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13/12/2022 | FRANCE | N°20/002231

France | France, Cour d'appel de nîmes, 4p, 13 décembre 2022, 20/002231


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT No

No RG 20/00223 - No Portalis DBVH-V-B7E-HTXT

MS/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
17 décembre 2019 RG :18/00360

[L]

C/

S.A.S. PROTECTION SECURITE INDUSTRIE

Grosse délivrée
le
à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 17 Décembre 2019, No18/00360



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT No

No RG 20/00223 - No Portalis DBVH-V-B7E-HTXT

MS/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
17 décembre 2019 RG :18/00360

[L]

C/

S.A.S. PROTECTION SECURITE INDUSTRIE

Grosse délivrée
le
à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 17 Décembre 2019, No18/00360

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [C] [L]
né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représenté par Me Lucas FREISSES, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

SAS PROTECTION SECURITE INDUSTRIE
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER et ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Noria MESSELEKA de la SCP NOVAE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 15 Septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M.[C] [L] a été engagé à compter du 9 juillet 2014 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, en qualité d'agent de sécurité, par la SARL Isopro Sécurité Privée Sud Ouest.

Le 1er février 2016, la société Isopro Sécurité Privée Sud Ouest cédait son fonds de commerce à la SARL Isoprotect Rhône Alpes et le contrat de travail de M. [L] était transféré à cette dernière conformément aux dispositions de l'article L1224-1 du code du travail.

Le 1er juillet 2016, la société Isoprotect Rhône Alpes perdait le centre hospitalier universitaire de [Localité 4], au sein duquel était affecté M. [L] et ce au profit de la SAS Protection Sécurité Industrie (la société PSI).

Par avenant du 24 juin 2016, le contrat de travail du salarié était transféré à la SAS Protection Sécurité Industrie.

Par courrier du 27 décembre 2017, M. [L] était convoqué à un entretien préalable.

Le 25 janvier 2018, la société Protection Sécurité Industrie lui notifiait une mutation disciplinaire sur le site de Sup Agro à [Localité 4].

Par lettre du 29 janvier 2018, M. [L] s'opposait à cette sanction disciplinaire.

Le 16 février et le 23 février 2018, M. [L] était mis en demeure de justifier son absence sur le site Sup Agro depuis le 7 février 2018.

Le salarié restant silencieux, le 6 mars 2018 puis le 20 mars 2018, la société Protection Sécurité Industrie convoquait M. [L] à en entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Par courrier du 12 avril 2018, le salarié était licencié pour cause réelle et sérieuse en ces termes :

"...
Tenant ces éléments, cette mutation disciplinaire n'entrainant aucune modification de votre contrat de travail s'imposait à vous et vous deviez vous y conformer.
...
Or, à partir du 7 février 2018, date à laquelle vous deviez rejoindre votre nouveau site d'affectation, vous ne vous êtes pas présenté sur votre lieu de travail et n'avez pas pris vos fonctions.

Par courriers recommandés des 16 et 23 février 2018, nous vous avons mis en demeure de justifier votre absence et de reprendre votre travail. Ces courriers sont restés sans réponse.

Vous ne vous présentez donc pas sur votre nouveau site d'affectation lequel est pourtant situé dans un même secteur géographique et n'apportez aucun justificatif à cette absence qui est considérée comme une absence injustifiée et prolongée.

Au-delà, cela démontre que vous refusez délibérément un changement de vos conditions de travail décidé par l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction et de sanction (mutation disciplinaire), de surcroît en l'état d'une clause de mobilité contractuelle.

Ces faits caractérisent un manquement à vos obligations contractuelles et constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
..."

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 28 juin 2018, M. [L] saisissait le conseil de prud'hommes de Nîmes en vue de former des demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement contradictoire du 17 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :

- condamné la SAS Protection Sécurité Industrie à payer à M. [L] la somme de 156,46 euros à titre de rappel de salaires afférents à la retenue pour régularisation d'heures opérée plus 15,64 euros au titre des congés payés y afférents
- débouté M. [L] du surplus de ses demandes
- débouté la SAS Protection Sécurité Industrie de sa demande reconventionnelle
- exécution provisoire de plein droit en application de l'article R1454-28 du code du travail
- dit que les dépens sont partagés.

Par acte du 17 janvier 2020, M. [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 mars 2022, M.[C] [L] demande à la cour de :

1/ Sur le rappel d'heures supplémentaires,

- infirmer le jugement querellé sur ce chef de demande, et statuant à nouveau,

A titre principal,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 3.206,27 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires ; outre la somme de 320,63 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

A titre subsidiaire,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 525,69 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires en application des dispositions conventionnelles ; outre la somme de 52,57 euros bruts à titre de congés payés y afférents.

2/ Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- infirmer le jugement querellé sur ce chef de demande, et statuant à nouveau,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 11.825,70 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

3/ Sur le rappel de salaires afférent aux temps de pause journaliers non pris,

- infirmer le jugement querellé sur ce chef de demande, et statuant à nouveau,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 761,60 euros bruts à titre de rappel de salaires afférents aux temps de pause journaliers de 20 minutes ; outre la somme de 76,16 euros bruts à titre de congés payés y afférents.

4/ Sur les dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

- infirmer le jugement querellé sur ce chef de demande, et statuant à nouveau,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 3.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail.

5/ Sur l'annulation de la mutation disciplinaire qui lui a été notifiée,

- infirmer le jugement querellé sur ce chef de demande, et statuant à nouveau,
- annuler la mutation disciplinaire qui lui a été notifiée,
En conséquence,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 5.000 euros nets en réparation du préjudice moral consécutif à la mutation disciplinaire injustifiée,

6/ Sur l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ,

- infirmer le jugement querellé sur ces chefs de demandes, et statuant à nouveau,
- juger que son licenciement intervenu s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- juger que l'article 2 de l'ordonnance « Macron » no 2017-1387 du 22 septembre 2017 s'avère contraire aux normes conventionnelles et plus particulièrement à la charte sociale européenne,
En conséquence,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 3.351,82 euros bruts à titre de rappel de salaires afférents à la période du 7 février 2018 au 13 avril 2018 ; outre la somme de 335,18 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 3.933,58 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; outre la somme de 393,36 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payerla somme de 20.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

7/ Sur le rappel d'indemnité légale de licenciement,

- infirmer le jugement querellé sur ce chef de demande, et statuant à nouveau,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 271,29 euros nets à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement,

8/ Sur la délivrance de bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes,

- infirmer le jugement querellé sur ce chef de demande, et statuant à nouveau,
-ordonner à la SAS Protection Sécurité Industrie de lui délivrer des bulletins de paie, un certificat de travail, ainsi qu'une attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,

9/ Sur la régularisation de la situation auprès des organismes sociaux,

- infirmer le jugement querellé sur ce chef de demande, et statuant à nouveau,
- ordonner à la SAS Protection Sécurité Industrie de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux compétents sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,

10/ Sur les frais irrépétibles et les dépens,

- infirmer le jugement querellé sur ce chef de demande, et statuant à nouveau,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Protection Sécurité Industrie aux entiers dépens.

Il soutient que :
Sur les heures supplémentaires :
- l'accord d'entreprise du 18 décembre 2009 portant aménagement du temps de travail sur l'année au sein de la société Protection Sécurité Industrie ne lui est pas opposable dans la mesure où :
* les organisations syndicales représentatives n'ont pas été convoquées pour signer l'accord et les représentants du personnel n'ont pas été consultés;
* il ne comporte aucun délai de prévenance ;
* l'employeur ne justifie pas avoir soumis aux représentants du personnel et à lui même, chaque année, un quelconque programme indicatif de la répartition de la durée du travail ;
* l'employeur ne respecte pas le seuil de 1607 heures, règle pourtant d'ordre public et au demeurant prévue dans l'accord.
- il n'a perçu aucune heure supplémentaire au titre de la période du 4 juillet 2016 au 31 décembre 2016 et au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 ;
- la société employeur ne respecte pas l'accord dont elle se prévaut puisque des heures supplémentaires étaient arbitrairement payées de manière ponctuelle.

Sur le travail dissimulé :

- l'employeur a omis volontairement de lui régler ses heures supplémentaires puisque ses heures de travail figuraient sur les plannings qui lui étaient remis.
- l'élément intentionnel est d'autant plus caractérisé que l'employeur se prévaut d'un accord qu'il ne respectait pas.

Sur les temps de pause non pris :

- il n'a pas bénéficié de pause quotidienne de 20 minutes après 6 heures de travail effectif ;
- il était contraint de rester 12 heures consécutives à la disposition de l'employeur sans pouvoir vaquer à ses obligations personnelles comme le démontrent ses plannings transmis par l'employeur ;
- il était seul à son poste de travail et aucun salarié ne venait le remplacer pour qu'il puisse bénéficier d'un temps de pause ;
- contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, la charge de la preuve de la prise effective des temps de pause pèse sur l'employeur.

Sur la durée maximale hebdomadaire de travail :

- la société Protection Sécurité Industrie ne respecte pas la durée maximale hebdomadaire de travail ;
- il réalisait, régulièrement, des semaines bien au-delà de 48 heures ;
- parallèlement, l'employeur le faisait travailler pour le compte de sa filiale, la société Protection Sécurité Evènement ;
- le non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail par l'employeur lui a causé un préjudice dans la mesure où cela a porté atteinte à sa vie privée et familiale.

Sur la mutation disciplinaire :

- conformément à l'article L1321-1 du code du travail, la mutation disciplinaire prononcée à son encontre est illicite dans la mesure où elle ne figure pas parmi les sanctions prévues par le règlement intérieur de la société ;
- le règlement intérieur versé par l'employeur aux débats ne lui est nullement opposable compte tenu de l'absence de justification par celui-ci d'avoir accompli les formalités de publicité nécessaires ;
- il conteste avoir adopté le moindre comportement déviant à l'occasion de sa prestation de travail et encore moins à l'égard de Mme [D].

Sur la rupture de son contrat de travail :

- son licenciement en raison de son refus de rejoindre sa nouvelle affectation, résultant de la mise en oeuvre d'une mutation disciplinaire, est dénué de cause réelle et sérieuse puisqu'un tel refus était légitime.
- la société Protection Sécurité Industrie l'a privé d'exécuter son préavis alors que son refus de rejoindre une nouvelle affectation ne saurait être fautif.

En l'état de ses dernières écritures en date du 03 juin 2020, la SAS Sécurité Protection Industrie a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de M. [L] au paiement de la somme de 2500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

Sur les heures supplémentaires :
- il existe en son sein de l'entreprise un accord d'aménagement du temps de travail signé le 18 décembre 2009, lequel prévoit une annualisation, de sorte que les heures supplémentaires sont appréciées en fin d'année.
- aux termes de cet accord, les heures effectuées en plus ou en moins sur une semaine peuvent se compenser sur la période de référence annuelle.
- contrairement à ce que soutient M. [L], cet accord d'aménagement du temps de travail lui est opposable dans la mesure où:
* elle justifie avoir convoqué régulièrement les organisations syndicales représentatives et avoir consulté les représentants du personnel;
* l'accord a été conclu sous l'empire de la loi du 20 août 2008, laquelle a significativement simplifié les modalités d'aménagement pluri-hebdomadaire du temps de travail ;
*conformément aux dispositions de l'article L3122-2 du code du travail, en l'absence de délai de prévenance fixé dans l'accord, le délai était fixé à 7 jours ;
* en application de la loi du 20 août 2008 et de la loi du 8 août 2016, il n'était pas tenu d'appliquer un programme indicatif de la durée de travail.
- M. [L] ne peut prétendre à aucune heure supplémentaire sur les années 2016, 2017 et 2018 dans la mesure où le plafond de 1607 heures n'a pas été dépassé. En outre, il a perçu une rémunération supérieure aux heures qu'il a effectivement travaillées.
- M. [L] n'a jamais contesté ses bulletins de paie, ni sollicité par écrit, courrier ou email, le paiement d'heures supplémentaires.

Sur le travail dissimulé :

- le salarié ne démontre pas en quoi elle s'est rendue coupable de travail dissimulé et encore moins son intention frauduleuse et malveillante.

Sur la retenue opérée à l'occasion du solde de tout compte :

- cette retenue est justifiée dans la mesure où M. [L] lui est redevable d'un solde débiteur de 30,66 heures.
- seule une retenue de 15,34 heures a été éffectuée sur son solde de tout compte.

Sur les temps de pause non pris :

- l'absence de mention des temps de pause dans les plannings remis au salarié ne démontre pas l'absence de pause prise par ce dernier.
- par ailleurs, M. [L] n'était jamais seul à son poste de travail, il y'avait toujours une équipe de plusieurs agents du CHRU. Il pouvait donc très facilement se faire remplacer.

Sur la durée maximale hebdomadaire de travail :

- M. [L] ne démontre strictement aucun préjudice.

Sur la mutation disciplinaire :

- la mutation disciplinaire de M. [L] est bien fondée puisque celui-ci a adopté un comportement inadmissible à l'encontre de sa collègue de travail, Mme [D], caractérisé par des propos outrageants, à caractère raciste, sexiste et homophobe.
- elle est tenue à une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés.
- contrairement à ce qu'affirme le salarié, cette sanction est bien prévue dans son règlement intérieur. De surcroît, le règlement intérieur prohibe ce type de comportement.

Sur le licenciement :

- le licenciement de M. [L] est justifié car ce dernier s'est volontairement placé en absence injustifiée à compter du 7 février 2018.
- la mutation disciplinaire de M. [L] résulte d'une application de la clause de mobilité prévue dans son contrat de travail et n'emporte donc pas modification de ce dernier.
- le refus du salarié de se conformer à cette mutation disciplinaire, qui n'entraînait pas modification de son contrat de travail, constitue une faute justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 22 juin 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 15 septembre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 29 septembre 2022.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

M. [L] soutient dans un premier temps que l'accord d'entreprise du 18 décembre 2009 lui est inopposable, puis argumente sur les heures supplémentaires réclamées.

Sur l'opposabilité au salarié de l'accord d'entreprise du 18 décembre 2009 relatif à l'aménagement du temps de travail

Contrairement à ce que soutient à tort le salarié, les organisations syndicales ont régulièrement été convoquées ainsi qu'il résulte de la pièce no24 figurant au dossier de l'employeur (convocation en date du 23 novembre 2009 adressées à Mme [J] (déléguée syndicale CFDT et M. [Z] délégué syndical FO pour le 4 décembre 2009).
Auparavant, l'employeur avait consulté la délégation unique du personnel "quant au projet d'accord d'aménagement du temps de travail" (convocation du 13 novembre 2009 pour le 20 novembre 2009) et en vue de l'"information de la DUP quant à la signature de l'accord... et de l'accord d'aménagement du temps de travail présentés lors de la dernière réunion" (convocation du 15 décembre 2009 pour le 23 décembre 2009).

Ce moyen doit dès lors être rejeté

M. [L] invoque encore que l'accord ne comporte aucun délai de prévenance des changements de durée ou d'horaire de travail.

En matière d'aménagement du temps de travail, l'article L 3122-2 du code du travail (modifié par la loi no2008-789 du 20 août 2008) prévoit que, sauf stipulations contraires d'un accord d'entreprise ou d'une convention collective, le délai de prévenance en cas de changement d'horaires est fixé à sept jours.

Depuis la loi du 20 août 2008, la convention ou l'accord mettant en place ce dispositif doit indiquer, en plus des mentions prévues pour l'adoption des accords d'aménagement du travail organisant la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine, les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail, à défaut de quoi le délai de prévenance à observer est de sept jours, l'accord qui ne prévoit aucun délai de prévenance demeurant opposable aux salariés.

Ce moyen sera également rejeté.

L'appelant invoque encore l'absence de programme indicatif de la répartition de la durée du travail soumis aux institutions représentatives et de sa communication aux salariés de l'entreprise.

L'article L 3122-2 du code du travail stipule que l'accord sur l'aménagement du temps de travail prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail lorsque l'accord s'applique aux salariés à temps partiel.

Or, l'accord du 18 décembre 2009 limite son champ d'application aux seuls salariés embauchés à temps complet, de sorte qu'il n'avait pas à prévoir une telle modalité.

Enfin, M. [L] soutient que l'employeur ne respectait pas le seuil de 1607 heures prévu dans l'accord, ce qui ne saurait entraîner, si la faute de l'employeur était avérée, l'inopposabilité de l'accord.

M. [L] sera par conséquent débouté de sa demande d'inopposabilité de l'accord d'entreprise et de sa demande d'heures supplémentaires fondée sur le droit commun.

Il convient dans ces circonstances d'apprécier la demande au titre des heures supplémentaires fondée sur l'accord d'entreprise.

La modulation du temps de travail consiste à répartir la durée de travail sur tout ou partie de l'année à condition que sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1 607 heures (correspondant à la durée légale du travail).

L'accord applicable au cas d'espèce prévoit à ce titre :
"...
Constituent des heures supplémentaires, les heures effectuées :
- au delà de la durée maximale hebdomadaire fixée à l'article 4.5 [48h];
- au delà de la durée annuelle de travail effectif fixé à l'article 4.3 [1607 h]."

Aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

À défaut d'éléments probants fournis par l'employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié

Après analyses des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.
Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

En l'espèce, M. [L] produit les éléments suivants :

- ses plannings sur la période de juillet 2016 à avril 2018, faisant apparaître les heures de début et de fin de service pour chaque jour travaillé,
- le planning de ses formations recyclage SSIAP 1 PSI pour le mois de février 2017,
- le décompte de ses heures supplémentaires pour chaque semaine de travail sur la période considérée.

Le salarié produit ainsi des éléments suffisamment précis permettant à l'employeur d'y répondre utilement.

En défense, l'employeur soutient que M. [L] n'a pas dépassé le plafond de 1607 heures en estimant que ce dernier doit s'appliquer peu importe la date d'entrée dans l'entreprise ou les droits à congés.
Il considère que le salarié "a été suffisamment payé sur l'année, en cas de dépassement du plafond en comparant la rémunération annuelle perçue et la rémunération résultat des heures effectuées dont les majorations au-delà de 1607 heures."

L'accord sur l'aménagement du temps de travail applicable dans l'entreprise prévoit en son article 4.3 "Durée du travail" que "la durée annuelle de 1607 heures s'applique aux salariés ayant effectué la période complète d'aménagement et pouvant prétendre, compte tenu de leur temps de présence dans l'entreprise, à des droits complets en matière de congés payés légaux et conventionnels".

L'article 4.9 "Rémunération" ajoute que "lorsque un salarié n'a pas accompli la totalité de la période de modulation (embauche ou départ en cours de période par démission, rupture conventionnelle ou licenciement), sa rémunération sera régularisée sur la base de son temps réel de travail :
- si le décompte fait apparaître un trop versé, celui-ci sera régularisé sur la dernière fiche de paie (sauf en cas de licenciement économique).
- si le décompte laisse apparaître un solde en sa faveur, celui-ci sera régularisé sur la dernière fiche de paie sur la base du taux horaire légale."

Il s'évince de ces dispositions contradictoires que l'annualisation du temps de travail ne s'applique que pour les salariés ayant effectué la période complète d'aménagement alors que ces mêmes salariés bénéficient d'une régularisation de leur rémunération en cas d'embauche ou de départ en cours de période (par démission, rupture conventionnelle ou licenciement), celle-là devant dans ces circonstances inclure les éventuelles heures supplémentaires réalisées.
A cette fin, et afin de ne pas léser le salarié, il conviendra de procéder à une proratisation du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Dès lors, l'accord doit s'interpréter dans l'intérêt des salariés, avec une proratisation quelle que soit la date d'embauche ou de départ du salarié par démission, rupture conventionnelle ou licenciement, en cours de période.

Pour la période du 4 juillet au 31 décembre 2016, il ressort des pièces et conclusions des parties qu'aucune somme n'est due au salarié, lequel réclame le paiement d'heures supplémentaires au-delà du contingent de 792,49 heures (proratisé), soutenant avoir travaillé 816 heures, soit 23,51 heures supplémentaires, au taux de 25% correspondant à une somme de 295,28 euros bruts.

Or, les bulletins de salaire produits aux débats montrent que M. [L] a été payé sur la base de 151,67 h pour la période considérée, soit un total de 910 heures de travail, alors que l'appelant admet n'avoir travaillé que 816 heures. Il a perçu à ce titre la somme totale de 9144,59 euros bruts, alors qu'il aurait dû percevoir, en tenant compte de ses demandes, la somme de 8258,99 euros bruts, heures supplémentaires et majorations comprises.

M. [L] ne saurait dès lors prétendre au paiement d'heures supplémentaires pour la période du 4 juillet au 31 décembre 2016, ayant perçu un salaire supérieur à ce qu'il aurait dû percevoir.

La période du 1er janvier au 31 décembre 2017 doit être regardée au prisme de l'accord d'entreprise visé supra, s'agissant d'une période d'aménagement complète.

Le salarié ayant été présent toute l'année, il n'y a lieu à aucune proratisation, l'arrêt de travail pour cause de maladie du salarié n'étant pas prévu par l'accord d'entreprise, ce dernier ne prévoyant que les arrivées ou les départs en cours de période.

M. [L] reconnaît avoir travaillé 1568,75 heures sur ladite période, soit en deça du seuil de 1607 heures, de sorte qu'il ne peut bénéficier d'aucune heures supplémentaires.

La cour constate enfin que le salarié ne formule aucune réclamation sur l'année 2018 dans son subsidiaire, en page 17 de ses écritures.

M. [L] devra également être débouté de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Le jugement déféré encourt ainsi la confirmation de ces chefs.

Sur les temps de pause non pris

Il résulte de l'article L.3121-16 du code du travail qu'après six heures de travail effectif, le salarié doit bénéficier d'une pause d'au moins vingt minutes.

L'accord d'entreprise du 18 décembre 2009 prévoit en son article 4.6 qu' "à partir de 6 heures de travail effectif et continu, les salariés bénéficient d'une pause de 20 minutes. Cette pause ne pourra pas être assimilée à du temps de travail effectif."

Il est de jurisprudence constante qu'en cas de litige sur le temps de pause ou les limites maximales de travail, l'employeur doit donc fournir au juge les éléments permettant de s'assurer du respect de ces dispositions.

M. [L] demande le paiement de temps de pause, précisant qu'il n'a pas pu les prendre dans les conditions légales compte tenu du fait qu'il devait rester à disposition permanente de son employeur pour intervenir à tout moment.

Si les périodes de pause ne peuvent être considérées comme du temps de travail effectif impliquant leur rémunération, c'est cependant à condition que le salarié ne soit pas contraint de rester à disposition de l'employeur.

Constitue du temps de travail effectif le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester à la disposition de l'employeur, afin de répondre à toute nécessité d'intervention sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

La période de pause s'analyse comme un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité, pendant lequel le salarié ne se trouve plus, en principe, à la disposition de l'employeur et peut vaquer librement à ses occupations personnelles.

Au cas présent, les plannings de travail fixant les heures de travail du salarié ne distinguent pas le temps de travail et le temps de pause et l'employeur se borne à affirmer que le salarié a bénéficié des temps de pause, sans pour autant offrir la preuve qui lui incombe.

Alors que l'employeur doit rapporter la preuve du temps de pause, qui doit être identifié, force est de constater qu'aucun planning prévoyant des temps de pause ou des remplacements entre salariés pour assurer l'effectivité d'une pause, voire des fins de service anticipées programmées en compensation ou des notes d'organisation des services ou de roulement n'est produit par la société intimée.

En effet, les attestations qu'il produit ne concernent pas l'appelant, mais les témoins et ne peuvent dès lors s'appliquer à tous les intervenants sur le site du CHU.

En définitive s'il en résulte que les salariés pouvaient disposer d'une certaine latitude dans la prise de leur pause, il s'en suit également que la société, qui a la charge de contrôler la durée effective du temps de travail et du respect des temps de pause, n'est pas en mesure de produire d'élément objectif de nature à démontrer que l'organisation du travail permettait la prise des pauses et que le salarié prenait effectivement les temps pauses

En conséquence, le salarié est fondé à obtenir un rappel de salaire au titre des temps de pause dès lors qu'ils doivent être considérés comme un temps de travail effectif.

Au vu du décompte qu'il a précisément établi sur la base des plannings produits et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société PSI à verser à M. [L] un rappel de salaire de 761,60 euros bruts au titre des temps de pause et 76,16 euros bruts de congés payés afférents.

Sur le non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail

L'article L. 3121-20 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu'au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.

Il résulte des plannings produits que M. [L] a réalisé 54,5 heures de travail dans la semaine du 30 janvier au 5 février 2017 et 55,5 heures de travail dans la semaine du 6 au 12 février 2017.

La société PSI, à laquelle incombe la charge de la preuve du respect des dispositions relatives au temps de travail, argumente uniquement sur le cumul d'emploi en estimant que le salarié ne justifiait d'aucun préjudice.

L'article L8261-2 du code du travail prévoit que nul ne peut recourir aux services d'une personne qui méconnaît les dispositions de la présente section.

En application de l'article R. 8262-1 du code du travail, le fait, pour un salarié, d'accomplir des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale hebdomadaire du travail, est sanctionné pénalement.

Le cumul d'emploi est autorisé dès lors que le salarié respecte la durée maximale hebdomadaire de travail fixée à 48 heures.

Il résulte des articles L. 8261-1 et L. 8261-2 de ce même code qu'en cas de cumul par le salarié de deux emplois entraînant un dépassement de la durée maximale de travail, l'employeur doit mettre le salarié en demeure de choisir l'emploi qu'il souhaite conserver et qu'en cas d'inertie du salarié invité à se conformer aux prescriptions légales, il appartient à l'employeur qui entend respecter l'interdiction légale de mettre en oeuvre une procédure de licenciement.

Il s'ensuit que le salarié qui, occupant simultanément deux emplois, travaille au-delà de 10 heures par jour ou 48 heures par semaine est en situation de cumul illicite d'emplois et expose l'employeur à des poursuites pénales.

La cour relève que M. [L] occupait un emploi à temps complet auprès de la société intimée et un emploi à temps partiel auprès de la société Protection Sécurité Evénement (PSE), les deux sociétés étant dirigées par MM [O] et [H], lesquels ne pouvaient ignorer ce cumul d'emploi.

En effet, M. [L] a été embauché par la société PSE suivant deux contrats à durée déterminée, le premier du 26 septembre 2016 au 31 janvier 2017, le second du 2 octobre 2017 au 1er janvier 2018, lesdits contrats ayant été signés par M. [H].

Il revient à l'employeur de veiller au respect par ses collaborateurs des dispositions relatives aux temps de travail et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour respecter ces dispositions.

Force est de constater que l'employeur a été défaillant dans le respect de son obligation.

S'agissant du dépassement de la durée maximale hebdomadaire, la Cour de cassation précise que le seul fait de constater le dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation, c'est-à-dire au versement de dommages-intérêts, sans que le salarié ait besoin de rapporter la preuve d'un préjudice (Cass. soc., 26 janv. 2022, no 20-21.636) dans la mesure où ce dépassement porte atteinte à sa santé et sa sécurité.

Compte tenu de la durée pendant laquelle le salarié a subi ces manquements, le préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 1500 euros.

Sur la mutation disciplinaire

Constitue une sanction disciplinaire aux termes des dispositions de l'article L 1331-1 du code du travail, " toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ".

Le juge saisi de la contestation sur le bien-fondé d'une sanction disciplinaire, peut l'annuler si elle apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

L'employeur doit fournir au juge les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction ; le salarié fournit également les éléments qui viennent à l'appui de ses allégations. Le juge peut, pour former sa conviction, ordonner toute mesure d'instruction utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

M. [L] a fait l'ojet d'une mutation disciplinaire par courrier du 25 janvier 2018, ainsi libellé :
"...
Vous êtes employé en qualité d'agent de sécurité incendie au sein de la société PSI. Vos fonctions vous imposent un contact professionnel permanent avec le personnel de votre site d'affectation CHU [Localité 4], les usagers, ainsi que vos collègues de travail PSI.
Or le 26 décembre 2017, vous avez adopté des comportements inadmissibles et choquants envers votre collègue de travail.

En effet ce jour-là à 20h30, lors de votre vacation sur votre site d'affectation CHU [Localité 4] en compagnie de 3 membres du personnel CHU, vous avez tenu à l'égard de votre collègue de travail, Madame [D], des propos outrageants, agressifs, racistes, sexistes et homophobes.

Tout d'abord, lorsque vous avez regardé le fond d'écran de son téléphone portable sur lequel elle apparaît en compagnie d'une amie, vous vous êtes moqué d'elle et l'avez qualifié de "gouine".

Mail à l'aise, cette dernière vous a expliqué qu'elle avait un homme dans sa vie.

Vous lui avez alors répondu "les arabes comme toi ne doivent pas fréquenter d'hommes", et ajouté "tu ne dois pas avoir de copain".

Vous avez ensuite poursuivi vos propos à caractère racistes en indiquant : "tu dois porter le foulard", "tu dis n'importe quoi".

Loin de mettre un terme à cette attitude inadmissible, vous avez ensuite rajouté : "t'es une femme, ta place est à la maison pour faire la vaisselle"...

Vous ne vous êtes pas arrêté là.

Pendant toute la durée de la vacation, vous avez rabaissé Madame [D] en la surnommant "soumi" et "soumission".

Vous vous êtes ensuite proclamé comme étant son "chef" et avez affirmé qu'elle devait à ce titre vous obéir.

Vous avez poursuivi vos intimidations en lui ordonnant de se déplacer en cas d'intervention, décrétant que ce n'était pas à vous de le faire.

Vos propos humiliants, rabaissant et injurieux ont contraint Madame [D] à faire part, en pleurs, de son mal-être à votre responsable PSI Monsieur [R].

De plus, circonstance aggravante, vous avez proféré ces propos outrageants en public, devant d'autres agents de sécurité de l'hôpital, tous masculins, ne faisant qu'accroître la détresse et l'isolement ressenti par votre collègue de travail.

Lors de votre entretien, vous avez reconnu les faits auprès de Melle [A]. Vous lui avez indiqué avoir agi sur le ton de l'humour sans penser que vos propos auraient pu la heurter..!

...

Compte tenu de la gravité de votre comportement et la demande expresse de notre client de vous retirer de l'équipe de sécurité, nous vous notifions votre mutation à titre disciplinaire."

Le salarié a contesté les propos qui lui sont attribués par courrier du 29 janvier 2018 et soutient n'avoir jamais reconnu les faits devant Mme [A].

M. [L] produit l'attestation de M. [P], qui l'a assisté lors de l'entretien :

« Je soussigné Mr [P] [U] atteste avoir été présent lors de l'entretien du 10 janvier 2018 avec Mr [L] et Mme [A].
Lors de cet entretien Mme [A], DRH chez PSI, a dit que dans la nuit du 26/12/2017 au PC Lapeyronie Mlle [D] s'était plainte par mail du comportement de Mr [L].
Mr [L] ne comprenant pas pourquoi il était convoqué à demander à Mme [A] de voir le mail pour savoir ce qui lui était reproché, chose qu'elle n'a jamais montré.
Mme [A] est restée très évasive sur le sujet en demandant à Mr [L] ce qui s'était passé ce soir-là.
(?)
Mr [L] n'a pas fait d'aveux de sexisme, racisme, homophobie, insulte ou d'agressivité envers Mlle [D] lors de l'entretien du 10/01/2018 car aucun des sujets n'a été traité.
Mr [L] n'a pas fait d'aveux sur les phrases citées dans la lettre du 25/01/18 car aucun rapport n'a été cité lors l'entretien du 10/01/18 et n'avons parlé d'aucune de ces phrases.
J'ai été très surpris de cette lettre et sanction car étant témoin de l'entretien celui-ci ne
s'est pas passé comme énoncé dans la lettre du 25/01/18 ».

L'employeur produit :
- l'attestation de Mme [A] contredisant le témoignage de M. [P] et confirmant que M. [L] a reconnu l'intégralité des faits reprochés lors de l'entretien du 10 janvier 2018,
- l'attestation de Mme [D] et son courriel adressé à M.[R] le 27 décembre 2017 détaillant précisément les propos attribués à l'appelant
- l'attestation de M. [R], responsable d'exploitation, qui indique avoir reçu un appel de Mme [D] le 27 décembre 2017 à 8h15 : "elle était en pleurs et venait de finir sa vacation. Elle m'a expliqué qu'elle s'était fait insulter par Mr [L] avec qui elle était en poste. Elle m'a dit qu'il l'avait traité de gouine et quand tant de femme sa place état "à la maison pour faire la vaisselle". Elle m'a dit également que toute la soirée Mr [L] n'avait pas arrêté de l'humilier en la surnomant "Soumi" ou "Soumission" devant ses collègues ([B], [X], [K] du CHU). Elle était vraiment bouleversée et très blessée par les propos qu'il avait tenu..."
- le "compte rendu d'entretien informel avec Monsieur [L] le jeudi 8 février 2018 :

Monsieur [L] a souhaité suite à sa sanction s'entretenir avec Monsieur [H] de façon informelle afin d'échanger. Il a souhaité que je l'accompagne en ma qualité de DS CFDT et membre de la DUP.
Monsieur [H] nous a reçu dans un climat serein et Monsieur [H] a posé plusieurs questions à Monsieur [L] :

1. Il lui a demandé s'il avait vraiment tenu les propos indiqués par Madame [D]. Monsieur [L] a dans un premier temps pas répondu puis il a indiqué que ses propos sur les femmes qui font la vaisselle était pour rigoler. Il indique l'appeler Soumi comme un diminutif de Soumia, en indiquant que lui on l'appel [F] alors qu'il s'appelle [C].

2. M. [H] demande à Monsieur [L] comment est il possible de tenir de tel propos envers quelqu'un qui ne connait pas. Monsieur [H] illustre sa question avec plusieurs exemples. Monsieur [L] ne répond pas...."

M. [L] produit des attestations de salariés du CHU dans lesquelles il n'est fait état d'aucun incident, ni aucune difficulté avec Mme [D].

Au terme des dispositions de l'article L 1142-2-1 du code du travail, "nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant."

Il résulte du compte rendu de M. [P], non contesté par le salarié, que M. [L] a reconnu avoir tenu des propos sexistes "sur les femmes qui font la vaisselle", propos portant atteinte à la dignité de Mme [D], lesquels justifient à eux seuls la mutation disciplinaire litigieuse (laquelle est bien prévue par le règlement intérieur en son article 12), bien que les propos à caractère raciste et homophone, et agressifs ne soient pas démontrés eu égard aux attestations contradictoires produites par les deux parties.

Le jugement critiqué sera dans ces circonstances confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande d'annulation de la sanction disciplinaire et de sa demande de dommages et intérêts subséquente.

Sur le licenciement

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La lettre de licenciement fixe les limites des débats et doivent être examinés tous les griefs qui y sont énoncés, lesquels doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.
Ils doivent par ailleurs être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L1232-1 du code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.

M. [L] ne conteste pas les absences reprochées mais soutient que la rupture repose sur une mutation disciplinaire injustifiée.
Or, la cour a reconnu la validité de la sanction/mutation disciplinaire infligée au salarié de sorte que ce dernier devait rejoindre sa nouvelle affectation au risque de se retrouver en absence injustifiée.

Ce faisant, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'application de la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail, le refus du salarié de rejoindre son nouveau site d'affectation, malgré deux mises en demeure à cette fin, est fautif et justifie la rupture du contrat de travail par confirmation du jugement querellé.

Sur les demandes accessoires

La Sarl Protection Sécurité Industrie sera condamnée au paiement de la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la Sarl Protection Sécurité Industrie.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 17 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes sauf en ce qu'il a débouté M. [C] [L] de ses demandes sur le rappel de salaires afférent au temps de pause et les dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la Sarl Protection Sécurité Industrie à payer à M. [C] [L] les sommes suivantes :

- 761,60 euros bruts de rappel de salaire au titre des temps de pause et 76,16 euros bruts de congés payés afférents,

- 1500 euros de dommages et intérêts en reparation du préjudide subi pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

Condamne la Sarl Protection Sécurité Industrie à payer à M. [C] [L] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Protection Sécurité Industrie aux dépens de première instance et d'appel,

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : 4p
Numéro d'arrêt : 20/002231
Date de la décision : 13/12/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nîmes, 17 décembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2022-12-13;20.002231 ?
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