RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00592 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6EG
VH
TRIBUNAL DE PROXIMITE D'ANNONAY
28 août 2020 RG :11-20-73
[B]
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
Grosse délivrée
le
à Me Darnoux
SCP BCEP
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité d'ANNONAY en date du 28 Août 2020, N°11-20-73
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Virginie HUET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre
Madame Laure MALLET, Conseillère
Madame Virginie HUET, Conseillère
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2022 prorogé à ce jour.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [S] [B]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Roland DARNOUX de la SELAFA AVOCAJURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE
INTIMÉE :
S.A. AXA FRANCE IARD inscrite au RCS de NANTERRE sous le n°722 057 460, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Bruno CHABADEL de la SCP B.C.E.P., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière le 08 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE
Avant la saison d'hiver 2017-2018, M. [S] [B] a fait appel à la société SARL Cheminée totem créations, depuis en liquidation judiciaire, assurée auprès de la SA Axa France IARD, afin notamment de lui fournir et lui poser un poêle à granules ainsi que des accessoires de tubage et de raccordement dans sa maison d'habitation sise à [Localité 1] (Ardèche).
M. [B] expose qu'en début de deuxième saison, soit en octobre 2018, sont survenus plusieurs départs d'incendie localisés au niveau du cendrier inférieur.
Il a déclaré le sinistre le 8 février 2019 auprès de la société Axa France IARD.
Par courrier du 4 avril 2019, l'assureur de la société Cheminée totem créations a refusé sa garantie au motif suivant : « les travaux ne constituent ni un ouvrage ni un élément d'équipement au sens des articles 1792 et 1792-3 du code civil. Ils relèvent donc de la seule responsabilité contractuelle de droit commun de l'assuré ».
Après l'organisation d'une expertise amiable effectuée par le cabinet [Y] protection juridique mandaté par l'assureur protection juridique de M. [B] et à laquelle a été présent le cabinet Eurisk missionné par la société Axa France IARD, cette dernière a maintenu sa position de refus de garantie.
Soutenant que les dysfonctionnements de l'installation de poêle à granules constituant l'unique moyen de chauffage de son habitation relèvent de la garantie décennale, M. [B] a, par acte du 22 mai 2020, fait assigner la société Axa France IARD devant le tribunal de proximité d'Annonay, au visa de la garantie décennale afin, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, d'obtenir la condamnation de cette dernière à lui payer les sommes de 3 800 euros en remboursement du prix de l'installation défectueuse et de 2 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément, outre une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement réputé contradictoire du 28 août 2020, le tribunal de proximité d'Annonay a statué comme suit :
- déboute M. [S] [B] de l'intégralité de ses réclamations formées contre la SA Axa France IARD,
- laisse à M. [S] [B] l'intégralité des dépens de l'instance.
Par déclaration du 11 février 2021, M. [S] [B] a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 4 mai 2021, auxquelles il est expressément référé, M. [S] [B] demande à la cour de :
Vu l'article 1792 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil
- réformer la décision du tribunal de proximité d'Aubenas,
- dire et juger que les dysfonctionnements de l'installation de poêle à granules constituant l'unique moyen de chauffage de l'habitation de M. [B] relève de la garantie décennale,
- dire et juger qu'en tout état de cause, le refus d'appliquer une assurance décennale pour laquelle une prime est versée est fautif,
- dire et juger en conséquence que la compagnie AXA est tenue à garantie,
- condamner la société Axa France IARD à verser à M. [S] [B] les indemnités suivantes :
* 3.800 € en remboursement du prix de l'installation défectueuse,
* 2.000 € en réparation de son préjudice d'agrément,
- condamner la compagnie Axa France IARD à lui verser une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Société Axa France IARD aux dépens.
L'appelant fait valoir qu'il ressort des constatations contradictoires des experts que l'équipement étant le seul moyen de chauffage de la maison, le sinistre relève d'une impropriété à destination. Il ajoute que l'installation d'un poêle à granules avec son raccordement par l'intermédiaire d'un conduit effectuée par la société Cheminée totem créations constitue un ouvrage relevant de la garantie décennale, d'autant que la facture de cette société mentionne expressément l'existence d'une garantie décennale, de sorte que la société Axa doit sa garantie à ce titre. Il souligne que le comportement de la société Axa consistant à percevoir des primes d'assurance au titre de la garantie décennale souscrite par la société Cheminée totem créations, tout en refusant, de manière systématique, de couvrir le sinistre, est constitutif d'une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil justifiant l'octroi de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 juillet 2021, auxquelles il est expressément référé, la SA Axa France IARD demande à la cour de :
Vu le jugement prononcé le 28 août 2020 par le tribunal de proximité d'Annonay,
Vu l'appel interjeté par M. [S] [B] à l'encontre de cette décision,
Vu les articles 1792 et 1792-2 du code civil,
- rejeter ledit appel comme infondé,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
en conséquence,
- dire et juger que les dysfonctionnements affectant le poêle à granules ne relèvent pas de la garantie décennale,
- dire et juger que la garantie Axa IARD n'est pas mobilisable,
- déclarer fondé le refus de garantie opposé par la SA Axa France IARD,
- débouter M. [S] [B] de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la SA Axa France IARD,
- condamner M. [S] [B] à payer à la SA Axa France IARD la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [S] [B] aux entiers dépens.
L'intimée soutient que le poêle litigieux ne peut être considéré comme un ouvrage, ni comme un élément d'équipement faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert, au sens des articles 1792 et suivants du code civil, dès lors qu'ayant été mis en 'uvre en lieu et place d'une ancienne cheminée, l'installation a été effectuée en utilisant le conduit de cheminée existant sans nécessiter des travaux sur la structure de l'immeuble, de sorte que la garantie décennale est exclue. En réplique aux conclusions de l'appelant, elle fait valoir que les dysfonctionnements affectant le poêle ne rendent pas la maison dans son ensemble impropre à sa destination dans la mesure où ils n'ont pas entraîné une impossibilité d'habiter, M. [B] ayant continué à occuper celle-ci, avec l'assistance de convecteurs, le poêle n'étant pas le seul moyen de chauffage possible au sein du logement. Elle ajoute que le rapport d'expertise du cabinet [Y] ne permet pas de déterminer la cause desdits dysfonctionnements, ni d'exclure l'existence d'une cause extérieure, de sorte qu'elle n'est pas tenue au titre de la garantie décennale et qu'aucun comportement fautif ne peut lui être reproché, ayant la possibilité de refuser sa garantie au regard des circonstances de l'espèce. Elle précise que le préjudice d'agrément n'est pas justifié et demande ainsi la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction de la procédure est intervenue le 8 septembre 2022.
MOTIVATION
Sur la nature, la qualification du désordre et la responsabilité :
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il est jugé, en application de ce texte, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3e Civ., 15 janvier 2017, pourvoi n° 16-19.640 ; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.323 ; 3e Civ., 26 octobre 2017, n° 16-18.120 ; 3e Civ.,7 mars 2019, pourvoi n° 18-11.741).
Cette règle ne vaut cependant, s'agissant des éléments adjoints à l'existant, que lorsque les désordres trouvent leur siège dans un élément d'équipement au sens de l'article 1792-3 du code civil, c'est-à-dire un élément destiné à fonctionner (3e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 19-10.249, publié).
En l'espèce, M. [B] expose qu'après l'installation du poêle à bois, il y a eu une première saison de chauffe sans incident et que le premier souci consistant en des départs d'incendie localisés au niveau du cendrier inférieur, ne s'est produit qu'en octobre 2018.
S'il est admis que le vice allégué sur cet équipement rend l'ouvrage impropre à sa destination, en ce qu'il prive l'habitation d'une source de chaleur essentielle à son usage, il demeure que la société Axa s'oppose à la mise en oeuvre de sa garantie décennale motifs pris de la non démonstration de la cause du dysfonctionnement du poêle ici en cause, installé par son assuré.
A cet égard, la cour retiendra que le poêle a donc parfaitement fonctionné pendant le premier hiver de chauffe ; que le rapport [Y], dont se prévaut M. [B] est un rapport privé, qui même s'il a été établi contradictoirement, nécessite d'être corroboré par d'autres éléments, le juge ne pouvant, en effet se fonder sur une seule expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie, même en présence de l'autre ; qu'enfin, le technicien n'y émet ses conclusions, sur la cause du sinistre, qu'au mode conditionnel.
Il en résulte, alors que la charge de la preuve incombe à M. [B] et qu'aucun autre élément n'est produit par lui, qu'il ne fait pas la démonstration du bien fondé de sa prétention relativement à sa demande de mise en oeuvre de la garantie décennale, à raison notamment de l'indisponibilité d'exclure une cause extérieure en l'état des seules observations, de surcroît dubitatives de M. [Y].
Aucune faute n'est par ailleurs établie à l'encontre de l'assureur, sa garantie décennale existant et celui-ci conservant la possibilité de faire valoir sa position sur un éventuel refus au regard du sinistre en cause sans commettre de faute en dehors d'un abus qui en l'espèce n'est pas susceptible d'être retenu vu les observations ci-dessus.
M. [B] sera donc débouté des fins de son appel et le jugement sera confirmé .
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions et rejette les demandes de M. [B],
Y ajoutant,
Condamne M. [S] [B] à payer à la société AXA France Iard la somme de 1 300 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [B] aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.
La greffière, La présidente,