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24/11/2022 | FRANCE | N°21/02142

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 24 novembre 2022, 21/02142


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



























ARRÊT N°



N° RG 21/02142 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-ICBO



ET - NR



TRIBUNAL DE PROXIMITE D'AUBENAS

30 mars 2021

RG :11-20-146



S.A. CREATIS



C/



[H]























Grosse délivrée

le 24/11/2022

à Me Christelle LEXTRAI

T











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité d'AUBENAS en date du 30 Mars 2021, N°11-20-146



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, a entendu les plaidoiries en ap...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02142 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-ICBO

ET - NR

TRIBUNAL DE PROXIMITE D'AUBENAS

30 mars 2021

RG :11-20-146

S.A. CREATIS

C/

[H]

Grosse délivrée

le 24/11/2022

à Me Christelle LEXTRAIT

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité d'AUBENAS en date du 30 Mars 2021, N°11-20-146

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022 et prorogé au 24 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A. CREATIS

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de ROANNE

Représentée par Me Christelle LEXTRAIT, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Madame [H] [T]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Assignée à étude le 19 août 2021

Sans avocat constitué

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 24 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant offre de prêt émise le 12 juin 2014 et acceptée le 13 juin 2014, la SA Créatis a consenti à Mme [T] [H] un prêt personnel d'un montant de 22 800 euros, remboursable en 144 mensualités incluant les intérêts au taux nominal annuel 8,19%. A l'issue du prononcé de la caducité du plan de surendettement accordé par la Banque de France à Mme [H] le 30 avril 2019, la SA Créatis, se prévalant du non-paiement des échéances convenues, a adressé à Mme [H] par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 5 octobre 2019, une mise en demeure la sommant de payer l'intégralité des échéances impayées.

En l'absence de tout paiement, la SA Créatis a prononcé le 21 juillet 2020 par lettre recommandée avec avis de réception la déchéance du terme.

Par acte en date du 28 décembre 2020, la SA Créatis a assigné Mme [H] devant le tribunal de proximité d'Aubenas afin d'obtenir sa condamnation, assortie de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 18 944,04 euros, avec intérêts au taux de 8,19% l'an à compter de la mise en demeure.

Par jugement réputé contradictoire en date du 30 mars 2021, le tribunal de proximité d'Aubenas a :

- dit la SA Créatis recevable en ses demandes,

- dit que la SA Créatis est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de crédit consenti à Mme [H] en date du 13 juin 2014,

- condamné Mme [H] à payer à la SA Créatis la somme de 7 514,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2019 et jusqu'à parfait paiement,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

Par déclaration du 1er juin 2021, la SA Créatis a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 17 juin 2022, la procédure a été clôturée le 19 septembre 2022 et l'examen de l'affaire a été renvoyé à l'audience du 3 octobre 2022.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS

Dans ses dernières conclusions d'appel, notifiées par voie électronique le 30 août 2021, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 30 mars 2021 en ce qu'il a :

dit que la SA Créatis est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de crédit consenti à Mme [H] en date du 13 juin 2014,

condamné Mme [H] à payer à la SA Créatis la somme de 7 514,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2019 et jusqu'à parfait paiement,

dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

- condamner Mme [H] à payer à la SA Créatis les sommes suivantes, arrêtées au 3 septembre 2020 :

Capital restant dû : 17 395,45 euros

Intérêts échus : 144,42 euros

Indemnité conventionnelle : 1 404,17 euros

Total = 18 944,04 euros, outre frais et intérêts de retard au taux contractuel de 8,19 % à compter de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement.

- ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil,

- condamner Mme [H] à payer et porter à la Société Créatis la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [H] aux entiers dépens, y compris ceux relatifs à la première instance,

- dire que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un Huissier de Justice, le montant des sommes retenues par l'Huissier, en application de l'article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'article L111-8 du Code des Procédures Civiles d'Exécution ne prévoyant qu'une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.

Au soutien de ses prétentions, elle affirme que le premier juge a fait application d'une disposition issue d'une version du code de la consommation non applicable en l'espèce s'agissant d'un contrat de prêt conclu le 13 juin 2014. Dès lors, selon elle le contrat est conforme aux dispositions du droit antérieur et la SA Créatis n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts puisqu'elle s'est conformée à l'ensemble des prescriptions légales et réglementaires alors en vigueur.

Mme [H] n'a pas constitué avocat.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et des prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La SA Créatis reproche au premier juge d'avoir considéré comme insuffisants les éléments de preuve rapportés par elle et visant à établir que le formulaire de rétractation détachable a été remis à Mme [H] alors qu'elle produit une liasse de feuillets remis à cette dernière contenant le bordereau de rétractation sur l'exemplaire à conserver par l'emprunteur. Elle considère que ces éléments viennent confirmer la signature de la clause selon laquelle l'emprunteuse reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation qui ne constitue qu'un simple indice.

1- Sur la preuve de la remise par le prêteur du formulaire de rétractation détachable

A titre liminaire, il sera rappelé que le §34 de la directive 2008/48 du 28 avril 2008 explique que ' afin de rapprocher les modalités d'exercice du droit de rétractation dans des domaines similaires, il est nécessaire de prévoir un droit de rétractation sans pénalité et sans obligation de justification dans des conditions similaires à celles prévues par la directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE [abrogée et remplacée par Dir. 2011/83/UE du 25 oct. 2011] et 98/27/CE [abrogée et remplacée par Dir. 2009/22/CE du 23 avr. 2009]'.

L'article 10 de ladite directive, intitulé «Information à mentionner dans les contrats de crédit», dispose à son paragraphe 2 p) que doivent figurer dans le contrat de crédit « l'existence ou l'absence d'un droit de rétractation, la période durant laquelle ce droit peut être exercé et les autres conditions pour l'exercer, y compris des informations sur l'obligation incombant au consommateur de payer le capital prélevé (drawdown) et les intérêts conformément à l'article 14, paragraphe 3, point b), et le montant de l'intérêt journalier. »

L'article 14 de la même directive intitulé « Droit de rétractation » prévoit notamment que :

« 1. Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours calendaires pour se rétracter dans le cadre du contrat de crédit sans donner de motif.

Ce délai de rétractation commence à courir :

a) le jour de la conclusion du contrat de crédit, ou

b) le jour où le consommateur reçoit les clauses et conditions contractuelles ainsi que les informations prévues à l'article 10, si cette date est postérieure à celle visée au point a) du présent alinéa.

(...)

3. Si le consommateur exerce son droit de rétractation :

a) pour que sa rétractation soit effective avant l'expiration du délai visé au paragraphe 1, il la notifie au prêteur, en suivant les informations fournies par ce dernier conformément à l'article 10, paragraphe 2, point p) et de manière à ce que la preuve de cette notification puisse être administrée conformément à la législation nationale.

Le délai est réputé respecté si la notification, à condition d'avoir été faite sur un support papier ou sur un autre support durable à la disposition du prêteur et auquel il a accès, a été envoyée avant l'expiration du délai; (...). »

Ces dispositions ont été transposées en droit interne.

Aux termes de l'article L. 311-12 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en l'espèce issue de la loi du 1er juillet 2010, l'emprunteur peut se rétracter sans motif dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L. 311-18.

Afin de permettre l'exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. L'exercice par l'emprunteur de son droit de rétractation ne peut donner lieu à enregistrement sur un fichier.

En cas d'exercice de son droit de rétractation, l'emprunteur n'est plus tenu par le contrat de service accessoire au contrat de crédit.

Afin de permettre le respect de cette disposition, l'article L.311-48 du dit code dans sa version applicable à l'espèce a prévu que la sanction du défaut de respect de cette obligation par le prêteur est la déchéance du droit aux intérêts.

Enfin par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.

L'arrêt de la Cour précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d'information européenne normalisée. Il ajoute qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d'informations précontractuelles lui incombant.

Il est désormais en application de ces textes et de cette décision, de jurisprudence constante qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations pré-contractuelles et que, contrairement à ce qui a été précédemment jugé (1re Civ., 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-14.122), la signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

En cause d'appel la SA Créatis verse aux débats un exemplaire de l'offre préalable de prêt dénommée contrat de regroupement de crédits comportant un bordereau de rétractation conforme aux dispositions du code de la consommation.

Si cet exemplaire n'est pas vierge et comporte l'ensemble des éléments d'identification de l'emprunteur et du crédit consenti, il n'est pas signé par Mme [H] et ne garantit donc pas que c'est bien ce document qui lui a été remis.

Nul ne pouvant se constituer de preuve à lui-même, ce document ne constitue pas un élément corroborant la preuve de la remise d'une offre régulière au regard des dispositions relatives au droit de rétractation de l'emprunteur.

Il en résulte que le jugement déféré mérite confirmation en ce qu'il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts du prêteur.

2- Sur la créance de l'organisme de crédit

La déchéance du droit aux intérêts prononcée, exclut le paiement des intérêts conventionnels de même que l'indemnité conventionnelle assortie d'intérêts, sollicité par la société Créatis en appel.

Le stricte calcul du montant de la créance restant dû par le premier juge n'est pas expressément critiqué à titre subsidiaire par la société Créatis.

La décision mérite ainsi confirmation sur la montant de la créance et la condamnation de Mme [T] [H] à payer la somme de 7 514,27 euros assortis des intérêts légaux à compter de la mise en demeure.

Enfin, pour les mêmes raisons, il ne peut être fait droit à la demande capitalisation des intérêts.

3- Sur les demandes accessoires

Partie perdante, la société Créatis, supportera la charge des dépens d'appel.

Elle sera en outre déboutée de sa demande de paiement de frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR , après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant

Condamne la SA Créatis à supporter la charge des dépens d'appel,

Déboute la SA Créatis de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses demandes.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02142
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;21.02142 ?
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