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01/12/2022 | FRANCE | N°21/00413

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 01 décembre 2022, 21/00413


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/00413 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5UB



AD



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MENDE

13 janvier 2021 RG :



S.C.I. ASM



C/



S.A.S. EG RETAIL (FRANCE)

S.N.C. EG SERVICES (FRANCE)

























Grosse délivrée

le

à SCP RD AVOCATS

Selarl Leonard Vézian<

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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MENDE en date du 13 Janvier 2021, N°



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Anne DAM...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00413 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5UB

AD

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MENDE

13 janvier 2021 RG :

S.C.I. ASM

C/

S.A.S. EG RETAIL (FRANCE)

S.N.C. EG SERVICES (FRANCE)

Grosse délivrée

le

à SCP RD AVOCATS

Selarl Leonard Vézian

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MENDE en date du 13 Janvier 2021, N°

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Madame Laure MALLET, Conseillère

Madame Virginie HUET, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.C.I. ASM, au capital de 14 000,00 €, immatriculée au RCS de MENDE sous le n° 534 551 098 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Sonia HARNIST de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉES :

S.A.S. EG RETAIL (FRANCE), anciennement dénommée EFR FRANCE, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés De Pontoise sous le numéro 439 793 811, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Isabelle LAGRANGE-SUREL de la SELEURL LAGRANGE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.N.C. EG SERVICES (FRANCE), immatriculée au RCS de PONTOISE sous le n° 340 018 852 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Isabelle LAGRANGE-SUREL de la SELEURL LAGRANGE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 01 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

Exposé :

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mende le 13 janvier 2021, ayant statué ainsi qu'il suit :

- reçoit l'intervention volontaire de la société EG Services France,

- condamne la société civile immobilière ASM à verser à la société EG Retail France les sommes suivantes :

* 60 878,30 euros au titre de dommages et intérêts,

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société civile immobilière ASM à verser à la société EG Services France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- dit que la société ASM supportera les entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Vu l'appel interjeté le 29 janvier 2021 par la SCI ASM.

Vu les conclusions d'incident notifiées le 6 avril 2021, complétées le 5 octobre 2021, des sociétés EG Retail et EG services sollicitant du conseiller de la mise en état d'ordonner l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mende et de condamner la société ASM à payer à la société EG Retail (France) SAS la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état le 9 novembre 2021, ayant notamment ordonné l'exécution provisoire de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Mende le 13 janvier 2021 entre les parties, objet de l'appel.

Vu les conclusions de l'appelante en date du 28 septembre 2022, demandant de :

Vu les pièces,

Vu le décret du 23 décembre 1994,

Vu le jugement dont appel du 13 janvier 2021,

- juger régulier et bien fondé l'appel de la société SCI ASM et rejeter l'appel incident des sociétés EG Retail France et EG Services France,

- ordonner le rejet des pièces 54bis, 69 et 70

infirmant ledit jugement,

-juger que la société ASM n'est pas responsable de l'installation électrique telle que la société EG Retail France l'a fait réaliser en 2015 sans se conformer aux projet et schéma d'origine, juger que l'action de la société EG Retail France ne vise qu'à faire financer par son bailleur le réseau électrique qu'elle aurait dû installer à l'origine,

- juger que la société ASM justifie avoir proposé à la société EG Retail France 6 jours après la rupture d'alimentation une solution de raccordement au réseau que la société EG Retail France a illégitimement refusée, que la société EG Retail France a multiplié les procédures de référé avant de se résoudre à mettre en 'uvre début octobre 2016 une solution de raccordement similaire à celle offerte par la SCI ASM dès le 19 juillet 2016, que cette solution provisoire aurait pu être mise en 'uvre bien plus tôt et qu'elle ne se justifie pas en sus d'une solution définitive proposée 6 jours après la coupure,

- juger que la société EG Retail France a concouru à son propre préjudice et n'est pas fondée à en faire supporter le coût par la société ASM,

- débouter la société EG Retail France de l'ensemble de ses demandes en lien avec l'installation électrique provisoire comme définitive,

- débouter la société EG Retail France de sa demande de remboursement des factures afférentes aux interventions techniques à hauteur de 38.396,98 euros,

- juger que la demande de remboursement des frais de justice a été présentée devant le juge de l'exécution et a été ordonnée par la cour d'appel de Nîmes,

- juger que la société EG Retail France ne justifie pas des frais d'exécution supplémentaires,

- débouter la société EG Retail France de sa demande de remboursement des frais d'huissier à hauteur de 22.481,32 euros,

- débouter les sociétés EG Retail France et EG Services France de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société EG Retail France de sa demande au titre de la perte de marge et de l'atteinte à l'image de marque,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société EG Services France de l'ensemble de ses demandes,

Vu l'article 700 du code de procédure civile

- condamner solidairement les sociétés EG Retail France et EFR Services France à payer à la société ASM une somme de 10.000 euros,

- condamner solidairement les sociétés EG Retail France et EFR Services France aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions de la SAS EG Retail (France), anciennement dénommée EFR France, et la SNC EG Services (France) en date du 29 septembre 2022, demandant de :

Vu les articles 1240 et 1719 du code civil,

Vu les articles 325 et suivants du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la responsabilité de la société ASM et l'a condamnée à indemniser la société EG RETAIL (France) SAS pour les sommes de :

* 22.481,32 euros TTC au titre du solde des frais d'huissier,

* 2.148 euros au titre des frais de déplacement de la société Desbrosses,

* 15.036,10 euros au titre des frais de rétablissement provisoire de l'alimentation électrique,

* 21.212, 88 euros au titre des travaux définitifs,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ASM de l'intégralité de ses demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société EG Retail (France) SAS de ses demandes tendant à voir condamner la société ASM à lui payer les sommes de :

* 86.656 euros TTC au titre de la perte de marge,

* 50.000 euros au titre de l'image de marque,

* 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société EG Services (France) de ses demandes aux fins de voir condamner la société ASM à lui payer les sommes de :

' 2.725,87 euros TTC au titre des marchandises détruites,

' 10.653,78 euros au titre des frais de personnel,

' 35.911,26 euros au titre de la perte de marge sur l'activité boutique,

' 5.663,94 euros au titre des commissions sur les distributeurs de boissons,

' soit la somme de 54.954,85 euros,

faisant droit à l'appel incident des sociétés EG Retail (France) SAS et EG Services (France) et statuant à nouveau :

- condamner la société ASM à payer à la société EG Retail (France) SAS les sommes de :

* 71.280,99 euros TTC au titre de la perte de marge sur la vente de carburant

* 22.481,32 euros TTC au titre du solde des frais d'huissier,

* 2.148 euros au titre des frais de déplacement de la société Desbrosses,

* 15.036,10 euros au titre des frais de rétablissement provisoire de l'alimentation électrique,

* 21.212, 88 euros au titre des travaux définitifs,

* 50.000 euros au titre de l'image de marque ,

' soit la somme de 182.159,29 euros,

- condamner la société ASM à payer à la société EG Services (France) les sommes de :

* 2.725,87 euros TTC au titre des marchandises détruites,

* 10.837,63 euros au titre des frais de personnel,

* 30.332,35 euros au titre de la perte de marge sur l'activité boutique,

* 5.000 euros au titre de l'image de marque,

' soit la somme de 48.895,85 euros,

- débouter la société ASM de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société ASM à payer à la société EG Retail (France) SAS la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ASM à payer à la société EG Services (France) la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ASM aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu l'ordonnance de clôture du 29 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la demande de rejet des pièces 54bis, 69 et 70 communiquées par la sociétés EG retail et EG services :

La pièce 54 bis a été communiquée le 26 juillet 2021 ; elle ne peut se voir reprocher d'être tardive .

Les deux autres pièces sont les justificatifs des activités commerciales au titre des années 2017 et 2018 ; rien ne justifie cependant leur communication tardive à la date du 23 septembre 2022 alors que la clôture a été prise le 29 septembre et annoncée le 17 juin 2022.

Elles seront donc écartées des débats.

Sur le fond :

La société EG retail est titulaire d'un droit au bail commercial aux termes d'un acte du 16 décembre 2015 sur un ensemble de locaux à usage de station-service. Elle exploite celle-ci par le biais d'un contrat de location gérance conclu avec la société EG services.

Une panne électrique est survenue le 11 juillet 2016 qui n'a été rétablie que le 7 octobre 2016.

Par ordonnance de référé du 15 juillet 2016 le bailleur, la société civile immobilière ASM, a été invitée à s'abstraire, sous astreinte, d'entraver son locataire dans la jouissance paisible des lieux loués, le locataire étant, par ailleurs, autorisé à faire intervenir dans ses locaux un serrurier pour accéder au compteur assurant l'alimentation électrique du bien loué.

Par une décision du 23 novembre 2017, la cour d'appel de Nîmes a confirmé un jugement du juge de l'exécution ayant liquidé l'astreinte à la somme de 15 000 €.

Dans le cadre du présent litige, la société EG retail reproche, en substance, à son bailleur d'être à l'origine de la rupture en alimentation électrique de ses locaux en coupant l'électricité et d'avoir, ensuite, fait entrave à son rétablissement.

Le tribunal a retenu qu'au terme du bail commercial conclu, le preneur a fait réaliser, notamment, les travaux d'électricité du bâtiment dans lequel sont exploités la station-service et la boutique, lesdits travaux concernant l'aménagement électrique intérieur des locaux, mais non le raccordement au réseau d'électricité, ni la pose du compteur par le fournisseur d'énergie qui relevaient de la responsabilité du bailleur dans le cadre de son obligation de délivrance, le contrat mentionnant en page trois que le bailleur est tenu de faire mener les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments d'équipements nécessaires à l'utilisation du local loué soient achevés au plus tard le 1er juillet 2015, le délai pouvant être suspendu en cas de retard imputable aux compagnies concessionnaires de fourniture d'énergie ; que les autorisations de voirie et les abonnements de fourniture d'électricité ont été conclus au nom du bailleur ainsi que cela est mentionné dans l'avenant du 3 mars 2016 ; que le bailleur est défaillant à établir une cause exonératoire de responsabilité ; que le procès-verbal de constat d'huissier du 29 août 2016 prouve que l'absence d'alimentation générale provient d'un compteur situé dans un local appartenant au bailleur auquel la société locataire n'a pas accès ; que le tableau électrique situé dans les locaux loués était relié à un disjoncteur comportant un poste de sous comptage permettant la répartition de la consommation électrique entre les différents usagers ; qu'aucune disposition contractuelle n'imposait au locataire de rendre son installation électrique indépendante, le locataire ayant d'ailleurs exploité sans incident pendant près d'une année ; que le propriétaire bailleur a, par ailleurs, adopté une attitude d'obstruction à partir de la coupure d'électricité, exigeant de la part du locataire l'exercice de plusieurs actions en référé.

Le tribunal a rejeté la demande du propriétaire du fonds, la société EG retail au titre de la perte de marge brute sur la vente de carburant dès lors qu'elle ne pouvait être indemnisée qu'au titre d'une perte de chance impossible à évaluer sur la base des données d'une seule année d'exploitation. Il a condamné la société civile immobilière ASM à lui verser les frais d'huissier engagés pour l'exécution des décisions rendues, soit 22 481,32 euros, les dépenses engagées pour une installation provisoire, soit 38 396,98 € et a, enfin, rejeté le préjudice d'atteinte à son image de marque.

En ce qui concerne le préjudice subi par la société EG services qui exploite les locaux et notamment qui a une activité de vente de produits alimentaires au travers de la supérette, le tribunal a rejeté la demande au titre de la perte de marge en l'absence de documents suffisamment justificatifs, au titre de la perte des produits jetés, les demandes au titre des frais de salaire, au titre du manque à gagner sur les commissions perçues et au titre des nuisances subies pour la pose de panneaux « en panne » sur les distributeurs automatiques de boissons qui cependant fonctionnaient.

Au soutien de son appel, la société civile immobilière ASM conteste sa responsabilité en faisant essentiellement valoir qu'elle n'a jamais reconnu être à l'origine de la coupure d'électricité, qu'elle n'a jamais fait entrave afin qu'il soit trouvé une solution à la coupure d'électricité entre le 12 juillet et le 7 octobre 2016, soulignant à ce propos qu'elle a proposé dès le 19 juillet de mettre en place un raccordement entre son compteur dans ses locaux et le compteur public présent sur son terrain, cette solution ayant été refusée, la société EG retail préférant faire le choix des procédures de référé pour être autorisée à rétablir une alimentation électrique mise en place irrégulièrement par rapport à ce qui avait été convenu ; qu'il ressort du bail que l'installation électrique a été mise en 'uvre par le locataire, qu'il n'y avait pas lieu de distinguer, ainsi que l'a fait le premier juge, entre les travaux de second oeuvre et les travaux de pose d'un compteur ; que la société locataire en effectuant ces travaux n'a pas respecté les schémas d'installation prévus à l'origine, qu'elle a effectué un branchement illicite sur le compteur de sociétés tierces qui sont également locataires, que les factures d'énergie ont été établies au nom de chacune des sociétés d'exploitation, ce qui démontre que le bailleur n'en a jamais pris la responsabilité.

Elle critique, ensuite, les demandes indemnitaires de la société EG retail.

La société EG retail fonde sa demande sur l'obligation de délivrance qui impose au bailleur de lui fournir l'électricité nécessaire à l'exploitation de son local, sur le manquement à la garantie d'une jouissance paisible, invoquant la faute du propriétaire bailleur qui lui aurait coupé l'électricité et qui aurait fait entrave à toutes ses tentatives de réparation .

Elle développe, ensuite, son appel incident sur ses demandes indemnitaires.

La cour relèvera, en premier lieu, qu'aucune des parties, malgré la technicité du litige, n'a pris l'initiative de faire diligenter une mesure d'expertise judiciaire, ou à tout le moins, contradictoire aux deux parties à fin, notamment, de décrire l'installation électrique et que les seuls constats d'huissier établis à la demande de la société EG retail sont impropres à apporter un éclairage technique suffisant à la fois sur les détails de l'installation existante et sur les causes du défaut d'alimentation électrique reproché , à mettre en perspective avec les obligations respectives des parties.

En l'état des éléments versés aux débats, des documents contractuels, des constatations contenues aux différents procès-verbaux d'huissier et des conclusions des parties, il sera considéré

- que les mentions contractuelles, auxquelles se réfère la société EG retail pour affirmer que le preneur a fait réaliser par son exploitant l'ensemble des seuls travaux de second oeuvre du bâtiment dans lequel sont exploitées la boutique et la station-service, (notamment le carrelage, la peinture, l'électricité), ce qui, selon elle, ne saurait comprendre que les travaux électriques de ses propres locaux à l'exclusion de leur raccordement et alimentation, prévoient néanmoins (voir la page 3 de la pièce 4-1 des sociétés intimées et le point 3 de l'exposé de l'avenant du 3 mars 2016) que dans le cadre de leurs relations commerciales, bailleur et preneur avaient convenu de réaliser conjointement le projet commercial ; qu'à ce titre, « le preneur, avant la prise à bail locaux, a fait réaliser l'ensemble des travaux de VRD et l'ensemble des travaux d'aménagement du bâtiment dans lequel seront exploités la boutique et la station-service pour un montant total d'investissement d'environ 540 000 € hors-taxes dans la mesure où les locaux lui ont été livrés bruts de béton » ;

- que ces travaux incluent donc les réseaux de distribution et d'alimentation d'électricité des locaux loués, de sorte qu'il est vainement soutenu, les dispositions conventionnelles liant les parties, que ce raccordement incombait au bailleur au titre son obligation de délivrance, étant à cet égard rappelé que celle-ci peut être librement définie par les parties dans le cadre de leur liberté contratuelle;

- que par ailleurs, la société EG retail a bien admis qu'elle avait fait les travaux d'alimentation électrique de son lot, revendiquant, en effet clairement, la propriété des bretelles d'alimentation, en expliquant qu'il s'agit d'éléments permettant précisément l'alimentation électrique de son lot, qu'ils sont à l'origine du défaut en litige, qu'ils se trouvaient entre le disjoncteur de la station- service et les bornes du tableau général 

- et que de son côté, la société ASM lui reproche d'avoir choisi de tirer ses câbles électriques à partir des compteurs privatifs, notamment à partir du local électrique situé dans un local commercial voisin également donné à bail par elle, situation matérielle que la société EEG retail ne conteste pas puisqu'au jour de la panne, le 11 juillet 2016, elle s'est rendue spontanément, pour rétablir son alimentation, dans le local de la société [Adresse 8] dont elle dit qu'il renferme le tableau général basse tension avec deux postes de sous-comptage pour l'alimentation de ce restaurant, ainsi que pour celle de la station service ; qu'ensuite, le 29 août 2016, elle a donc fait constater qu'il manquait les trois bretelles d'alimentation, ce qui rendait impossible son alimentation en électricité en faisant valoir de ce chef qu'elle était victime d'un vol, reconnaissance de ce que le cable qu'elle avait bien installé lui appartenait.

Il se déduit de ces observations qu'il ne peut être invoqué de manquement au bailleur au titre de son obligation de délivrance, dont la portée a été limitée par la convention liant les parties.

Par ailleurs, la société EG retail ne démontre pas plus que la société civile immobilière ASM aurait fait obstacle à sa jouissance paisible et serait à l'origine de la coupure en litige, cette imputation ne résultant, en effet, que de ses propres allégations, et aucun des constats d' huissier établis à son initiative qui certes relèvent l'absence d'alimentation électrique ne faisant la preuve de l'origine de la panne.

Il doit être, en outre de ce chef relevé que les conclusions de l'électricien à ce sujet ne sont invoquées par la société EG retail, en page 7 de ses conclusions, que sur un mode dubitatif : « il est souligné par l'électricien qu'une intervention de ce type a dû être effectuée pour débrancher de façon malveillante le câble qui permettait l'alimentation de la station-service en électricité depuis le mois de juin 2015 » et que de surcroît, cette observation, qui ne contient aucune imputation de responsabilité, ne procède que d'un avis unilatéralement émis, sans autre élément venant le corroborer.

Reste, dès lors, à apprécier la demande fondée sur l'entrave reprochée par la société EG retail à la société ASM comme résultant de son comportement quant au rétablissement de son alimentation en électricité entre le 12 juillet 2016 et le 7 octobre 2016.

Sur ce grief, il sera retenu que les deux sociétés intimées prouvent que notamment le 19 juillet 2016, et malgré l'ordonnance de référé rendue, la société bailleresse n'a pas permis l'accès nécessaire à une intervention de la société preneur ; que toutefois, le 29 juillet 2016, l'huissier a obtenu la remise des clés du local où se trouvait le disjoncteur, que le 2 août il a été possible de remettre le disjoncteur, sans toutefois que cela ne soit efficace et alors qu'il manquait également les clés d'une armoire ; que ce n'est finalement que le 29 août que l'huissier a pu accéder à l'armoire électrique et constaté l'absence des trois bretelles rendant impossible l'alimentation du compteur électrique de la station-service ; que néanmoins, en l'absence d'investigations techniques procédant d'une étude électrique sérieuse et contradictoire des conditions et de la consistance des travaux initiaux, la conformité ou non de ces travaux réalisés par la société EG retail et dont il a été jugé qu'ils lui revenaient n'est pas établie ; que le bailleur démontre, pour sa part,que dès le 19 juillet 2016, il a proposé au locataire de mettre en place un raccordement électrique entre son compteur et le poste de transformation présent sur son terrain , en se disant alors disposé à autoriser ces travaux par une entreprise librement choisie et en précisant que cela présentait l'avantage de l'autonomie du locataire ; que cette proposition a néanmoins été refusée ; qu'il s'avère que la société EG retail, agissant en exécution de l'ordonnance du 14 septembre 2016 autorisant l'ouverture du disjoncteur général, du tableau basse tension et des transformateurs privatifs, a finalement réalisé, en octobre, le rétablissement de son alimentation en électricité par un raccordement direct au poste de transformation de sorte que la solution ainsi mise en 'uvre, (dont il n'est pas contesté qu'elle est toujours en place) étant quasiment similaire à celle initialement proposée par le bailleur, sauf le choix du point d'ancrage, il n'y a pas de comportement fautif d'entrave démontré imputable à la société civile immobilière ASM en relation de causalité avec le préjudice invoqué par les sociétés EG retail et EG services.

Enfin, au vu des ordonnances de référé rendues, qui n'ont jamais mis à la charge de la société ASM une obligation de procéder, elle-même, aux travaux nécessaires à la ré-alimentation du lot loué en électricité, mais qui lui ont seulement fait interdiction de faire entrave à des travaux dont l'initiative revenait à la société EG retail selon les modalités qu'elle choisissait, celle-ci ne peut reprocher à son bailleur de n'avoir jamais proposé d'exécuter spontanément les ordonnances.

Il en résulte l'infirmation de la décision déférée et le rejet de toutes les demandes indemnitaires des sociétés EG retail et EG services contre la société ASM.

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile,

Vu la succombance des sociétés intimées, à propos

Vu les demandes de la société ASM au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile formées contre la société EG retail et la société EFR Services France qui n'est pas partie à la procédure, seules l'étant sous cette dénomination la société EG retail et la société EG services.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Rejette les pièces 69 et 70 des sociétés EG retail et EG services,

Infirme le jugement et statuant à nouveau :

Rejette toutes les demandes des sociétés EG retail France et EG services France contre la société civile immobilière ASM,

Condamne la société EG retail, seule, à l'exclusion de la société EFR services France contre laquelle la demande est également formée mais qui n'est pas partie à la procédure, à verser à la société civile immobilière ASM la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples,

Condamne la société EEG retail, seule, aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/00413
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.00413 ?
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