RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00357 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5PL
AD
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
08 septembre 2020
RG:19/00315
S.C.I. SCI DU MOUVEMENT
C/
Etablissement Public CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE VAUCLUSE (CC I DE VAUCLUSE)
Grosse délivrée
le
à Me Itier
SCP Disdet et Associés
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 08 Septembre 2020, N°19/00315
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,
Madame Laure MALLET, Conseillère,
M. André LIEGEON, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.C.I. DU MOUVEMENT, au capital de 800 euros, immatriculée au RCS d'Avignon sous le n° 533 613 030, prise en la personne de son représentant légal en exercice Monsieur [Y], gérant, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Baptiste ITIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉE :
Etablissement Public CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE VAUCLUSE (CCI DE VAUCLUSE) Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me DISDET de la SCP DISDET ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 15 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
Exposé :
Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avignon le 11 septembre 2020 , ayant statué ainsi qu'il suit :
' observe que dans ses écritures, la Chambre de commerce et d'industrie du Vaucluse est muette quant au sort de la somme séquestrée si celle-ci n'est pas versée à l'acquéreur,
' déboute la société civile immobilière du Mouvement de ses demandes,
' déboute la Chambre de commerce et d'industrie du Vaucluse de sa demande reconventionnelle,
' dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,
' rejette les demandes plus amples,
' laisse à chacune des parties la charge de ses frais et dépens.
Vu l'appel interjeté le 26 janvier 2021 par la société civile immobilière du Mouvement.
Vu les conclusions de la société civile immobilière du Mouvement en date du 25 août 2021, demandant de :
' réformer le jugement et statuant à nouveau,
' à titre principal, dire que la chambre du commerce et d'industrie de Vaucluse n'a pas respecté son engagement contractuel au titre de la réalisation des travaux prévus par l'acte authentique du 12 décembre 2012,
' la condamner à exécuter la clause de séquestre, à savoir, libérer le séquestre compte tenu de l'inexécution dans le délai contractuel des travaux,
' en conséquence, la condamner à lui payer la somme de 35'000 € ainsi que la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses engagements contractuels,
' à titre subsidiaire, condamner la chambre de commerce et d'industrie à faire réaliser les travaux prévus par la clause contractuelle et repris dans le rapport d'expertise judiciaire à ses frais et sous son entière responsabilité dans un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte,
' condamner la chambre de commerce à lui payer la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses engagements contractuels,
' déclarer la demande par la CCI de versement du séquestre irrecevable comme une demande nouvelle et au fond, la rejeter,
' en tout état de cause, condamner la chambre de commerce à lui payer la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Vu les conclusions de la Chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse en date du 24 novembre 2021, demandant de :
' confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société du Mouvement de ses demandes ainsi que de la condamnation à dommages et intérêts,
' dire que le rejet de l'appel principal tendant à la mise en jeu de la clause de séquestre implique sa mise à néant comme étant devenue sans objet,
' ordonner la remise de la somme séquestrée de 35'000 € à son bénéfice,
' condamner la société du mouvement à lui payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
' rejeter toutes ses demandes,
' la condamner aux dépens.
Vu l'ordonnance de clôture du 29 septembre 2022.
Motifs
Le 18 juillet 2011, la Chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse a conclu avec la SCI du Mouvement un compromis de vente en l'état futur d'achèvement portant sur un plateau à usage de bureaux de 147,30 m², outre des places de parking, la livraison devant intervenir le 30 novembre 2011, les pénalités de retard étant dues en cas de livraison postérieure au 31 décembre 2011 et le prix devant être payé comptant au jour de la signature de l'acte authentique.
La société civile immobilière du Mouvement était autorisée à prendre possession des lieux avant le 31 décembre 2011.
L'acte notarié était établi le 12 décembre 2012.
Une difficulté étant cependant née entre les parties à propos d'une cloison séparant la salle d'attente d'un bureau médical et coupant une fenêtre donnant sur l'extérieur, elle a donné lieu à l'insertion, dans ledit acte notarié, d'une clause de séquestre ainsi rédigée :
« A la sûreté garantie de la réalisation par le vendeur aux présentes à ses frais et sous son entière responsabilité des travaux suivants :
déplacement de la cloison de la salle d'attente au-delà de la fenêtre existante (ce qui entraînera à la demande de l'acquéreur la réduction de la superficie de la salle d'attente)
fermeture de la porte du WC donnant sur la salle d'attente
création d'une autre porte à l'effet de desservir le WC
et des conséquences techniques de ces travaux.
Les parties entendent séquestrer une somme de 35'000 € jusqu'à l'exécution parfaite des travaux dont s'agit.
Ces travaux devront être exécutés dans les trois ans des présentes, soit, jusqu'au 11 octobre 2015.
Les parties désignent d'un commun accord Monsieur [Z] [X],... à l'effet de se constituer séquestre de la somme de 35'000 € jusqu'à réalisation effective et parfaite des travaux dont s'agit.
Les fonds seront libérés et remis hors la présence de l'acquéreur sur présentation :
par la production d'une attestation d'architecte mentionnant la réalisation totale de ces travaux.
De convention expresse entre les parties, si les travaux ci-dessus n'étaient pas réalisés le 11 octobre 2015, la somme de 35'000 € sera remise par le séquestre à l'acquéreur aux présentes
hors la présence du vendeur. »
Pendant le temps laissé pour la réalisation de ces travaux, les parties ne se sont pas accordées sur les modalités de leur exécution, la Chambre de commerce exposant à ce sujet que la solution envisagée ne permettait pas de respecter les normes d'accès aux personnes handicapée, que dès lors, il avait été proposé de modifier la menuiserie de la fenêtre et que malgré plusieurs relances de sa part, ce n'est que le 11 juin 2015 que la société du Mouvement avait demandé l'exécution avec déplacement de la cloison.
Une expertise judiciaire a été ordonnée par décision du 21 mars 2016.
L'expert concluait, aux termes de son rapport déposé le 28 novembre 2016, dans un premier temps, que le déplacement de la cloison envisagée rendait effectivement impossible le respect de la norme d'accessibilité pour l'accès aux sanitaires ; il préconisait alors une modification de la menuiserie de la fenêtre et pour le reste proposait 'de laisser les lieux en l'état, notamment le sanitaire pour qu'il reste conforme à la norme ; il précisait que cette solution était celle préconisée par la CCI de Vaucluse et ajoutait que si son avis était retenu, 'les travaux, objet de la convention,... seraient modifiés'.
Néanmoins, ultérieurement sollicité par la société du Mouvement sur une autre solution qui consistait à déplacer la cloison avec pour conséquence le déplacement d'une autre cloison en limite de couloir et la mise en place une porte coulissante pour le sanitaire, l'expert chiffrait ces travaux dont il écrit qu'ils correspondent à l'exécution de la clause de séquestre, à une dépense supplémentaire de 10'000 € HT tandis que sa première solution avait été chiffrée HT à 7050€.
C'est dans ces conditions que la société du Mouvement a sollicité le déblocage de la somme séquestrée au motif de la non réalisation des travaux et du non-respect des engagements contractuels de la Chambre du commerce et d'industrie de Vaucluse.
Le jugement a considéré que le contrat avait force de loi, mais qu'il devait être exécuté de bonne foi et avec loyauté ; que la chambre de commerce et d'industrie avait cherché à trouver une solution aux conséquences techniques des travaux envisagés et que la société d'une Mouvement avait laissé perdurer jusqu'au dernier moment l'inexécution des travaux prévus par la convention ; que les travaux proposés par la Chambre de commerce et d'industrie et par l'expert judiciaire correspondaient à l'intention des parties qui était de permettre la location des lots à des professionnels de santé ; que la société du Mouvement ne pouvait se prévaloir de la clause de séquestre ; qu'il ne pouvait être fait droit à l'application littérale de la convention de séquestre car l'expertise avait permis de démontrer que la réalisation des travaux prévus était problématique au plan technique et que la société du mouvement n'établissait pas dans quelle mesure ils pouvaient être effectivement réalisés de sorte que sa demande subsidiaire d'application de la convention était rejetée ; qu'enfin, il ne pouvait être imposé à la société civile du mouvement d'autres travaux que ceux prévus au contrat.
Au soutien de son appel, la société du Mouvement expose essentiellement que le premier juge a fait une lecture erronée du rapport d'expertise, l'expert ayant reconnu la possibilité de réaliser les travaux conformément à la clause de séquestre et en respectant la norme d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, réservant seulement la nécessité du dépassement d'une autre cloison avec l'engagement d'une dépense supérieure de 10'000 € ; qu'en outre, il est inexact de considérer qu'elle est restée taisante, son conseil ayant écrit une lettre faisant état des conditions de réalisation des travaux conformément à l'acte notarié ; qu'en considérant qu'elle ne pouvait se prévaloir de la clause de séquestre, le premier juge a violé la force obligatoire des conventions ; qu'il a fait une analyse erronée de sa demande subsidiaire, la réalisation des travaux étant techniquement possible et prévue par l'expert.
Elle souligne que la clause séquestre est valide, claire et précise et doit être appliquée, ne souffrant d'aucune ambiguïté et ce d'autant qu'il n'y a aucune impossibilité technique d'exécuter les travaux ; que les travaux prévus ont fait l'objet d'un devis estimatif pour 27'646,80 €; que la chambre de commerce doit être condamnée subsidiairement à exécuter les travaux sous astreinte et que sa demande de remise de la somme séquestrée est irrecevable comme nouvelle devant la cour.
La Chambre de commerce et d'industrie lui oppose sa mauvaise foi dans l'exécution de la convention pour avoir pris une position parfaitement fallacieuse à l'approche de l'expiration du délai contractuel ; elle affirme que le contrat prévoit seulement l'obligation de déplacer une cloison de la salle d'attente et les conséquences techniques de ces travaux, ce qui ne comprend pas le déplacement d'une seconde cloison; que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la clause nécessitait d'être interprétée et que la commune intention des parties était de trouver une solution technique à une difficulté ponctuelle, le déplacement de la cloison pouvant se voir substituer une autre solution respectueuse de la commune intention des parties dès lors que celle envisagée au séquestre s'avérait techniquement impossible. Elle demande, en conséquence, le rejet de la demande d'attribution de la somme séquestrée. Elle s'oppose, enfin, à la demande subsidiaire de la société du mouvement tendant l'exécution des travaux contractuels qui ne sont pas conformes à la législation et pour lesquels la société du mouvement ne démontre pas qu'ils soient possibles.
La lecture du rapport d'expertise permet de retenir que l'expert a, dans un premier temps, considéré, au vu de l'état des lieux, que la réalisation de la clause séquestre apparaissait problématique au plan technique en l'absence de solution simple permettant de respecter l'arrêté du 1er août 2006 relatif à l'accessibilité des personnes atteintes de handicap, la largeur de la circulation au droit du sanitaire étant insuffisante pour permettre le retournement d'un fauteuil roulant ; que c'est suite à un dire du conseil de la SCI du Mouvement, que l'expert explique, ensuite, que la solution, qu'il lui a ainsi proposée et qui conduit à déplacer la cloison séparant le couloir de la salle d'exercice de 0,07m, permet le respect de la clause contractuelle tout en se conformant à la norme d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, sa seule réserve touchant au procédé à mettre en oeuvre, plus compliqué car la cloison abrite le repliement d'une porte de séparation coulissante, que cette solution implique en plus un déplacement du cloisonnement pour élargir le dégagement au droit du sanitaire et occasionne une dépense de 10 000€.
En l'état de ces observations techniques et de la clause sus énoncée, il sera retenu que les termes en sont clairs et n'exigent aucune interprétation quant aux obligations en découlant ;il s'agit en effet de définir les travaux à la charge du vendeur ; ceux-ci y sont définis comme correspondant au déplacement de la cloison de la salle d'attente au delà de la fenêtre, outre la fermeture de la porte du WC et l'ouverture d'une autre porte ; la circonstance que le terme de 'conséquences techniques' également à la charge du vendeur et donc générés en suite de la réalisation des travaux précédemment cités n'y soit pas défini ne génère aucune équivoque et doit, au contraire, s'entendre, vu le sens général de cette clause, comme prévoyant que c'est le vendeur qui non seulement a donc la charge, à ses frais et sous sa responsabilité, de réaliser les travaux y listés, mais qu'il doit aussi les assumer avec toutes conséquences techniques en résultant sans au demeurant que ces conséquencesn'ayant pas été définies soient limitées.
D'ailleurs, la CCI écrit dans ses conclusions que la volonté acceptée des parties était bien 'de déplacer la cloison au delà de la fenêtre existance' et que 'la clause de séquestre formalisait cet accord'
Il en résulte, l'expert ayant conclu qu'il était possible d'assurer l'exécution de la clause par les seconds travaux qu'il a examinés sur proprosition du conseil de la SCI, d'une part, que la solution certes proposée de façon réitérée par la chambre du commerce et d'industrie de Vaucluse consistant à changer la menuiserie existante pour la fenêtre tout en laissant la cloison en place, à déplacer l'interphone et à reprendre les peintures, ne correspond pas à la prestation promise par la clause de séquestre qui n'envisageait pas de modification de la fenêtre existante, d'autre part, que la solution alternative étudiée par l'expert permet l'application de la clause contractuelle tout en évitant de se placer hors le respect des normes d'accessibilité des personnes à mobilité réduite, de sorte que la CCI sera jugée comme n'ayant pas excuté la convention et qu'elle ne saurait, dans ces conditions, reprocher à la SCI du Mouvement une quelconque mauvaise foi :
- à n'avoir pas répondu à son offre de réaliser des travaux, non respectueux de la clause et qui contrairement à ses allégations, n'avaient pas 'lieu de satisfaire' son co-contractant,
- ainsi qu'à en avoir exigé l'application, aucun grief ne pouvant lui être fait quant à une tardiveté de son courrier de ce chef, le 11 juin 2015, vu les propositions jusqu'alors faites.
Elle ne saurait, non plus, faire état de ce que sa solution évitait une diminution de la superficie de la salle d'attente, laquelle avait, de toute façon, été admise lors de l'établissement de la clause de séquestre au bénéfice de travaux consistant donc à déplacer la cloison.
La société civile immobilière du mouvement sera donc déclarée bien fondée en sa demande de libération du séquestre à son profit.
La société civile immobilière du Mouvement ne justifie pas d'un préjudice autre que celui réparé par l'allocation des intérêts légaux de retard.
Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour la somme de 10'000 €.
Sa demande subsidiaire est, par suite, sans objet.
Il en résulte, enfin, le rejet de la demande de versement du séquestre au profit de la Chambre du commerce et d'industrie de Vaucluse qui n'est pas une demande nouvelle, mais qui est mal fondée.
Le jugement sera donc infirmé.
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort,
Infirme le jugement et statuant à nouveau
En l'état de l'inexécution par la Chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse de son engagement contractuel au titre de la réalisation des travaux prévus par l'acte authentique du 12 décembre 2012, ordonne la libération par la Chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse de la somme séquestrée de 35'000 € au bénéfice de la société civile immobilière du Mouvement et à défaut d'exécution quant à cette libération, la condamne à payer ladite somme de 35 000€ à la SCI du Mouvement,
Condamne la Chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse à payer à la société civile immobilière du Mouvement la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples,
Condamne la Chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Arrêt signé par la présidente et la greffière.
La greffière, La présidente,