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05/12/2022 | FRANCE | N°22/01123

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 05 décembre 2022, 22/01123


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/01123 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMK7



CS



PRESIDENT DU TJ DE CARPENTRAS

16 mars 2022

RG :22/00047



S.A.S. ADP PROVENCE



C/



[V]



Grosse délivrée

le

à









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2022



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Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de Carpentras en date du 16 Mars 2022, N°22/00047



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans oppositi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01123 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMK7

CS

PRESIDENT DU TJ DE CARPENTRAS

16 mars 2022

RG :22/00047

S.A.S. ADP PROVENCE

C/

[V]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de Carpentras en date du 16 Mars 2022, N°22/00047

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S. ADP PROVENCE

immatriculée au RCS sous le n° 808 198 022

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Serge BILLET, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON, substitué par Me Sylvie MENVIELLE, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉE :

Madame [I] [V] épouse [T]

née le 28 Mars 1944 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric GAULT de la SELARL RIVIERE - GAULT ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 10 octobre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 05 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 7 janvier 2015, Mme [V] [I] épouse [T] a donné à bail à la SAS ADP Provence des locaux à usage d'hôtel et restaurant, situés [Adresse 1]), moyennant un loyer annuel fixé à la somme de 66 000 € HT, soit 5 500 € par mois, indexé à la somme de 5 859 € par mois pour l'année 2021 et porté à la somme de 6 067,00 € le 1er janvier 2022 par voie d'indexation contractuelle.

Un premier commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié à la demande de Mme [V] au preneur le 15 juillet 2021 pour une somme de 23 436 euros correspondant à un arriéré de loyers échus d'avril à juillet 2021.

Sur opposition à ce commandement de payer, et par ordonnance rendue le 13 octobre 2021, le juge des référés a notamment :

- déclaré acquise la clause résolutoire et a constaté la résiliation du bail liant les parties à la date du 15 août 2021,

- suspendu les effets de la clause résolutoire jusqu'à la date du 31 mars 2022,

- dit qu'à compter de cette date du 31 mars 2022, faute pour la SAS ADP Provence d'avoir réglé l'intégralité de l'arriéré, la clause résolutoire reprendra son plein et entier effet et il sera procédé à son expulsion et celle de tout occupant de son chef dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance,

- fixé l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer,

- condamné la SAS ADP Provence à payer, en deniers et quittance, à Mme [I] [V] une indemnité provisionnelle de 25 780 euros, à valoir sur les charges et loyers impayés.

Par arrêt du 23 mai 2022, la cour d'appel de Nîmes a confirmé cette ordonnance, en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant suspendu les effets de la clause résolutoire jusqu'au 31 mars 2022 et, à statuant à nouveau, a accordé au locataire un délai expirant le 2 novembre 2022 pour apurer sa dette s'élevant à la somme de 25 780 euros au 8 septembre 2021.

Mme [V] [I] épouse [T] a fait délivrer le 4 janvier 2022 à la SAS ADP Provence un commandement visant la clause résolutoire lui enjoignant de payer la somme, en principal, de 42 812 € représentant les loyers impayés des mois d'octobre, novembre, décembre 2021 et janvier 2022, ainsi que la somme de 15 276 € au titre de la taxe foncière, augmentée de la pénalité contractuelle de 10 %.

La SAS ADP Provence a assigné Mme [V] [I] épouse [T] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras en contestation dudit commandement.

Par ordonnance de référé du 16 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras a :

déclaré acquise la clause résolutoire et constaté la résiliation du bail liant les parties à la date du 4 février 2022,

ordonné l'expulsion de Mme [I] [V] épouse [T] et de tout occupant de son chef dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance,

précisé qu'à défaut, elle en sera expulsée par toute voie de droit, y compris avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

en cas de besoin, dit que les meubles garnissant les locaux seront remis aux frais de la personne expulsée, dans le lieu désigné par celle-ci et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

condamné la SAS ADP Provence à payer à Mme [I] [V] épouse [T] une indemnité provisionnelle de 33 061 € au titre de loyers et charges impayées,

fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 6 067 € par mois jusqu'à parfaite libération des lieux,

condamné la S.A.S. ADP Provence à verser à Mme [I] [V] épouse [T] une indemnité de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, comprennant le coût du commandement.

Par déclaration du 24 mars 2022, la SAS ADP Provence a interjeté appel de cette ordonnance, en toutes ses dispositions.

Par ordonnance rectificative du 30 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras a ordonné la rectification de l'ordonnance de référé enregistrée sous le n° RG 22/00067 en date du 16 mars 2022 en ce qu'il sera substitué dans le dispositif de l'ordonnance prononçant l'expulsion le nom de la société ADP Provence au lieu du nom de Mme [I] [V] épouse [T] mentionnée par erreur.

Par déclaration du 6 avril 2022, la SAS ADP Provence a formé un recours à l'encontre de cette décision.

Par ordonnance du 22 avril 2022, la jonction de ces deux procédures a été ordonnée, l'instance se poursuivant désormais sous le seul et unique numéro RG 22/01123.

Par ordonnance du 8 juillet 2022, le Premier Président de la cour d'appel a déclaré recevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant l'ordonnance prononcée le 16 mars 2022 et rectifiée par une décision du 30 mars 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras et a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire de cette décision au profit de la SAS ADP Provence.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 10 août 2022, la SAS ADP Provence, appelante, demande à la cour de réformer les ordonnances rendues les 16 et 30 mars 2022, et statuant à nouveau, au visa des dispositions des articles L 145-41 du code de commerce, de l'article 1343-5 du code civil, et des articles 1240 et 1241 du code civil, de :

déclarer nul et de nul effet le commandement de payer en date du 4 janvier 2022, de déclarer non acquise la clause résolutoire,

condamner Madame [I] [T] à payer à la SAS ADP Provence la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure, au visa des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil,

A titre subsidiaire, la société appelante demande à la cour de :

constater la bonne foi de la SAS ADP Provence autorisant la suspension des effets du commandement de payer en date du 4 janvier 2022 et ceux de la clause résolutoire contenue dans le bail du 7 janvier 2015 ;

lui octroyer les plus larges délais de règlement.

En tout état de cause, elle réclame la condamnation de Madame [I] [T] à lui payer la somme de 2 500 € au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de la condamner aux entiers dépens et de la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires et de tout appel incident.

Au soutien de son appel, la société ADP Provence se prévaut d'erreurs d'imputation dans le règlement partiel de la dette locative qui entacheraient de nullité le commandement de payer délivré le 4 janvier 2022 ; elle fait grief à la bailleresse d'avoir affecté les sommes versées de septembre 2021 à janvier 2022, soit une somme de 25 780 euros, pour apurer l'arriéré de loyers visés par le premier commandement alors que le locataire disposait d'un délai expirant au 2 novembre 2022 pour s'acquitter de cette première dette locative. Elle considère que ce règlement correspond au paiement des loyers visés par le second commandement, en sorte qu'aucune dette locative n'est démontrée.

Il s'ensuit que le règlement des loyers courants rend la pénalité contractuelle de 10% inapplicable alors même que Mme [V] n'a délivré aucune mise en demeure.

Pour finir, la société ADP Provence conclut en faveur de l'inexigbilité de la taxe foncière, en l'absence de toute présentation du rôle comme l'exige le bail notarié en page 9.

A titre complémentaire, l'appelante indique faire l'objet d'un arrêté de fermeture administrative daté du 31 mars 2022, justifié par la vétusté de l'installation électrique qui est de nature à compromettre la sécurité du public. Dans ce contexte, elle se prévaut d'une ordonnance de référé datée du 11 mai 2022 ayant fait droit à sa demande d'expertise judiciaire et indique avoir saisi à nouveau le juge des référés d'une demande en suspension du paiement des loyers.

S'agissant de la demande d'indemnisation, la société locataire considère l'encaissement des loyers pour apurer la dette locative et la délivrance d'un deuxième commandement comme constitutifs d'un abus de procédure.

A toute fin, elle ajoute être de bonne foi et s'être acquittée des termes de la première ordonnance de référé qui prévoyait une régularisation de son retard au 31 mars 2022, par le paiement de la somme de 25 780 €, justifiant donc la suspension des effets de la clause résolutoire ainsi que l'octroi de délais de paiement des loyers prétendument impayés.

Mme [V] [I] épouse [T], intimée, conclut le 26 août 2022 à la confirmation du jugement dont appel dans l'intégralité de ses dispositions, et demande à la Cour de :

- débouter la société ADP Provence de l'intégralité de ses demandes en cause d'appel,

Et y ajoutant,

- condamner la Société ADP Provence à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS ADP Provence aux entiers dépens.

L'intimée souligne que la société ADP Provence ne produit aucun décompte alternatif, se contentant d'indiquer que le décompte de Mme [V] serait erroné faute d'avoir pris en considération le règlement de M. [C] dont elle s'attribue le bénéfice.

Elle indique avoir procédé au calcul exact de la dette locative et d'indemnités d'occupation qui s'établit à la somme de 75 889, 67 au 1er août 2022. Elle fait valoir que l'appelante ne produit aucune pièce bancaire quelconque venant justifier sa thèse selon laquelle celle-ci serait à jour de ces loyers, ni aucune photocopie de chèque ni bordereau de virement portant sur les sommes et périodes visées dans le commandement de payer du 4 janvier 2022.

Elle expose, pour sa part, avoir reçu un virement de 25 780 euros en octobre 2021 et décembre 2021. Elle considère que les sommes versées s'imputent sur les loyers de juillet et août 2021 comme l'a retenu le juge des référés. Selon elle, le preneur ne justifie pas du règlement total des loyers pour les périodes concernées par le second commandement, ni d'ailleurs du règlement du loyer courant justifiant ainsi l'acquisition de la clause résolutoire.

Elle s'oppose enfin à la demande de délais en présence d'un dernier règlement partiel intervenu le 17 janvier 2022 et d'une dette locative de 75.889,67 au 1er août 2022, tout en se prévalant de difficultés financières personnelles en lien avec la carence du preneur dans le respect de son obligation de paiement. Elle conteste ainsi la qualité de débiteur de bonne foi à la société ADP Provence, considérant que le décès de l'ancien dirigeant ne peut expliquer un tel retard dans le règlement du loyer.

S'agissant enfin de la fermeture administrative, elle se prévaut des stipulations du bail prévoyant l'imputation des travaux au preneur sans recours contre le bailleur en sorte que la vétusté de l'installation électrique ne lui est pas imputable et ne peut faire obstacle à la résiliation du présent bail. Elle ajoute qu'elle n'a jamais été avisée par son locataire de problèmes liés à une prétendue vétusté électrique, ni des visites de la commission de sécurité, et que par conséquent sa responsabilité ne pourra être engagée si l'expertise judiciaire à venir devait aboutir au constat d'un éventuelle nécessité de remplacement de l'installation électrique.

L'ordonnance de clôture du 29 août 2022 a été révoquée par ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture de la procédure intervenant au 10 octobre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 17 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le fond :

L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Des commandements de payer visant la clause résolutoire ont été délivrés les 15 juillet 2021 et 4 janvier 2022 à la SAS ADP Provence par Mme [V], bailleresse. Le dernier acte enjoint au preneur de régler dans un délai d'un mois la somme, en principal, de 42.812 € correspondant à l'arriéré de loyers et charges sur la période du mois d'octobre 2021 au mois de janvier 2022 ventilée comme suit :

octobre 2021 : 5.859 euros + 10% de retard soit 585,90 euros ;

novembre 2021 : 5.859 euros + 10% de retard soit 585,90 euros ;

décembre 2021 : 5.859 euros + 10% de retard soit 585,90 euros ;

janvier 2022 : 6.067,00 euros + 10% de retard soit 606,70 euros ;

taxe foncière 2021 : 15.276 euros + 10% soit 1.527,60 euros ;

total : 42.812 euros.

La SAS ADP Provence soutient que la dette alléguée n'existe pas au regard des règlements effectués sur la période considérée ce qui affecte la validité du commandement de payer. Elle explique en effet avoir procédé au versement d'une somme de 25 780 euros de septembre 2021 à janvier 2022, qui a été affectée par erreur par la bailleresse en règlement des sommes visées dans le premier commandement, alors qu'elle bénéficiait d'un délai expirant le 2 novembre 2022 pour apurer sa dette et que ces sommes correspondent au règlement du loyer échu.

Elle produit aux débats divers justificatifs :

virement opéré par M. [W] [G] les 29 décembre 2021 d'un montant de 5 959 euros et 12 janvier 2022 d'un montant de 5 959 euros ;

virement de Cuerta Santander One le 14 février 2022 d'un montant de 4 012 euros (loyer novembre 2021 : rupture chèque) ;

chèque n° 0001019 émanant du preneur daté du 19 octobre 2021 d'un montant de 5859 euros ;

chèque n°000998 émanant du preneur daté du 29 septembre 2021 d'un montant de 5 859 euros ;

2 virements effectués par [H] [C] à destination de Mme [T] datés du 30 mars 2022, le premier d'un montant de 25 780 euros et le second d'un montant de 6 056 euros avec la mention suivante 'loyer ADP Provence mars 2022" .

En application de l'article 1342-10 du code civil, il est avéré qu'à défaut d'indication par le débiteur de la dette qu'il entend payer, l'imputation a lieu sur les dettes échues et parmi celles-ci sur les dettes que le débiteur avait le plus intérêt d'acquitter.

Au cas d'espèce, la société ADP Provence a effectué des versements sans en préciser l'affectation.

Il peut néanmoins être fait droit à l'analyse de l'appelante, au visa de l'article 1342-10 du code civil, s'agissant de l'imputation des paiements et dire que les versements effectués correspondaient au règlement des loyers échus d'octobre 2021 à janvier 2022 que la société ADP Provence avait le plus intérêt à payer alors qu'elle bénéficiait jusqu'au mois de novembre 2022 pour régler les causes du premier commandement.

Pour autant, si elle justifie du règlement des loyers du mois d'octobre, décembre 2021 et janvier 2022, le règlement du loyer du mois de novembre 2021 n'est intervenu qu'en février 2022, de sorte que la bailleresse est en droit de réclamer la majoration de 10% dont est redevable le preneur 8 jours après une mise en demeure, soit en l'espèce après le commandement de payer délivré le 4 janvier 2022, restée infructueuse.

La SAS ADP Provence est donc redevable de la somme de 585,90 euros au titre de la majoration pour le mois de novembre 2021.

De même, le contrat de bail prévoit en page 12 l'absence de versement de provision mensuelle sur charges, le preneur s'obligeant à rembourser au bailleur les charges lui incombant (impôts, taxes, consommation d'eau) sur première demande de la part de ce dernier et dans le délai de 15 jours de la présentation du justificatif.

Contrairement à ce qui est déclarée par la SAS ADP Provence, la bailleresse justifie de l'envoi le 30 août 2021 de l'avis d'impôt « taxe foncière 2021» par lettre recommandée avec accusé de réception signé par le preneur le 31 août 2021.

Il se trouve que la société ADP Provence est ainsi redevable de la somme de 15.276 euros au titre de la taxe foncière ainsi que la somme de 1.527,60 euros au titre de la majoration de 10%.

Si la somme réclamée dans le commandement de payer délivré le 4 janvier 2022 est supérieure à celle effectivement due par le preneur, pour autant celui-ci reste valable à hauteur de la somme effectivement retenue.

La nullité du commandement ne saurait être prononcée.

Dès lors, le preneur ne justifie pas s'être acquitté de la somme de 17.389,50 euros dont il était redevable, et ce, dans le délai d'un mois suivant la délivrance du second commandement de payer.

Force est de constater que les contestations de la SAS ADP Provence ne sont pas sérieuses.

Ainsi, faute d'en rapporter la preuve contraire, il en résulte, conformément à ce qui été constaté dans l'ordonnance critiquée, que dans le mois qui a suivi la signification du commandement de payer visant la clause résolutoire, les causes du commandement n'ont pas été réglées totalement. C'est donc, à juste titre, que le juge de première instance a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 4 février 2022 et a ordonné l'expulsion de la société ADP Provence.

L'obligation du preneur ne souffre, en outre, d'aucune contestation sérieuse et c'est, en conséquence, à juste titre que le premier juge l'a condamné à payer à Mme [V], à titre de provision, un arriéré de loyers et charges qu'il conviendra toutefois de ramener à la somme 17.389,50 €, à valoir sur le montant des loyers et charges impayés au 4 février 2022 au vu des paiements justifiés par la société appelante, ainsi qu'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer en cours augmenté des charges.

Tenant ces éléments et en l'absence de toutes pièces justificatives venant soutenir les prétentions de la SAS ADP Provence en cause d'appel, il convient de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions exceptées en ce qu'elle a condamné le preneur au paiement d'une provision de 33.061 euros.

En l'absence de toute procédure abusive, l'appelant sera débouté de la demande tendant à obtenir une somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure, au visa des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil.

L'article 1343-5 du code civil permet d'accorder aux débiteurs impécunieux des délais de paiement qui emprunteront leur mesure aux circonstances, sans pouvoir dépasser trois ans.

L'article L145-41 du code de commerce permet au juge même d'office d'accorder des délais de paiement, dans la limite de deux années et dans les conditions prévues à l'article 1345-5 du Code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus pendant ce délai. Si le locataire se libère dans les conditions définies par le juge, la clause de résiliation est réputée ne pas avoir joué.

A titre subsidiaire, la société ADP Provence sollicite des délais de paiement et une suspension de la clause résolutoire. Pour justifier de sa bonne foi, elle fait valoir qu'elle s'est acquittée des causes du premier commandement au moyen d'un virement d'un montant de 25.780 euros effectué le 30 mars 2022 et déclare être à jour du paiement de ses loyers.

Elle expose, en outre, avoir sollicité auprès du juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras l'autorisation de suspendre le règlement des loyers en cours en raison de la fermeture administrative applicable depuis le mois d'avril 2022 liée à la non-conformité de l'établissement et la mise en danger du public et avoir obtenu du même magistrat l'organisation d'une expertise judiciaire en vue d'établir qui aura la charge des travaux de mise en conformité.

En l'état, si le règlement de la somme de 25.780 euros émanant de M [H] [C] peut être affecté par la société ADP Provence au règlement de l'arriéré locatif tel qu'il résulte du premier commandement de payer, il n'en demeure pas moins que le preneur reste redevable d'une somme de 17.389,50 euros à la date du 4 février 2022 et qu'il ne justifie pas depuis avoir réglé cette somme.

La société ADP Provence ne verse aucune pièce pour justifier de sa situation financière et de sa capacité à apurer l'arriéré locatif au mois de février 2022, alors même que la fermeture administrative n'était pas effective.

Depuis le mois d'avril 2022, la société n'exerce plus aucune activité et ne règle aucun loyer sans qu'elle n'y soit autorisée par une décision de justice.

A ce jour, sa situation financière est précaire et rien ne démontre que la société soit en capacité de solder la nouvelle dette locative alors même que la reprise de son activité est à ce jour incertaine.

Les difficultés financières récurrentes, en dépit de l'octroi d'une première suspension de la clause résolutoire et de délais de paiement, persistent.

Ainsi, la société ne démontrant pas être en capacité de payer les sommes réclamées, en sus du loyer courant, et tenant l'importance de la dette, sa demande de délai de grâce et de suspension des effets de la clause résolutoire ne peut être retenue.

Fort de ces éléments, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de délais.

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, il convient d'accorder à l'intimée, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société ADP Provence, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Déboute la SAS ADP Provence de sa demande en nullité du commandement de payer délivré le 4 janvier 2022 et d'allocation de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure,

Confirme l'ordonnance de référé du 16 mars 2022 rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras en toutes ses dispositions, ainsi que l'ordonnance rectificative du 30 mars 2022, excepté le montant de l'indemnité provisionnelle qui est réformé et fixé à la somme de 17 389,50 euros,

Déboute la SAS ADP Provence de ses demandes,

Condamne la SAS ADP Provence à payer à Mme [I] [T] née [V] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la SAS ADP Provence aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/01123
Date de la décision : 05/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-05;22.01123 ?
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