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05/12/2022 | FRANCE | N°22/01232

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 05 décembre 2022, 22/01232


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 22/01232 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMU4



AL



PRESIDENT DU TJ D'AVIGNON

07 mars 2022

RG:21/00530



Association L'ASSOCIATION VAUCLUSIENNE D'ENTRAIDE AUX PERSONNE S HANDICAPÉES (AVEPH)



C/



Association A3 [Localité 6]

Association ASSOCIATION APEI DE [Localité 5]



Grosse délivrée

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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ d'AVIGNON en date du 07 Mars 2022, N°21/00530



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01232 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMU4

AL

PRESIDENT DU TJ D'AVIGNON

07 mars 2022

RG:21/00530

Association L'ASSOCIATION VAUCLUSIENNE D'ENTRAIDE AUX PERSONNE S HANDICAPÉES (AVEPH)

C/

Association A3 [Localité 6]

Association ASSOCIATION APEI DE [Localité 5]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ d'AVIGNON en date du 07 Mars 2022, N°21/00530

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

ASSOCIATION VAUCLUSIENNE D'ENTRAIDE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (AVEPH)

prise en la personne de son représentant légal en exercice, monsieur [W] [L], en sa qualité de président

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Camille ANDRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Marion PUISSANT, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉES :

ASSOCIATION A3 [Localité 6]

représentée par son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Vincent PUECH de la SCP GASSER-PUECH-BARTHOUIL-BAUMHAUER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

ASSOCIATION APEI DE [Localité 5]

représentée par sa présidente en exercice

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Olivier SMALLWOOD de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL'OVA, BERTRAND, AUSSEDAT, SMALLWOOD, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 26 septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 05 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 décembre 2016, l'association Vauclusienne d'Entraide aux Personnes Handicapées, ci-après dénommée AVEPH, et l'APEI de CAVAILLON ont constitué ensemble une nouvelle association dénommée A3 [Localité 6], ainsi qu'une SCI dénommée Immo 3, afin de mutualiser leurs moyens et d'améliorer la prise en charge des personnes vulnérables accueillies en foyer de vie ou en accueil de jour.

L'AVEPH et l'APEI de [Localité 5] ont confié à l'association A3 [Localité 6] la gestion de leurs établissements et services respectifs.

Le 4 octobre 2021, les cinq membres du conseil d'administration de l'association A3 [Localité 6], issus de l'AVEPH ont démissionné de leur mandat en raison de dissensions entre les deux associations fondatrices de l'association A3 [Localité 6] dans la gestion de celle-ci.

Par acte du 20 octobre 2021, l'AVEPH a fait assigner l'APEI de CAVAILLON et l'association A3 [Localité 6] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon, sollicitant la désignation d'un administrateur judiciaire ayant pour mission de convoquer une assemblée générale extraordinaire de l'association A3 [Localité 6] aux fins de statuer sur la dissolution de ladite association.

Par ordonnance contradictoire du 7 mars 2022, le président du tribunal judiciaire d'Avignon, statuant en référé, a :

- débouté l'APEI de [Localité 5] de son exception de nullité de l'assignation délivrée le 20 octobre 2021 tirée du défaut de capacité à agir du président de l'AVEPH,

- débouté l'association A3 [Localité 6] de sa fin de non-recevoir tirée du défaut de capacité à agir du président de l'AVEPH,

- déclaré en conséquence recevable l'action en justice engagée par l'AVEPH représentée par son président, M. [W] [L], dûment autorisé à agir à cette fin par le conseil d'administration de son association,

- débouté l'AVEPH de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné l'AVEPH à payer à l'APEI de [Localité 5] et l'association A3 [Localité 6] la somme de 1.500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à la charge de l'AVEPH les dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 4 avril 2022, l'AVEPH a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions, à l'exception de celles ayant débouté l'APEI de [Localité 5] de son exception de nullité de l'assignation délivrée le 20 octobre 2021 tirée du défaut de capacité à agir du président de l'AVEPH, débouté l'association A3 [Localité 6] de sa fin de non-recevoir tirée du défaut de capacité à agir du président de l'AVEPH et déclaré en conséquence recevable l'action en justice engagée par l'AVEPH représentée par son président.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 20 septembre 2022 par RPVA et auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens, l'AVEPH demande à la cour de :

- annuler l'ordonnance rendue le 7 mars 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon,

- réformer l'ordonnance rendue le 7 mars 2022 par le juge des référés du Tribunal judiciaire d'Avignon et :

- faire droit à la demande de désignation d'un administrateur judiciaire présentée par l'association AVEPH, membre de droit de l'association A3 [Localité 6],

- désigner un administrateur judiciaire ayant pour mission :

- l'établissement d'un rapport sur les possibilités de retour à une situation normale au regard du désaccord profond et de la perte de confiance mutuelle et irrémédiable entre les membres fondateurs de l'association A3 [Localité 6] ;

- le cas échéant, en cas de constat d'impossibilité de retour à une situation normale, l'organisation de la dissolution de l'association ;

- de se substituer aux instances de gouvernance de l'association et, en tout état de cause, à son conseil d'administration dès lors que ce dernier ne peut fonctionner conformément aux statuts en l'absence de représentants de l'un des membres fondateurs ;

- de prendre toute mesure utile au fonctionnement des établissements et services gérés par l'association A3 [Localité 6] afin de garantir la continuité des activités, la qualité et la sécurité des prestations proposées aux personnes en situation de handicap accompagnées ;

- de veiller à conserver une attitude neutre et impartiale dans le cadre des conflits qui opposent les membres fondateurs de l'association A3 [Localité 6].

A titre liminaire, l'AVEPH soutient que son action est recevable, compte tenu de la délibération du conseil d'administration autorisant l'appel, de la délibération de ce même conseil d'administration du 9 septembre 2021 autorisant l'engagement d'une procédure en référé et des différents pouvoirs donnés par les administrateurs avant que le juge ne statue.

Par ailleurs, elle fait valoir que la démission collective de ses représentants au conseil d'administration de l'association A3 [Localité 6] paralyse le fonctionnement de cette instance qui ne peut dès lors plus se réunir conformément aux dispositions des statuts et du règlement intérieur, lequel impose la présence au conseil d'administration de deux représentants membres de droit par association fondatrice, soit pour chacune d'elle, le président et un membre du bureau.

Elle indique encore qu'en déclarant, après avoir procédé à une interprétation erronée des statuts de l'association A3 [Localité 6] et, en contradiction avec l'article 4 de la loi du 1er juillet 1901, qu'un membre de droit ne peut démissionner tant qu'il remplit les conditions réglementaires auxquelles il a adhéré, le juge des référés a porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, méconnu le principe de prohibition des engagements perpétuels consacré à l'article 1210 du code civil et nié tout effet aux démissions présentées qui constituent des actes juridiques unilatéraux. Elle ajoute que le juge des référés ne pouvait donc écarter ces démissions et qu'il appartenait à l'association A3 [Localité 6] ou à l'APEI de [Localité 5], le cas échéant, de saisir le juge de demandes en nullité ou en exécution forcée, voir en réparation des préjudices causés par ces démissions, ce qui n'a pas été le cas.

L'AVEPH conclut également à la nécessité de désigner un mandataire ad hoc, car il est urgent de sécuriser la gouvernance de l'association A3 [Localité 6] suite à la démission collective des administrateurs issus de l'AVEPH en confiant cette dernière à un administrateur tiers, le temps que les membres fondateurs se positionnent sur le devenir de l'association A3 [Localité 6] ainsi que sur le sort des autorisations qu'ils ont pu lui transférer et sur les modalités de réparation des préjudices subis.

Elle indique que les missions de l'administrateur judiciaire devront consister dans l'établissement d'un rapport sur les possibilités de retour à une situation normale au regard du désaccord profond et de la perte de confiance mutuelle et irrémédiable entre les membres fondateurs de l'association A3 [Localité 6], et le cas échéant, en cas de constat d'impossibilité de retour à une situation normale, dans l'organisation de la dissolution de l'association, avec mission de substituer le conseil d'administration de l'association A3 [Localité 6] dont la composition ne peut être régulière en l'absence de représentants de l'AVEPH.

Enfin, elle sollicite le rejet des sommes réclamées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, eu égard au caractère manifestement excessif de ces demandes.

L'association A3 [Localité 6], en sa qualité d'intimée, par conclusions notifiées par RPVA le 24 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens, demande à la cour, au visa de l'article 13 des statuts de l'association AVEPH et de l'article 122 du code de procédure civile, de :

A titre principal :

- déclarer irrecevable la présente procédure pour défaut de capacité d'ester en justice de l'AVEPH,

Subsidiairement au fond,

- débouter l'AVEPH de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions d'appel,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 7 mars 2022,

Y ajoutant,

- condamner l'AVEPH à payer à l'association A3 [Localité 6] une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'AVEPH aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'intimée expose qu'aucune décision du conseil d'administration ayant conféré au président le pouvoir d'engager une action judiciaire précise et circonstanciée ne figure dans l'assignation. A ce titre, elle rappelle que le défaut de capacité d'ester en justice ou défaut de pouvoir constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, conformément à l'article 117 du code susvisé, ce qui justifie la nullité de la déclaration d'appel et l'irrecevabilité des demandes de l'appelante.

A titre subsidiaire et sur le fond, elle indique qu'il n'appartient pas au juge des référés, mais au juge du fond de se prononcer sur la validité des conditions de convocation aux séances du conseil d'administration de l'association A3 [Localité 6], sur la validité des délibérations adoptées et sur la validité des conditions de diffusion des comptes rendus desdits séances.

En outre, elle fait valoir, ainsi que l'a retenu la juridiction de première instance, que les dispositions du règlement doivent être interprétées à la lumière des statuts et qu'en cas d'ambiguïté ou de contradiction, les statuts s'appliquent par priorité sur le règlement intérieur. Elle ajoute que si une personne est obligatoirement membre d'une association en application des dispositions légales ou contractuelles auxquelles elle a adhéré, elle ne peut cependant démissionner tant qu'elle remplit les conditions qui lui donnent le statut de membre de droit.

Par ailleurs, elle soutient que la composition du conseil d'administration est régulière dès lors qu'elle a fait une juste application de l'article 12 des statuts pour suppléer la démission des cinq administrateurs émanant de l'AVEPH, et souligne à cet égard que le collège des membres actifs de l'association n'est pas limité aux seuls représentants de l'AVEPH et de l'APEI de [Localité 5]. Elle indique encore qu'aucun blocage ou mésentente entre sociétaires n'entrave la gestion normale de l'association qui est totalement autonome et indépendante financièrement des structures de ses deux membres fondateurs et qui continue à fonctionner normalement, dans le strict respect de ses statuts. Elle précise que les deux membres de droit de l'AVEPH sont régulièrement convoqués aux réunions du conseil d'administration de l'association A3 [Localité 6] et que leur refus de siéger ne constitue ni une irrégularité, ni une forme de blocage institutionnel.

En outre, l'association A3 [Localité 6] expose que l'AVEPH ne rapporte pas la preuve d'un péril imminent, et qu'au contraire, elle continue à fonctionner normalement et à prendre en charge, dans des conditions satisfaisantes, les personnes vulnérables fréquentant ses services ou hébergés dans les établissements dont la gestion lui est confiée. Ainsi, elle relève l'absence de motifs permettant d'envisager une dissolution puisqu'elle a été constituée pour une durée indéterminée et indique disposer d'une dénomination propre et distincte de celle de ses deux membres fondateurs. Elle ajoute qu'il n'y a aucun blocage ou mésentente entre sociétaires qui entrave la gestion normale de l'association, laquelle continue à fonctionner normalement et dans le strict respect de ses statuts, et qu'il n'existe aucune volonté de dissolution émanant des membres de l'association. Enfin, elle indique avoir un objet social à remplir, lequel à ce jour n'a pas disparu.

L'APEI de [Localité 5], en sa qualité d'intimée, par conclusions notifiées par RPVA le 24 mai 2022 et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour, au visa des articles 117 et suivants du code de procédure civile, des articles 834 et 835 du code de procédure civile, des textes régissant le fonctionnement des associations loi 1901, et des dispositions du code de l'action sociale et des familles, de :

A titre principal,

- prononcer la nullité de la déclaration d'appel signifiée par l'AVEPH le 4 avril 2022, faute de délibération préalable du conseil d'administration autorisant son président à ester en justice, conformément à l'article 13 des statuts associatifs,

A titre subsidiaire,

-débouter purement et simplement l'AVEPH de l'intégralité de ses demandes,

-confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance n°22/126 rendue le 7 mars 2022 par le président du tribunal judiciaire d'Avignon statuant en référé,

En tout état de cause,

- condamner l'AVEPH à verser à l'APEI de [Localité 5] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance.

A titre principal, l'APEI de [Localité 5] soutient que la déclaration d'appel signifiée par l'AVEPH le 4 avril 2022 est nulle, faute de délibération préalable du conseil d'administration autorisant son président à ester en justice, conformément à l'article 13 des statuts associatifs.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la composition du conseil d'administration de l'association A3 [Localité 6] a pu être régularisée selon les dispositions statutaires, s'agissant notamment du nombre d'administrateurs qui doit être a minima de 10, dont au moins 6 membres élus. Elle ajoute que les modalités de désignation mises en 'uvre sont conformes aux statuts qui priment sur le règlement intérieur et qui ne prévoient pas, pour les membres élus, de conditions d'appartenance ou d'adhésion à l'une ou l'autre des associations.

En outre, elle rappelle qu'un administrateur judiciaire est un mandataire qui ne peut être désigné que pour assurer momentanément la gestion d'une association, en cas de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de celle-ci et la menaçant d'un péril imminent, et précise qu'au cas d'espèce, l'association A3 [Localité 6] n'est pas frappée d'une difficulté qui en affecterait irrémédiablement le fonctionnement, en dépit des tentatives de déstabilisation dont elle fait l'objet.

Par ailleurs, elle soutient que la demande de dissolution de l'association ne constitue pas une mesure «conservatoire » ou « de remise en état » au sens de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile et tend plutôt à obtenir la disparition juridique, de façon définitive, de l'association A3 [Localité 6], sans aucune perspective de sécurité ou d'avenir pour la prise en charge des personnes en situation de handicap.

Enfin, elle indique que le fonctionnement institutionnel de l'association A3 [Localité 6] est parfaitement régulier, et qu'il n'existe aucun péril imminent susceptible d'affecter sa pérennité ou la bonne prise en charge des personnes en situation de handicap qu'elle accueille et accompagne.

La clôture de la procédure est intervenue le 26 septembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 3 octobre 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 5 décembre 2022.

Sur ce,

-Sur la nullité de la déclaration d'appel de l'AVEPH :

A titre liminaire, il importe de noter que l'APEI de [Localité 5] soulève, aux termes de ses écritures, uniquement la nullité de la déclaration d'appel. En aucune façon, elle ne remet en cause la décision du juge des référés qui l'a déboutée de son exception de nullité de l'assignation du 20 octobre 2021. Aussi, l'ensemble de ses observations tenant à l'absence de décision du conseil d'administration de l'AVEPH pour engager une procédure en référé devant le président du tribunal judiciaire d'Avignon et le défaut de pouvoir de son président pour agir sont inopérantes.

L'article 117 du code de procédure civile dispose :

« Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

-Le défaut de capacité d'ester en justice ;

-Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

-Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. »

En l'occurrence, l'AVEPH a toute capacité d'ester en justice dès lors qu'elle est dotée de la personnalité morale et est régulièrement constituée et immatriculée. Aussi, le débat ne porte que sur la question de l'éventuel défaut de pouvoir de son président pour la représenter au regard des dispositions statutaires en vigueur (Civ 01/07/2009 n°07-21954 et Civ 07/07/2016 n°15-18648).

L'article 13 des statuts de l'AVEPH prévoit que « Le président est compétent pour représenter l'association en justice, dans les actes de la vie civile, ainsi que pour introduire toute action en justice dont la décision aura été votée par le Conseil d'administration. »

De ces dispositions, il ressort que le président de l'AVEPH a le pouvoir, sans qu'un mandat spécial de représentation ne soit nécessaire, d'agir en justice au nom de cette dernière et de la représenter dans toute procédure qui aurait été décidée par le conseil d'administration.

En l'espèce, il ressort de l'extrait du 25 mars 2022 des délibérations du conseil d'administration de l'AVEPH, qui n'est pas argué de faux, que les membres dudit conseil ont décidé de relever appel de l'ordonnance du 7 mars 2022.

Aussi, M. [W] [L], qui selon ce document avait de surcroît reçu mandat d'agir en ce sens, avait le pouvoir de faire appel de cette décision.

L'appel est donc régulier et l'APEI de [Localité 5] sera donc déboutée de son exception de nullité de la déclaration d'appel.

-Sur la recevabilité de l'action de l'AVEPH :

Ainsi qu'il en a été fait précédemment état, l'AVEPH a toute capacité d'ester en justice et, en application des dispositions de l'article 13 des statuts, le président de l'AVEPH a le pouvoir, sans qu'un mandat spécial de représentation ne soit nécessaire, d'agir en justice au nom de cette dernière et de la représenter dans toute procédure qui aurait été décidée par le conseil d'administration.

Dans le cas présent, il ressort du procès-verbal versé aux débats que lors de sa réunion du 9 septembre 2021, le conseil d'administration de l'AVEPH a pris la décision suivante :

« Décision n°2 :

Les membres du Conseil d'Administration autorisent, à l'unanimité, l'AVEPH à ester en justice auprès du Tribunal compétent suite aux conseils de Me [U]. »

Si l'objet exact de l'action en justice décidée n'est pas précisément défini, il ressort cependant de ce procès-verbal que celle-ci a trait au litige qui oppose l'AVEPH à l'association A3 [Localité 6] et à l'APEI de [Localité 5] au sujet du fonctionnement de l'association A3 [Localité 6] dont elle est, avec l'APEI de [Localité 5], membre fondatrice, et de son devenir. Les attestations des membres du conseil d'administration de l'AVEPH du 20 janvier 2022 versées aux débats confirment du reste ce point dans la mesure où elles indiquent que lors de sa réunion du 9 septembre 2021, l'AVEPH a été autorisée à agir en justice dans le cadre des différends qui l'opposent à l'APEI de [Localité 5] et à l'association A3 [Localité 6] aux fins, notamment, de voir désigner un administrateur provisoire et ordonner une dissolution judiciaire (de l'association A3 [Localité 6]), mandat étant par ailleurs donné à M. [W] [L], président, pour agir ou la représenter, y compris en appel.

Aussi, c'est à tort que l'association A3 [Localité 6] invoque l'existence d'un défaut de pouvoir. L'action en référé engagée par l'AVEPH ne souffre donc à ce titre d'aucune irrégularité, précision à ce propos étant faite que le défaut de pouvoir constitue, selon les articles 117 et suivants du code de procédure civile, une cause de nullité de l'acte qui en est affecté et non une fin de non-recevoir.

De la même façon, aucune irrégularité ne s'attache à la déclaration d'appel formée à l'encontre de l'ordonnance de référé du 7 mars 2022 dont le principe a été décidé par délibération du conseil d'administration du 25 mars 2022, selon l'extrait des délibérations versé aux débats.

L'association A3 [Localité 6] ne soutenant pas par ailleurs l'un des moyens d'irrecevabilité visé à l'article 122 du code de procédure civile, l'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action en référé engagée par l'association AVEPH et y ajoutant, cette dernière sera également déclarée recevable en son appel.

-Sur la demande d'annulation de l'ordonnance de référé :

Aux termes de ses écritures, l'AVEPH expose, à l'appui de sa demande en annulation, que le juge des référés a commis une erreur de droit en considérant qu'un membre de droit ne peut démissionner tant qu'il remplit les conditions réglementaires auxquelles il a adhéré, et ne pouvait, alors même qu'il n'était pas saisi d'une demande en nullité des démissions prononcées par les administrateurs de l'AVEPH, simplement écarter celles-ci en les considérant comme inexistantes.

L'appréciation faite par le juge des référés, qu'il s'agisse de ce point précis ou des autres éléments évoqués par l'AVEPH s'agissant plus particulièrement de l'application des statuts et du règlement intérieur quant à la composition et au mode de désignation des administrateurs du conseil d'administration, ne relève toutefois pas d'un défaut de motivation qui seul, par application de l'article 455 du code de procédure civile, peut donner lieu à annulation de la décision.

Aussi, l'AVEPH sera déboutée de sa demande d'annulation de l'ordonnance de référé du 7 mars 2022.

-Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance déférée et de la désignation d'un administrateur provisoire :

L'article 834 du code de procédure civile énonce : « Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. »

Par ailleurs, l'article 835 alinéa 1 de ce même code dispose : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Sur le fondement de ces dispositions, l'association AVEPH sollicite de la cour la désignation d'un administrateur provisoire.

En sa qualité d'appelante, il lui appartient de démontrer que les conditions fixées par les articles 834 et 835 alinéa 1 précités sont remplies.

En l'occurrence, il importe de noter, concernant l'application de l'article 834 du code de procédure civile, que l'AVEPH ne justifie pas au cas d'espèce d'une urgence. Ainsi, il sera relevé que cette dernière ne produit aucun élément démontrant que l'association A3 [Localité 6] ne satisferait pas aux missions fixées par ses statuts, s'agissant plus particulièrement de la prise en charge dans ses établissements des personnes vulnérables qu'elle accueille. Pas davantage, elle ne justifie d'une quelconque intervention de l'agence régionale de santé (ARS) ou des autorités de tutelle relative à une défaillance de l'association A3 [Localité 6] et ainsi que les intimées le font à juste titre valoir, la gouvernance de l'association A3 [Localité 6] est assurée de même que son fonctionnement puisque le conseil d'administration peut se réunir et prendre des décisions comme le démontrent les convocations à sa réunion du 18 janvier 2022 et la signature le 7 décembre 2021 d'une promesse unilatérale de contrat de travail à durée déterminée en vue de la désignation d'un nouveau directeur des établissements de l'association. En outre, il sera noté que les personnes démissionnaires ont démissionné uniquement de leur fonction d'administrateur mais restent membres de l'association, de sorte qu'elles peuvent participer aux assemblées générales, faire valoir leurs observations et participer aux votes.

Par ailleurs, la demande présentée par l'AVEPH se heurte en tout état de cause à une contestation sérieuse puisqu'elle suppose qu'il soit au préalable procédé à une analyse des statuts et du règlement intérieur ainsi que de leurs éventuelles contradictions pour fixer les modalités de désignation ou de remplacement des administrateurs, ce qui ne relève pas du juge des référés, juge de l'évidence. En outre, si l'existence d'un différend est établie, il est manifeste que la mesure sollicitée ne saurait en tout état de cause avoir pour objet de conférer à l'administrateur provisoire la mission de vérifier les conditions d'un retour à une situation normale, cette appréciation supposant un examen des statuts et règlement intérieur qui n'est pas du ressort de ce dernier, de se substituer aux instances de gouvernance et pas davantage, d'aboutir à une dissolution qui ne peut procéder, à défaut de toute décision judiciaire, que de la volonté des membres de l'association A3 [Localité 6] exprimée conformément au statuts. Par ailleurs, il importe de rappeler que la désignation d'un administrateur provisoire suppose en tout état de cause la démonstration de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de l'association et la menaçant d'un péril imminent, ainsi que le rappelle à bon droit le premier juge. Or, dans le cas présent, ces conditions cumulatives ne sont nullement réunies. Ainsi, l'association AVEPH ne peut légitimement arguer, au regard des éléments qui précèdent, d'un fonctionnement normal de l'association A3 [Localité 6] qui serait rendu impossible du fait de la démission de ses membres de leur fonction d'administrateur. En outre et en tout état de cause, il n'est justifié au cas d'espèce d'aucun péril imminent, l'association A3 [Localité 6] continuant à remplir son objet social en accueillant des personnes en situation d'handicap ou de vulnérabilité et en leur dispensant ses services, notamment en terme d'accompagnement.

Dès lors, la demande d'infirmation ne peut prospérer sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile.

Concernant l'application des dispositions de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, il sera relevé que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est pas établie, au vu des éléments qui précèdent. Par ailleurs, il importe de souligner, en considération des éléments qui précèdent, que l'existence d'un péril imminent n'est pas caractérisée.

Aussi, la demande d'infirmation formulée au titre des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile est de la même façon vouée à l'échec.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'AVEPH sera déboutée de sa demande d'infirmation de l'ordonnance de référé du 7 mars 2022 qui sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

-Sur l'article 700 du code de procédure civile :

L'ordonnance du 7 mars 2022 sera confirmée en ce qu'elle a condamné l'AVEPH à payer à l'association A3 [Localité 6] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'AVEPH, qui succombe, sera déboutée de sa demande présentée en appel au titre de ces dispositions, et en équité, une somme de 1.500 euros sera allouée à chacune des intimées au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, rendue en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Déclare régulière la déclaration d'appel formée par l'AVEPH à l'encontre de l'ordonnance de référé du 7 mars 2022 rendue par le président du tribunal judiciaire d'Avignon,

Déboute en conséquence l'APEI de [Localité 5] de son exception de nullité de la déclaration d'appel,

Déclare l'AVEPH recevable en son appel formé à l'encontre de l'ordonnance de référé du 7 mars 2022,

Confirme l'ordonnance de référé du 7 mars 2022 en toutes ses dispositions,

Condamne l'AVEPH, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer :

à l'association A3 [Localité 6] la somme de 1.500 euros,

à l'APEI de [Localité 5] la somme de 1.500 euros,

Condamne l'AVEPH aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/01232
Date de la décision : 05/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-05;22.01232 ?
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