RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01223 - N°Portalis DBVH-V-B7F-H7WS
MPF-AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
16 février 2021 RG:1120000828
[U]
C/
S.A.S. CBA INFORMATIQUE LIBERALE
Grosse délivrée
le 15/12/2022
à Me Florent ESCOFFIER
à Me Emmanuelle VAJOU
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 16 Février 2021, N°1120000828
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [E] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Thibaud VIDAL de AARPI CHOLEY&VIDAL AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Florent ESCOFFIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A.S. CBA INFORMATIQUE LIBERALE
Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Christine GATEAU du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 15 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE:
Par bon de commande du 1er décembre 2017, [E] [U], infirmière libérale, a souscrit auprès de la SAS CBA Informatique Libérale, société de services en ingénierie informatique adaptée aux professionnels de santé, un abonnement au logiciel «'My Agathe E-Motion'» moyennant la somme de 49 euros par mois, quatre mois étant offerts à titre de geste commercial, et ce pour une durée de quatre ans. Le logiciel «'My Agathe E-Motion'» permet de télétransmettre via le réseau Internet et depuis n'importe quel support électronique, y compris mobile, et en passant par la société OVH en qualité d'hébergeur, des feuilles de soins aux caisses d'assurance maladie et aux mutuelles de santé.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2018, [E] [U] a fait savoir à la SAS CBA Informatique Libérale sa volonté de résilier son abonnement au logiciel «'My Agathe E-Motion'» de manière anticipée et de se voir rembourser l'intégralité des mensualités versées par suite des manquements contractuels graves de la SAS CBA Informatique Libérale au regard notamment des dysfonctionnements du logiciel et de la mauvaise application de l'article 11B de la nomenclature générale des actes professionnels.
Après une mise en demeure adressée par LRAR du 12 décembre 2018 restée infructueuse, [E] [U] a assigné par acte du'7 janvier 2019, la SAS CBA Informatique Libérale devant le tribunal judiciaire d'Avignon aux fins d'annulation du contrat.
Par jugement contradictoire du 16 février 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon a':
- rejeté les demandes de Mme [U] visant à voir prononcer la nullité et la résolution du contrat ;
- condamné Mme [U] à payer à la SAS CBA Informatique Libérale la somme de 588 euros au titre des mensualités impayées,
- constaté que Mme [U] reste tenue de payer à la SAS CBA Informatique Libérale, en échange de la poursuite de l'abonnement précité, les mensualités locatives prévues au contrat à hauteur de 49 euros par mois, à compter du terme de janvier 2021 et jusqu'au terme de novembre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,
- condamné Mme [U] à payer à la SAS CBA Informatique Libérale la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 25 mars 2021, [E] [U] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2022, [E] [U] demande à la Cour de réformer le jugement et, statuant à nouveau, de:
- prononcer en conséquence la nullité du bon de commande du logiciel « My Agathe E-Motion » lequel contrevient aux dispositions d'ordre public de protection des données de santé de l'article L. 1111-8 du Code de la santé publique,
Subsidiairement,
- prononcer la résolution du contrat pour dysfonctionnements et inexécutions graves,
En tout état de cause,
- condamner la SAS CBA Informatique Libérale à lui payer la somme de 1029 euros en remboursement des mensualités versées en exécution du contrat précité,
- rejeter la demande de la société CBA tendant à sa condamnation à une amende civile,
- condamner la SAS CBA Informatique Libérale à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 3500 € en réparation de son préjudice de désorganisation, la somme de 2'000 € en réparation de son préjudice de trouble d'activité, la somme de 2'000 € en réparation de la perte des données de santé et celle de 2000€ en réparation de son préjudice moral
- condamner la SAS CBA Informatique Libérale à lui payer la somme de 5 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'appelante fait grief à la société CBA d'assurer une fonction d'hébergeur alors qu'elle ne dispose pas de l'agrément nécessaire à cette activité et estime que le bon de commande ne permet pas de justifier de l'existence d'un contrat conforme les prescriptions légales. Elle considère que le contrat est nul en raison de son objet illicite et qu'à défaut de prononcer sa nullité, la cour devra prononcer sa résolution en raison des inexécutions graves et renouvelées de la société CBA. L'appelante sollicite également l'indemnisation des préjudices dont elle a été victime.
Dans ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident n°1, notifiées par voie électronique le 23 septembre 2021, la société CBA Informatique Libérale demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné sa cocontractante à lui payer la somme de 588 euros au titre des mensualités impayées depuis le début de l'exécution du contrat et dit qu'elle serait tenue de lui payer les mensualités locatives prévues au contrat de janvier 2021 à novembre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, et, statuant à nouveau sur ces points, de:
- constater que sa cocontractante reste tenue de payer les mensualités locatives de 49 euros par mois jusqu'au terme du 31 décembre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement de première instance,
-à titre subsidiaire, dans l'hypothèse de l'annulation du contrat, la condamner à lui payer une somme de 2.058 euros à titre d'indemnité d'utilisation du logiciel My Agathe E-Motion entre le 1er décembre 2017 et le 30 septembre 2021,
En tout état de cause,
- la condamner à 1000 euros d'amende civile pour appel abusif,
- la débouter de toutes ses demandes,
- la condamner à lui verser une somme de 8000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'intimée soutient que le contrat est parfaitement régulier, qu'il est conforme à la réglementation applicable à l'hébergement des données de santé et qu'il n'a pas pour objet l'hébergement de données de santé. La société CBA Informatique fait valoir par ailleurs qu'au regard de l'article 9 des conditions générales de vente, sa cliente ne pouvait pas se prévaloir de la clause résolutoire. Elle fait valoir qu'il n'y a eu aucune inexécution contractuelle de sa part. Elle ajoute que le contrat n'a pas été valablement résilié par l'appelante et sollicite à ce titre l'indemnisation de son manque à gagner.
Par ordonnance du 22 juin 2022, la procédure a été clôturée le 13 octobre 2022 et l'examen de l'affaire a été renvoyé à l'audience du 27 octobre 2022.
MOTIFS:
Sur la preuve du contrat:
Le tribunal a jugé que les conditions générales de vente ayant été signées de la main d'[E] [U] le même jour que la signature du bon de commande, l'existence d'un contrat en bonne et due forme conclu entre les parties était suffisamment établie.
L'appelante estime que ce seul bon de commande ne permet pas de justifier l'existence d'un contrat entre les parties et fait grief au fournisseur du logiciel de ne pas lui avoir fait signer un contrat en bonne et due forme permettant d'établir le consentement des parties et les clauses sur lesquelles elles se sont accordées.
L'intimée fait observer à la cour qu'en demandant l'annulation ou la résolution du contrat, l'appelante révèle qu'elle ne conteste pas sérieusement l'existence de la relation contractuelle laquelle est établie par le bon de commande et les conditions générales de vente qu'elle a signés.
Il est versé aux débats un document intitulé «' bon de commande'» qu'[E] [U] a rempli et signé le 1er décembre 2017 par lequel elle a souscrit un abonnement d'une durée de 48 mois au prix de 49 euros par mois au logiciel «'My Agathe e.motion'». Ce document, dans un encart situé en bas et à gauche, comprend la mention suivante: «' je soussigné [E] [U] déclae avoir pris connaissance et accepter les conditions générales de vente de My Agathe e.motion au verso'», sous laquelle l'infirmière a apposé la date ( 1/12/2017), sa signature et le cachet de sa société ( selarl [U]). Au verso du bon de commande figurent les conditions générales de vente ainsi qu'un encart situé en bas et à droite contenant la date ( 1/12/2017), la signature de la contractante et le cachet de sa société ( selarl [U]).
Le premier juge a donc à bon droit retenu que la preuve du contrat conclu le 1er décembre 2017 entre [E] [U] et la société CBA Informatique Libérale était rapportée, le document intitulé «' bon de commande'» au verso duquel figuraient les conditions générales de vente détaillant les obligations respectives des parties.
Sur la nullité du contrat pour violation de l'article L 1111-8 du code de la santé publique:
L'article L 1111-8 dans sa rédaction applicable au présent litige dispose: «' toute personne qui héberge des données de santé à caractère personnel recueillies à l'occasion d'activités de prévention, de diagnostic, de soins...pour le compte de personnes physiques ou morales à l'origine de la production ou du recueil de ces données ou pour le compte du patient lui-même, doit être agréée à cet effet...'».
Le tribunal a rejeté la demande d'annulation du contrat fondée sur l'illécéïté de son objet aux motifs que le fournisseur rapportait la preuve que la société OVH à laquelle il sous-traitait l'hébergement des données de santé à caractère personnel recueillies à l'occasion de l'utilisation du logiciel «'My Agathe e-motion'» disposait de l'agrément depuis le 24 octobre 2016, soit avant la signature du contrat litigieux, que l'obligation d'information du patient concerné pesait sur le professionnel de santé utilisateur du logiciel et non sur le fournisseur et que la preuve n'était pas rapportée que ce dernier avait manqué à son obligation de restitution des données de santé à caractère personnel.
L'appelante estime que les contrats signés par la société CBA sont nuls de nullité absolue pour objet illicite parce que cette société, au mépris des dispositions de l'article L 1111-8 du code de la santé publique, ne dispose d'aucun agrément, qu'elle n'a signé aucun contrat en vue de cette prestation d'hébergement, n'a pas recueilli le consentement des patients concernés et a retenu illégalement des données de santé à caractère personnel lorsqu'il a été mis fin au contrat.
L'appelante souligne tout d'abord que la société CBA a commencé son activité sans respecter le cadre réglementaire, ce dont sa représentante a convenu dans une interview disponible sur la plateforme Youtube, et que la société OVH n'a obtenu son agrément que le 14 octobre 2016. Elle en conclu qu'est illicite l'objet du contrat qu'elle a conclu avec la société CBA laquelle ne disposait d'aucun agrément l'autorisant à héberger des données de santé à caractère personnel
L'intimée réplique que les dispositions de l'article L 1111-8 du code de la santé publique ne sont pas applicables aux opérateurs qui, dans le cadre de leurs services, participent à la chaîne de transmission des données sans jamais les héberger durablement à titre principal. Elle en déduit que ces dispositions ne sont pas applicables au contrat la liant à l'appelante. Elle fait valoir en revanche qu' à la date du bon de commande signé le 1er décembre 2017 par l'appelante, elle avait confié la prestation d'hébergement à la société Asplenium Hosting Services laquelle disposait de l'agrément prévu par l'article L 1111-8 du code de la santé publique.
Le 1er décembre 2017, date à laquelle [E] [U], infirmière libérale, a signé le contrat d'abonnement au logiciel «' My Agathe-e-motion'» lui permettant de télétransmettre ses feuilles de soins aux caisses d'assurance-maladie et aux mutuelles de santé, le fournisseur du logiciel, la société CBA, avait confié la prestation d'hébergement des données télétransmises à la société Asplenium Hosting Services laquelle disposait de l'agrément prévu par l'article L1111-8 du code de la santé publique. L'intimée produit en effet non seulement le contrat d'hébergement et services managés de données de santé qu'elle a conclu le 10 novembre 2017 avec la société Asplenium Hosting Services mais aussi la décision du 16 mars 2017 du ministère des affaires sociales et de santé publiée au BO Santé-Protection sociale-Solidarité n°2017/4 du 15 mai 2017 portant agrément de la société Asplenium Hosting Services pour une durée de trois ans en qualité d'hébergeur de données de santé à caractère personnel ( pièces 26 et 27 communiquées par l'intimée).
A l'instar du tribunal, la cour ne peut que constater que la preuve est rapportée que la société qui assurait l'hébergement des données de santé à caractère personnel télétransmises par l'infirmière aux caisses et aux mutuelles disposait de l'agrément exigé par l'article L 1111-8 du code de la santé publique.
L'appelante, au visa des dispositions de l'article L 1111-8 du code de la santé publique édictant que la prestation d'hébergement des données, quel qu'en soit le support, doit faire l'objet d'un contrat, fait observer à la cour qu'aucun contrat n'a été signé par les parties en vue de cette prestation d'hébergement. L'intimée considère cette critique infondée dans la mesure où elle justifie du contrat qu'elle a conclu le 10 novembre 2017 avec la société Asplenium Hosting Services par lequel elle a confié à cette contractante la prestation d'hébergement.
L'article 1111-8 du code de la santé publique précise que la prestation d'hébergement fait l'objet d'un contrat. Contrairement à ce que soutient l'appelante, cette disposition concerne le contrat conclu entre la société CBA et la société Asplenium Hosting Services et la communication du contrat que le fournisseur du logiciel et l'hébergeur ont conclu le 10 novembre 2017 prouve que l'exigence légale a été respectée. En tout état de cause, l'argument tiré de l'absence de contrat entre la société CBA et [E] [U] est inopérant, les parties ayant signé le 1er décembre 2017 un bon de commande portant sur l'abonnement au logiciel «' My agathe e-motion'».
L'appelante fait grief à la société CBA d'avoir omis de mettre en place des modalités permettant l'information des personnes concernées par l'hébergement de leurs données de santé à caractère personnel, contrairement à ce qu'exige l'article L 1111-8 du code de la santé publique, lequel dispose que l'hébergement de données ne peut avoir lieu qu'avec le consentement exprès de la personne concernée. Elle déplore le fait que le logiciel fourni par la société CBA ne permette pas de recueillir le consentement des patients et que le fournisseur n'ait pas alerté les utilisateurs du logiciel pour s'assurer que cette condition essentielle de l'hébergement de données de santé est bien respectée.
L'intimée réplique que l'obligation d'information du patient et de recueil de son consentement sur l'hébergement de ses données de santé ne pèse ni sur le fournisseur du logiciel ni sur l'hébergeur mais sur les professionnels de santé.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'article L 1111-8 dans sa version applicable aux faits du litige n'exige pas que soit recueilli le consentement exprès du patient à l'hébergement de ses données de santé. Si dans sa version applicable du 26 février 2010 au 26 janvier 2016, l'hébergement des données hors de l'établissement ne pouvait avoir lieu qu'avec le consentement exprès de la personne concernée, la loi du 26 janvier 2016 a supprimé la condition du consentement et l'a remplacé par une obligation d'information assortie d'un droit d'opposition du patient, mais seulement pour un motif légitime. L'ordonnance n° 2017-27 du 12 janvier 2017 relative à l'hébergement de données de santé à caractère personnel a ainsi modifié l'article L. 1111-8 dont la version applicable au présent litige est la suivante: «' l'hébergement, quel qu'en soit le support, papier ou numérique, est réalisé après que la personne prise en charge en a été dument informée et sauf opposition pour un motif légitime'».
Quant à l'obligation d'informer le patient sur l'hébergement de ses données de santé à caractère personnel afin de lui permettre, le cas échéant, de s'y opposer, elle ne pèse pas comme l'a jugé à bon droit le tribunal sur le fournisseur du logiciel lequel n'est pas en contact direct avec le patient.
L'appelante dénonce le fait que la société CBA, dès qu'elle a reçu la mise en demeure de résiliation, ait pu bloquer tout accès de l'utilisateur au logiciel et, partant, aux données de santé stockées. Elle en déduit que le contrat qu'elle a conclu avec la société CBA n'est pas conforme aux exigences imposées par les dispositions d'ordre public de l'article 1111-8 du code civil, lequel dispose: «' les hébergeurs tiennent les données de santé à caractère personnel qui ont été déposées auprès d'eux à la disposition de ceux qui les leur ont confiées.....Lorsqu'il est mis fin à l'hébergement, l'hébergeur restitue les données qui lui ont été confiées au professionnel...'».
La société CBA réplique que l'obligation de restituer les données lorsqu'il est mis fin à l'hébergement pèse sur l'hébergeur et non sur elle.
La disposition d'ordre public relative à la restitution des données par l'hébergeur lorsqu'il est mis fin à l'hébergement a trait à l'exécution du contrat d'hébergement et n'a donc aucune incidence sur la formation du contrat conclu entre l'éditeur du logiciel et le professionnel de santé. Il est à tort invoqué par l'intimée à l'appui de sa demande d'annulation du contrat pour objet illicite.
Le tribunal a donc à juste titre rejeté la demande d'annulation du contrat conclu le 1er décembre 2017 entre la société CBA et [E] [U].
Sur la résolution du contrat pour exécution défectueuse:
Excipant d'inexécutions graves et renouvelées du contrat, [E] [U] a demandé à titre subsidiaire la résolution du contrat.
Les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande après avoir relevé que la contractante ne rapportait pas la preuve des dysfonctionnements allégués.
L'appelante expose tout d'abord que le logiciel n'a jamais fonctionné normalement en raison d'une incompatibilité matérielle et que de nombreux infirmiers, utilisateurs du logiciel fourni par la société CBA, ont été confrontés aux mêmes difficultés. Alors qu'aux termes du contrat, le fournisseur s'était engagé à une obligation de maintenance, [E] [U] souligne qu'elle a tenté sans succès de joindre le service de la «' hotline'».
L'intimée fait remarquer à la cour que les pièces versées aux débats par sa cocontractante ne démontrent en rien l'inexécution de ses obligations, lesdites pièces concernant pour la plupart d'autres clients qu'elle.
[E] [U] a dressé la liste des dysfonctionnements allégués: lenteur du serveur impliquant que des saisies de traitement ou des modifications ne soient pas prises en compte, source d'erreurs de facturation et de perte de temps consacré au contrôle systématique de la facturation ligne par ligne, annuaire des mutuelles non à jour, impossibilité de sortir simultanément en pdf tous les lots , qualité des photos Scor mauvaise, obligation de faire des manipulations informatiques pour arriver à saisir les ordonnances depuis le domicile des patients.
Elle produit pour preuve des dysfonctionnements allégués :
-le courrier rédigé par [X] [J], infirmière à [Localité 6] ( 03), déplorant «' leurs méthodes insupportables et inadmissibles'», «' toutes ces années de logiciel défectueux'», les «' pertes de centaines d'heures en appels sur leur hotline'», les «' multiples tentatives sur l'ordinateur pour pouvoir facturer'»;
-le courrier rédigé par [N] [F], infirmière à [Localité 5] ( 11), dénonçant «' mauvaise connexion, blocage, perte de temps, interruption sans explication plusieurs jours durant'»
-le courriel rédigé par [R] [D] déplorant une formation à l'utilisation du logiciel insuffisante et inutile, lecteur inutilisable
-le courrier d'[G] [O] à la société CBA se plaignant de soucis récurrents avec le logiciel qui ne reconnaît pas sa carte CPS et évoque «'des petites tracasseries qui font perdre du temps'».
-des échanges de SMS entre une infirmière prénommée [B] et la société CBA au sujet d'anomalies de connexions
-des photographies d'écrans d'un ordinateur apparemment utilisé par [B] [P] et laissant apparaître des messages d'erreur : «' le bureau à distance ne peut pas se connecter à l'ordinateur distant ...'»
-un procès-verbal de constat d'huissier dressé à la requête d'[G] [O], demeurant à [Localité 7] ( 94), selon lequel le 6 juin 2017, le module comptabilité faisant partie du logiciel commandé six mois auparavant n'avait pas été installé.
-Des décisions judiciaires concernant d'autres infirmières et constatant des désistements d'instance de la société CBA ou des condamnations de la société CBA dans le cadre d'opposition à des injonctions de payer.
Les pièces produites ne suffisent pas à établir la réalité, la fréquence et la gravité des dysfonctionnements dont se plaint l'appelante et qui auraient affecté l'utilisation par elle-même du logiciel commandé. En effet, l'existence de dysfonctionnements déplorés par d'autres professionnels de santé qui les ont constatés lors de l'utilisation du même logiciel vendu par le même fournisseur ne permettent pas de démontrer que le logiciel fourni à l'appelante et utilisé par elle a fonctionné de manière défectueuse. Si [E] [U] prouve que d'autres utilisateurs qu'elle-même ont signalé des difficultés répétées dans l'utilisation du logiciel vendu et une maintenance par «'hotline'» défaillante au point qu'un groupe Facebook a été créé pour alerter les autres professionnels, aucune investigation technique sérieuse n'a mis en évidence que le logiciel litigieux était affecté d'une anomalie structurelle perturbant de manière grave et durable son utilisation. Les dysfonctionnements recensés précisément par l'appelante et qui concerneraient son propre logiciel ne sont étayés par aucune pièce, les éléments produits ne concernant que des dysfonctionnements présentés par des logiciels achetés et utilisés par d'autres professionnels de santé.
La cour confirmera le jugement qui a rejeté sa demande de résolution du contrat et ses demandes subséquentes tendant à l'indemnisation des divers préjudices occasionnés par les dysfonctionnements de son logiciel dont elle n'a établi ni la réalité ni la gravité.
Sur les mensualités impayées:
L'intimée, appelante incidente, relève que le tribunal a condamné sa contractante à tort à payer la somme de 588 euros au titre des mensualités impayées du début de l'exécution du contrat au 31 décembre 2020 et explique que cette dernière s'est bien acquittée sans interruption des mensualités de son abonnement. Aux termes de ses écritures du 23 septembre 2021, elle demande à la cour de dire que l'appelante reste tenue de payer les mensualités locatives de 49 euros par mois jusqu'au terme du contrat, le 31 décembre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.
La prétention susvisée n'est pas une demande en paiement portant sur un montant précis et une créance exigible: l'intimée indiquait en effet à la cour que sa débitrice était à jour de toutes les mensualités échues à la date de ses écritures, le 31 décembre 2021, et sa demande portait sur des mensualités à échoir jusqu'au 31 décembre 2021. Le jugement sera donc infirmé et la société CBA déboutée de sa demande en paiement.
Sur l'appel abusif:
Si l'appelante a échoué à démontrer que la société CBA lui avait fourni un logiciel défectueux rendant son utilisation insatisfaisante, elle démontre par les courriers et les décisions judiciaires produits aux débats que de nombreux professionnels de santé se sont plaints de dysfonctionnements du logiciel et que le service après-vente de la société CBA n'a pas fait preuve d'une réactivité suffisante par rapport à la répétition des anomalies signalées par leurs clients.Son action s'inscrit dans ce contexte.
L'intimée ne démontre pas dès lors le caractère abusif de l'appel interjeté par [E] [U].
Elle n'est pas ailleurs pas fondée à réclamer à titre de sanction de l'appel abusif allégué une amende civile sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile. En effet, l'amende civile laquelle a une fonction punitive est payable à l'Etat et seul le juge a le pouvoir de condamner au paiement d'une amende civile une partie qui aurait abusé de son droit de relever appel d'un jugement.
La société CBA sera donc déboutée de sa demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
L'équité justifie de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles. Chaque partie succombant dans ses prétentions, les dépens seront répartis par moitié entre elles.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a condamné [E] [U] à payer à la société CBA Informatique Libérale la somme de 588 euros au titre des mensualités impayées et constaté qu'elle restait tenue de payer les mensualités locatives de 49 euros par mois de janvier 2021 à novembre 2021 inclus avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
Statuant à nouveau sur ce point,
Déboute la société CBA Informatique Libérale de sa demande tendant à constater qu'[E] [U] reste tenue de lui payer la somme de 49 euros par mois jusqu'au 31 dévcembre 2021 inclus avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront répartis par moitié entre elles.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,