La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2022 | FRANCE | N°21/04395

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 08 décembre 2022, 21/04395


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

























ARRÊT N°



N° RG 21/04395 - N°Portalis DBVH-V-B7F-IIZN



MPF - NR



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES

06 décembre 2021

RG:RG 18/0363



S.A.R.L. SAFIMMO



C/



[R]

[L]

S.C.P. R & D

























Grosse délivrée

le 08/12/

2022

à Me Marie-ange SEBELLINI

à Me Jean-michel DIVISIA









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2022



Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de NIMES en date du 06 Décembre 2021, N°RG 18/0363



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIB...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04395 - N°Portalis DBVH-V-B7F-IIZN

MPF - NR

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES

06 décembre 2021

RG:RG 18/0363

S.A.R.L. SAFIMMO

C/

[R]

[L]

S.C.P. R & D

Grosse délivrée

le 08/12/2022

à Me Marie-ange SEBELLINI

à Me Jean-michel DIVISIA

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de NIMES en date du 06 Décembre 2021, N°RG 18/0363

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. SAFIMMO

Société SAFIMMO, SARL inscrite au RCS de MONTPELLIER sous le numéro B 503 339 004, dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Marie-ange SEBELLINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [H] [R]

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 9] (MADAGASCAR)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Monsieur [P] [L]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 5]

S.C.P. R & D

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentés par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 08 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 5 mai 2008, la Sarl Safimmo, exerçant l'activité de marchand de biens et dont le gérant est [K] [J], s'est portée acquéreur par adjudication de deux studios avec parking situés dans une résidence universitaire à [Localité 5].

L'acquéreur a ensuite engagé plusieurs actions judiciaires contre la société Nexity Studea qu'elle avait chargée de la gestion et de la location de ses appartements, et contre la société Nexity Lamy, officiant en qualité de syndic de l'immeuble : elle a été déboutée de toutes ses demandes.

Reprochant à ses conseils, Maître [H] [R] et Maître [P] [L], associés au sein du cabinet Scp R&D, d'avoir commis des fautes dans l'exécution de leurs mandats, la société Safimmo par acte du 26 juillet 2018 et du 17 février 2020 les a assignés devant le tribunal de grande instance de Nîmes en paiement de la somme totale de 154 953,95 euros en réparation de son préjudice outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

- s'agissant des fautes commises dans le cadre des procédures aux fins d'obtention de la liste des copropriétaires et de convocation d'une nouvelle assemblée générale, déclaré l'action de la Sarl Safimmo irrecevable comme prescrite ;

- débouté la Sarl Safimmo de sa demande en responsabilité civile professionnelle à l'encontre de Maître [H] [R], Maître [P] [L] et du cabinet R&D ;

- débouté Maître [H] [R], Maître [P] [L] et le cabinet R&D de leur demande reconventionnelle à l'encontre de la Sarl Safimmo ;

- condamné la Sarl Safimmo à payer à Maître [H] [R], à Maître [P] [L] et au cabinet R&D une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a estimé que l'action de la société Safimmo était prescrite depuis le 30 juin 2016 s'agissant de la procédure aux fins d'obtention de la liste des copropriétaires et depuis le 6 octobre 2011 s'agissant de la procédure aux fins de convocation d'une assemblée générale. Concernant les autres procédures, le tribunal a rejeté les demandes de la Sarl Safimmo au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

Par déclaration du 12 décembre 2021, la Sarl Safimmo a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 17 juin 2022, la procédure a été clôturée avec effet différé au 4 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 18 octobre 2022.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, la Sarl Safimmo demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle formée à son encontre,

Statuant à nouveau,

- condamner in solidum Maître [H] [R], Maître [P] [L] et le cabinet R&D à lui payer les sommes suivantes :

-14 231,38 euros au titre de l'immobilisation des studios entre 2011 et 2019,

- 50 293,37 euros au titre du remboursement des sommes payées aux avocats et huissiers intervenus dans les multiples procédures.

- 28 825,25 euros au titre du remboursement des sommes payées au titre de l'article 700 et des dépens en raison des procédures infondées engagées,

-31 899,42 euros en indemnisation du préjudice lié au temps passé par le gérant de la société SAFIMMO à gérer toutes les affaires contentieuses,

- 46 303,14 euros au titre de la perte de loyers entre 2001 et 2019,

Soit au total un montant de 171 552,56 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 1 er janvier 2018

- débouter Maître [H] [R], Maître [P] [L] et le cabinet R&D de leur appel incident

- débouter Maître [H] [R], Maître [P] [L] et le cabinet R&D de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

- les condamner in solidum au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que ses conseils ont commis des fautes graves à leurs obligations professionnelles et déontologiques. Elle reproche aux intimés d'avoir failli à leur obligation d'information et de conseil, d'une part, et de s'être trouvé en situation de conflit d'intérêt pour avoir été les conseils de la partie adverse, Nexity, dans le cadre d'autres procédures. Elle considère que son préjudice de perte de chance est caractérisé et réfute toute intention malveillante à l'origine de la mise en cause de la responsabilité de ses anciens conseils.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2022, Maître [H] [R], Maître [P] [L] et le cabinet R&D, intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Sarl Safimmo de ses demandes,

- réformer partiellement le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- statuant à nouveau, condamner la Sarl Safimmo à payer à la société R&D la somme de 12 000 euros et à Maître [H] [R] et Maître [P] [L] la somme de 25 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner la Sarl Safimmo à leur payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés, après avoir rappelé que les demandes concernant la procédure de convocation d'une assemblée générale et celle aux fins d'obtention du nom des copropriétaires sont prescrites, la mission ayant pris fin pour la première procédure par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 6 octobre 2011 et pour la seconde procédure par un arrêt de la même cour d'appel rendu le 30 juin 2016. Quant aux autres procédures, les intimés considèrent que l'appelante ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien direct et certain de causalité susceptibles d'engager leur responsabilité. Leur ancienne cliente ne saurait leur reprocher de ne pas s'être soustrait aux dispositions d'ordre public du code de commerce et ne justifie pas du caractère raisonnable de la chance qu'elle aurait perdue. Ils relèvent par ailleurs que les demandes indemnitaires formulées par l'appelante ne reposent sur aucun élément justifiant leur montant et s'estiment fondés à se prévaloir du caractère abusif de la présente procédure et de l'utilisation de la société Safimmo par son gérant [K] [J] dans le dessein de nuire à leur réputation.

MOTIFS:

Sur l'appel principal de la Sarl Safimmo :

Sur la qualification du bail signé le 10 mai 2001 :

Dans le cadre de l'acquisition des deux studios dans la résidence [Adresse 8], le cahier des conditions mentionnait l'existence d'un bail commercial conclu le 10 mai 2001 et la Sarl Safimmo n'a appris qu'après la vente l'existence d'un avenant à ce bail signé le 25 octobre 2006 et le prolongeant pour neuf ans jusqu'en 2015. Or, elle ne pouvait disposer des avantages fiscaux applicables aux marchands de biens qu'à la condition de revendre les studios dans le délai de quatre ans après la vente.

La Sarl Safimmo soutient que Maître [R] auquel elle a confié la défense de ses intérêts s'est trompé en soutenant devant le tribunal la nullité ou l'inopposabilité de l'avenant du 25 octobre 2006 alors qu'il aurait dû solliciter la requalification du contrat en bail civil à durée déterminée.

Les premiers juges ont déduit des pièces produites par les parties que la société Safimmo avait l'intention d'acquérir deux studios affectés d'un bail commercial expirant le 10 mai 2010 et qu'elle demande à ses conseils d'obtenir la résiliation de ce bail pour pouvoir revendre les studios et non de contester le caractère commercial du bail du 10 mai 2001. Le tribunal a ensuite souligné que le gérant de la société Safimmo s'était montré particulièrement directif dans le suivi des procédures de sorte qu'il était invraisemblable que ses conseils aient pu développer une argumentation sans son approbation préalable. Le tribunal en a conclu que les conseils n'avaient commis aucune faute en soutenant l'argumentation critiquée par leur client et qu'en tout état de cause, à supposer qu'ils aient soutenu la requalification du bail litigieux en bail civil, ils n'auraient pas obtenu gain de cause, l'article L 145-4 du code de commerce édictant que la durée d'un bail commercial ne peut être inférieure à neuf ans et que les clauses contraires sont nulles.

L'appelante fait grief au tribunal d'avoir retenu qu'elle ne pouvait reprocher à ses conseils d'avoir soutenu une argumentation qu'elle avait approuvée alors que le devoir de conseil dont l'avocat est redevable à son client consiste précisément à orienter sa décision et à lui conseiller l'argumentation et les moyens les plus pertinents. Considérant que ses avocats ont commis une erreur dans le choix du fondement juridique de l'action contre le preneur, la société Safimmo estime que leur responsabilité est engagée sans que la compétence ou l'expérience juridique de leur cliente puisse les exonérer. Enfin, l'appelante estime que le tribunal à tort a jugé que le bail litigieux ne pouvait pas être requalifié en bail civil alors même que, nonobstant son intitulé «  bail commercial », il ne contenait aucune référence aux articles L 145-1 et suivants du code de commerce, il stipulait expressément se terminer le 30 septembre 2006 et ne prévoyait ni droit au renouvellement ni indemnité d'éviction : aucune clause de ce bail ne permettait donc de présumer l'existence d'un bail commercial.

Les intimés font observer à la cour que leur argumentation a été efficace puisque la cour d'appel de Montpellier a infirmé le jugement par arrêt du 12 octobre 2011 et fait droit à leur demande tendant à déclarer l'avenant litigieux inopposable à la société Safimmo. Ils rappellent que le gérant de la société Safimmo a adopté une attitude intrusive et directive et qu'ils ont tout mis en oeuvre pour lui permettre de revendre les studios dans les quatre ans suivant la banque ce qui était son principal objectif. Enfin, les intimés soulignent que le statut des baux commerciaux est d'ordre public et que l'appelante ne démontre pas sur quel fondement juridique et quel moyen elle aurait pu contester la commercialité du bail signé le 10 mai 2021 et considère que la qualification de bail commercial ne pouvait pas être contestée de sorte qu'elle ne justifie pas d'une perte de chance de voir ce bail requalifié.

L'engagement de la responsabilité d'un avocat suppose que son client justifie de la perte de chance sérieuse de succès de ses prétentions. Pour apprécier la probabilité de succès de l'action qui avait été entreprise, et donc celle d'obtenir une décision plus favorable que celle qui a été obtenue le juge est tenu de reconstituer fictivement le procès, la discussion et l'argumentation qui se seraient instaurées sans la faute de l'avocat, et retenir la solution qui aurait probablement été rendue.

Le statut des baux commerciaux, d'ordre public, s'impose aux parties lorsqu'il est applicable de plein droit c'est-à-dire quand le bail porte sur un local dans lequel un fonds de commerce ou artisanal est exploité par un locataire immatriculé au Registre du commerce ou au Répertoire des métiers.

Quant à la durée, elle est obligatoirement de neuf ans, toute clause contraire étant nulle.

Dès lors que le bail litigieux répond aux critères ci-dessus rappelés, le statut des baux commerciaux lui est de droit applicable et la simple mention que le bail conclu le 10 mai 2001 prendra fin le 30 septembre 2006 ne suffit pas à le disqualifier en bail civil, l'article 145-4 d'ordre public imposant une durée de neuf ans et disposant que la clause stipulant une durée inférieure est nulle.

Les conseils ont donc à bon droit considéré que le bail litigieux était un bail commercial dont la durée n'était pas celle figurant dans la clause nulle pour prévoir une durée inférieure à neuf ans mais étant la durée légale de neuf ans et en ont déduit justement qu'il arrivait à son terme le 10 mai 2010.

Les intimés n'ont donc omis aucune erreur dans le choix du fondement juridique et des moyens choisis pour défendre les intérêts de leur cliente laquelle n'avait aucune chance d'obtenir la requalification du bail litigieux en bail civil contrairement à ce qu'elle affirme.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la délivrance du congé :

La société Safimmo reproche à ses conseils d'avoir fait délivrer un congé au preneur en novembre 2009 alors qu'ils auraient dû selon elle attendre que la cour d'appel statue sur l'inopposabilité de l'avenant : cette erreur de stratégie a déclenché une série de procédures engagées par le preneur à son encontre et tendant à la contestation du congé et au paiement d'une indemnité d'éviction.

Les premiers juges ont estimé que les conseils n'avaient pas commis de faute car ils étaient tenus par les directives données par leur cliente.

L'appelante fait grief au tribunal d'avoir inversé les rôles en rendant [K] [J], gérant de la société Safimmo, responsable de la stratégie adoptée par ses conseils et estime que la délivrance inopportune du congé en novembre 2009 n'est que la suite des erreurs commises par ses conseils sur la qualification du bail.

Les intimés contestent avoir commis une erreur en délivrant congé au preneur car, le bail étant un bail commercial, il convenait, une fois l'inopposabilité de l'avenant de prolongation prononcée par la cour d'appel, d'obtenir qu'il soit mis fin au bail.

Le bail conclu entre les parties portait sur un immeuble au sein duquel le preneur exploitait un fonds de commerce ' activité d'exploitation à caractère para-hôtelier d'une résidence meublée avec services) - et était immatriculé au registre du commerce et des sociétés. De fait, les preneurs successifs, la SA Campus Habitat, la société Gestrim Campus, la société Gestrim résidences, la société Lamy Résidences et la société Nexity Studéa étaient toutes immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés.

La commercialité du bail litigieux n'était donc pas sérieusement contestable.

Or, l'article L 145-9 du code de commerce dispose: « Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.»

L'arrivée du terme n'a donc pas mis fin au bail litigieux lequel en l'absence de congé se serait prolongé par tacite reconduction et seul le congé délivré au preneur six mois avant la fin du bail permettait d'avoir la certitude de libérer les lieux.

Les intimés n'ont donc omis aucune erreur en faisant délivrer le congé au preneur en novembre 2009 pour défendre les intérêts de leur cliente laquelle avait besoin de la libération des lieux loués pour pouvoir les revendre dans le délai de quatre ans suivant la vente.

L'appelante n'avait par ailleurs aucune chance d'obtenir la libération des lieux loués sans la délivrance préalable d'un congé au preneur conformément aux dispositions de l'article 145-9 du code de commerce.

Le jugement qui a écarté la responsabilité des intimés fondée sur la délivrance du congé sera donc confirmé.

Sur les fautes déontologiques :

Se fondant sur l'article 4 du règlement intérieur des avocats, l'appelante reproche à ses conseils de s'être délibérément placés pendant plusieurs années en situation de conflit d'intérêts en étant aussi les avocats des sociétés Lamy Résidence et Nexity Studéa.

Après avoir relevé que le cabinet R§D s'était placé en situation de conflit d'intérêts en défendant parallèlement les intérêts de la société Nexity Lamy, administratrice de la société Nexity Studéa, et ceux de la société Safimmo, les premiers juges ont considéré que cette dernière ne démontrait pas que cette faute déontologique avait eu une incidence sur les procédures menées par ses conseils et l'a déboutée de sa demande d'indemnisation d'un préjudice dont elle ne rapportait pas la preuve. Le tribunal a par ailleurs estimé que l'existence de liens d'amitié entre Maître [R] et [O] [Y], d'une part, et l'appartenance de cet avocat et du directeur régional de Nexity à la même association comptant plus de 200 membres, le Cercle Mozart, ne suffisent pas à établir une accointance entre le conseil de la sarl Safimmo et son adversaire au détriment de ses intérêts.

L'appelante soupçonne son conseil d'avoir communiqué des informations confidentielles à Nexity au travers de ses relations amicales avec [O] [Y], gestionnaire de la copropriété pour le compte de Lamy Immobilier devenue Nexity Studéa. Elle estime que le conflit d'intérêt est flagrant dès lors que la SCP R§D s'est vue confier par Nexity de très nombreux dossiers alors qi'elle était à la même période chargée de défendre les intérêts de la société Safimmo. Selon elle, les liens existant entre Maître [R], son cabinet d'avocat la SCP R§D et la partie adverse ont nécessairement fait obstacle à la défense de ses intérêts.

Les intimés contestent toute faute déontologique, la société Lamy Nexity qui leur a confié la défense de ses intérêts au titre de la seule activité de copropriété étant une personne morale indépendante de la société Nexity Studéa.

La responsabilité suppose non seulement une faute, mais aussi un préjudice et un lien de causalité directe entre les deux. L'exigence de la réunion de ces trois conditions s'applique aussi aux manquements du conseil aux règles déontologiques de sa profession dès lors que sa responsabilité civile est recherchée. L'appelante considère à tort en effet que le manquement par l'avocat aux règles déontologiques de sa profession cause automatiquement à son client un préjudice dont l'existence découlerait de la commission de la faute elle-même.

La Sarl Safimmo ne démontre pas que la situation de conflit d'intérêt qu'elle allègue lui a été préjudiciable. Elle ne rapporte pas la preuve en effet que la défense de ses intérêts aurait été mieux assurée et qu'elle aurait obtenu des décisions judiciaires plus favorables si ses conseils n'avaient pas défendu les intérêts de la société Lamy Nexity simultanément aux siens.

La situation de conflit d'intérêt alléguée n'ayant pas eu d'incidence prouvée sur la défense des intérêts de la Sarl Safimmo, la responsabilité civile de la SCP R§D n'est pas engagée.

Le jugement sera donc sur ce point confirmé.

Il le sera aussi en ce qu'il a retenu qu'il n'était pas établi que les relations amicales alléguées de Maître [R] avec [O] [Y], syndic de la copropriété [Adresse 8], ou son appartenance au Cercle Mozart qui compterait parmi ses membres le directeur régional de Nexity avaient eu une incidence négative sur la défense des intérêts de la société Safimmo et seraient à l'origine des préjudices dont se plaint l'appelante.

Sur l'appel incident de [H] [R], d'[P] [L] et de la SCP R§D:

Le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle de [H] [R], d'[P] [L] et de la SCP R§D tendant à obtenir réparation de la procédure que leur ancienne cliente a engagée contre eux et qu'ils jugent abusive au motif que l'intention malveillante d'[K] [J], gérant de la Sarl Safimmo, n'était pas caractérisée.

Les intimés, appelants incident, estiment au contraire que l'action judiciaire engagée par la société Safimmo était vouée à leur nuire et à porter atteinte à leur réputation en leur imputant à tort un conflit d'intérêt inexistant ainsi que des manquements professionnels qu'ils n'ont pas commis. Ils rappellent qu'en 2017, [K] [J] avait dénoncé en termes très virulents leur implication dans un complot maçonnique et que le 2 janvier 2018, il leur a adressé une mise en demeure de lui rembourser les honoraires d'un montant de 31 357 euros en les menaçant, à défaut de remboursement, de les citer à nouveau dans des vidéos sur la plateforme Youtube.

Estimant être victimes d'un chantage de la part de leur ancienne cliente, les intimés ont déposé plainte après du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier lequel a décidé, à titre d'alternative aux poursuites pénales, d'ordonner un rappel à la loi.

Il n'est pas discutable qu'avant d'engager une action judiciaire en responsabilité contre ses conseils, [K] [J] a usé de la menace et de l'intimidation afin d'obtenir réparation du préjudice qu'il soutient avoir subi à la suite du conflit d'intérêt et des erreurs qu'il impute à ses conseils. Ces faits ont fait l'objet d'une plainte pénale et la cour n'est pas saisie d'une demande d'indemnisation du dommage découlant de ces manoeuvres d'intimidation.

La demande d'indemnisation des intimés porte sur l'exercice abusif par la société Safimmo de l'action en justice aux fins d'engager la responsabilité professionnelle de ses conseils et fondée à la fois sur un conflit d'intérêt avec la partie adverse et sur des erreurs dans le choix des fondements juridiques et des moyens pour assurer la défense de ses intérêts.

Si les griefs avancés par l'appelante pour démontrer les manquements de ses conseils à leurs obligations de conseil et de diligence sont totalement infondés, le fait que la société Lamy Nexity, ait chargé la SCP R§D à compter d'août 2012 de défendre ses intérêts dans une série importante de procédures concernant des litiges de copropriété a pu faire naître le soupçon dans l'esprit du gérant de la société Safimmo quant à la loyauté de ses conseils à son égard. En effet, la nouvelle cliente de la SCP R§D, la société Lamy Nexity, était administratrice de la société Nexity Studéa, adversaire de la Sarl Safimmo dans un litige portant sur un bail commercial concernant deux studios dont elle était propriétaire.

Il n'est pas établi dès lors qu'[K] [J], en sa qualité de représentant légal de la société Safimmo, a engagé la présente procédure dans le seul dessein de nuire aux intimés et de ternir leur réputation.

La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera donc rejetée.

Sur l'article 700 du code e procédure civile :

Il est équitable de condamner la Sarl Safimmo à payer à [H] [R], à [P] [L] et à la SCP R§D la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la Sarl Safimmo à payer à [H] [R], à [P] [L] et à la SCP R§D la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/04395
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;21.04395 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award