RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01215 - N°Portalis DBVH-V-B7F-H7WA
MPF-AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
16 février 2021 RG:11-20-0822
S.A.S. CBA INFORMATIQUE LIBERALE
C/
[F]
Grosse délivrée
le 15/12/2022
à Me Emmanuelle VAJOU
à Me Florent ESCOFFIER,
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Avignon en date du 16 Février 2021, N°11-20-0822
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. CBA INFORMATIQUE LIBERALE
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Christine GATEAU du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [G] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Thibaud VIDAL de AARPI CHOLEY&VIDAL AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Florent ESCOFFIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 15 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE:
Par bon de commande du 5 octobre 2015, [G] [F], infirmière libérale, a souscrit auprès de la SAS CBA Informatique Libérale, société de services en ingénierie informatique destinée aux professionnels de santé, un abonnement au logiciel « My Agathe Connect » ainsi que la location d'un lecteur moyennant la somme de 63 euros par mois, et ce pour une durée de quatre ans. Le logiciel « My Agathe Connect » avait pour fonction de télétransmettre des feuilles de soins aux caisses d'assurance maladie et aux mutuelles de santé.
Par bon de commande du 19 octobre 2016 se substituant au précédent, elle a souscrit un abonnement au logiciel « My Agathe E-Motion » et la location d'un lecteur moyennant la somme de 73 euros par mois pendant trois ans. Ce logiciel offrait les mêmes fonctionnalités que le précédent, via le réseau Internet et depuis n'importe quel support électronique, y compris mobile.
Par lettres recommandées avec accusé de réception des 3 avril et 21 août 2017, Mme [F] a fait savoir à la SAS CBA Informatique Libérale sa volonté de résilier son abonnement au logiciel « My Agathe E-Motion », puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juillet 2018, elle a mis en demeure la SAS CBA Informatique Libérale de lui restituer toutes les mensualités versées au titre de l'abonnement au logiciel « My Agathe Connect ».
Par acte du 6 août 2018, [G] [F] a assigné la SAS CBA Informatique Libérale devant le tribunal judiciaire d'Avignon aux fins d'annulation du contrat.
Par jugement contradictoire en date du 16 février 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon a :
- prononcé la nullité du contrat du 5 octobre 2015 souscrit par Mme [F] auprès de la SAS CBA Informatique Libérale concernant l'abonnement au logiciel « My Agathe Connect »,
- condamné la SAS CBA Informatique Libérale à payer à Mme [F] la somme de 756 euros en remboursement des mensualités versées en exécution du contrat précité,
- prononcé la nullité du contrat du 19 octobre 2016 souscrit par Mme [F] auprès de la SAS CBA Informatique Libérale concernant l'abonnement au logiciel « My Agathe E-Motion »,
- condamné la SAS CBA Informatique Libérale à payer à Mme [F] la somme de 441 euros en remboursement des mensualités versées en exécution du contrat précité,
- condamné la SAS CBA Informatique Libérale à payer à Mme [F] à titre de dommages et intérêts la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice de désorganisation, celle de 1500 euros en réparation de son préjudice de trouble d'activité, celle de 500 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamné la SAS CBA Informatique Libérale à lui payer celle de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Par acte en date du 25 mars 2021, la SAS CBA Informatique Libérale a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2021, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau,
à titre principal,
S'agissant du contrat d'abonnement au logiciel « My Agathe Connect » :
- dire que le contrat conclu le 5 octobre 2015 est valable,
- dire que le contrat conclu le 1er novembre 2016 est valable,
- dire qu'aucune inexécution contractuelle n'est imputable à la société CBA Informatique Libérale,
A titre subsidiaire,
- constater que Mme [F] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice réparable,
- dire que Mme [F] a résilié le contrat d'abonnement au logiciel My Agathe E-Motion de manière fautive,
- la condamner au paiement d'une somme de 706,32 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société CBA Informatique Libérale du fait du manque à gagner causé par la résiliation fautive du contrat d'abonnement au logiciel My Agathe E-Motion,
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité des contrats conclus les 5 octobre 2015 et 1er novembre 2016 serait confirmée par la Cour :
- dire que Madame [F] devra verser à la société CBA Informatique Libérale une somme de 1.152 euros à titre d'indemnité d'utilisation du logiciel My Agathe Connect et du lecteur de carte Vitale entre le 5 octobre et le 31 août 2017,
En tout état de cause,
- débouter Mme [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, outre appel incident,
- condamner Mme [F] à verser une somme de 6.000 euros à la société CBA Informatique Libérale en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante soutient essentiellement qu'aucune nullité ne peut être encourue pour objet illicite au regard notamment de la réglementation applicable à l'hébergement des données de santé et du fait que le contrat n'a pas pour objet l'hébergement de données de santé. Elle fait valoir qu'il n'y a eu aucune inexécution contractuelle de sa part.
Elle affirme enfin que les contrats n'ont pas été valablement résiliés par Mme [F] et sollicite à ce titre la condamnation de l'intimée au paiement de dommages et intérêts pour son manque à gagner.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2022, l'intimée [F] demande à la Cour de confirmer le jugement sauf sur l'indemnisation de ses préjudices et, statuant de nouveau,
- condamner la SAS CBA Informatique Libérale à payer à Mme [F] la somme de 3500€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de désorganisation
- condamner la SAS CBA Informatique Libérale à payer à Mme [F] la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de trouble d'activité ;
- condamner la SAS CBA Informatique Libérale à payer à Mme [F] la somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral
Subsidiairement,
- prononcer la résolution du contrat pour dysfonctionnements et inexécutions graves.
En tout état de cause,
-condamner la SAS CBA Informatique Libérale à payer à Mme [F] une somme de 5 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[G] [F] souligne que cette dernière a reconnu qu'elle assure une fonction d'hébergeur de données de santé à caractère personnel sans toutefois disposer de l'agrément nécessaire à cette activité. Elle estime que le bon de commande produit par la partie adverse ne permet pas de justifier de l'existence d'un contrat en conformité avec les prescriptions légales entre la société CBA et elle-même. De plus, elle affirme que le bon de commande est nul en raison de son objet illicite. Cette nullité emporte l'anéantissement rétroactif de ce contrat et les restitutions afférentes. Si par extraordinaire la nullité du bon de commande n'était pas prononcée, elle soutient qu'il conviendrait de constater sa résolution en raison des inexécutions graves et renouvelées de la société CBA depuis le jour de sa conclusion. Corrélativement à ces demandes, elle sollicite également l'indemnisation des préjudices dont elle a été victime.
Par ordonnance du 22 juin 2022, la procédure a été clôturée le 13 octobre 2022 et l'examen de l'affaire a été renvoyé à l'audience du 27 octobre 2022.
MOTIFS
Sur la preuve du contrat:
Le tribunal a jugé que les conditions générales de vente jointes aux bons de commande des 5 octobre 2015 et 19 octobre 2016 ayant été signées de la main d'[G] [F] le même jour que la signature des bons de commande, l'existence de contrats en bonne et due forme conclus entre les parties était suffisamment établie.
L'intimée estime que ces seuls bons de commande ne permettent pas d'établir le consentement des parties à l'acte et son étendue ainsi que les clauses sur lesquelles elles se sont accordées.
L'appelante soutient que l'affirmation selon laquelle aucun contrat n'aurait été conclu entre les parties est dénuée de fondement, [G] [F] ayant apposé sa signature sur les bons de commande.
Il est versé aux débats:
-un document intitulé « bon de commande » qu'[G] [F] a rempli et signé le 5 octobre 2015 par lequel elle a souscrit un abonnement d'une durée de 48 mois au prix de 39 euros par mois au logiciel « My Agathe Connct » outre la location d'un lecteur moyennant 24 euros par mois.
-un document intitulé « bon de commande » qu'[G] [F] a rempli et signé le 19 octobre 2016 par lequel elle a souscrit un abonnement d'une durée de 48 mois au prix de 49 euros par mois au logiciel « My Agathe E-Motion» outre la location d'un lecteur de carte vitale.
Le premier juge a donc à bon droit retenu que la preuve du contrat conclu le 1er décembre 2017 entre [P] [A] [C] et la société CBA Informatique Libérale était rapportée.
Sur la nullité du contrat pour violation de l'article L 1111-8 du code de la santé publique:
L'article L 1111-8 dans sa rédaction applicable au présent litige dispose: « toute personne qui héberge des données de santé à caractère personnel recueillies à l'occasion d'activités de prévention, de diagnostic, de soins...pour le compte de personnes physiques ou morales à l'origine de la production ou du recueil de ces données ou pour le compte du patient lui-même, doit être agréée à cet effet... ».
Le tribunal a fait droit à la demande d'annulation du contrat fondée sur l'illécéïté de son objet aux motifs que le fournisseur ne rapportait la preuve que la société OVH à laquelle il sous-traitait l'hébergement des données de santé à caractère personnel recueillies à l'occasion de l'utilisation du logiciel « My Agathe Connect » puis« My Agathe e-motion » disposait de l'agrément avant la signature des deux contrats litigieux. Les premiers juges ont relevé que la société OVH n'avait obtenu son agrément que depuis le 24 octobre 2016, soit postérieurement à la signature des contrats conclus avec [G] [F].
L'appelante soutient que les dispositions de l'article L 1111-8 du code de la santé publique ne sont pas applicables aux opérateurs qui, dans le cadre de leurs services, participent à la chaîne de transmission des données sans jamais les héberger durablement à titre principal. Elle en déduit que ces dispositions ne sont pas applicables au contrat la liant à l'appelante: le contrat n'ayant pas pour objet l'hébergement de données de santé mais seulement la télétransmission assurée par le logiciel, la contractante ne peut se prévaloir de l'absence d'agrément de l'hébergeur pour soutenir que l'objet du contrat d'abonnement au logiciel est illicite. La société CBA fait valoir aussi que depuis le 22 décembre 2015, elle a confié la prestation d'hébergement à la société Arrow ECS titulaire de l'agrément requis depuis le 25 octobre 2012.
L'intimée estime que les contrats signés par la société CBA sont nuls de nullité absolue pour objet illicite parce que cette société, au mépris des dispositions de l'article L 1111-8 du code de la santé publique, ne dispose d'aucun agrément, qu'elle n'a signé aucun contrat en vue de cette prestation d'hébergement, n'a pas recueilli le consentement des patients concernés et a retenu illégalement des données de santé à caractère personnel lorsqu'il a été mis fin au contrat.
L'appelante souligne tout d'abord que la société CBA a commencé son activité sans respecter le cadre réglementaire, ce dont sa représentante en a convenu dans une interview disponible sur la plateforme Youtube, et que la société OVH n'a obtenu son agrément que le 14 octobre 2016. Elle en conclut qu'est illicite l'objet du contrat qu'elle a conclu avec la société CBA laquelle ne disposait d'aucun agrément l'autorisant à héberger des données de santé à caractère personnel
Les données de santé sont des données sensibles dont le traitement est soumis à des conditions particulières. Leur accès est encadré par la loi pour protéger les droits des personnes.
L'hébergeur a pour rôle de fournir un support physique (serveur) de stockage des données à l'éditeur du logiciel de traitement des mêmes données. Si l'éditeur sous-traite l'hébergement des données de santé collectées à un tiers, un contrat doit les lier et l'hébergeur doit être agréé.
Comme l'a justement relevé le tribunal, la télétransmission de données de santé à caractère personnel et leur hébergement sont donc indissociables : le contrat d'abonnement à un logiciel permettant la télétransmission des feuilles de soins aux caisses et aux mutuelles implique nécessairement l'hébergement desdites données dans un support physique de stockage de données. Le fait que la société CBA confie à une société tierce la prestation d'hébergement est indifférente, la société CBA était tenue de fournir à ses abonnés une prestation conforme aux dispositions d'ordre public protégeant les données de santé à caractère personnels. L'objet du contrat est donc illicite si le stockage des données transmises par les abonnés via le logiciel fourni n'est pas assuré par un hébergeur agréé.
Le tribunal a donc à bon droit annulé le contrat conclu le 5 octobre 2015, la société CBA ne justifiant pas qu'à cette date la prestation d'hébergement des données de santé à caractère personnel était assurée par une personne disposant de l'agrément requis.
Le contrat du 19 Octobre 2016 est en revanche valable, la société CBA ayant confié par contrat du 22 décembre 2015 la prestation d'hébergement des données à la société Arrow ECS titulaire de l'agrément requis depuis le 25 octobre 2012 ( pièces n°30 et 31 communiquées par l'appelante).
L'intimée, au visa des dispositions de l'article L 1111-8 du code de la santé publique édictant que la prestation d'hébergement des données, quel qu'en soit le support, doit faire l'objet d'un contrat, fait observer à la cour qu'aucun contrat n'a été signé par les parties en vue de cette prestation d'hébergement. L'article 1111-8 du code de la santé publique qui précise que la prestation d'hébergement doit faire l'objet d'un contrat concerne le contrat conclu entre la société CBA et la société Arrow ECS et la communication du contrat que le fournisseur du logiciel et l'hébergeur ont conclu le 22 décembre 2015 prouve que l'exigence légale a été respectée.
[G] [F] fait aussi grief à la société CBA d'avoir omis de mettre en place des modalités permettant l'information des personnes concernées par l'hébergement de leurs données de santé à caractère personnel, contrairement à ce qu'exige l'article L 1111-8 du code de la santé publique, lequel dispose que l'hébergement de données ne peut avoir lieu qu'avec le consentement exprès de la personne concernée. Elle déplore le fait que le logiciel fourni par la société CBA ne permette pas de recueillir le consentement des patients et que le fournisseur n'ait pas alerté les utilisateurs du logiciel pour s'assurer que cette condition essentielle de l'hébergement de données de santé est bien respectée.
Contrairement à ce que soutient [G] [F], l'article L 1111-8 dans sa version applicable aux faits du litige n'exige pas que soit recueilli le consentement exprès du patient à l'hébergement de ses données de santé. Si dans sa version applicable du 26 février 2010 au 26 janvier 2016, l'hébergement des données hors de l'établissement ne pouvait avoir lieu qu'avec le consentement exprès de la personne concernée, la loi du 26 janvier 2016 a supprimé la condition du consentement et l'a remplacé par une obligation d'information assortie d'un droit d'opposition du patient, mais seulement pour un motif légitime. L'ordonnance n° 2017-27 du 12 janvier 2017 relative à l'hébergement de données de santé à caractère personnel a ainsi modifié l'article L. 1111-8 dont la version applicable au présent litige est la suivante: «l'hébergement, quel qu'en soit le support, papier ou numérique, est réalisé après que la personne prise en charge en a été dument informée et sauf opposition pour un motif légitime ».
Quant à l'obligation d'informer le patient sur l'hébergement de ses données de santé à caractère personnel afin de lui permettre, le cas échéant, de s'y opposer, elle ne pèse pas comme l'a jugé à bon droit le tribunal sur le fournisseur du logiciel lequel n'est pas en contact direct avec le patient.
L'intimée dénonce enfin le fait que la société CBA, dès qu'elle a reçu la mise en demeure de résiliation, a pu bloquer tout accès de l'utilisateur au logiciel et, partant, aux données de santé stockées. Elle en déduit que le contrat qu'elle a conclu avec la société CBA n'est pas conforme aux exigences imposées par les dispositions d'ordre public de l'article 1111-8 du code civil, lequel dispose: « les hébergeurs tiennent les données de santé à caractère personnel qui ont été déposées auprès d'eux à la disposition de ceux qui les leur ont confiées.....Lorsqu'il est mis fin à l'hébergement, l'hébergeur restitue les données qui lui ont été confiées au professionnel... ».
La disposition d'ordre public dont se prévaut [G] [F] ne concerne que l'exécution du contrat d'hébergement et n'a aucune incidence sur la formation du contrat conclu entre l'éditeur du logiciel et le professionnel de santé. La demande d'annulation dudit contrat sur la base de cette disposition est dès lors mal fondée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a annulé le contrat du 5 octobre 2015 et rejeté la demande tendant à l'annulation du contrat du 19 octobre 2016.
Le jugement sera confirmé aussi en ce qu'il a condamné la société CBA à restituer la somme de 756 euros au titre des mensualités payées par [G] [F].
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 1500 euros au titre du préjudice de désorganisation, celle de 1500 euros au titre du trouble d'activité et celle 500 euros au titre du préjudice moral, ces dommages présentés par [G] [F] comme la conséquence de divers dysfonctionnements du logiciel n'ayant aucun lien de causalité avec l'absence d'agrément de l'hébergeur, cause de l'annulation du contrat pour illécéïté de son objet.
Sur l'indemnité d'utilisation:
A la suite de l'annulation, le contrat est censé ne jamais avoir existé et ses effets passés sont effacés et les parties remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la signature du contrat.
Le contrat informatique conclu entre les parties, s'agissant de la mise à disposition d'un logiciel dont la société CBA reste propriétaire, s'analyse en un contrat de location.
La société CBA est donc bien fondée à demander la restitution en valeur de la prestation de mise à disposition qu'elle a fournie à sa cocontractante qui en a eu la jouissance.
L'indemnité d'utilsation sera arbitrée à la somme de 1.152 euros
compte-tenu de la valeur locative du logiciel.
Sur la résolution du contrat pour exécution défectueuse:
Excipant d'inexécutions graves et renouvelées du contrat, [G] [F] a demandé, à titre subsidiaire, la résolution du contrat du 19 octobre 2016.
Elle expose tout d'abord que le logiciel n'a jamais fonctionné normalement en raison d'une incompatibilité matérielle et que de nombreux infirmiers, utilisateurs du logiciel fourni par la société CBA, ont été confrontés aux mêmes difficultés. Alors qu'aux termes du contrat, le fournisseur s'était engagé à une obligation de maintenance, [G] [F] souligne qu'elle a tenté sans succès de joindre le service de la « hotline » et qu'aucune prestation de maintenance n'a été effectuée malgré ses nombreux signalements.
La société CBA fait remarquer à la cour en premier lieu qu'après s'être abonnée au logiciel « My Agathe.connct » le 5 octobre 2015, elle a souscrit un abonnement le 19 octobre 2016 relatif au logiciel « My Agathe e-motion », démontrant ainsi qu'elle était satisfaite des prestations de son fournisseur. L'appelante soutient que les pièces versées aux débats par sa cocontractante ne démontrent en rien l'inexécution de ses obligations.
Pour preuve des dysfonctionnements allégués, [G] [F] a produit les pièces suivantes :
-le courrier rédigé par [D] [E], infirmière à [Localité 6] ( 03), déplorant « leurs méthodes insupportables et inadmissibles », « toutes ces années de logiciel défectueux », les « pertes de centaines d'heures en appels sur leur hotline », les « multiples tentatives sur l'ordinateur pour pouvoir facturer »;
-le courrier rédigé par [S] [Y], infirmière à [Localité 5] ( 11), dénonçant « mauvaise connexion, blocage, perte de temps, interruption sans explication plusieurs jours durant »
-le courriel rédigé par [M] [B] déplorant une formation à l'utilisation du logiciel insuffisante et inutile, lecteur inutilisable
-le courriel d'[G] [F] à la société CBA se plaignant de « plusieurs petits soucis » récurrents avec le logiciel qui ne reconnaît pas sa carte CPS et évoque « des petites tracasseries qui font perdre du temps ».
-des échanges de SMS entre une infirmière prénommée [J] et la société CBA au sujet d'anomalies de connexions
-des photographies d'écrans d'un ordinateur apparemment utilisé par [J] [U] et laissant apparaître des messages d'erreur : « le bureau à distance ne peut pas se connecter à l'ordinateur distant ... »
-un procès-verbal de constat d'huissier dressé à la requête d'[G] [F], demeurant à [Localité 7] ( 94), selon lequel le 6 juin 2017, le module comptabilité faisant partie du logiciel commandé six mois auparavant n'avait pas été installé.
-Des décisions judiciaires concernant d'autres infirmières et constatant des désistements d'instance de la société CBA ou des condamnations de la société CBA dans le cadre d'opposition à des injonctions de payer.
Les pièces produites ne suffisent pas à établir la réalité, la fréquence et la gravité des dysfonctionnements dont se plaint l'appelante et qui ont affecté l'utilisation par elle-même du logiciel commandé. En effet, l'existence de dysfonctionnements déplorés par d'autres professionnels de santé qui les ont constatés lors de l'utilisation du même logiciel vendu par le même fournisseur ne permettent pas de démontrer que le logiciel fourni à l'appelante et utilisé par elle a fonctionné de manière défectueuse. Si [G] [F] prouve que d'autres utilisateurs qu'elle-même ont signalé des difficultés répétées dans l'utilisation du logiciel vendu et une maintenance par « hotline » défaillante au point qu'un groupe Facebook a été créé pour alerter les autres professionnels, aucune investigation technique sérieuse n'a mis en évidence que le logiciel litigieux était affecté d'une anomalie structurelle perturbant de manière grave et durable son utilisation. Les dysfonctionnements qui concerneraient son propre logiciel ne sont étayés par aucune pièce, les éléments produits ne concernant que des dysfonctionnements présentés par des logiciels achetés et utilisés par d'autres professionnels de santé.
La cour confirmera le jugement qui a rejeté sa demande de résolution du contrat et ses demandes subséquentes tendant à l'indemnisation des divers préjudices occasionnés par les dysfonctionnements de son logiciel dont elle n'a établi ni la réalité ni la gravité.
Sur les mensualités impayées:
Par courrier du 24 novembre 2017, la société CBA a mis en demeure sa contractante des échéances impayées. Elle rapporte la preuve que sa contractante lui est redevable de la somme totale de 2943 euros correspondant aux mensualités échues impayées.
Il sera fait droit à sa demande, [G] [F] ne justifiant pas s'être libérée de sa dette.
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
L'équité justifie de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles. Chaque partie succombant dans ses prétentions, les dépens seront répartis par moitié entre elles.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a annulé le contrat du 19 octobre 2016 et en ce qu'il a condamné la société CBA Informatique Libérale à payer à [G] [F] la somme de 441 euros en restitution des mensualités et, à titre de dommages-intérêts, la somme de 1500 euros pour préjudice de désorganisation, la somme de 1500 euros pour trouble d'activité et la somme de 500 euros pour préjudice moral,
Statuant à nouveau,
Déboute [G] [F] de sa demande tendant à l'annulation du contrat du 19 octobre 2016 et de sa demande de restitution des mensualités d'un montant de 441 euros,
La déboute de ses demandes d'indemnisation de son préjudice de désorganisation, de son préjudice de trouble d'activité et de son préjudice moral,
La condamne à payer à la société CBA Informatique libérale la somme de 1152 euros à titre d'indemnité d'utilisation,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute [G] [F] de sa demande de résolution du contrat du 19 octobre 2016,
La condamne à payer à la société CBA Informatique Libérale la somme de 2943 euros au titre des mensualités échues impayées,
Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront répartis par moitié entre elles.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,