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13/12/2022 | FRANCE | N°20/004501

France | France, Cour d'appel de nîmes, 4p, 13 décembre 2022, 20/004501


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT No

No RG 20/00450 - No Portalis DBVH-V-B7E-HULJ

LR/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
19 décembre 2019 RG :18/00459

[X] [G]

C/

S.A. PROXISERVE

Grosse délivrée
le
à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 19 Décembre 2019, No18/00459

COMPOSI

TION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT No

No RG 20/00450 - No Portalis DBVH-V-B7E-HULJ

LR/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
19 décembre 2019 RG :18/00459

[X] [G]

C/

S.A. PROXISERVE

Grosse délivrée
le
à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 19 Décembre 2019, No18/00459

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [Y] [X] [G]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 3]
[Adresse 5]
[Localité 3]

Représenté par Me Philippe MESTRE, avocat au barreau d'AVIGNON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/007405 du 21/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉE :

S.A. PROXISERVE
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane GUILLEMIN de la SELARL GUILLEMIN, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 22 Septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [Y] [X] [G] a été engagé à compter du 1er avril 2008 suivant contrat à durée indéterminée en qualité d'agent d'entretien par la société Proxiserve.

La convention collective applicable est celle des équipements thermiques et génie climatique.

Dans le dernier état des relations contractuelles, M. [Y] [X] [G] a occupé le poste de technicien de robinetterie, ouvrier, niveau 3 avec un salaire moyen, sur les 12 derniers mois, de 1886,02 euros bruts.

Le médecin du travail a écrit, dans une attestation pour M. [Y] [X] [G], en date du 15 février 2018, lors d'une visite d'information et de prévention : "port du masque anti-poussière conseillé, privilégier une activité ne nécessitant pas de port de charge lourde, type caisse à outils, éviter le port et la manutention de charge avec le membre supérieur gauche. Lettre au médecin traitant à revoir dans deux mois".

M. [Y] [X] [G] a été convoqué à un entretien préalable, le 25 janvier 2018 puis a été licencié pour cause réelle et sérieuse, avec préavis de trois mois, le 19 février 2018.

Le médecin du travail a envoyé à M. [Y] [X] [G], le 18 avril 2018, des remarques sur son document d'inaptitude : "port du masque anti-poussière conseillé, privilégier une activité ne nécessitant pas de port de charge lourde, type caisse à outils, éviter le port et la manutention de charge avec le membre supérieur gauche ainsi que les postures du rachis cervical en extension forcée afin d'éviter la détérioration de l'état de santé du salarié. Médecin traitant à revoir en cas d'aggravation de l'état de santé du salarié".

M. [Y] [X] [G] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon en contestation de son licenciement.

Le conseil de prud'hommes, par jugement contradictoire du 19 décembre 2019, a :
- constaté que le licenciement de M. [Y] [X] [G] ne repose pas sur son état de santé et n'est donc pas discriminatoire
- débouté, en conséquence, M. [Y] [X] [G] de sa demande au titre de la nullité de son licenciement
- constaté que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [Y] [X] [G] est fondé
- débouté en conséquence M. [Y] [X] [G] de l'ensemble de ses demandes de ce chef
- constaté que la société Proxiserve n'a pas exécuté de manière fautive le contrat de travail de M. [Y] [X] [G]
- débouté en conséquence M. [Y] [X] [G] de l'ensemble de ses demandes de ce chef
- débouté M. [Y] [X] [G] du surplus de ses demandes
- débouté la société Proxiserve de sa demande reconventionnelle au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de M. [Y] [X] [G]

Par acte du 6 février 2020, M. [Y] [X] [G] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 21 avril 2020, M. [Y] [X] [G] demande à la cour de :
Au principal:
- dire et juger que le licenciement de M. [Y] [X] [G] est entaché de discrimination liée à son état de santé
- prononcer la nullité du licenciement
- prononcer la réintégration de M. [Y] [X] [G] au sein de la société Proxiserve
A défaut de réintégration :
- condamner la société Proxiserve prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à M. [Y] [X] [G] la somme de 20 000 euros pour licenciement nul

Subsidiairement :
Si par extraordinaire, la cour ne faisait pas droit à la demande de nullité de licenciement pour motif discriminatoire :
- dire et juger que le licenciement de M. [Y] [X] [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et, par voie de conséquence, lui allouer la somme de 20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- dire et juger que la société Proxiserve a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail et allouer à ce titre, à M. [Y] [X] [G] la somme de 10 164 euros
- condamner la société Proxiserve, prise en la personne de son représentant en exercice, au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société proxiserve, prise en la personne de son représentant légal en exercice, M. [C] [N], aux entiers dépens de l'instance frais de signification et d'exécution

M. [Y] [X] [G] fait valoir, au soutien de sa demande de nullité du licenciement comme étant discriminatoire, que la médecine du travail, a, à deux reprises, émis des réserves et restrictions sur son état de santé et qu'il lui était déconseillé le port et la manutention de charges avec le membre supérieur gauche ainsi que les postures du rachis-cervical en extension forcée. Or, précisément le licenciement porte sur le fait qu'il ne pouvait, en raison de cet état de santé, effectuer des opérations que lui demandait l'employeur comme le dépannage des installations sanitaires notamment robinetterie avec port de caisse à outils et matériel. Il indique que le listing des griefs établi par le conseil de prud'hommes est contredit par les attestations des locataires.

L'appelant soutient ensuite que la lettre de licenciement ne révèle aucun fait réel et sérieux. Il fait état de griefs bénins qui ne justifient pas le licenciement. Il répond à chacun des griefs, détaillant les interventions effectuées et précisant aussi que les locataires ne sont jamais satisfaits. Il fait également état de difficultés avec sa supérieure hiérarchique et dans ses conditions de travail.

M. [X] soutient enfin que la société Proxiserve a abusé de son état de santé et a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail.

En l'état de ses dernières écritures du 17 juillet 2020, la société Proxiserve a demandé de :
- confirmer le jugement du 19 décembre 2019 dans toutes ces dispositions ;

En conséquence,
-constater que le licenciement de M. [X] [G] ne repose pas sur son état de santé et n'est donc pas discriminatoire,
- débouter en conséquence M. [X] [G] de sa demande au titre de la nullité de son licenciement,
- constater que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [X] [G] est parfaitement fondé,
- débouter en conséquence M. [X] [G] de l'ensemble de ses demandes de ce chef,
- constater que la société Proxiserve n'a pas exécuté de manière fautive le contrat de travail de M. [X] [G] ,
- débouter en conséquence M. [X] [G] de l'ensemble de ses demandes de ce chef,
- condamner M. [X] [G] à verser à la société Proxiserve la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La société Proxiserve fait observer tout d'abord que les griefs visés dans la lettre de licenciement ne se limitent pas aux refus opposés par le salarié d'effectuer sa prestation de travail mais concernent également de nombreux autres manquements qui ne peuvent être légitimés par les éventuelles proscriptions médicales émises quant à l'état de santé de M. [X], ainsi : reporting d'informations erronées, incomplètes ou non conformes sur les certificats d'intervention ou bons d'interventions ou avis de passage, absence d'information du supérieur hiérarchique en cas de difficultés d'exécution de la prestation de travail, non-respect de la planification des interventions préparées par le chef d'équipe, absence de réalisation de l'affichage dans les résidences, non-respect des horaires de travail, absence de dépôt des certificats d'intervention dans les boîtes aux lettres en cas d'absence des locataires, absence de signalement de pièces manquantes pour la réalisation des interventions, insuffisance d'activité. Elle ajoute que si chacun des griefs relevés ne pouvait justifier à lui seul une mesure de licenciement, en revanche la répétition de mêmes faits, ou encore la commission de plusieurs faits fautifs permet de caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.

L'intimée ajoute que le médecin du travail a rendu consécutivement deux avis d'aptitude avec réserves, de sorte que l'employeur pouvait maintenir le salarié à son poste, n'était pas obligé de le reclasser, que les préconisations médicales n'étaient pas impératives et qu'elle ne lui a jamais fait grief de refuser d'exécuter sa prestation de travail dans des conditions qui auraient impliqué le non-respect des recommandations. La société Proxiserve indique en outre que l'avis médical du 18 avril 2018 est postérieur à la notification du licenciement et qu'en tout état de cause, l'exécution des prestations de travail refusées par M. [X] (comme changer un robinet) n'impliquait pas une exposition à l'empoussièrement ainsi que le port de charges lourdes ou la manutention et le port de charges avec le membre supérieur gauche. Le refus illégitime d'exécuter la prestation de travail comme l'exécution défectueuse de celle-ci est bien constitutif d'une insubordination de nature à justifier son licenciement.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 7 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 22 septembre 2022 à 16 heures et fixé examen de l'affaire à l'audience du 6 octobre 2022.

MOTIFS

La lettre de licenciement du 19 février 2018 est ainsi rédigée :

« Vous avez été recruté en qualité de technicien robinetterie au sein de l'agence Proxiserve de Morières les Avignon avec une ancienneté reconnue au 1er avril 2008.
Lors de l'entretien, il vous a été reproché les manquements importants dont vous faites preuve dans l'exercice de votre métier de technicien, à l'origine de plaintes de clients et de dysfonctionnements importants pour l'équipe, très préjudiciable à la pérennité de l'agence.
? Vous n'effectuez pas les prestations contractuellement dues lors de vos interventions robinetterie, vous portez des mentions erronées sur les certificats d'intervention et faites des déclarations inacceptables aux locataires ce qui entraîne des plaintes de clients et des dysfonctionnements importants pour l'agence
Ainsi, vous n'effectuez pas vos interventions de robinetterie ou quittez sans motif les logements en laissant des installations non conformes ou non réparées mélangeurs cuisine ou mécanismes de WC non remplacés, fuites d'eau sur robinet non réparées ou robinet non fermé sans informer votre chef d'équipe des difficultés que vous rencontrez.
De plus vous faites des déclarations non appropriées aux clients, en leur déclarant « ce n'est pas votre boulot» ou en indiquant sur les certificats d'intervention « ne me concerne pas ».
En conséquence, l'agence reçoit les plaintes de clients et se trouve souvent dans l'obligation de renvoyer un technicien dans le logement pour terminer l'intervention.
Cette situation n'est pas acceptable. Dans le cadre de votre métier de technicien robinetterie il vous appartient d'effectuer complètement vos interventions, et d'informer votre responsable de vos éventuelles difficultés afin qu'une solution soit rapidement trouvée, une nouvelle intervention reprogrammée et les pièces nécessaires commandées.
De tels faits se sont produits aux dates suivantes.
–Le 16/11/17 où vous avez noté sur un avis de passage remis aux locataires de la résidence Tramontane du client Grand Avignon Résidence ,que pour tout remplacement de mélangeur de cuisine ils devraient appeler l'agence à partir du 23/11/17, c'est-à-dire une fois vos interventions terminées dans cette résidence, alors qu'il vous appartenait d'effectuer des interventions rapidement.
– Le 1/12, chez M. [T] pour le bailleur Grand Delta Habitat vous n'avez pas terminée l'intervention robinetterie en vous contentant de noter sur le certificat d'intervention «ne me concerne pas »
–le 8/12 chez M. [O] pour le bailleur Grand Avignon Résidence vous n'avez pas effectué l'intervention déclarant sans motif au client « je ne peux pas le faire » ,
– le 8/12 chez M. [D] pour le bailleur Grand Delta habitat ou vous n'avez pas terminée l'intervention
–le 12/01 chez M. [W] pour le bailleur nouveau logis provençal où vous n'avez pas terminé l'intervention déclarant au client « ce n'est pas mon boulot »
–le 15/01 chez M. [F] pour le bailleur Grand Avignon Résidence ou le 19/01 chez Mme [V] pour le bailleur Grand Delta Habitat où vous n'avez pas terminé les interventions, en vous contentant de noter sur les certificats d'intervention « ne me concerne pas »
De tels comportements ne peuvent être acceptés. Vous refusez d'effectuer des prestations de simple maintenance robinetterie qui relèvent pourtant de votre périmètre de compétences. Vous laissez sans raison les locataires en panne en invoquant de surcroît des motifs faux et inacceptables qui sont contestés par les clients. De tels comportements entraînent les plaintes des clients et mettent en difficulté l'agence.
Par exemple :
– Il vous arrive souvent de déclarer aux locataires que vous êtes handicapé pour ne pas avoir à effectuer ou terminer les interventions, ce qui entraîne l'incompréhension régulière des locataires
–Encore le 8/12, M. [L] gardien d'immeuble Grand Avignon Résidence s'est plaint que vous aviez laissé une locataire âgée en difficultés sans raison « vous avez fait passer en urgence le technicien qui était en vérification sur la résidence, un robinet était resté coincé en position ouverte,? ce technicien a dit qu'il ne pouvait changer le robinet pour des raisons de santé?Cette dame est restée un moment avec le robinet eau chaude coulant à fond jusqu'à ce que j'arrive car elle savait pas fermer le compteur ? »
–De même Mme [J] responsable du secteur Vaucluse chez nouveau logis provençal après avoir adressé plusieurs plaintes suite à votre passage dans les logements , vient de demander le 14/02 dernier à l'agence que vous n'interveniez plus sur son patrimoine immobilier.
Une telle situation n'est pas acceptable.

? Le non-respect des règles et des consignes, le manque de sérieux et de professionnalisme dont vous faites régulièrement preuve, notamment dans vos relations avec la hiérarchie
provoque des dysfonctionnements trop importants et une insuffisance d'activité que l'agence ne peut plus accepter.
Ainsi, vous ne respectez pas la planification préparée par votre chef d'équipe et n'effectuait pas l'affichage comme convenu dans les résidences. Il vous arrive aussi d'afficher des visites d'entretien sur des journées réservées au dépannage et vous n'êtes pas non plus fiable dans la remontée des informations sur ces sujets auprès de votre encadrement. Cette situation oblige votre encadrement un surcroît d'activité pour gérer les plaintes de locataires, suivre et reprogrammer vos interventions non réalisées alors que votre activité reste insuffisante, un trop grand nombre de journées comportant peu d'interventions réalisées .Cette situation n'est pas satisfaisante.
Vous ne respectez pas non plus les règles et les consignes. Par exemple vous ne respectez pas vos horaires de travail quotidiens, de même vous ramenez à l'agence des certificats d'intervention signés avec une croix ou vous ne remplissez pas systématiquement de certificats d'intervention lorsque vous effectuez vos interventions. Vous ne laissez pas non plus systématiquement des certificats d'intervention dans les boîtes aux lettres en cas d'absence des locataires, ce qui met l'agence en difficulté pour le suivi des taux de pénétration vis-à-vis des bailleurs.
De même le manque de sérieux et de professionnalisme avec lequel vous préparez et effectuez vos dépannages, l'absence récurrente de pièces dans votre véhicule entraînent un nombre trop important de reports de dépannages qui pénalisent l'activité et les clients.
Enfin il vous arrive de faire des déclarations imprécises voire fausses à vos responsables concernant votre activité professionnelle, comme cela a pu se produire les 24 et 25 janvier dernier, ce qui n'est pas acceptable au bon fonctionnement de l'agence.
Une telle situation ne peut perdurer. Le comportement que vous adoptez en clientèle, le non-respect des règles et consignes, le manque de fiabilité et de sérieux, la non réalisation des prestations et l'insuffisance d'activité dont vous faites régulièrement preuve ne sont plus acceptables d'autant plus que vous avez plusieurs fois été rappelé à l'ordre sur ces sujets notamment par courrier le 10 mars 2015 et le 6 février 2016.
Vos manquements importants entraînent des dysfonctionnements importants et des plaintes de clients qui sont très préjudiciables à la pérennité de l'agence .
Nous nous voyons dans l'obligation de rompre nos relations contractuelles. En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle sérieuse. »

Sur la nullité du licenciement pour discrimination en raison de son lien avec l'état de santé

En application de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap.

L'article L. 1134-1 prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'appelant fait valoir que :
- Il a été licencié le 19 février 2018 alors que par deux avis des 15 février et 18 avril 2018, le médecin du travail a émis des réserves et des restrictions quant à son état de santé.
- Il lui était déconseillé de pratiquer le port et la manutention de charges avec le membre supérieur gauche ainsi que les postures du rachis-cervical en extension forcée.
- Le grief invoqué dans la lettre de licenciement est bien en lien direct avec son état de santé.
- Son licenciement porte exclusivement sur les restrictions médicales dispensées par la médecine du travail et sur le fait qu'il ne peut, pour des raisons de santé, effectuer des opérations que lui demande son employeur.
- Il portait avec lui une caisse à outils outre tout le matériel nécessaire et sa posture lorsqu'il travaillait sous évier ou lavabo était contraire aux recommandations de la médecine du travail.
- Au lieu d'adapter le poste de travail aux recommandations du médecin du travail, l'employeur l'a licencié en invoquant des fautes de service et en retenant pour motif de licenciement le fait qu'en raison de son état de santé, il n'a pas pu effectuer sa prestation de travail.
- Le listing des griefs retenus par le conseil de prud'hommes est contredit par les attestations des locataires et il s'agit de griefs bénins permettant à l'employeur de masquer un licenciement basé sur la discrimination lié à son état de santé.

Ces éléments sont suffisants et laissent supposer l'existence d'une discrimination.

L'employeur fait valoir pour sa part que:
-Les griefs visés dans la lettre de licenciement ne se limitent pas aux refus opposés par le salarié d'effectuer sa prestation de travail mais à de nombreux autres manquements persistants sans lien avec les préconisations de la médecine du travail.
- Les attestations des locataires ne contredisent en rien les causes du licenciement.
- Si le médecin du travail a émis des préconisations, elles n'étaient pas impératives en ce qu'elles ne proscrivaient pas l'exécution d'une tâche de travail ou certaines contraintes physiques et posturales.
- Le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude au poste occupé, de sorte que M. [Y] [X] [G] pouvait être maintenu à son poste.
- En outre, l'avis du 18 avril 2018 est postérieur à la notification du licenciement, de sorte qu'il ne peut être opposé par l'appelant pour justifier son refus d'exécuter son travail.
- Il est produit des avis d'aptitude antérieurs édictant les mêmes préconisations que le 15 février 2018, lesquelles ont toujours été respectées, en ce que M. [Y] [X] [G] n'était pas soumis à la contrainte du port de charges lourdes et la manutention de charges avec le membre gauche pouvait être évitée en sollicitant le bras droit.
- Le salarié n'était pas obligé de se munir de l'intégralité du matériel et sa caisse à outils ne pesait que 4 à 5 kg.
- Les travaux impliquant un empoussièrement étaient exceptionnels et des masques étaient à sa disposition.
- Les propres attestations de l'appelant montrent que ses refus et les évocations de son état de santé lors des interventions étaient illégitimes.
- Le salarié n'a d'ailleurs jamais informé son employeur de son impossibilité d'effectuer une tâche en raison de son état de santé et son comportement relevait bien de l'insubordination.

La cour relève certes que l'avis d'aptitude établi le 18 avril 2018 par le médecin du travail et faisant référence pour la première fois à une limitation des « postures du rachis cervical en extension forcée afin d'éviter la détérioration de l'état de santé du salarié » est postérieur à la notification du licenciement le 19 février 2018, de sorte qu'il ne peut être opposé à l'employeur.

Pour autant, jusqu'alors le médecin du travail a régulièrement, qu'il s'agisse de l'attestation de suivi du 15 février 2018 ou des fiches d'aptitude des 15 novembre 2015,14 décembre 2015,18 janvier 2016 et 17 octobre 2016 ou encore du 23 mai 2017, mentionné que M. [Y] [X] [G] était apte mais avec des restrictions pour «port du masque antipoussière conseillé. Privilégier une activité ne nécessitant pas de port de charges lourdes type caisse à outils. Éviter le port et la manutention de charges avec le membre supérieur gauche ».

En outre, alors que l'avis du 23 mai 2017 prévoyait une visite un an plus tard, l'attestation de suivi du 15 février 2018 mentionnait désormais que le salarié était à revoir au plus tard en avril 2018, soit deux mois plus tard. Cette attestation était établie après échange avec l'employeur comme mentionné sur le document.

Force est de constater que l'employeur ne justifie d'aucune démarche, d'aucun entretien avec son salarié pour faire le point avec lui, permettant de considérer que les recommandations du médecin du travail ont été prises en compte.

La société Proxiserve Avignon se contente d'affirmations en produisant uniquement la photographie d'une caisse à outils, déclarant que M. [Y] [X] [G] « n'était pas soumis à la contrainte du port de charges lourdes et la manutention de charge avec le membre gauche pouvait toujours être évitée en sollicitant le bras droit », que même s'il travaillait dans des bâtiments de quatre étages, il n'avait pas besoin de se munir de l'intégralité du matériel prétendu, pouvant une fois le diagnostic posé, récupérer dans son véhicule la ou les pièces utiles. Ainsi, selon elle, il était évident que lorsque M. [X] [G] devait intervenir sur un lavabo de cuisine, il était inutile de porter en sus de sa caisse à outil, une tête de sanitaire, un robinet de machine à laver ou encore un robinet de WC. Elle ajoute en outre que sa caisse à outils, outillage compris, dont il avait besoin pour effectuer ses visites d'entretien pesait 4 à 5 kg et ne peut donc être considérée comme une charge lourde.

De son côté, sans qu'aucun élément au débat ne vienne le contredire, l'appelant indique qu'il n'utilisait pas qu'une caisse à outils de 4 ou 5 kilos pour la robinetterie mais qu'il était amené également à porter d'autres outillages pour la visite d'entretien de nombreux logements par jour, outre un escabeau et une caisse à outils pour VMC.

Il est par ailleurs constant que le 8 décembre 2017, lors d'une intervention chez Mme [A], M. [Y] [X] [G] a indiqué au gardien de l'immeuble « qu'il ne pouvait changer le robinet pour des raisons de santé ».

S'agissant d'une intervention du même jour et pour laquelle M. [Y] [X] [G] a mentionné sur la feuille de route « Report Rob mel trois trous porchier évier + 2 cache trous », M. [Z] [S] locataire atteste qu'il est venu pour une intervention sur le robinet, que ce remplacement a été reporté après que M. [Y] [X] [G] a prévenu son supérieur « qu'il ne pouvait pas par rapport à son problème de santé ».

L'appelant explique pour sa part que cette intervention a nécessité une posture sous l'évier dangereuse pour les cervicales et travailler en utilisant qu'un seul bras était impossible car l'installation était toute rouillée de sorte que cela nécessitait pas mal d'efforts.

Or, manifestement l'employeur n'a pas pris en compte les indications de son salarié qui, le même jour, faisait valoir des problèmes de santé à deux reprises.

Par courriel du 25 janvier 2018, la secrétaire de l'agence Proxiserve de Morières Les Avignon se plaignait notamment en ces termes « Plusieurs appels de locataires sur le fait qu'on fasse travailler une personne handicapée. Ils trouvent ça honteux de la part de notre société. Les locataires se plaignent car il ne peut effectuer les dépannages (...). ».

A ce moment-là non plus, aucune vérification par l'employeur de l'état de santé de son salarié.

Si la lettre de licenciement fait le listing d'un certain nombre de manquements et d'insuffisances professionnelles de la part du salarié, force est de constater qu'elle lui fait reproche aussi à plusieurs reprises d'avoir fait mention de son état de santé lors des interventions.

En outre, s'agissant notamment des interventions en décembre 2017 et janvier 2018 citées par l'employeur chez M. [T], M. [S], M. [D] et M. [W], les attestations de ces derniers montrent qu'ils ne mettent pas en cause la responsabilité de M. [X] [G].

De plus, la lettre de licenciement a été notifiée quelques jours après l'attestation du médecin du travail qui prévoyait de revoir le salarié deux mois plus tard.

Enfin, la cour relève que si M. [Y] [X] [G] a fait l'objet de deux avertissements le 10 mars 2015 et le 6 février 2017, il n'est fait état d'aucun problème avec le salarié, pourtant embauché en 2008, avant 2015 peu avant les premières préconisations du médecin du travail.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Proxiserve Avignon ne démontre pas que la décision de licenciement intervenue le 19 février 2018 est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de prononcer la nullité du licenciement pour motif discriminatoire.

Sur les conséquences du licenciement nul

L'appelant sollicite sa réintégration, de sorte qu'il convient d'y faire droit.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail

Manifestement l'employeur n'a pas tenu compte de l'état de santé de son salarié et n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi.

Il convient de faire droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur d'une somme de 10 000 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Proxiserve.

L'équité justifie d'accorder à M. [Y] [X] [G] la somme réclamée de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Infirme le jugement rendu le 19 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Avignon sauf en ce qu'il a débouté la société Proxiserve de sa demande reconventionnelle,

-Prononce la nullité du licenciement de M. [Y] [X] [G] pour discrimination liée à son état de santé,

- Ordonne la réintégration de M. [Y] [X] [G] au sein de la société Proxiserve,

-Condamne la SA Proxiserve à payer à M. [Y] [X] [G] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution du contrat de travail de mauvaise foi,

- Condamne la SA Proxiserve à payer à M. [Y] [X] [G] la somme de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette le surplus des demandes,

- Condamne la SA Proxiserve aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : 4p
Numéro d'arrêt : 20/004501
Date de la décision : 13/12/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Avignon, 19 décembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2022-12-13;20.004501 ?
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