, la modification de la modalité d'exercice de la servitude ne constitue pas nécessairement une aggravation, notamment lorsqu'il faut l'adapter aux prescriptions légales ; que la modification d'une servitude pour répondre aux besoins de la vie moderne ne peut constituer une aggravation ; que le but de la servitude était de permettre l'assainissement de l'immeuble, ce qui implique le droit pour le propriétaire du fonds dominant de réaliser les travaux nécessaires à la continuité de l'écoulement des eaux usées dans le respect de cet assainissement.

À titre subsidiaire, Madame [D], veuve [V], affirme que ses voisins ne justifient pas du bien-fondé de leurs demandes de réparation et que la situation de leurs fonds n'a pas été aggravée ; qu'ils ne prouvent pas qu'ils ne peuvent plus accéder à leur parcelle sous peine d'endommager l'installation, laquelle est enterrée à plusieurs dizaines de centimètres et que le système existant auparavant grevait la parcelle dans des conditions identiques ; qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle installation, mais d'une seule mise en conformité d'une installation existante ; que l'installation litigieuse a été réalisée par son vendeur et qu'il ne peut lui être donc reproché les conditions de celle-ci, notamment le fait d'avoir fait les travaux sans avertir le propriétaire du fonds servant ; que le tribunal a confondu l'indemnité pour aggravation d'une servitude et la responsabilité pour faute délictuelle.

Elle ajoute, enfin, que les demandes de Monsieur et Madame [E] en paiement des sommes de 547,80 €, 545 €, 5000 € de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral ne sont pas reprises au dispositif de leurs conclusions, que la cour d'appel n'est donc pas saisie de ces demandes et qu'elle n'a pas à statuer , qu'aucune régularisation n'est possible au regard du délai de trois mois prévus par l'article 909 du code de procédure civile ; qu'à titre subsidiaire , il conviendra de confirmer le jugement sur le rejet de ces prétentions.

Monsieur et Madame [E] lui opposent, en substance, qu'il ne peut leur être reproché une volonté de nuire vu les rapports respectifs qu'ils ont entretenus avec leur voisine ; qu'ils sont propriétaires depuis 1990 ; que les travaux ont été faits pendant leur absence de façon unilatérale ; que l'ouvrage initial était disposé pour partie à l'angle nord-ouest de leur propriété et que désormais, l'ouvrage se trouve entièrement sur celle-ci, le nouveau système d'assainissement traversant leur propriété au nord et d'ouest en est ; qu'il est manifeste que le propriétaire du fonds dominant s'est autorisé unilatéralement à aggraver la servitude, le procès-verbal de constat d'huissier du 14 mars 2018 relevant qu'il a été implanté une station de traitement neuve sur leur parcelle alors que l'ancienne station était à cheval sur les deux propriétés distinctes, que cette nouvelle station distribue les eaux usées vers une station d'épandage située en plein c'ur de leur parcelle à proximité de leur habitation et cave ; que l'élargissement de l'assiette de la servitude leur interdit d'utiliser le nord de leur propriété puisque le niveau dispositif couvre toute cette partie d'est en ouest ; qu'il y a une atteinte substantielle à leur droit de propriété nécessitant une juste indemnisation ; qu'il y a lieu de distinguer la notion d'adaptation aux besoins de la vie moderne et de modification substantielle de l'assiette de la servitude ; qu'il existait des systèmes de micro stations et que ce choix n'a pas été opéré ; que l'auteur de Madame [D] a modifié l'assiette de la servitude en usurpant la qualité de propriétaire de la parcelle [Cadastre 3] ; que la stipulation instituant la servitude est claire en ce que le droit d'écoulement des eaux usées ne peut se réaliser que dans la fosse septique et le puits perdu, de sorte que l'assiette de la servitude était très bien définie et a été étendue de façon substantielle ; que l'aggravation de la situation matérielle de leur parcelle n'est pas contestable ; que le premier juge n'a pas tenu compte dans l'évaluation fixée à 10 000 € du comportement de l'auteur de Madame [D], mais a bien précisé que cette somme compensait l'aggravation de la servitude des eaux usées.

Ils se plaignent par ailleurs de ce que les travaux ont dégradé leur installation photovoltaïque, ce qui a induit une perte financière de non production d'électricité, soulignent encore que la réparation de l'atteinte au droit de propriété ne se confond pas avec la réparation du préjudice de jouissance constitué notamment par le fait que toute plantation leur est interdite et du préjudice moral consistant dans la résistance abusive de leur voisine à reconnaître leur droit de propriété.

Il ressort des pièces versées aux débats que les travaux en cause ont été réalisés par l'auteur de Madame [V] en exécution d'une mise en conformité obligatoire en application du code de la santé publique de sorte que l'installation actuelle, dont il n'est pas contesté qu'elle répond aux exigences d'une mise en conformité aux normes sanitaires, ne peut donner lieu à une condamnation à remise des lieux en leur état antérieur.

Le jugement sera de ce chef confirmé.

En ce qui concerne la question de l'aggravation retenue par le premier juge, le principe énoncé à l'article 702 du code civil est celui de la fixité de la servitude, le propriétaire du fonds dominant ne pouvant rien faire qui aggraverait la charge du fonds servant.

Il appartient à ce dernier qui se plaint d'une telle aggravation d'en faire la démonstration, la cour appréciant souverainement la situation préjudiciable de ce chef à partir, notamment, de l'assiette de la servitude initialement établie .

A cet égard, s'agissant, en l'espèce, d'une servitude conventionnelle, l'acte constitutif de 1990 (vente du 24 août 1990 à Monsieur et Madame [E]) prévoit qu'il existe un droit d'écoulement des eaux usées provenant de l'immeuble cadastré [Cadastre 2] dans la fosse septique et le puits perdu se trouvant dans la parcelle numéro [Cadastre 3], présentement vendue à Monsieur et Madame [E] .

Sa rédaction quant à l'emprise convenue de cette servitude est claire et suffisamment précise et ce d'autant qu'elle peut être rapportée à d'autres servitudes du même type également prévu à cet acte qui contrairement à celle en cause, prévoient également le cheminement de drains en sus de l'existence d'une fosse alors que la servitude concernée par les présents débats consiste uniquement dans une fosse et un puits perdu.

La fosse septique et le puits perdu ainsi convenus sans qu'il ait été prévu 'autres installations se situaient, au vu de la mention de cet acte et également au vu du plan non contesté fourni en pièce 2 des intimés également établi en 1990 au moment de la vente à Monsieur [E] et d'ailleurs signé de lui, sur le fond de Monsieur et Madame [E], à toute proximité de celui de Madame [D].

Quand bien même Madame [D] ne verse pas les plans de sa nouvelle installation qui a été agréée par les services de Veolia, il résulte :

-d'une part, du certificat d'agrément délivré par cette société qu'elle consiste dans un nouveau filtre avec un lit de dispersion de 14 m²

-et d'autre part, du plan d'implantation du nouveau dispositif, qu'elle est bien composée de deux installations dont la filtration à sable sise côté Est de la propriété de 14 m² comportant un regard de répartition et un regard de bouchage, cet équipement étant relié à l'installation située à proximité de la limite divisoire des deux fonds .

Le constat d'huissier que Monsieur [E] a par ailleurs fait dresser constate également qu'il y a, outre l'installation neuve en limite de propriété, un nouveau dispositif de filtration n'existant pas dans les ouvrages anciens, et cette observation se trouve, au demeurant, confortée par la mise en perspective des plans deux et trois du dossier de l'intimée, non contestés par l'appelante.

S'il est vrai que toute modification matérielle d'une servitude ne constitue pas nécessairement une aggravation , il ne peut, cependant et dans ces conditions, être considéré que le système existant auparavant et prévu par le titre grevait le fonds servant dans des conditions identiques à celles actuelles, la nouvelle implantation modifiant, en effet, l'assiette de la servitude dans des conditions préjudiciables au fonds servant à raison de l'existence de l' emprise en partie Est du fonds servant qui n'existait pas auparavant, étant de ce chef observé que si la mise en conformité était bien une nécessité et si elle a été agréée, elle ne peut, en elle-même, exclure le principe d'une aggravation dès lors qu'elle s'avère préjudiciable et que rien ne démontre qu'elle passait nécessairement par cette implantation supplémentaire et ce d'autant que les intimés lui opposent qu'il existait d'autres solutions techniques, notamment le recours à une micro station, sans qu'elle ne contredise utilement cette assertion .

Il en résulte également que l'aggravation ne peut être écartée et ce quand bien même la commune intention des parties lors de l'établissement du titre de servitude était et est toujours de permettre l'assainissement de l'immeuble de la parcelle [Cadastre 2] .

Le premier juge a alloué de ce chef à Monsieur et Madame [E] la somme de 10 000 € que l'appelante conteste au motif qu'elle n'est justifiée, ni en son quantum, ni en son principe.

Elle invoque vainement de ce chef que la partie de terrain concerné serait délaissée par Monsieur et Madame [E] qui selon elle, n'y accueillent ni plantation, ni installation et pour laquelle ils n'ont pas d'accès direct à partir de leur bâti.

En effet, s'il ne peut être considéré que cette nouvelle installation interdit, en son principe, l'accès aux intimés, il demeure que le dispositif supplémentaire installé dans la partie Est porte atteinte à leur droit de propriété ne serait ce que par l'emprise qu'il occupe.

En l'état de l'importance de cette emprise, de sa situation sur le terrain, et de ses conséquences pérennes sur le droit de propriété du fonds servant, du prix auquel Mme [V], veuve [D] a, elle même, acquis son bien de 12a et 73 ca en 2017 , de la superficie de la parcelle [Cadastre 3] qui est de 19a et 84 ca, de la configuration respective des constructions, l'évaluation du premier juge sera confirmée, étant considéré que la somme est ainsi présentement allouée sans prise en considération du comportement reproché à l'auteur de Madame [V] lors des travaux d'installation qui ne peut effectivement être imputée à cette dernière .

Il n'y a pas lieu, enfin, vu la décision du conseiller de la mise en état, non contestée, d'irrecevabilité des demandes formées par les intimés au titre de leur appel incident, à statuer sur les demandes en paiement de ce chef contenues dans leurs dernières conclusions devant la cour (demandes pour 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice de jouissance, 547,80 € à titre d'indemnisation des frais de remise en état du système de production d'électricité, 576 € à titre d'indemnisation en réparation de la perte financière induite par l'impossibilité de revendre à ERDF la production d'énergie, 2 400 € au titre de l'article 700 en cause d'appel ).

Le jugement sera donc confirmé .

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile et la succombance de Madame [V], veuve [D].

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement et rejette toutes les demandes de Madame [V], veuve [D],

y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes formées au titre de leur appel incident par Monsieur et Madame [E],

Condamne Madame [V], veuve [D] aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/00625
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;21.00625 ?
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