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05/12/2022 | FRANCE | N°22/01585

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 05 décembre 2022, 22/01585


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/01585 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INV2



CS



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

11 avril 2022

RG :21/00588



[F]



C/



S.C.I. LES LAVANDES





Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 0

5 DECEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 11 Avril 2022, N°21/00588



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01585 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INV2

CS

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

11 avril 2022

RG :21/00588

[F]

C/

S.C.I. LES LAVANDES

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 11 Avril 2022, N°21/00588

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [K] [F]

exerçant sous l'enseigne LA PAILLE D'OR, inscrite au RCS d'AVIGNON sous le n° 887 913 462 dont le siège social est sis [Adresse 4]

née le 01 Juillet 1983 à [Localité 6] (TUNISIE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Philippe LICINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉE :

S.C.I. LES LAVANDES

inscrite au RCS de TARASCON sous le numéro 453.131.492,

prise en la personne de son gérant, Mme [Y] [W], domiciliée en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 10 octobre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 05 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 20 juillet 2020, la SCI Les Lavandes a donné à bail pour neuf années, avec effet à compter du 1er août 2020, à Mme [K] [F] un local à usage commercial destiné à la restauration, situé [Adresse 2] et [Adresse 5] (84), moyennant paiement d'un loyer mensuel d'un montant initial de 1 100,00 euros, outre une provision sur charges d'un montant mensuel de 70,00 euros, et ce à compter du mois de septembre 2020, le loyer du mois d'août 2020 étant offert en contrepartie des travaux à effectuer.

Considérant que des loyers sont demeurés impayés, la SCI Les Lavandes a fait délivrer le 16 septembre 2021 à Mme [K] [F] un commandement visant la clause résolutoire et lui enjoignant de payer la somme, en principal, de 12.739,56 €, au titre de l'arriéré locatif.

Par exploit d'huissier du 23 novembre 2021, la SCI Les Lavandes a assigné Mme [K] [F] devant le président du tribunal judiciaire d'Avignon, statuant en référé, pour qu'il soit constaté l'acquisition de la clause résolutoire et partant la résiliation du bail à compter du 16 octobre 2021, mais également prononcé sa condamnation provisionnelle à lui payer les sommes dues au titre de l'arriéré locatif et de l'indemnité d'occupation.

Par ordonnance de référé du 11 avril 2022, le président du tribunal judiciaire d'Avignon, statuant en référé, a :

- constaté que le bail commercial conclu entre la SCI Les Lavandes d'une part, Mme [K] [F] d'autre part, relatif au local commercial situé [Adresse 2] et [Adresse 5], se trouvait résilié de plein droit le 17 octobre 2021 par le jeu de la clause résolutoire insérée dans cet acte,

- dit qu'à compter de cette date, Mme [K] [F] est occupante sans droit ni titre,

- ordonné en conséquence à Mme [K] [F] de quitter les lieux occupés indûment avec toutes les personnes s'y trouvant de son chef et en satisfaisant aux obligations du locataire sortant dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, faute de quoi il pourrait être procédé à son expulsion, au besoin, avec l'aide de la force publique et d'un serrurier,

- dit qu'en cas d'expulsion, il serait procédé, en tant que de besoin, à l'enlèvement des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux dont le sort serait régi conformément aux 10 articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné Mme [K] [F] à payer à la SCI Les Lavandes, à titre provisionnel, la somme de 14 880 €, outre intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2021 sur la somme de 12 540 € et, à compter du 23 novembre 2021, pour le surplus, une indemnité d'occupation d'une somme équivalente au montant mensuel des loyers et des charges à compter du mois de novembre 2021 jusqu'à la libération effective des lieux,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus à l'expiration de chaque période annuelle, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné Mme [K] [F] à payer à la SCI Les Lavandes la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, incluant le coût des divers actes d'huissier nécessaires à la procédure (commandement de payer du 16 septembre 2021, assignation en justice du 23 novembre 2021').

Par déclaration du 6 mai 2022, Mme [K] [F] a interjeté appel de cette ordonnance, en toutes ses dispositions.

Par ordonnance de référé du 12 août 2022, Mme [K] [F] a obtenu du premier président de cet cour la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon du 11 avril 2022.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 7 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [K] [F], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1104, 1343-5, 1244-1 à 1244-3 du code civil, de l'article L.145-41, alinéa 2, du code de commerce et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 11 avril 2022 par le juge des référés près du tribunal judiciaire, en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau :

A titre principal,

- dire et juger que la clause résolutoire du bail commercial mobilisée par la SCI Les Lavandes n'est pas invoquée de bonne foi,

- dire et juger que la mauvaise foi du bailleur dans la mobilisation de la clause résolutoire du bail commercial constitue une contestation sérieuse,

En conséquence :

- débouter la SCI Les Lavandes de sa demande visant à obtenir l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du contrat de bail commercial,

- entendre débouter la SCI Les Lavandes en l'état de demandes frappées de contestations sérieuses,

- entendre condamner la SCI Les Lavandes à verser à Mme [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

A titre subsidiaire :

- octroyer des délais de paiement à Mme [F] d'une durée de 24 mois en vue d'apurer la dette locative en présence,

- entendre condamner la SCI Les Lavandes à verser à Mme [F] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

A titre infiniment subsidiaire et à titre reconventionnel :

- prononcer la suspension de la clause résolutoire du bail commercial invoquée par la SCI Les Lavandes,

- octroyer des délais de paiement à Mme [F] d'une durée de 24 mois en vue d'apurer sa dette locative,

- laisser les frais de justice à la charge des parties,

- condamner la SCI Les Lavandes aux dépens d'instance.

Au soutien de son appel, Mme [F] [K] soutient, à titre principal, que la mobilisation de clause résolutoire s'oppose à une contestation sérieuse, dès lors notamment que la mauvaise foi du bailleur est caractérisée.

Elle se prévaut d'un accord passé avec son bailleur consistant en une dispense de loyers en échange de travaux d'embellissement et de réfection du local réalisés à hauteur de 32.196 euros, alors qu'au moment de la signification du commandement de payer la dette locative était de 14.880 euros. Elle indique que la SCI Les Lavandes a brutalement rompu cet accord en souhaitant vendre le bien au prix de 130 000 €, précisant que la plus-value trouve sa cause dans les travaux qu'elle a réalisés. En effet, elle indique que le bien avait été acquis par la SCI Les Lavandes contre le versement de la somme de 80.000 euros. Elle considère donc avoir enrichi son bailleur par les travaux réalisés pour le compte de celui-ci.

Subsidiairement, elle sollicite la mise en place en place de délais de paiement en vue d'un apurement de la dette sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, rappelant avoir débuté son exercice professionnel dans des conditions très particulières au regard du contexte sanitaire de la pandémie de la Covid-19. Elle soutient avoir la capacité financière à régler les loyers à intervenir ainsi que les rappels en présence puisque le prévisionnel d'activité laisse entrevoir une hausse du chiffre d'affaires conséquent et devant atteindre le chiffre réalisé par l'ancien exploitant du local. Elle ajoute également avoir effectué des investissements en vue de voir prospérer son activité économique et que la poursuite d'activité permettrait le paiement des loyers à intervenir, outre la mise en place d'un échéancier en vue de payer les loyers dus.

Elle indique avoir payé ses loyers depuis la délivrance de l'assignation à comparaître devant le premier juge et avoir réglé une partie de la dette à hauteur de 8 150 € la ramenant désormais à 6 730 €, raison pour laquelle elle sollicite la suspension de la clause résolutoire.

La SCI Les Lavandes, en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 04 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1343-2 du code civil, de l'article L.145-41 du code de commerce, des articles 809, 834 et 835 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance de référé du 23 novembre 2021 prononcée par le président du tribunal judiciaire d'Avignon,

- débouter Mme [K] [F] de toutes ses conclusions, fins et prétentions,

- condamner Mme [K] [F] à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'abus de procédure, ainsi que celle de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [K] [F] aux entiers dépens, dont les frais d'acte nécessaires à l'exécution, et dont distraction au profit de la SELARL Avouepericchi, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SCI Les Lavandes soutient, tout d'abord, que Mme [K] [F] a manqué à son obligation de paiement du loyer et des charges depuis le mois de septembre 2020 et que les causes de ce commandement n'ont pas été intégralement réglées dans le délai imparti d'un mois à compter de sa date de signification.

Elle indique que les règlements ponctuels intervenus ne constituent ni des règlements d'échéances locatives dont la régularité de paiement à date est l'une des conditions essentielles du bail commercial, ni même des échéances mensuelles d'indemnité d'occupation, dont la régularité de paiement à date est une condition essentielle de toute demande de délai.

De plus, elle relate qu'aucun accord n'est intervenu ni au titre de la réalisation des travaux de réfection du local, ni à un aucun autre titre, ajoutant que le bail commercial n'est pas un bail à construction. Elle explique que l'appelante a réalisé des travaux d'ordre cosmétique, et effectué uniquement des dépenses de travaux pour mettre en place son activité commerciale en apposant sa propre enseigne et sa charte graphique, en précisant qu'elle doit supporter l'intégralité des obligations relatives aux travaux non spécifiquement prévus par l'article 606 du code civil.

Ensuite, elle entend rappeler qu'au-delà du fonds de solidarité, d'autres mécanismes ont été mis en place, dont notamment la demande du locataire visant à la renonciation aux loyers par le bailleur, en contrepartie d'une indemnisation légale du bailleur, outre la protection d'une procédure de sauvegarde des entreprises en difficulté ou celle d'un redressement judiciaire pour étaler la dette sur un plan de plusieurs années.

Elle souligne aussi que l'activité commerciale de l'appelante est une activité de snack, de restauration rapide sans vente de boissons alcoolisées, à emporter et en livraison, et ne peut, dès lors, se prévaloir de la crise sanitaire pour justifier sa dette locative, n'étant pas contrainte de fermer son établissement car son activité était précisément la cible de l'exception légale d'ouverture.

S'agissant de son souhait de vendre le bien litigieux, elle estime ne pas avoir à justifier ses ambitions patrimoniales. Elle relève qu'en l'absence d'accord sur la chose et sur le prix, elle a donc refusé la proposition d'achat de Mme [F], formulée sous condition de renonciation à la dette locative par le bailleur, celle-ci n'ayant manifestement formulé aucune concession, ni aucune offre sérieuse.

Elle souligne enfin qu'il importe peu qu'elle n'ait pas immédiatement agi en justice pour faire valoir ses droits, dès lors qu'aucun délai de prescription ne peut lui être opposé, et indique que si la dette locative s'est accrue avec le temps, Mme [F] est seule responsable et ne saurait se réfugier derrière l'absence de réaction du bailleur.

Par ailleurs, elle conclut au rejet des demandes de délais de grâce et de suspension des effets de la clause résolutoire en indiquant que, de plein droit, ces deux demandes ne sauraient être cumulées en application de l'article L.145-41 alinéa 2 du code de commerce. A ce propos, elle rappelle également que la suspension des effets de la clause résolutoire ne peut aucunement être accordée, dès lors qu'il est constaté l'aggravation constante de la dette, sans que le preneur ne puisse établir qu'il sera en mesure de l'apurer dans le délai sollicité, l'appelante étant défaillante sur cette condition.

Elle fait valoir que l'obligation contractuelle de Mme [K] [F] n'est pas sérieusement contestable et ne saurait être contestée, justifiant ainsi sa condamnation au paiement provisionnel au titre de l'arriéré locatif dû à la date d'acquisition de la clause résolutoire, outre une indemnité d'occupation mensuelle jusqu'à parfaite libération des lieux.

Enfin, elle sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'abus de procédure, arguant notamment que l'appel de Mme [F] ne porte aucune contestation sérieuse et tend simplement à retarder l'inéluctable issue du litige qui mettra un terme définitif à son activité professionnelle. Elle ajoute que l'appelante a adopté un comportement abusif tendant davantage à tromper l'appréciation des magistrats devant connaître du litige.

La clôture de la procédure est intervenue le 10 octobre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 17 octobre 2022, pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 5 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 16 septembre 2021 à Mme [K] [F] par la SCI Les Lavandes. Cet acte enjoint Mme [K] [F] de régler la somme, en principal, de 12 739,56 € au titre de l'arriéré locatif, dans un délai d'un mois.

Mme [K] [F] ne conteste pas ne pas avoir régler les sommes réclamées par le commandement de payer dans le délai imparti.

Il en résulte, conformément à ce qui était constaté dans l'ordonnance critiquée, que dans le mois qui a suivi la signification du commandement de payer visant la clause résolutoire, les causes du commandement n'ont pas été réglées. C'est donc, à juste titre, que le juge de première instance a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 17 octobre 2021.

Pour s'y opposer l'appelante dénonce la mauvaise foi de la SCI Les Lavandes puisque celle-ci aurait attendu qu'elle termine les travaux de rénovation des locaux loués pour lui délivrer un commandement de payer et lui réclamer le paiement des loyers échus alors que, pendant une année, elle ne lui avait jamais demandé aucune somme, souhaitant obtenir son expulsion afin de vendre ce local commercial libre de tout locataire.

La mauvaise foi, identifiée comme la déloyauté dans la relation contractuelle, ne se présume pas et ne peut être établie que par la partie qui l'invoque, à charge pour le juge d'apprécier son existence dans le cadre d'une procédure judiciaire contradictoire.

A l'examen des pièces versées au dossier, il n'est pas démontré que la bailleresse a fait preuve de mauvaise foi pour n'avoir réclamé sa dette de loyers, qui était due en son principe en contrepartie de l'occupation des lieux par la société locataire, même un an après l'arrêt des paiements.

Mme [K] [F] invoque un accord verbal de la SCI Les Lavandes sur des remises de loyers en contrepartie de la réalisation de travaux de réfection du local loué pour un montant de 30 000 € sans pouvoir en justifier par la production de pièces objectives, la seule chronologie des faits ne permettant de déduire une telle entente.

De même, la mauvaise foi de la bailleresse ne saurait résulter de la mise en vente du local commercial, à un prix supérieur à celui auquel elle l'a acquis, un propriétaire étant libre de disposer de son bien immobilier et de le mettre en vente à un prix qu'elle est en droit de fixer librement.

Le moyen tiré de la mauvaise foi de la bailleresse n'est donc pas suffisamment étayé et ne permet pas de retenir l'existence d'une contestation sérieuse.

La SCI Les Lavandes demande à la cour de constater que la dette de loyers et charges due à la date d'acquisition de la clause résolutoire s'élevait à la somme de 11.230 €. A la date du 10 octobre 2022, elle affirme que cette dette est de 13.520 euros.

De son côté, Mme [F] soutient que sa dette locative n'est plus que de 6 730 euros.

En l'état, il résulte des pièces produites qu'au 21 octobre 2021, la locataire était débitrice d'une somme de 14.880 euros.

Il s'ensuit que le juge des référés a pu valablement condamner Mme [F] au paiement à titre provisionnel de la somme de 14 880 €, outre intérêts, et une indemnité d'occupation d'une somme équivalente au montant mensuel des loyers et des charges à compter du mois de novembre 2021 jusqu'à la libération effective des lieux.

En appel, il est justifié du paiement de diverses sommes par virements effectués par Mme [F] :

- le 15 octobre 2021 = 1 170 euros correspondant au loyer du mois de novembre 2021,

- le 11 janvier 2021= 2 340 euros correspondant aux loyers des mois de décembre 2021 et janvier 2022,

- le 14 mars 2022 = 2 340 euros correspondant aux loyers des mois de février et mars 2022,

- le 25 mai 2022 = 1 000 euros sans précision et pouvant être affecté à la dette locative,

- le 31 mai 2022 = 4 000 euros couvrant les loyers d'avril à juillet 2022 avec un résiduel de 320 euros,

- le 21 juillet 2022 : 4 500 euros couvrant le loyer d'août 2022 avec un résiduel de 3 330 euros,

- le 7 octobre 2022 : 4 000 euros couvrant les loyers de septembre et octobre 2022 avec un résiduel de 1 660 euros.

S'agissant du chèque d'un montant de 4 500 euros, celui-ci ne peut être retenu dans le décompte de la dette, ayant été rejeté par la banque.

Au regard de ces paiements, il est justifié du paiement du loyer courant par Mme [F], ainsi que du règlement d'une somme de 6 310 euros venant en déduction de la dette locative arrêtée au 21 octobre 2021 à la somme de 14 880 euros.

L'examen du décompte remis à la cour met en évidence que la dette locative dont est redevable la locataire s'élève à la somme non contestable de 8 570 euros. Il sera, en conséquence, fait droit, partiellement, à la demande de l'intimée et Mme [K] [F] sera condamnée au paiement de cette somme à titre provisionnel, à valoir sur l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 10 octobre 2022.

En considération du caractère d'indemnité provisionnelle, la somme non contestable de 8 570 euros portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Aux termes de l'article 1343-5 alinéa 1 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et, en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes de l'article L 145-41 alinéa 2 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Mme [K] [F] sollicite un délai de paiement sur une période de 24 mois et une suspension de la clause résolutoire sur la même durée. Elle fait état de sa situation financière précisant avoir débuté son activité professionnelle en pleine crise sanitaire durant laquelle des mesures gouvernementales ont impacté le secteur de la restauration. Elle justifie n'avoir perçu aucune aide en lien avec la pandémie de la covid 19 (pièce 4).

Elle justifie de la poursuite de l'exploitation de son commerce, contrairement aux allégations de la partie adverse, en versant une autorisation d'occupation temporaire du domaine public datée du 16 mai 2022 en vue d'exploiter la terrasse de son établissement mais également de factures d'achat datées du mois de septembre 2022 en lien avec l'exploitation de son activité.

L'examen du décompte en date du 10 octobre 2022 versé par l'intimée, et les justificatifs de virements produits par l'appelante permettent de constater que Mme [F] a procédé au paiement d'une somme totale de 19.350 euros dont 6.310 euros affectés au règlement de la dette locative arrêtée à la somme de 14.880 euros au 21 octobre 2021.

La dette locative a ainsi diminué, en dépit du chèque rejeté n° 2578008 60 d'un montant de 4 500 €, faute de provision suffisante le 06 septembre 2022, pour s'élever à ce jour à la somme de 8 570 euros. Elle justifie, par ailleurs, être à jour du loyer courant.

L'appelante produit en outre aux débats les comptes de résultat prévisionnel relatifs à la période du 1er janvier au 31 décembre 2022, laissant apparaître un total de produits d'exploitation de 60 000 €, un total de charges d'exploitation s'élevant à 40 022 € dont 13 200 € de loyers commerciaux ainsi qu'un résultat d'exploitation de 19 978 €.

Tenant les paiements réalisés à plusieurs reprises par la locataire, correspondant à un montant supérieur au « loyer résiduel », celle-ci sera autorisée à se libérer de sa dette locative en 24 mensualités, suivant la signification du présent arrêt, selon les modalités prévues au dispositif. Corrélativement, la clause résolutoire constatée sera suspendue pendant cet échéancier.

Il convient d'attirer l'attention de Mme [K] [F] sur le fait que le défaut de paiement de ces sommes dans le délai imparti entraînerait non seulement la déchéance du terme puisque la totalité du solde restant dû deviendrait alors immédiatement exigible, mais également la résiliation de plein droit du bail, sans nouvelle procédure.

S'agissant des dommages et intérêts réclamés au titre de l'abus de procédure, il résulte du dossier que la SCI Les Lavandes ne justifie pas non seulement du caractère abusif de l'appel interjeté à son encontre, ni d'un préjudice particulier, autre que la nécessité de se défendre devant la cour d'appel et des frais que cette défense génère, lesquels peuvent être compensés par l'indemnité éventuellement allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il s'ensuit que sa demande en paiement de dommages et intérêts sera rejetée.

Chaque partie succombe, pour partie, dans le soutien de ses prétentions. Les dépens de première instance et d'appel seront donc partagés par moitié.

En considération d'éléments tirés de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 11 avril 2022 par le tribunal judiciaire d'Avignon en ce qu'elle a constaté que le bail commercial conclu entre la SCI Les Lavandes, d'une part, Mme [K] [F] ,d'autre part, relatif au local commercial situé [Adresse 2] et [Adresse 5], se trouvait résilié de plein droit le 17 octobre 2021 par le jeu de la clause résolutoire insérée dans cet acte,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [K] [F] à verser à la SCI Les Lavandes la somme provisionnelle de 8 570 € au titre de l'arriéré locatif (arrêté au 10 octobre 2022), avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Lui accorde des délais de paiement sur un durée de 24 mois et suspend corrélativement les effets de la clause résolutoire,

Autorise Mme [K] [F] à se libérer de l'arriéré locatif par 23 mensualités de 350 € chacune, jusqu'à apurement de la dette, la 24ème et dernière mensualité étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,

Dit que le paiement de chaque mensualité devra intervenir dans les mêmes conditions et en même temps que le loyer courant dû,

Dit que si la locataire s'exécute dans les délais et selon les modalités fixées, la clause résolutoire insérée au bail dont les effets sont suspendus, sera réputée n'avoir jamais joué,

Dit, ainsi, qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité pendant le délai accordé ou du loyer courant ou des charges afférentes à son terme exact, suivie d'une mise en demeure en lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse durant quinze jours :

1 - la clause résolutoire retrouvera ses entiers effets,

2 - Mme [K] [F] devra quitter les lieux,

3 - le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,

4 - qu'à défaut par Mme [K] [F] d'avoir libéré les lieux situés [Adresse 2] et [Adresse 5], au plus tard un mois à compter de la notification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux à ses frais dans tel garde-meuble désigné par les expulsés ou à défaut par le bailleur,

5 - Mme [K] [F] sera tenue au paiement de l'indemnité d'occupation fixée au montant du dernier loyer et charges, et ce, jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux,

Déboute la SCI Les Lavandes de sa demande en condamnation au paiement de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

Condamne les parties au paiement des entiers dépens, par moitié, dont distraction au profit du conseil de Mme [F]..

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/01585
Date de la décision : 05/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-05;22.01585 ?
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