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05/12/2022 | FRANCE | N°21/03410

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 05 décembre 2022, 21/03410


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 21/03410 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFW2



CS



PRESIDENT DU TJ DE PRIVAS

19 août 2021

RG:21/00050



S.C.I. [E]



C/



S.A.R.L. BUREAU ECONOMIQUE COORDINATION PLANS (BECP)

S.C.I. CESAMICA

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS VINCENT-FILS-

S.A. FINAMUR

S.A.S.U. SOCOTEC INFRASTRUCTURE



S.A.S. SOCOTEC CONSTRUCTION



Gr

osse délivrée

le

à















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de PRIVAS en date du 19 Août 2021, N°21/00050



COM...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/03410 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFW2

CS

PRESIDENT DU TJ DE PRIVAS

19 août 2021

RG:21/00050

S.C.I. [E]

C/

S.A.R.L. BUREAU ECONOMIQUE COORDINATION PLANS (BECP)

S.C.I. CESAMICA

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS VINCENT-FILS-

S.A. FINAMUR

S.A.S.U. SOCOTEC INFRASTRUCTURE

S.A.S. SOCOTEC CONSTRUCTION

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de PRIVAS en date du 19 Août 2021, N°21/00050

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente

M. André LIEGEON, Conseiller,

Monsieur Gilles ROLLAND, Magistrat honoraire,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.C.I. [E]

immatriculée au RCS d'AUBENAS sous le n° 812 569 226

agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, M. [R] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Gilles RIGOULOT de la SELARL LEXIMM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉES :

S.A.R.L. BUREAU ECONOMIQUE COORDINATION PLANS (BECP)

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège social

[Adresse 16]

[Localité 1]

Représentée par Me Fabienne RICHARD, Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE

Représentée par Me Dominique FLEURIOT, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

S.C.I. CESAMICA

immatriculée au RCS d'[Localité 1] sous le n° 521 287 425

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

Lieu-dit '[Adresse 18]'

[Localité 2]

Représentée par Me Aldo SEVINO de la SELARL ASEA, Plaidant, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Laïla NAJJARI, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS VINCENT-FILS-

immatriculée au RCS d'[Localité 1] sous le n° 323 085 43

prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean LECAT de la SCP D'AVOCATS BERAUD LECAT BOUCHET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE

S.A. FINAMUR

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° B 340 446 707

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social

[Adresse 3]

[Adresse 17]

[Localité 11]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Jacques TORIEL de la SCP TORIEL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A.S.U. SOCOTEC INFRASTRUCTURE

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Frédéric PIRAS de la SELARL PIRAS ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTERVENANTE

S.A.S. SOCOTEC CONSTRUCTION

immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 834 157 513

représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés ès qualité audit siège

INTERVENANTE VOLONTAIRE

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Frédéric PIRAS de la SELARL PIRAS ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 26 septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Corinne STRUNK, Conseillère faisant fonction de Présidente, le 05 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Cesamica est propriétaire d'un terrain cadastré section [Cadastre 13] sur la commune d'Aubenas, sur lequel la société MF Distribution exploite son fonds de commerce.

La SA Finamur est propriétaire du terrain voisin et mitoyen cadastré section [Cadastre 12], lieudit « [Adresse 6] », destiné à accueillir l'activité de la société SCI [E] qui est bénéficiaire d'un permis de construire ainsi qu'un permis modificatif accordés les 18 mars 2015 et 10 mars 2016 par la commune d'[Localité 1] par suite d'un transfert réalisé par arrêté municipal le 6 mai 2016.

Afin de financer cet investissement immobilier, la SCI [E] s'était rapprochée de la société Finamur, spécialisée dans le financement immobilier par voie de crédit-bail, celle-ci lui ayant accordé un financement limité en contrepartie duquel le crédit-preneur devait s'acquitter des échéances de crédit-bail.

Par ailleurs, la société Finamur donnait mandat à la SCI [E] de réaliser les travaux de construction, qui étaient confiés pour le lot maçonnerie à la Sarl Etablissements Vincent et Fils, pour la maîtrise d''uvre à la société BECP, titulaire d'une mission complète, la société Socotec intervenant en qualité de bureau de contrôle.

A la suite de ces travaux, la SCI Cesamica constatait que l'édification du mur contigu au sud du terrain cadastré section [Cadastre 12] empiétait sur le terrain cadastré section [Cadastre 13] lui appartenant.

Par exploit d'huissier du 3 février 2017, la SCI Cesamica assignait la SCI [E] devant le juge des référés aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise pour déterminer l'empiétement et décrire les désordres en résultant.

Par ordonnance du 9 mars 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Privas faisait droit à sa demande en désignant M. [G] [D], Expert géomètre.

Le rapport d'expertise était déposé le 26 juin 2018.

Par exploit d'huissier du 6 février 2019 la SCI Cesamica a fait assigner la SCI [E] et la SA Finamur afin de les voir condamner solidairement à la démolition de l'ouvrage empiétant sur sa parcelle cadastrée [Cadastre 15].

Par exploits d'huissier délivrés les 26 février 2019 et 7 mars 2019, la SCI [E] appelait en cause, les sociétés Établissement Vincent et Fils, BECP et Socotec Infrastructures, mandatées pour la réalisation des travaux, aux fins de retenir leurs responsabilités dans l'empiètement invoqué par la SCI Cesamica, les condamner solidairement à indemniser le coût des travaux de remise en état pour faire cesser cet empiétement à hauteur de 135 000 euros dans la mesure où le juge ferait droit à la demande de remise en état, les condamner solidairement à indemniser le préjudice d'exploitation ainsi que le préjudice moral subi par la SCI [E] à hauteur de 54 240 euros pour le premier et 12 000 euros pour le second, les condamner solidairement au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner solidairement aux entiers dépens de l'instance.

Par ordonnance du 6 juin 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Privas enjoignait les parties de rencontrer un médiateur et désignait M. [Y] [B] en cette qualité. La médiation n'a pas abouti.

Par ordonnance du 23 janvier 2020, le juge des référés a déclaré régulière l'assignation de mise en cause des sociétés Établissement Vincent et Fils, BECP et Socotec, ordonné une mesure d'expertise contradictoire à l'ensemble des parties, confiée à M. [U] [J], avec pour mission de compléter le rapport d'expertise du 26 juin 2018, de décrire toutes les solutions envisageables de nature à mettre fin à l'empiétement, d'en évaluer le coût, et de préciser la durée des travaux préconisés.

L'expert déposait son rapport le 19 février 2021.

Par ordonnance contradictoire du 19 août 2021, le président du tribunal judiciaire de Privas a :

- rejeté les demandes de sursis et d'exception de connexité,

- dit que la situation d'empiétement de l'ouvrage érigé par la SCI [E] sur la parcelle cadastrée [Cadastre 14] appartenant à la SCI Cesamica constitue un trouble manifestement illicite,

- ordonné à la SCI [E] de procéder à la démolition de l'ouvrage empiétant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 15] appartenant à la SCI Cesamica, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite,

- dit qu'il n'y a pas lieu de condamner solidairement la SA Finamur à procéder à cette démolition,

- dit que la condamnation de la SCI [E] à procéder à la démolition de l'ouvrage en situation d'empiétement sera assortie d'une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de 4 mois à compter de la signification de la présente décision, et disons que la SCI [E] bénéficiera d'une servitude de tour d'échelle pendant la durée des travaux de démolition,

- débouté la SCI Cesamica de sa demande de dommages et intérêts, pour contestation sérieuse au fond,

- débouté la SCI [E] et la SA Finamur de leurs demandes d'appels en garantie de la SARL Vincent et Fils, la SARL BECP et la SASU Socotec en raison de l'existence d'une contestation sérieuse,

- débouté les parties de leurs demandes, plus amples ou contraires,

- condamné la SCI [E] à payer à la SCI Cesamica la somme de

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties à la procédure,

- condamné la SCI [E] au paiement des dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par déclaration du 13 septembre 2021, la SCI [E] interjeté appel de cette ordonnance, en toutes ses dispositions.

*

Par ordonnance de référé du 25 mars 2022, le Premier Président de la Cour d'appel de Nîmes a :

- débouté la SCI [E] de sa demande de suspension de l'exécution provisoire assortissant l'ordonnance prononcée le 19 août 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Privas,

- condamné la SCI [E] à payer à la SCI Cesamica une somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes de la SCI Cesamica relatives à la liquidation et l'augmentation de l'astreinte fixée par le premier juge, et à la réparation de son préjudice pour action abusive,

- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA Finamur,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la SCI [E] aux dépens de cette procédure.

*

Par ordonnance du 4 juillet 2022, le Président de chambre, saisi par conclusions d'incident notifiées le 2 mai 2022 par la société Finamur, a :

- fixé l'affaire à l'audience du 3 octobre 2022 ;

- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture et prononcé à nouveau la clôture à effet au 26 septembre 2022 ;

- déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la Société Socotec Infrastructure et Socotec Construction le 3 décembre 2021 et le 25 avril 2022 ainsi que les pièces versées au bordereau de ces conclusions à l'égard de toutes les parties ;

- débouté la société Finamur, les sociétés Socotec Structure et Socotec Construction de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les sociétés Socotec Structure et Socotec Construction aux dépens de l'incident.

*

Aux termes de ses conclusions notifiées le 24 décembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SCI [E], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile (ancien article 809), des articles 378, 73, 101 et 102 du code de procédure civile, de l'article 524 du code de procédure civile, et des articles 544 et 545, 1240 et 1241 du code civil, de :

- rejeter l'appel incident formé par la SCI Cesamica,

- rejeter l'appel incident formé par la SA Finamur,

- réformer intégralement l'ordonnance du juge des référés du Tribunal judiciaire de Privas en date du 19 août 2021.

A titre principal :

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir au fond ensuite de l'assignation délivrée à la demande de la SCI [E],

- retenir l'exception de connexité eu égard à la procédure au fond engagée à la demande de la SCI [E] et tendant aux mêmes fins que la procédure engagée par la SCI Cesamica devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Privas,

- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire statuant au fond.

A titre subsidiaire :

- rejeter la demande en démolition en tant qu'elle est disproportionnée eu égard à la faible ampleur de l'empiètement et à l'absence de trouble dans la jouissance dans la propriété de la SCI Cesamica,

- prononcer une mesure alternative à la démolition telles que visées dans le rapport d'expertise de M. [D] ou dans le rapport de M. [J] à savoir l'établissement d'une servitude de surplomb, la cession de la bande de terrain concernée par le surplomb, à savoir 0,16m2, ou l'instauration de la mitoyenneté sur le mur,

- débouter la SCI Cesamica de l'intégralité de ses demandes,

En toutes hypothèses :

- condamner la SARL Vincent et Fils, la SARL BECP à relever et garantir la SCI [E] et la SA Finamur à raison de leur obligation de résultat de lever la réserve relative à l'aplomb du mur mitoyen visée au procès-verbal de réception en date du 13 septembre 2017,

- condamner la SCI Cesamica et toutes les parties succombantes à verser à la SCI [E] la somme de 5000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Cesamica aux dépens, tant de première instance que d'appel.

La SCI [E] fait valoir, à titre principal, qu'il est d'une bonne administration de la justice de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la décision au fond, les demandes présentées devant le juge du fond n'ayant pas pour seul objet de trancher les responsabilités des différents intervenants à l'acte de construire mais également d'obtenir la remise en état du mur qui serait impossible dans l'hypothèse où le juge des référés ordonnerait la remise en état des lieux impliquant sa démolition.

Elle soulève également l'exception de connexité en application des articles 101, 102 et 103 du code de procédure civile, rappelant le lien existant entre la procédure de référé et celle engagée au fond devant le tribunal judiciaire de Privas relatif à la démolition du mur litigieux.

L'identité partielle d'objet commande qu'il soit fait droit à sa demande, peu importe l'absence d'identité des parties, la Sci Cesamica n'intervenant pas au fond. Elle considère à cet égard que la procédure au fond doit primer sur la procédure en référé rappelant qu'elle sollicite au fond la remise en état du mur et pas seulement que soient tranchées la question de la responsabilité des différents intervenants et celle de l'indemnisation.

A titre subsidiaire, elle ne remet pas en cause la réalité de l'empiétement mais fait valoir le caractère économiquement disproportionné de la mesure de démolition au regard de son caractère minime et sans conséquence pour l'exploitation du local dont la SCI Cesamica est propriétaire. Elle explique que l'empiétement en surplomb de 5,8 cm est d'une très faible ampleur et sans préjudice réel et que l'appréciation du caractère disproportionné de la démolition d'une construction relève du pouvoir souverain des juges. L'appelante rappelle en ce sens les solutions alternatives proposées par l'expert judiciaire alors que la démolition entraînerait une atteinte excessive à ses droits.

Ensuite, elle soutient que la demande d'appel en garantie des sociétés BECP, Vincent et Fils, et Socotec est fondée d'une part sur la garantie décennale prévues aux articles 1792 et suivants du code civil et d'autre part au titre de la garantie de parfait achèvement prévue par l'article 1972-6 du même code.

Au soutien de ce moyen, elle explique que la société Vincent et Fils était en charge de la construction du mur, que le suivi de la réalisation a été réalisé par le maître d''uvre, la société BECP et le contrôle « solidité » a été réalisé par le bureau de contrôle Socotec, tel que l'a relevé l'expert judiciaire dans son rapport.

En présence d'un ouvrage réalisé en empiètement sur le fond voisin, la garantie décennale s'applique de plein droit en présence d'une impropriété de l'ouvrage par destination. Elle ajoute que le non-respect du DTU est de nature à affecter la solidité du mur en sorte que le caractère décennal du désordre n'est pas sérieusement contestable et justifie la mise en cause de ces trois sociétés qui ont participé à la réalisation de l'ouvrage litigieux.

De plus, elle indique qu'il est manifeste qu'au titre de la garantie de parfait achèvement, l'entrepreneur est tenu d'une obligation de résultat pour les désordres ayant fait l'objet de réserves à la réception et ce, jusqu'à la levée de ces réserves. De surcroît, cette obligation de résultat ne peut être entachée d'aucune contestation sérieuse dès lors qu'elle porte sur des désordres réservés et non contestés pas les parties. La responsabilité de la société Vincent et Fils et de la société BECP est acquise sans qu'aucune contestation sérieuse ne puisse lui être opposée.

Sur le délai de l'astreinte sollicitée par la SCI Cesamica, l'appelante relève que le délai de 4 mois fixé par le juge des référés est insuffisant comme étant impossible à tenir dès lors qu'il convient de solliciter préalablement un permis de construire pour démolir et reconstruire le mur, qui suppose un délai d'instruction de deux mois, et un délai de recours des tiers de 2 mois. Un délai de 10 mois lui paraît plus réaliste.

Enfin, elle conclut au rejet de l'appel incident formé par la SCI Cesamica au titre de la radiation du rôle de l'affaire conformément à l'article 524 du code de procédure civile, lequel dispose qu'en cas d'appel, la radiation du rôle d'une affaire ne peut être prononcée que par le conseiller de la mise en état, puis au titre d'une demande de dommages et intérêts étant donné qu'elle ne verse aucun élément supplémentaire susceptible ni d'évaluer ni d'établir la réalité de son préjudice prétendument subi.

Elle sollicite pour finir le rejet de l'appel incident de la SA Finamur car, seul le propriétaire du sol doit être condamné à démolition, peu importe qu'il n'ait pas lui-même construit ou fait construire l'immeuble empiétant ou ne pas avoir commis de faute. L'empiètement d'une construction sur le fond voisin suffit à la condamnation du propriétaire.

*

La SCI Cesamica, en sa qualité d'intimée et appelante incidente, par conclusions en date du 25 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, de :

A titre principal,

- ordonner la radiation de la présente affaire du rôle en raison de l'absence d'exécution de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Privas dans les délais prescrits ;

A titre subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance rendue dans toutes ses dispositions en ce qu'elle a condamné la société [E] à démolir le mur litigieux sous un délai de quatre mois à compter de la signification de l'ordonnance rendue ;

- infirmer l'ordonnance rendue en ce que la démolition a été assortie d'une astreinte de 200 euros par jour de retard et qu'il a débouté de sa demande de paiement de dommages et intérêts.

Statuant de nouveau :

- condamner la société [E] à démolir le mur litigieux sous une astreinte d'un montant de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner la société [E] ainsi que tout autre succombant à payer à la SCI Cesamica la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause :

- débouter les sociétés [E], Finamur, BECP, Vincent & Fils et Socotec Infrastructure de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société [E] ainsi que tout autre succombant à payer à la SCI Cesamica la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [E] ainsi que tout autre succombant aux entiers dépens de la présente instance.

La SCI Cesamica soutient, à titre principal et au visa de l'article 524 du code de procédure civile, l'inexécution de la décision de première instance, pourtant assortie de l'exécution provisoire, justifiant ainsi la radiation du rôle de la présente affaire, dans l'attente que l'appelante exécute la décision de première instance.

A titre subsidiaire, elle soutient que l'exception tenant au sursis à statuer soulevée par l'appelante n'est absolument pas fondée et purement dilatoire, ne visant qu'à obtenir un délai supplémentaire pour pouvoir obtenir le financement d'une reconstruction conforme et qui n'empiète pas sur la propriété voisine, d'autant plus que cette exception entre en contradiction avec les conclusions du rapport d'expertise. Elle ajoute que n'étant pas partie à la procédure au fond dont l'objet est de définir les responsabilités des différents intervenants à l'opération de construction, celle-ci n'a aucune influence sur la présente instance.

Elle fait valoir que le bâtiment empiétant sur son terrain est une atteinte à son droit de propriété et constitue un trouble manifestement illicite, et qu'en toute hypothèse, le caractère supposément minime de l'empiètement n'est pas de nature à faire obstacle à la demande de démolition formulée par l'intimée, étant précisé que la société [E] ne conteste plus l'existence de cet empiètement et que la démolition ne saurait constituer, en l'état, une mesure disproportionnée.

Elle ajoute également que les solutions alternatives à la démolition du mur sont inapplicables à la matérialité des faits de la présente affaire tant en raison de l'empiètement du mur que de sa non-conformité créant ainsi un danger réel pour quiconque.

La SCI Cesamica s'oppose à l'octroi de tout délai supplémentaire contestant ainsi, au visa de l'article R 421-29 du code de l'urbanisme, la nécessité d'obtenir un permis de démolir, comme allégué par l'appelant.

Enfin, elle forme un appel incident portant sur la réformation de l'ordonnance en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts considérant qu'elle a largement prouvé avoir subi un préjudice conséquent du fait de cet empiètement et dont une partie ne pourra se régler par la démolition de l'ouvrage.

*

La SARL Établissements Vincent-Fils, en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 26 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, de :

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal Judiciaire de Privas en date du 19 Août 2021, en ce qu'elle a débouté les sociétés [E] et Finamur de leur demande d'appel en garantie des sociétés Vincent & Fils, BECP et Socotec en raison de l'existence d'une contestation sérieuse,

- dire et juger que dans les rapports entre la société [E] et l'entreprise Vincent & Fils, en l'état de l'instance au fond engagée par la société [E], il convient de renvoyer l'examen des demandes de la société [E] à l'encontre de la société Vincent & Fils à l'appréciation du juge du fond.

- dire et juger que la demande indemnitaire à hauteur de 100 000, 00 euros en réparation de son préjudice, présentée par la société Cesamica, n'est pas justifiée et que le préjudice est inexistant,

- en conséquence, rejeter la demande de la société [E] en réparation de son préjudice d'usage et de ses préjudices commerciaux allégués,

- débouter les sociétés Cesamica, [E] et Finamur de leurs demandes présentées à l'encontre de la société Vincent & Fils comme étant irrecevables et en tous cas injustes et non fondées,

- condamner la société [E] à verser à la société Vincent & Fils la somme de 4 000, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL Établissement Vincent et Fils soutient qu'elle n'est pas propriétaire de l'ouvrage litigieux et qu'elle ne peut donc pas se prononcer sur l'empiètement revendiqué ni prendre position sur ce point et sur la demande de démolition faite. Au demeurant, elle indique que la démolition sollicitée est manifestement disproportionnée, comme en convient d'ailleurs l'ensemble des parties à l'exception de la société Cesamica.

Puis, elle soulève, au regard de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, que le juge des référés ne peut ni faire droit à la demande d'appel en garantie, ni allouer des indemnités qu'à titre provisionnel, à condition qu'elles ne fassent pas l'objet de contestations sérieuses, relevant le cas échéant de la compétence du juge du fond.

*

La SA Finamur, en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 2 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa de l'article 803 du code de procédure civile, des articles 1103, 1195, 1240, 1241, 1353, 1972 et 1976 du code civil,de :

- Révoquer l'ordonnance de clôture,

Subsidiairement et si par impossible le Président de Chambre saisi de l'incident ne déclarait pas les conclusions et demandes des sociétés Socotec Infrastructure et Socotec Construction irrecevables, les rejeter comme étant mal fondées,

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' Dit qu'il n'y a pas lieu de condamner solidairement la SA Finamur à procéder à la démolition de l'ouvrage empiétant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 14] appartenant à la SCI Cesamica,

' Débouté la SCI Cesamica de sa demande de dommages et intérêts, pour contestation sérieuse au fond,

- débouter la SCI Cesamica de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouter la SCI [E] des demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société Finamur,

- débouter la société Socotec Construction des demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société Finamur,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour entrerait en voie de condamnation à l'encontre de la société Finamur,

- débouter les sociétés Vincent et Fils, BPCE et Socotec Construction de leurs demandes, fins et prétentions,

En conséquence :

- condamner les sociétés Vincent et Fils, BPCE et Socotec Construction à relever et garantir indemne la société Finamur de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- condamner la SCI [E] à relever et garantir indemne la société Finamur de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

- condamner toute partie succombante à payer à la société Finamur la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

La SA Finamur sollicite, à titre principal, la confirmation pure et simple de la décision entreprise ayant dit n'y avoir lieu à la condamner solidairement à procéder à la démolition de l'ouvrage et rejeté la demande indemnitaire de la SCI Cesamica. Elle n'a donc aucunement formé un appel incident à l'encontre de l'ordonnance rendue par le Juge des référés du tribunal judiciaire de Privas.

Elle rappelle ensuite que la SCI [E] s'est engagée aux termes du contrat de crédit-bail du 21 juin 2016 à assumer sous son entière responsabilité la conception, la direction, la réalisation, la surveillance du chantier, et à en faire son affaire sans recours contre le crédit-bailleur, et que par conséquence, le crédit-preneur apparaît comme le débiteur final des condamnations susceptibles d'être prononcées au titre des manquements survenus dans le cadre de la construction de l'immeuble donné en crédit-bail.

Elle considère qu'elle ne saurait en aucun cas être condamnée à garantir le crédit-preneur dès lors qu'elle n'est pas responsable de l'édification du bâtiment et de l'empiètement, n'étant intervenue que dans le seul but de financer les projets conduits par la SCI [E].

Elle indique que le préjudice allégué par la SCI Cesamica n'est nullement rapporté, étant de surcroît, inexistant au regard des circonstances de l'espèce, et qu'il appartient ainsi à celui qui se prévaut d'un préjudice d'en rapporter la preuve et d'établir un lien de causalité entre la faute et le dommage allégué.

A titre subsidiaire, elle défend la garantie des locateurs d'ouvrage et du crédit-preneur en cas de condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre, à hauteur des sommes qu'elle sera contrainte d'engager pour la déconstruction et la reconstruction du mur en limite séparative de propriété, que l'Expert a chiffré à 396.214 € TTC.

Enfin, quant à l'obligation de garantie de la SCI [E], celle-ci s'est engagée, aux termes du contrat de crédit-bail immobilier et en contrepartie du mandat de construction qui lui a été confié, à assumer toutes les obligations et conséquences en résultant.

*

La SARL Bureau Économique Coordination Plans (BECP), en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 16 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, de :

1. A titre principal,

- Confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Privas du 19 août 2021 qui a débouté la SCI [E] et la SA Finamur de leurs demandes d'appels en garantie de la SARL Vincent et Fils, la SARL BECP et la SASU Socotec en raison de l'existence d'une contestation sérieuse,

2. A titre subsidiaire si la cour entrait en voie de condamnation à l'égard de BECP,

- débouter les sociétés [E], Cesamica, Socotec et Finamur de leurs demandes à l'encontre de BECP comme étant irrecevables et mal fondées,

- dire et juger que dans les rapports entre [E] et BECP, en l'état de l'instance au fond engagée par [E], il convient de renvoyer l'examen des demandes de [E] à l'encontre de BECP à l'appréciation du juge du fond.

- dire et juger que dans les rapports Cesamica et BECP, il n'y a pas lieu en cause de référé d'allouer la moindre somme à Cesamica qui réclame quand même 100 000 euros pour un préjudice inexistant, même s'il existe un minime débordement du mur voisin,

- dire et juger que dans les rapports entre Vincent et BECP, Vincent est seul responsable de la mauvaise qualité de l'exécution des murs de l'immeuble [E].

- En conséquence, condamner Vincent à relever et garantir entièrement BECP de toute condamnation qui pourrait intervenir à la demande des sociétés [E], Cesamica, Finamur et Socotec.

- Condamner Vincent à payer à la SARL BECP la somme de 3 000.00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La BECP fait valoir, à titre principal, que sa responsabilité ne peut être retenue étant donné que son rôle était seulement limité à organiser et diriger les réunions de chantier, en rédiger les comptes rendus et les diffuser, vérifier l'avancement des travaux et leur conformité avec les factures, vérifier les factures, et établir le décompte définitif. Elle n'était donc pas astreinte à être présente sur le site pour diriger l'opération de construction contrairement au maçon. De plus, il ajoute ne pas avoir commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité, seule l'entreprise chargée du lot maçonnerie est seule responsable des erreurs de construction et qui doit supporter l'intégralité de la réparation.

A titre subsidiaire, elle soutient qu'il existe une difficulté sérieuse sur l'application du contrat de maîtrise d''uvre qui échappe à la compétence du juge des référés et qu'en conséquence, les demandes des parties sont irrecevables. Et qu'en tout état de cause, la demande de l'appelante ne peut être appréciée en cause d'appel de l'ordonnance de référé dès lors qu'elle a elle-même saisi le Tribunal judiciaire, juge du fond, à l'encontre de BECP et de l'entreprise Vincent et Fils.

*

Conformément à l'ordonnance du 4 juillet 2022, les conclusions notifiées par la Société Socotec Infrastructure et Socotec Construction le 3 décembre 2021 et le 25 avril 2022 ainsi que les pièces versées au bordereau desdites conclusions ont été déclarées irrecevables.

*

La clôture de la procédure est intervenue le 25 avril 2022 puis le 26 septembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 2 mai 2022, renvoyée au 16 mai 2022 puis au 3 octobre 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 5 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de radiation :

En application de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision. La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.

La demande de radiation est de la compétence du premier président de la cour d'appel ou du conseiller de la mise en état si celui-ci est saisi.

Cette demande a été présentée pour la première fois devant la cour d'appel saisie au fond par la SCI Cesamica, en sa qualité d'intimée et appelante incidente, par des conclusions du 25 novembre 2021.

Il s'ensuit que cette demande est irrecevable.

Sur le sursis à statuer et l'exception de connexité :

En application de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine.

Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

L'article 101 du code de procédure civile énonce que s'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction.

L'article 102 ajoute que lorsque les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l'exception de litispendance ou de connexité ne peut être soulevée que devant la juridiction du degré inférieur.

Enfin, l'article 103 dispose que l'exception de connexité peut être proposée en tout état de cause, sauf à être écartée si elle a été soulevée tardivement dans une intention dilatoire.

Au cas d'espèce, par acte d'huissier délivré le 2 mars 2021, la Sci [E] a assigné au fond devant le tribunal judiciaire de Privas les sociétés Vincent et Fils, BECP et Socotec pour voir reconnaître leur responsabilité en présence de désordres affectant le mur coupe-feu tant en raison de son empiètement sur la parcelle de la Sci Cesamica que d'une non-conformité tenant à l'absence d'étanchéité du mur et du non-respect du DTU applicable et obtenir en conséquence leur condamnation solidaire au paiement d'une somme de 396.214 euros au titre des travaux de démolition et de reconstruction.

Se référant à cette instance initiée au fond, l'appelant réclame du juge des référés qu'il prononce un sursis à statuer ou qu'il se dessaisisse au profit du tribunal judiciaire de Privas.

Le juge des référés en première instance a écarté cette demande considérant que la demande présentée devant le tribunal judiciaire n'avait pas pour finalité d'obtenir une remise en état du mur litigieux mais seulement de voir définir les responsabilités de chacun des intervenants lors de la construction du mur litigieux et obtenir leur condamnation solidaire au paiement du coût des travaux de démolition et reconstruction ainsi que des dommages intérêts.

Cette analyse sera confirmée en appel et ce d'autant que la SCI Cesamica n'est pas partie à l'instance engagée devant le tribunal judiciaire de Privas excluant de ce fait le caractère indivisible de ces deux procédures et que la présente action ne repose pas sur le même fondement juridique s'agissant d'une demande motivée par l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

En l'absence de tout risque de contradiction entre les deux décisions à intervenir, et d'élément justifiant le prononcé d'un sursis à statuer pour une bonne administration de la justice, l'ordonnance déférée sera confirmée sur ces deux points.

Sur la démolition du mur :

L'article 835 alinéa 1du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal judiciaire, ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'article 1er du Protocole Additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par les loi et les principes généraux du droit international ».

Il est soutenu par l'appelant que l'empiétement en surplomb de 5,8 cm est d'une très faible ampleur et sans préjudice réel pour la SCI Cesamica, en sorte que la démolition envisagée revêt un caractère disproportionné dont l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges.

En l'espèce, le rapport d'expertise judiciaire établi le 26 juin 2018 met en évidence un débord du mur litigieux sur la propriété de la SCI Cesamica compris entre 7/8cm détaillé comme suit :

- En B, sur le profil P1, le bâtiment déborde de 3 cm en haut du mur et de 1 cm en bas ;

- En B2 sur le profil P2, il déborde de 7 cm en haut du mur et est en retrait de 2 cm au bas ;

- En A2 sur le profil P3, le bâtiment déborde de 7 cm en haut du mur et de 1cm en bas ;

- Entre A1 et A2, le profit P4 déborde de 6 cm en haut du mur et de 4 cm en bas ;

- En A1, le profil P5 déborde de 6 cm en haut et en bas du mur.

La situation d'empiètement de l'ouvrage réalisé à la demande de la SCI [E] sur la parcelle cadastrée [Cadastre 15], propriété de la SCI Cesamica est acquise et non contestable.

Ce faisant, il est de jurisprudence constante (3e civ.21/12/2017 n°16-25.406) que « tout propriétaire est en droit d'obtenir la démolition d'un ouvrage empiétant sur son fonds, sans que son action ne puisse donner à faute ou à abus ; l'auteur de l'empiètement n'est pas fondé à évoquer les dispositions de l'article 1er du protocole Additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'ouvrage, qu'il a construit, méconnait le droit au respect des biens de la victime de l'empiètement ».

La cour de cassation a écarté explicitement l'obligation faite au juge d'ordonner la démolition qu'au terme d'un contrôle de proportionnalité tout en considérant que tout propriétaire est en droit d'exiger la démolition de l'ouvrage empiétant sur sa propriété si minime soit l'empiètement, peu important d'ailleurs qu'il ait été commis de bonne foi ou qu'il ait été nécessité par l'état des lieux.

Il s'ensuit que le moyen, selon lequel la démolition présente un caractère disproportionné au regard du caractère minime de l'empiètement en cause et de l'absence de gêne occasionnée alors qu'un dédommagement financier ou une modification des limites de propriété est concevable, est inopérant comme l'a justement indiqué le juge des référés.

Ceci étant, la remise en état n'implique pas nécessairement la démolition intégrale de l'ouvrage litigieux quand le simple rétablissement de la construction dans ses limites, c'est-à-dire une démolition partielle, suffit.

Or, l'appréciation de l'étendue de la démolition ou de l'opportunité de la solution propre à mettre fin à l'empiètement dénoncé relève des juges du fond auxquels n'a pas à se substituer le juge des référés, juge de l'évidence.

C'est donc à tort que le juge des référés a apprécié en première instance l'opportunité des solutions alternatives à la démolition totale de l'ouvrage en écartant notamment la solution consistant à raboter le mur litigieux en présence de débords ponctuels et de peu d'importance en affirmant d'ailleurs que le rabotage de plusieurs centimètres sur une grande surface mettrait en péril la solidité du mur et le degré de coupe-feu.

Au regard des difficultés sérieuses d'appréciation relatives aux solutions à apporter pour mettre un terme à la situation d'empiètement, il convient de dire n'y avoir lieu à référé.

Il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer et de connexité.

Le sort des dépens a été exactement réglé par le premier juge. En appel, il y a lieu de dire que chaque partie gardera la charge de ses propres dépens.

L'équité commande tant en première instance qu'en appel de ne pas faire droit aux demandes de l'appelant sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Prononce l'irrecevabilité de la demande de radiation présentée par la SCI Cesamica,

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer et de connexité, et laissé à la charge de la SCI Jeeerchce les dépens de première instance,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Arrêt signé par la conseillère faisant fonction de présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/03410
Date de la décision : 05/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-05;21.03410 ?
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