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01/12/2022 | FRANCE | N°22/00648

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 01 décembre 2022, 22/00648


ARRÊT N°



2ème chambre section A



N° RG 22/00648 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ILDZ



AD



TRIBUNAL D'INSTANCE DE SETE

16 août 2017

RG:11-16-0787

S/RENVOI CASSATION



[X]



C/



[M]

[M]





































Grosse délivrée

le

à Selarl Lexavoue

Me Andre
















>COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022







APPELANTE :



Madame [N] [X]

née le 11 Décembre 1961 à [Localité 8]

chez M. [P] [G], [Adresse 2]

[Localité 6]



Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Rep...

ARRÊT N°

2ème chambre section A

N° RG 22/00648 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ILDZ

AD

TRIBUNAL D'INSTANCE DE SETE

16 août 2017

RG:11-16-0787

S/RENVOI CASSATION

[X]

C/

[M]

[M]

Grosse délivrée

le

à Selarl Lexavoue

Me Andre

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

Madame [N] [X]

née le 11 Décembre 1961 à [Localité 8]

chez M. [P] [G], [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Christine GOUROUNIAN, Plaidant, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉS :

Monsieur [Y] [M]

né le 10 Septembre 1973 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représenté par Me Nicolas GANGLOFF, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Camille ANDRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [L] [M]

né le 21 Décembre 1935 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représenté par Me Nicolas GANGLOFF, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Camille ANDRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 22 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et Madame Laure MALLET, Conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Madame Laure MALLET, Conseillère

Madame Virginie HUET, Conseillère

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 01 Décembre 2022, sur renvoi de la Cour de Cassation, par mise à disposition au greffe de la Cour

Exposé':

Suivant acte sous seing privé du 31 août 2013 à effet au 1er septembre 2013, Monsieur [Y] [M], nu-propriétaire d'un logement dont Monsieur [L] [M], son père, s'est réservé l'usufruit, l'a donné à bail à Madame [N] [X] moyennant un loyer de 750'euros et une provision sur charges de 80'euros par mois.

Le 20 mai 2016, le nu-propriétaire a délivré à la locataire, un congé pour reprise au profit de sa belle-fille, à effet du 31 août 2016, puis, par acte d'huissier du 21 novembre 2016, l'a assignée devant le tribunal d'instance de Sète, principalement en validité de ce congé, expulsion, paiement d'une indemnité d'occupation et d'une somme au titre d'un loyer resté impayé.

L'usufruitier est intervenu à l'instance au soutien de la demande.

Vu le jugement rendu par le tribunal d'instance de Sète le 16 août 2017, ayant statué ainsi qu'il suit':

- donne acte à Monsieur [L] [M] de son intervention volontaire,

- déclare que Monsieur [Y] [M] a qualité pour agir,

- valide le congé délivré le 20 mai 2016 à Madame [N] [X] par Monsieur [Y] [M] sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, aux fins de reprise par sa belle-fille, Mademoiselle [A] [E]-[Z],

- déclare Madame [N] [X] occupante sans droit ni titre depuis le 1er septembre 2016,

- ordonne son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef, si besoin avec le concours de la force publique,

- la condamne à payer une indemnité d'occupation équivalente aux loyers et aux charges actuels, à compter du 1er septembre 2016 jusqu'à ce jour,

- la condamne à payer une indemnité d'occupation de 1'000'€ par mois, à compter de ce jour et jusqu'à la complète libération des lieux,

- la condamne à payer 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamne aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 31 août 2017 par Madame [N] [X].

Vu l'arrêt rendu par défaut par la cour d'appel de Montpellier le 10 septembre 2019, ayant statué ainsi qu'il suit':

- confirme le jugement rendu le 16 août 2017 par le tribunal d'instance de Sète en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- constate qu'une somme de 835'€ a été réglée au titre du mois d'octobre 2016,

- déboute Madame [N] [X] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Mme [X] aux dépens de l'appel.

Vu le pourvoi en cassation formé le 20 janvier 2021 par Madame [N] [X].

Vu l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 26 janvier 2022, ayant statué ainsi qu'il suit':

- casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier,

- remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes,

- condamne M. [Y] [M] aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [Y] [M] à payer à la société civile professionnelle [V] [T], la somme de 3 000 euros,

aux motifs suivants':

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer que le nu-propriétaire avait qualité pour agir et, en conséquence, de valider le congé délivré le 20 mai 2016, sur le fondement de l'article 25-8 de la loi n 89-462 du 6 juillet 1989, aux fins de reprise par sa belle-fille, de déclarer qu'elle était occupante sans droit ni titre depuis le 1 septembre 2016 et d'ordonner son expulsion, ainsi que celle de tout occupant de son chef, alors « que l'intervention volontaire de l'usufruitier, qui a seul qualité pour conclure un bail d'habitation et délivrer congé au locataire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, à l'instance qui oppose le nu-propriétaire, bailleur, au preneur, n'est pas de nature à donner qualité à agir au premier ; qu'en se fondant, pour juger que M. [Y] [M] pouvait délivrer le congé et agir en justice aux fins de validation de ce congé, sur la circonstance inopérante que M. [L] [M], usufruitier, était intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action, la cour d'appel a violé les articles 122 et 330 du code de procédure civile, 595 et 1984 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 595 du code civil et les articles 122, 329 et 330 du code de procédure civile :

5. Il résulte des deux premiers textes, que seul l'usufruitier, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut, en sa qualité de bailleur, agir en validité du congé pour reprise, et que le défaut de qualité à agir constitue une fin de non-recevoir.

6. Selon les deux derniers textes, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.

7. Pour déclarer recevable l'action du nu-propriétaire, après avoir donné acte de son intervention à l'usufruitier, l'arrêt retient que ce dernier est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action.

8. En statuant ainsi, alors que seule l'intervention de l'usufruitier à titre principal pour se substituer au nu-propriétaire et élever des prétentions pour son propre compte, était de nature à permettre d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la locataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La locataire fait grief à l'arrêt de valider le congé délivré le 20 mai 2016 par le nu-propriétaire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi n 89-462 du 6 juillet 1989 aux fins de reprise par sa belle-fille, alors « que dès lors que seul l'usufruitier a le pouvoir pour conclure un bail sur les biens immobiliers et qualité pour donner congé au locataire, en cas de bail irrégulièrement conclu par une personne autre que l'usufruitier, c'est au regard de l'usufruitier, qui détient seul le droit de jouissance sur le bien, qu'il convient d'apprécier la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise; qu'en jugeant que M. [Y] [M] nu-propriétaire pouvait, en sa qualité de bailleur, se prévaloir du bénéfice du droit de reprise dans les conditions de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, et que le congé ainsi délivré au bénéfice de Mme [E]-[Z] dont il indiquait qu'il s'agissait de sa belle-fille, respectait les dispositions légales et était valable, la cour d'appel a violé les articles 595, 1984 du code civil et 25-8 de la loi du 6 juillet 1989. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 595, alinéa 1 , du code civil et 25-8, alinéa 3, de la loi n 89-462 du 6 juillet 1989 :

10. Il résulte du premier de ces textes que seul l'usufruitier, ayant qualité de bailleur en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut délivrer un congé et agir en validité du congé pour reprise.

11. Selon le second de ces textes, à peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de cette reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

12. Par l'effet combiné de ces dispositions, les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu'au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l'usufruitier.

13. Pour valider le congé, pour reprise, notifié par le nu-propriétaire, l'arrêt retient que ce congé respecte les dispositions légales, dès lors qu'il précise que le bénéficiaire de la reprise est sa belle-fille et que ce lien avec celle-ci est établi par la production d'un certificat de vie commune depuis plus d'une année à la date de délivrance du congé avec la mère de la bénéficiaire dont le livret de famille est produit.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.'»

Vu la saisine de la cour d'appel de renvoi de ce siège le 16 février 2022 par Madame [N] [X].

Vu les conclusions de Madame [N] [X] en date du 4 août 2022, demandant de':

Statuant dans les limites de la cassation,

Vu les articles 117, 119, 120, 122, 124, 848 du code de procédure civile, 595 du code civil et article 25-8 de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989,

- juger l'appel régularisé par Mme [N] [X], le 31 août 2017, contre le jugement rendu le 16 août 2017 par le tribunal d'instance de Sète, recevable et bien fondé,

- réformer en tous points la décision déférée, en ce qu'elle a :

* déclaré que M. [Y] [M], nu-propriétaire, a qualité pour agir,

* validé le congé délivré le 20 mai 2016,

* déclaré Mme [X] occupante sans droit ni titre depuis le 1er septembre 2016,

* ordonné son expulsion,

* l'a condamnée à payer une indemnité d'occupation équivalente aux loyers et aux charges, à compter du 1er septembre 2016 jusqu'au jugement,

* l'a condamnée à payer une indemnité d'occupation de 1'000'€ par mois, à compter du jugement jusqu'à libération des lieux,

* l'a condamnée à payer 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger nulle l'assignation délivrée le 21 novembre 2016 par M. [Y] [M], nu-propriétaire dénué de tout intérêt et qualité à agir et pouvoir pour ester en justice,

- juger irrecevables les demandes de M. [Y] [M], nu-propriétaire, pour défaut de qualité à agir,

- juger nul le congé délivré le 20 mai 2016, par M. [Y] [M], nu-propriétaire,

- juger nul le congé délivré le 20 mai 2016, aucun lien n'unissant M. [L] [M], usufruitier et Mme [A] [E]-[Z],

- juger la procédure irrégulière, à défaut pour Messieurs [L] [M] et [Y] [M] d'avoir produit les informations faites à la préfecture de l'Hérault et à la CCAPEX,

- débouter Messieurs [Y] [M] et [L] [M] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner solidairement Messieurs [Y] [M] et [L] [M] à payer à Mme [N] [X] les sommes de :

* 15 000 € en réparation du préjudice subi du fait de son expulsion, de la perte de son mobilier et de leurs conséquences,

* 5 000 € pour procédure abusive,

* 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Emmanuelle Vajou, sur son affirmation de droits.

L'appelante fait essentiellement valoir':

- que M. [Y] [M] ne justifie pas de sa qualité de propriétaire ou d'usufruitier, du bien en cause situé à [Localité 9],

- que le document qui est daté du 14 avril 2017, donnant pouvoir par M. [L] [M] à son fils pour notamment la gestion du bien, ne permet pas de régulariser la procédure, alors que l'assignation est datée du 21 novembre 2016 et qu'elle vise un demandeur qui n'a pas la qualité de bailleur, ni de représentant du bailleur,

- que le défaut de capacité d'ester en justice constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'assignation, qui sera déclarée nulle,

- que M. [Y] [M] est dépourvu du droit d'agir, dès lors qu'il est nu-propriétaire et ne dispose pas de qualité pour agir en vue de l'expulsion d'un locataire en application de l'article 595 du code civil, de sorte que sa demande est irrecevable,

- que M. [L] [M], en tant qu'usufruitier, n'est pas intervenu à titre principal, mais seulement pour soutenir l'action du nu-propriétaire'; qu'il n'a donc pas régularisé la procédure en expulsion initiée par le seul nu-propriétaire,

- que les conditions de validité d'un congé pour reprise ne sont pas remplies car':

* le congé ne pouvait être donné que par l'usufruitier,

* et pour reprise par son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire,

et que tel n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où c'est le nu-propriétaire qui a donné congé, et qu'aucun lien de famille n'existe entre l'usufruitier, M. [L] [M], et Mme [A] [E]-[Z].

Elle ajoute':

- qu'elle était à jour de ses loyers lorsque l'assignation en novembre 2016 lui a été délivrée pour validation d'un congé pour reprise, et non en raison d'un arriéré de loyers,

- qu'elle n'est pas une locataire «'indélicate'», ayant réalisé d'importants travaux (réparations et embellissements) et étant à jour de ses loyers.

Elle prétend avoir été sujette à des agressions, dégradations et menaces de la part de M. [Y] et Mme [Z], sa compagne.

Elle affirme qu'à défaut pour les demandeurs à la procédure d'avoir justifié de l'information faite à la préfecture de l'Hérault et à la CCAPEX, la procédure sera dite irrégulière.

Elle indique que l'huissier de justice Maître [S] est entré dans son domicile, a changé les serrures et l'a expulsée sans titre exécutoire valable et qu'une plainte pour violation de domicile par dépositaire de l'autorité publique a été déposée le 23 mai 2020.

Elle estime qu'elle a subi un préjudice, d'autant que le procès-verbal d'expulsion avec sommation de reprendre son mobilier ne lui a été signifié que le 16 décembre 2020, soit 4 mois plus tard alors que le nu-propriétaire est installé dans les lieux depuis son expulsion du 31 août 2020.

Vu les conclusions de Messieurs [Y] et [L] [M] en date du 4 juin 2022, demandant de':

Vu la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, articles 25-3 à 25-11 dont 25-8,

Vu l'article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989,

Vu l'article 595 du code civil,

Vu le jugement du 16 août 2017,

Vu l'arrêt en date du 10 septembre 2019,

- confirmer le jugement rendu le 16 août 2017 par le tribunal d'instance de Sète,

- condamner Madame [N] [X] au paiement de la somme de 3500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Les intimés font valoir':

- que M. [L] [M], usufruitier, avait confié la gestion de ses intérêts à son fils qui avait agi pour son compte,

- que le bail a été conclu avec Mme [X] au nom de M. [Y] [M] et que ce dernier percevait les loyers,

- que l'article 595 du code civil selon lequel l'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit, ne signifie pas que le nu-propriétaire, en accord avec l'usufruitier, ne peut pas conclure directement le bail,

- que dès lorsque le bail a été signé par Monsieur [Y] [M] et [N] [X], c'est le bailleur, M. [Y] [M], qui a donné congé, de sorte que ce dernier est parfaitement régulier,

- qu'ayant donné tout pouvoir à son fils pour la gestion du bien dont il avait l'usufruit, M. [L] [M] n'avait pas à interférer dans la relation avec la locataire qui n'est pas censée savoir si son bailleur est le propriétaire ou pas du bien loué,

- que M. [L] [M] a avalisé et soutenu toutes les actions de son fils, qu'il était partie à la procédure de première instance comme dans la présente procédure et demande la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions,

- que la locataire est restée dans les lieux sans payer ses loyers pendant 3 années alors qu'elle n'est pas dans le besoin, étant à la tête de plusieurs agences immobilières et qu'elle n'a pas payé les charges locatives, alors que M. [Y] [M] s'est trouvé pendant 3 ans sans logement.

Vu l'ordonnance de clôture du 22 septembre 2002.

MOTIFS

Monsieur [Y] [M] est nu-propriétaire d'un immeuble situé à [Localité 9] qu'il a donné en location par un bail du 31 août 2013 à Madame [N] [X].

Il a, ensuite, donné congé à sa locataire par une lettre recommandée du 20 mai 2016, ledit congé étant motivé par l'intention d'y loger Madame [A] [E] [Z], y présentée comme sa belle-fille.

M [L] [M] est l'usufruitier de ce bien.

Au visa du congé pour reprise ainsi délivré, M [Y] a introduit le présent litige devant le tribunal d'instance de Sète, sollicitant l'expulsion de la locataire.

Monsieur [L] [M], usufruitier, est intervenu volontairement à ces débats et le jugement du tribunal d'instance, en date du 16 août 2017, a ordonné l'expulsion en validant le congé après avoir déclaré que [Y] [M] avait qualité à agir.

Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Montpellier le 10 septembre 2019 et la Cour de cassation , statuant par une décision du 26 janvier 2022, a censuré l'arrêt en toutes ses dispositions en retenant sur le premier moyen, que seule l'intervention de l'usufruitier à titre principal pour se substituer au nu-propriétaire et tendant à élever des prétentions pour son propre compte était de nature à permettre d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la locataire relativement à l'action en validité du congé pour reprise et sur le second moyen, que les conditions de validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu'au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l'usufruitier et qu'en l'espèce, le congé est notifié par rapport à la relation de parenté entre le bénéficiaire et le seul nu-propriétaire.

Devant la cour de renvoi, Madame [X] sollicite la nullité de l'assignation en faisant valoir un défaut de capacité en justice de la part de Monsieur [Y] [M] et en invoquant, en conséquence, une irrégularité de fond affectant l'assignation qui n'a pu être régularisée .

Elle conclut également à l'irrecevabilité des demandes pour défaut d'intérêt et de qualité à agir en faisant valoir que Monsieur [L] [M], usufruitier, n'est pas intervenu à titre principal pour élever des prétentions pour son propre compte, mais qu'il est seulement venu soutenir l'action du nu-propriétaire avec une intervention volontaire accessoire ; enfin, que le congé a été donné irrégulièrement, notamment pour n'être pas justifié au regard de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989.

La présente action a donc été diligentée à l'initiative de [Y] [M] dont il n'est pas contesté qu'il est le nu-propriétaire du bien en cause. [L] [M] s'y est joint.

Elle tend donc à voir valider le congé délivré pour reprise et à voir, en conséquence, prononcer l'expulsion du locataire.

Ensuite de l'arrêt de la Cour de cassation, il est débattu de la régularité de l'action en validation du congé et expulsion intentée par le nu-propriétaire.

Les demandes à ce sujet sont formulées en termes de nullité de l'assignation et également en termes d'irrecevabilité des demandes.

Dès lors qu'il n'y a pas eu de régularisation par une intervention de l'usufruitier à titre principal, le premier moyen à examiner est tiré de la régularisation de la situation au vu du pouvoir donné par [L] [M] à [Y] [M].

Cet écrit est ainsi rédigé':

«'Je soussigné [L] [M],' ai donné pouvoir à mon fils, [Y] [M], afin de gérer le bien situé [Adresse 3] à [Localité 9] qu'il s'agisse de louer le bien commun ou d'entreprendre toute action en justice.

Fait à Villeneuve le 14 avril 2017. »

Or, il sera considéré que cet écrit a été rédigé postérieurement à l'introduction de la présente instance qui est en date du 21 novembre 2016 et que la question en débats avait alors été déjà posée devant le premier juge, qu'il a donc été établi postérieurement à la délivrance, non seulement de l'assignation, mais également du congé'; par ailleurs, qu'il est libellé dans les termes les plus généraux, rien dans sa rédaction ne permettant d'envisager qu'il exprime une volonté, même implicite, de ratification alors précisément qu'au vu du contexte procédural engagé, il aurait précisément pu expressément spécifier qu'il ratifiait l'action ainsi que les initiatives prises par le seul nu-propriétaire'; enfin, qu'il vise un bien sis [Adresse 1] à [Localité 9] alors que sur le bail, comme sur le courrier donnant congé, l'adresse du bien en cause est [Adresse 5] à [Localité 9].

Le moyen tiré de l'irrégularité de l'action en validité de congé à l'initiative du seul nu-propriétaire ne s'analyse par ailleurs pas comme un défaut de capacité, mais comme un défaut de qualité, de sorte que la demande de nullité pour irrégularité de fond sera rejetée.

Sur l'irrecevabilité néanmoins encourue, il sera en conséquence considéré que seul l'usufruitier qui a la jouissance du bien ayant qualité pour exercer une telle action, et [L] [M] n'étant intervenu que pour soutenir l'action de [Y] [M], l'action est diligentée par une personne dépourvue de qualité .

Elle est donc irrecevable, peu important que le bail ait été signé par [Y] [M].

Il n'y a pas lieu, par suite, d'analyser la validité du congé, notamment au regard du lien de parenté qui devrait unir [L] [M], en tant qu'usufruitier, au bénéficiaire et qui en l'espèce, n'est au demeurant pas caractérisé dans la mesure où le bénéficiaire de la reprise ne serait que la belle fille de [Y] [M].

Le jugement sera donc infirmé.

La demande reconventionnelle de Madame [N] [X] tendant à se voir allouée des dommages et intérêts à raison du préjudice subi par l'expulsion menée à son encontre n'est, en son principe, pas critiquée par les consorts [M] qui concluent à la confirmation pure et simple du jugement en faisant seulement valoir que Madame [X] s'est maintenue dans les lieux pendant trois années supplémentaires sans rien payer et sans s'acquitter des charges locatives.

Il sera néanmoins relevé':

- sur la question de la dette, que les consorts [M], qui au demeurant, ne présentent pas de demande en paiement de ce chef, ne produisent aucun décompte des sommes éventuellement dues ; qu'entre le 16 août 2017, date du jugement, et le 31 août 2020, date de l'expulsion après que l'arrêt ait confirmé le jugement, ils n'ont formulé aucune réclamation pécuniaire notamment du chef d'une indemnité d'occupation contre Madame [X]';

- sur la question de l'expulsion, en fait, qu'elle a été réalisée par un huissier le 31 août 2020, lequel s'est vu accorder par le préfet, le 31 juillet 2020, le concours de la force publique et a diligenté au visa de l'arrêt, exécutoire, rendu par la cour d'appel de Montpellier en date du 10 septembre 2019 ; que le préfet, à cette date du 31 juillet 2020, a avisé Madame [X] de cette procédure en lui demandant de prendre toutes dispositions pour libérer les lieux et en l'invitant à se rapprocher éventuellement des services sociaux ; que l'huissier lui a également signifié le procès-verbal d'expulsion le 16 décembre 2020 avec sommation de reprendre le mobilier'; en droit, qu'aux termes de l'article L 111 ' 10 du code de l'exécution, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme, même en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire ; qu'elle n'a cependant lieu qu'au risque de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables et de rétablir ainsi le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent, sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'une faute du poursuivant.

Il en résulte le bien-fondé de la demande indemnitaire de Madame [X] dont la vie s'est trouvée désorganisée et qui a subi un préjudice moral à raison de l'exécution d'une expulsion qui s'est, ensuite, révélée non justifiée.

Seul, Monsieur [Y] [M] qui a donc diligenté l'expulsion sera condamné à lui verser, au titre de l'exécution forcée qu'il a ainsi entreprise à ses risques et périls, la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts, s'agissant d'une mesure d'exécution, grave, comme touchant au domicile de Mme [X].

Madame [X], qui ne démontre pas le caractère abusif de la présente procédure qui a nécessité des débats jusque devant la Cour de cassation, sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts.

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile et la succombance de [Y] [M] et [L] [M].

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, sur renvoi de la Cour de Cassation et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a donné acte à [L] [M] de son intervention volontaire et statuant à nouveau sur tous les autres chefs,

Juge Monsieur [Y] [M] irrecevable en toutes ses demandes ,

Condamne [Y] [M] à payer à titre de dommages et intérêts à Madame [X] la somme de 2500 €

Condamne in solidum [Y] [M] et [L] [M] à payer à Madame [X] la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples,

Condamne in solidum [Y] [M] et [L] [M] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel avec distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 22/00648
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;22.00648 ?
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