RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00818 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6W2
AD
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NÎMES
18 janvier 2021
RG:18/03478
[I]
C/
[I]
[U]
Grosse délivrée
le
à Me Alliez
SCOP RD
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NÎMES en date du 18 Janvier 2021, N°18/03478
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,
Madame Virginie HUET, Conseillère,
M. André LIEGEON, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [P] [I]
né le [Date naissance 6] 1943 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représenté par Me Michel ALLIO, Plaidant, avocat au barreau de TARASCON
Représenté par Me Camille ALLIEZ, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Mademoiselle [W] [E] [I]
née le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [F] [C] [L] [N]
né le [Date naissance 4] 1994 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représenté par Me Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 01 Septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière le 24 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE :
Vu le jugement rendu le 18 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Nîmes, ayant statué ainsi qu'il suit :
' déclare parfaite la vente conclue par acte notarié du 26 septembre 2017 entre Monsieur [P] [I] et Monsieur [F] [N] ainsi que Madame [W] [I] relative à un immeuble situé à [Localité 9],
' dit que Monsieur [N] et Madame [I] doivent régler la somme de 80'000 € à Monsieur [I] au titre du prix de la vente,
' ordonne la publication du jugement à la conservation des hypothèques,
' rejette la demande de dommages et intérêts de Monsieur [N] et de Madame [I], ainsi que celle reconventionnelle de Monsieur [I],
' condamne Monsieur [I] à payer à Monsieur [N] et Madame [I] la somme de 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, y compris le coût du procès-verbal de difficultés,
' ordonne l'exécution provisoire.
Vu l'appel interjeté contre cette décision par Monsieur [P] [I] le 25 février 2021.
Vu les conclusions de l'appelant, en date du 17 mars 2022, demandant de:
' réformer le jugement en toutes ses dispositions et surtout en ce qu'il a déclaré la vente parfaite,
' rejeter toutes les demandes des intimés,
' les condamner solidairement à la somme de 5000 € au titre de l'abus de droit, à la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les conclusions de Monsieur [N] et de Madame [I] en date du 1er juin 2021, demandant de :
' confirmer le jugement en ce quil a déclaré la vente parfaite,
' rejeter toutes les demandes de l'appelant,
' sur leur appel incident,
' condamner l'appelant à leur payer les sommes de 3000 € pour leur préjudice moral, 4985,29 € pour leur préjudice financier, 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens y compris le coût du procès-verbal de difficultés et l'ensemble des frais notariés pour la somme de 3135,13€,
' subsidiairement, dans le cas où la cour jugerait caduque la promesse synallagmatique de vente, condamner l'appelant à leur rembourser la moitié des frais notariés, soit la somme de 1567,57€, les intérêts réglés pour le prêt ainsi que le montant de l'indemnité de remboursement anticipé, soit 3318 €,
' rejeter les demandes de l'appelant,
' partager les dépens.
Vu l'ordonnance de clôture du 1er septembre 2022.
Motifs
Par acte du 26 septembre 2017, Monsieur [I] a vendu à Monsieur [N] et Madame [I], sa petite-fille, un immeuble situé à [Localité 9], cadastré SectionA Numéro [Cadastre 3], au prix de 80 000euros, l'acte, qui s'analyse comme une promesse synallagmatique de vente, contenant une clause stipulant une condition suspensive de l'obtention d'un prêt d'un montant de 105'000 €, ainsi rédigée :
'Le prêt sera réputé obtenu et la condition sera réalisée par la remise par la banque à l'acquéreur de l'offre écrite telle que prévue aux articles L313- 24 et suivants du code de la consommation de consentir le crédit aux conditions principales sus énoncées et dans le délai de réalisation des présentes et par l'obtention de l'agrément définitif de l'emprunteur par une compagnie d'assurance aux conditions exigées par la banque.
La réception de cette offre devra intervenir au plus tard le 30 novembre 2017.
L'obtention ou la non obtention du prêt devra être notifiée par l'acquéreur au vendeur par lettre recommandée avec avis de réception adressée dans les trois jours suivant l'expiration du délai ci-dessus. À défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le vendeur aura la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de justifier sous huitaine de la réalisation de la défaillance de la condition.
Cette demande doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception au domicile ci-après élu.
Passé ce délai de huit jours sans que l'acquéreur ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie, les présentes seront donc caduques de plein droit, sans autre formalité et ainsi le vendeur retrouvera son entière liberté, mais l'acquéreur ne pourra recouvrer le dépôt de garantie qu'il aura le cas échéant versé qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt et que la condition n'est pas défaillie de son fait ; à défaut, le dépôt de garantie restera acquis au vendeur.
Les parties déclarent que la présente condition suspensive est stipulée dans le seul intérêt de l'acquéreur, ce dernier pouvant renoncer à son bénéfice et notifier à tout moment vendeur qu'il dispose des sommes nécessaires pour le financement de l'opération. »
Un avenant du 24 janvier 2018 a prorogé le délai de réitération de la vente au 31 mars 2018.
Un autre avenant,dont la portée est discutée, a été produit devant notaire prorogeant le délai au 31 mai 2018.
Les acquéreurs ont obtenu une offre de prêt le 11 avril 2018, qu'il transmettait au notaire le 18 avril, la pièce de ce chef versée permettant de retenir que le prêt est consenti par la caisse d'épargne et pour une somme de 110'600 €.
Le notaire a convoqué les parties le 14 mai 2018, puis le 29 mai 2018 en vue de la signature de l'acte authentique, mais le vendeur refusant de signer la vente, un procès-verbal de difficultés a été dressé à cette seconde date, le notaire y exposant que les acquéreurs lui ont présenté le premier avenant du 24 janvier 2018 dont l'original est annexé à son procès-verbal, qui lui ont également présenté un autre document prorogeant le délai à la date du 31 mai 2018 précisant à ce sujet qu'il en avait pris lecture, mais que le document conservé par les acquéreurs, n'avait pas été rapporté au jour du procès-verbal de difficultés alors que le vendeur contestait l'avoir signé.
Le présent litige a été introduit par un exploit de Monsieur [N] et de Madame [I] en date du 16 juillet 2018 en réalisation forcée de la vente.
Dans le jugement attaqué, le tribunal a considéré que le vendeur n'ayant pas mis en demeure les acquéreurs de justifier de la réalisation de la condition suspensive, la caducité n'avait pu opérer de plein droit ; que par suite, la vente était parfaite.
Il a rejeté la demande de dommages et intérêts de l'acquéreur invoquant un préjudice subi par suite de menaces de mort réitérées ainsi que la demande en paiement des intérêts intercalaires du prêt au motif que ceux-ci étaient la conséquence d'un prêt auquel les acquéreurs devaient souscrire pour procéder à l'achat et que le tableau d'amortissement ne démontrait pas la réalité de la facturation des intérêts.
Au soutien de son appel, Monsieur [I] expose essentiellement que le procès-verbal de difficultés fait état d'un document prorogeant le délai de réitération au 31 mai 2018, le notaire y relevant qu'il n'est pas en mesure d' attester de sa teneur, ni de certifier la réalité des signatures, le document n'ayant pas été rapporté par les acquéreurs au jour de l'établissement du procès-verbal de difficultés ; que les acquéreurs n'ont obtenu leur offre de prêt que postérieurement au délai butoir du 31 mars 2018 qui seul est à prendre en considération ; il souligne que les intimés n'ont produit le document de prorogation contesté que la veille de l'audience d'incident pour laquelle il demandait la communication de la pièce litigieuse et qu'ils n'ont finalement versée qu'une copie ; que les conclusions du rapport établi à son propos permettent de démontrer qu'il n'est pas l'auteur de la signature apposée sur le document et qu'il y a eu une falsification par calquage; que seule, la date du 31 mars 2018 est donc à retenir ; qu'il s'agit d'une date-butoir de réitération et que les acquéreurs n'avaient pas obtenu l'offre de prêt à cette date, de sorte que l'obligation est réputée n'avoir jamais existé ; que la clause sur la condition suspensive offre une simple faculté au vendeur de mettre en demeure l'acquéreur et n'oblige pas ce dernier à une telle formalité pour que la défaillance de la condition soit constatée; que l'article 1304-6 du Code civil doit donc s'appliquer.
Il résulte de l'analyse des documents versés aux débats que les parties avaient, dans un premier temps, convenu de fixer l'acte réitératif au 25 janvier 2018, la condition suspensive d'obtention du prêt devant alors être réalisée avant le 30 novembre 2017 ; que dans un second temps, le 24 janvier 2018, elles ont décidé de proroger le délai initial de signature de l'acte réitératif au 31 mars 2018, en signant un écrit rédigé dans les termes suivants : « suite au compromis de vente signé le 26 septembre 2017 pour le terrain et la maison situés à...[Localité 9], en accord avec le vendeur et les acquéreurs nous souhaiterions modifier la date butoir au 31 mars 2018 ».
Les acquéreurs invoquent une troisième date de report de signature, à savoir, le 31 mai 2018.
Toutefois, seules les deux premières dates ci-dessus citées seront ici considérées, aucune force probante ne pouvant, en effet, être accordée au document ayant prorogé le délai au 31 mai 2018, vu les observations du notaire à ce sujet dans le procès-verbal de difficultés et vu la contestation de sa signature par Monsieur [P] [I] , alors que les acquéreurs, qui ont la charge de la preuve de ce que l'écrit a bien été signé par la personne à laquelle il est opposé, n'en fournissent qu'une copie et que même si l'expertise unilatérale qui est, certes, opposable aux parties pour avoir été régulièrement débattue dans le cadre de ces débats, ne peut être retenue car non corroborrée par d'autre document, il demeure que la comparaison du document litigieux avec les autres signatures apposées, notamment sur l'avenant non contesté et sur l'avant contrat ne permet pas de considérer qu'il s'agit de la signature de celui auquel elle est imputée .
Les acquéreurs font également valoir que l'absence d'envoi par le vendeur d'une lettre recommandée après l'expiration du délai prorogé au 31 mars 2018 démontrerait qu'il ne s'opposait pas au nouveau délai et que s'agissant d'une vente consentie par le grand père de Mme [I], l'article 1360 du Code Civil lui permet de se dispenser d'écrit.
La seule circonstance que le vendeur n'ait pas envoyé une lettre de mise en demeure après l'expiration du délai prévu dans le premier courrier de report, alors au demeurant, que l'envoi de cette mise en demeure n'a été stipulé que de façon facultative dans le contrat initial, ne saurait cependant valoir acquièscement du vendeur à l'octroi d'un nouveau délai.
Les acquéreurs ne peuvent, de surcroît, ni invoquer s'être trouvés dans l'impossibilité matérielle ou morale d'établir un écrit à raison de leurs liens familiaux avec le vendeur dans la mesure où précisément le premier report a fait l'objet d'un écrit, ni se prévaloir du fait qu'il serait d'usage de ne pas établir d'écrit, leurs pratiques précédentes démontrant précisément le contraire, ni que l'écrit aurait été perdu par force majeure, aucun élément ne venant établir cette situation.
Enfin, il ne peut, non plus, être soutenu que le vendeur avait accepté le report de la date de signature de l'acte authentique sans fixer de nouvelle date si bien que faute d'envoi de mise en demeure la condition suspensive pouvait être levée jusqu'à ce que soit fixée une nouvelle date de signature, les termes de l'avenant permettant de retenir, au vu de l'unique date fixée au 31 mars 2018, que celle-ci doit s'entendre comme une date de levée de la condition suspensive et de signature de l'acte réitératif.
Il s'en suit, en application des articles 1304-3 et 1304-6 du Code civil et des stipulations de l'avant contrat, que la promesse est caduque, cette caducité pouvant, à partir de la date fixée pour la signature de l'acte authentique de vente, être invoquée par l'une ou l'autre des parties, étant considéré que le caractère non extinctif du délai fixé par la promesse de vente pour procéder à la signature de l'acte authentique a pour seule conséquence de permettre à l'une des parties d'obliger l'autre à s'exécuter si les conditions suspensives sont réalisées à cette date, mais ne permet pas à une partie de disposer d'un délai supplémentaire pour remplir ses obligations;
Qu'en l'espèce, la promesse de vente expirait donc le 31 mars 2018; que l'offre de prêt dont se prévalent les acquéreurs est en date du 11 avril 2018 ; qu'elle est donc postérieure à l'expiration du délai pour la régularisation de l'acte de vente, de sorte qu'il doit en être déduit que l'obtention d'un prêt postérieurement à la date fixée pour la signature de l'acte authentique est sans incidence sur la caducité de la promesse, celle-ci pouvant à partir de cette date être invoquée par les deux parties .
Le jugement sera donc infirmé et Monsieur [N] et Madame [I] seront déboutés de toutes leurs demandes formées à titre principal, y compris de celles également formées au titre de leur appel incident, mal fondées au regard de l'infirmation du jugement.
Leur demande subsidiaire formulée dans le cas où la cour juge caduque la promesse de vente et tendant à la condamnation de l'appelant à leur rembourser la moitié des frais notariés, les intérêts réglés pour le prêt, ainsi que le montant de l'indemnité de remboursement anticipé sera également rejetée comme mal fondée en raison de leur succombance sur la caducité de la vente, consécutive à la non obtention de leur prêtdans les conditions ci-dessus évoquées
L'exercice d'une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus que s'il est prouvé une intention malveillante ou une erreur grossière équipollente au dol; tel n'est pas le cas en l'espèce et la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de Monsieur [P] [I] sera donc rejetée.
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Rejette toutes les demandes de Monsieur [N] et de Madame [I] ;
Condamne in solidum Monsieur [N] et de Madame [I] à verser à Monsieur [P] [I] la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples de Monsieur [P] [I] ,
Condamne in solidum Monsieur [N] et de Madame [I] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Arrêt signé par la présidente et la greffière.
La greffière, La présidente,