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24/11/2022 | FRANCE | N°21/00113

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 24 novembre 2022, 21/00113


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 21/00113 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H44D



VH



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

17 décembre 2020

RG:19/01548



[M]

[L]



C/



S.C.I. NAJ









































Grosse délivrée

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Me Bruyère













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 17 Décembre 2020, N°19/01548



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Anne ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00113 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H44D

VH

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

17 décembre 2020

RG:19/01548

[M]

[L]

C/

S.C.I. NAJ

Grosse délivrée

le

à Me Pomiès Richaud

Me Bruyère

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 17 Décembre 2020, N°19/01548

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Monsieur [X] [M]

né le 01 Mars 1982 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Yahia MERAKEB de la SELARL ESEÏS Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [W] [J] [G] [K] [L] épouse [M]

née le 03 Février 1984 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Yahia MERAKEB de la SELARL ESEÏS Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.C.I. NAJ immatriculée sous le n° 804 992 204 du RCS d'Avignon Prise en la personne de son gérant M. [Z] [B], en exercice, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Renata JARRE de la SELARL LAMBALLAIS & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Représentée par Me Julie-Gaëlle BRUYERE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 01 Septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 24 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [X] [M] et Mme [W] [L] épouse [M] ont acquis, en novembre 2008, un bien immobilier situé dans le centre-ville de la commune de [Localité 3], à proximité d'[Localité 5].

Ce bâtiment, une maison de ville en R+2, était constitué d'un logement indépendant en rez-de-chaussée et d'un logement occupant les deux étages supérieurs.

Dès l'acquisition du bien, les époux [M] ont déposé et obtenu un permis de construire afin de diviser le bien en deux logements et de créer une grande terrasse au dernier niveau par dépose partielle du toit.

Les travaux du rez-de-chaussée ont été terminés les premiers afin de mettre l'appartement en location. L'ensemble des travaux ont été réalisés par les époux [M] eux-mêmes.

Suivant acte du 27 novembre 2014, les époux [M] ont cédé leur maison à la SCI NAJ moyennant un prix de 258 000 euros.

Le 3 octobre 2015, un dégât des eaux est survenu.

Arguant de l'existence d'infiltrations répétées dans l'appartement du rez-de-chaussée du bien acquis la SCI NAJ a assigné les époux [M] le 7 août 2017 devant le président du tribunal judiciaire d'Avignon aux fins de voir ordonnée une expertise avec pour objet de rechercher l'origine des infiltrations, déterminer les responsabilités, le coût des travaux de remise en état et fournir tous éléments permettant de déterminer leur préjudice.

Par ordonnance du 25 septembre 2017, le président du tribunal a fait droit à cette demande et a désigné M. [P] [U], Architecte, en qualité d'expert.

Le rapport de M. [U] a été déposé le 15 décembre 2018.

Le tribunal judiciaire d'Avignon par décision en date du 17 décembre 2020 a :

'- Déclaré irrecevable la demande de contre-expertise sollicitée par les époux [M],

- Condamné les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 71 100 euros au titre des travaux de remise en état avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- Condamné les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- Dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts par année entière,

- Débouté la société NAJ de sa demande au titre du préjudice locatif et de la perte de la surface,

- Condamné M. et Mme [M] à payer à la SCI NAJ la somme totale de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- Débouté M. et Mme [M] de toutes demandes plus amples ou contraires,

- Condamné les époux [M] aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise, dépens distraits au profit de Maître TESTUD, avocat sur son affirmation de droit.'

Les époux [M] ont interjeté appel de cette décision par acte du 7 janvier 2021.

Le 27 janvier 2021, les époux [M] ont fait assigner la SCI NAJ devant le Premier Président de la cour d'appel de Nîmes au visa des dispositions de l'article 521 du code de procédure civile aux fins d'aménagement de l'exécution provisoire.

Ils ont demandé à être autorisés à consigner l'intégralité des sommes mises à leur charge auprès d'un compte séquestre ouvert auprès de la CARPA jusqu'au prononcé définitif de l'arrêt de la cour d'appel.

Par ordonnance du 21 mars 2021 les consorts [M] ont été entièrement déboutés de leurs demandes.

La SCI NAJ a formé un incident devant le conseiller de la mise en état afin qu'il soit procédé à la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution du premier jugement.

Dans l'intervalle, les époux [M] se sont exécutés.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique en date du 4 octobre 2021, les époux [M] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu en première instance par le Tribunal Judiciaire d'Avignon le 17 décembre 2020 en ce qu'il a :

* Déclaré irrecevable la demande de contre-expertise sollicitée par les époux [M],

* Condamné les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 71 100 euros au titre des travaux de remise en état avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

* Condamné les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

* Condamné les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- Rejeter l'ensemble des demandes de la société NAJ présentées sur le fondement de la garantie des vices cachés, le bénéfice de cette garantie ayant été expressément exclu par les parties dans l'acte de vente ;

- Rejeter l'ensemble des demandes de la société NAJ présentées sur le fondement de la garantie décennale en raison de l'existence d'un cas de force majeure exonératoire ;

Subsidiairement :

- rejeter les demandes indemnitaires de la société NAJ dès lors que le lien de causalité entre les désordres allégués et les travaux réalisés par les époux [M] n'est pas démontré;

Très Subsidiairement :

- Fixer le montant des dommages intérêts éventuels au profit de la société NAJ aux montants retenus par M. [C], expert près la cour d'appel de Nîmes ;

- Condamner la société NAJ à payer aux époux [M] somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Les époux [M] font valoir que :

- l'expert n'a tenu aucun compte des observations formulées par les époux [M], pas plus que de celles de M. [C], expert près la cour d'appel de Nîmes et mandaté par eux

- il y a eu, selon eux, une absence de toute prise en compte de la survenance d'une catastrophe naturelle de nature à emporter la qualification de force majeure à l'origine des désordres relevés,

* sur les vices cachés :

- si l'article 1641 du code civil prévoit que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue », il convient de rappeler qu'en application de l'article 1643 du code civil les parties au contrat peuvent prévoir que le vendeur « ne sera obligé à aucune garantie », comme c'est le cas en l'espèce en raison de l'acte notarié signé le 27 novembre 2014

- la société NAJ ne rapporte à aucun moment la preuve de la mauvaise foi des époux [M] qu'elle se contente d'alléguer tout au long de ses écritures. Le bien vendu n'a jamais connu de problèmes d'infiltrations d'eaux préalablement à l'année 2015, date à laquelle la SCI NAJ a déclaré pour la première fois (et pour la seule fois) un dégât des eaux. L'appartement du rez-de-chaussée a été donné en location par les époux [M] durant plus de 5 ans sans qu'à aucun moment les locataires ne fassent état ni de problèmes d'humidité, ni de problèmes d'infiltration en période de pluie,

* sur la garantie décennale :

- l'article 1792 du code civil prévoit que la responsabilité du constructeur peut être écartée en cas de cause étrangère, comme une forte pluie classée 'état de catastrophe naturelle' ; que c'est le cas en l'espèce des intempéries survenues le 3 octobre 2015 et qu'il n'y avait eu aucun dégât des eaux avant cette date

- les acheteurs reconnaissent qu'ils n'ont pas fait de travaux de réparation suite aux dégâts des eaux et sont ainsi responsables de l'aggravation des désordres

- en tout état de cause ; M. [C] démontre dans son rapport du 19 mai 2019 que la pente de toiture réalisée est bien supérieure aux seuils fixés par la réglementation et que si l'expert judiciaire relève une non-conformité aux règles de l'art, force est de constater qu'il ne démontre pas que ces non-conformités sont de nature à créer effectivement des infiltrations

- que les travaux sont très largement surévalués comme le démontre le rapport de M. [C].

Par conclusions notifiées par voie électronique en date du 29 août 2022, la SCI NAJ demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avignon le 17 décembre 2020, en ce qu'il a :

- Condamné les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 71 100 euros au titre des travaux de remise en état avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- Débouté M. et Mme [M] de toutes demandes plus amples ou contraires,

- Condamné les époux [M] aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise, dépens distraits au profit de Maître TESTUD, avocat sur son affirmation de droit.

- Infirmer le même Jugement en ce qu'il a :

- Condamné les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- Dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts par année entière,

- Débouté la société NAJ de sa demande au titre du préjudice locatif et de la perte de la surface,

- Condamné M. et Mme [M] à payer à la SCI NAJ la somme totale de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

ET, statuant à nouveau :

- Condamner les époux [M] à réparer l'ensemble des causes et conséquences des désordres affectant le bien vendu, en sus des réparations matérielles, à savoir :

* 8 532 euros au titre des honoraires de maîtrise d''uvre à valoir sur les travaux de réparations des dommages matériels,

* 26 436 euros au titre du préjudice locatif, à parfaire au jour de la décision à intervenir,

* 250 euros par mois à compter depuis l'apparition des désordres jusqu'à l'arrêt à intervenir, au titre du préjudice de jouissance sur l'habitation principale,

S'agissant spécifiquement de la pièce vendue en tant que chambre n°2 au RDC, dont il s'est révélé qu'elle était une cave :

- Déclarer que les époux [M] ont vendu à la SCI NAJ un bien comportant une chambre n° 2 au rez-de-chaussée alors qu'il s'agissait en réalité d'une cave,

- Déclarer que cette chambre est impropre à destination,

En conséquence,

- Condamner les époux [M] à verser à la SCI NAJ la somme de 13 000 euros correspondant à la somme à laquelle la chambre n°2 du RDC a été valorisée en tant que pièce habitable,

- Condamner les époux [M] à verser à la SCI NAJ la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Subsidiairement,

- Déclarer que les désordres objet de la présente instance constituent des désordres, graves, inhérents au bien vendu, de nature à le rendre impropre à l'usage auquel on le destine et antérieurs à la vente,

- déclarer que les époux [M], en leur qualité de constructeur vendeur sont présumés avoir eu connaissance des vices affectant le bien,

-Surabondamment, déclarer que les époux [M] ont délibérément caché les vices à leur acquéreur, se rendant ainsi coupables de man'uvres dolosives,

- déclarer que le bien n'est pas conforme aux dispositions contractuelles s'agissant de la chambre n°2 située au RDC,

En conséquence,

- Déclarer que les époux [M] sont tenus de la garantie légale des vices cachés affectant le bien immobilier vendu et ne sont pas fondés à se prévaloir de la clause d'exonération de garantie des vices cachés contenue à l'acte notarié de vente,

- Condamner les époux [M] à prendre en charge les frais inhérents à la réparation du bien vendu,

- Condamner conjointement et solidairement M. [M] et Mme [L] épouse [M] à verser à la SCI NAJ les sommes suivantes :

* 79 632 euros, destinée à entreprendre les travaux nécessaires à la réparation de la maison dont s'agit,

* 26 436 euros au titre du préjudice locatif, à parfaire au jour de la décision à intervenir,

* 250 euros par mois à compter depuis l'apparition des désordres jusqu'à l'arrêt à intervenir, au titre du préjudice de jouissance sur l'habitation principale,

En tout état de cause,

- Débouter les époux [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions, contraires aux présentes écritures.

- Condamner les époux [M] à verser à la SCI NAJ la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et notamment les frais d'expertises.

La SCI NAJ fait valoir que :

* A titre principal sur la garantie décennale :

- le rapport de l'expert judiciaire en date du 17 janvier 2019 démontre que les désordres proviennent de la non-conformité aux règles de l'art des travaux effectués par M. [M] et qu'ils n'étaient pas apparents au moment de la vente

- les appelants sont responsables au titre de l'article 1792 du code civil et qu'ils sont constructeurs et débiteurs de la garantie décennale (ce qui n'est pas contesté en appel)

- les infiltrations de la toiture ont un caractère décennal (ce qui n'est pas contesté)

- sur l'imputabilité des dommages : la SCI rappelle que l'expert judiciaire conclut que les infiltrations sont liées aux travaux réalisés par le couple

- la force majeure suppose la réunion des conditions cumulatives d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité à l'activité du présumé responsable

- l'arrêté de catastrophe naturelle « Inondations et coulées de boues du 3 octobre 2015» pris pour la Commune de [Localité 3] ne suffit pas à conférer à l'événement climatique le cas de force majeure.

- tel ne pourrait être le cas, en particulier s'agissant des conditions d'imprévisibilité et d'irrésistibilité dès lors que la Commune de [Localité 3] avait d'ores et déjà fait l'objet de nombreux arrêtés similaires en 1992, 1993, 1994 (par deux fois), 2003, et 2010.

- l'arrêté de catastrophe naturelle qu'invoquent les époux [M] pour s'exonérer de leur responsabilité ne revêt pas les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité pour être qualifié de force majeure.

En outre, il résulte des termes du rapport d'expertise judiciaire que pour procéder à son analyse M. [U] a bien pris en compte l'arrêté catastrophe naturelle de 2015 invoqué en cause d'appel par les époux [M]

* subsidiairement sur la garantie des vices cachés :

- le vendeur professionnel ne peut ignorer les vices de la chose vendue, même à un professionnel. Selon elle, doit être assimilé au vendeur tenu de connaître le vice le technicien du bâtiment qui a vendu un immeuble après l'avoir conçu ou construit. Le vendeur professionnel se voit imposer une présomption dite irréfragable de connaissance des vices. Cette présomption de connaissance des vices ne peut être combattue et le professionnel, tenu de connaître les vices, ne peut donc se prévaloir d'une stipulation excluant à l'avance sa garantie pour vices cachés.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue le 1er septembre 2022. L'affaire a été plaidée le 20 septembre 2022 et mise en délibéré au 24 novembre 2022.

MOTIFS

I Sur la garantie décennale :

Selon l'article 1792 du code civil ; 'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.'

Il est constant qu'avant de vendre leur bien, les époux [M] ont effectué eux-mêmes des travaux d'ampleur sur leur bien.

Selon l'article 1792-1 du code civil ; 'Est réputé constructeur de l'ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire;

3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage'.

Les époux [M] sont donc réputés constructeurs.

Il résulte du rapport de l'expert judiciaire que les travaux réalisés consistent en la création de deux logements T2 en rez-de-chaussée, un logement T3 sur 2 niveaux qui nécessitait :

- démolition de l'extension en façade sud ;

- les menuiseries et volets remplacés seront en bois et serrureries couleur vieillie ;

- la toiture sera entièrement refaite avec pose de vélux ;

- création d'une terrasse tropézienne en façade sud.

L'expert conclut : 'La toiture du rez-de-chaussée ne respecte pas les règles de l'art.

Pente hors DTU, faitage noyant les appuis de fenêtre, absence de solins.

La toiture principale ayant été refaite pour partie, nous n'avons pas constaté d'infiltrations.

La zone qui n'a pas été refaite se trouve dans le prolongement de la terrasse Tropézienne et présente une importante vétusté.

Les travaux réalisés afin d'y créer la terrasse ne respectent pas les règles de l'art.

Absence de faitage, tuiles cassées, tuiles déplacées, absence de solin, réalisation défectueuse de l'étanchéité au droit de l'ouverture en façade sud.

La terrasse créée dans la cour au rez-de-chaussée ne respecte pas les règles de l'art.

Absence de relevé d'étanchéité contre la partie habitable, absence de seuil et de tableau au droit de la porte-fenêtre.

Le sol de la chambre du rez-de-chaussée est posé pour partie directement sur terre battue.

Le bac à douche reçoit un simple enduit sur une étanchéité normalement prévue pour les couvertures. Cette réalisation est non conforme.

Les murs / doublages réalisés dans la chambre 2 au rez-de-chaussée ne sont pas conformes car lors de nos investigations, nous avons constaté l'absence de dalle sous leurs appuis.

(...) il ne fait aucun doute sur la présence d'infiltrations dans l'habitation.

Ces infiltrations ont lieu dans la chambre 1 au RDC, dans le couloir d'accès à la cour du RDC, dans la chambre du R+1 sous la terrasse tropézienne et dans la chambre donnant sur la terrasse tropézienne. (...) nous avons mis en évidence que les infiltrations sont toutes liées aux travaux réalisés par le couple [M]-[L].'

Ces désordres en ce qu'ils affectent l'étanchéité de l'ouvrage, rendent ce dernier impropre à sa destination, et sont donc de nature décennale.

L'imputabilité des désordres n'est pas contestable, les époux [M] étant seuls constructeurs des ouvrages affectés d'infiltrations.

Les époux [M] ne le contestent pas mais arguent de la force majeure pour s'exonérer de leur responsabilité.

La Cour de cassation en la matière retient qu'on ne « pouvait tirer de la simple constatation administrative de catastrophe naturelle, donnée à un événement, la conséquence nécessaire que cet événement avait, dans les rapports contractuels des parties, le caractère de force majeure».

La force majeure suppose la réunion des conditions cumulatives d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité.

Cependant aucun élément que ce soit dans le rapport de l'expert judiciaire ou même dans le rapport de l'expert désigné par l'appelant, ne permet d'établir un lien entre l'arrêté de catastrophe naturelle « Inondations et coulées de boues du 3 octobre 2015 » pris dans la région et les infiltrations constatées. L'arrêté en lui seul, dans une région habituée aux forts épisodes cévenols, sans autre élément, ne suffit pas à conférer à l'événement climatique le cas de force majeure.

La cour relève que les nombreuses jurisprudences citées sur les fortes pluies, les chutes de neige, les ouragans, établissent un lien causal entre l'intempérie et le désordre. En l'espèce, si importante fut la tempête du 3 octobre 2015 dans la région, aucun élément ne permet d'établir un lien entre le désordre et l'événement. L'expert a conclut à l'inverse que 'l'ensemble des désordres constatés proviennent de ces travaux'.

II - Sur l'indemnisation des préjudices :

Il ne peut être reproché à la SCI NAJ de ne pas avoir fait réparer les désordres et d'ainsi avoir participé à la réalisation de son dommage, en raison du principe de l'absence d'obligation de la victime de modérer son dommage.

- Sur le chiffrage de l'expert à hauteur de 71 100 euros :

1 - Sur les remontées capillaires dans les murs en pierre d'origine, un risque d'obstruction de l'évacuation de la petite courette située à l'extérieur ainsi qu'une partie du parquet posé sur le sol avec remontée capillaire dans les cloisons :

L'expert judiciaire chiffre le coût des réparations à la somme de 31 200 euros TTC, hors coût de la maîtrise d''uvre. Les époux [M] sollicitent que ce montant soit réduit à la somme de 16 900 euros selon proposition de l'expert amiable M. [C].

Réponse de la cour

M. [C] conclut que la solution retenue qui vise à 'tout casser et tout refaire est arbitraire et il n'est pas tenu compte de la technique actuelle pour réparer les désordres. Une contre-expertise est donc requise' et il propose une 'estimation' à hauteur de 14 300 euros, sans pour autant verser de devis.

Faute de contre-expertise et d'élément plus précis versé par les appelants sur la réparation des désordres subis, comme préconisé par l'expert amiable, M. [C], le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a alloué la somme chiffrée par l'expert judiciaire.

2 - sur le bac de douche :

Les époux [M] soulignent que si l'expert indique « le bac à douche reçoit un simple enduit sur une étanchéité normalement prévue pour les couvertures. Cette réalisation est non conforme», il n'a relevé aucun désordre attaché à cette non-conformité.

En l'absence de désordre la garantie décennale n'a pas lieu de s'appliquer de sorte que les frais relatifs à la « Reprise douche RDC » pour un montant de 3 000 euros HT ne seront pas mis à la charge des époux [M].

3 - les travaux d'étanchéité de la terrasse tropézienne :

M. [U] propose des travaux de rénovation intégrale pour un budget de 14 160 euros TTC, hors frais de maîtrise d'ouvrage, M. [C] suggère la mise en 'uvre d'une solution alternative permettant d'atteindre le même objectif pour un coût bien moindre de 4 800 euros TTC.

Réponse de la cour :

M. [C] dans son rapport décrit une solution alternative grâce à de nouvelles techniques (étanchéité de type résine Alsan de Soprema) qui permet de satisfaire aux réservations alimétriques existantes. La solution permet une réparation intégrale du préjudice mais le coût de celle-ci est estimé à la somme de 4 000 euros HT, soit 4 800 euros TTC.

Cette nouvelle tecnhique qui permet une réparation intégrale à moindre coût sera retenue.

La décision sera infirmée en ce qu'elle a retenu la somme de 11 800 euros HT, soit 14 160 euros TTC.

4 - sur le coût des honoraires de maîtrise d'oeuvre :

Il est exact que l'expert avait ajouté au prix global des réparations le coût de la maîtrise d'oeuvre et c'est à bon droit que la SCI NAJ réclame son paiement.

Les époux [M] seront condamnés à payer à la SCI NAJ la somme de 8 532 euros TTC au titre du coût des honoraires de maîtrise d'oeuvre à faire valoir sur les travaux à réaliser.

Qu'en conclusion sur le chiffrage à hauteur de 71 000 euros, il convient de :

* rajouter 8 532 euros TTC au titre de la maitrise d'oeuvre

* déduire 9 360 euros (14 160 euros - 4 800 euros) au titre de l'étanchéité de la terrasse

* déduire 3 000 euros au titre de la douche

La somme retenue est donc de 67 272 euros TTC.

- Sur le préjudice locatif :

La société NAJ considère que l'appartement indépendant, censé être loué 650 euros par mois pour financer l'emprunt, est inoccupé depuis mai 2016. Elle argue que depuis 2015, elle ne perçoit plus aucun revenu locatif et réclame le paiement de la somme de 26 000 euros (40 mois x 650 euros = 26 000 euros). Elle souligne qu'au surplus elle règle l'impôt sur les logements vacants soit 436 euros par an.

Le tribunal judiciaire d'Avignon n'a pas fait droit à cette demande, au motif que « ce préjudice n'est pas certain dès lors que la SCI NAJ ne prouve pas que cet appartement aurait dû être loué à ce prix pendant toute cette période et n'apporte aucun justificatif. »

La SCI NAJ, répond que le locataire occupant ce logement l'a quitté précisément en raison de la présence d'humidité et d'infiltrations. Il ne s'agit donc pas, selon elle, d'une perte de chance de louer mais bel et bien d'un préjudice certain né du départ du locataire causé par les désordres d'espèce.

La cour confirme l'analyse du premier juge en ce qu'il considère que ce préjudice ne peut s'analyser qu'en une perte de chance de louer le bien et non en un préjudice certain. Constatant qu'aucune demande n'est formée à ce titre, même à titre subsidiaire, il ne sera pas fait droit à cette demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur le préjudice de jouissance de l'habitation principale :

La SCI NAJ argue que cette maison, à [Localité 3], se loue environ 1 000 euros par mois. La SCI NAJ considère qu'un trouble de jouissance qui peut être chiffré à 25 % de la valeur locative depuis le dégât des eaux de 2015, soit 250 euros par mois depuis l'apparition des désordres.

Réponse de la cour :

Compte tenu du loyer justifié à hauteur de 650 euros pour le bas, la valeur résiduelle de la partie du haut sera fixée à 350 euros par mois.

Le préjudice peut donc compte tenu des 25 % admis par la SCI s'évaluer à la somme de 87,50 euros par mois depuis le mois d'octobre 2015 jusqu'au mois de novembre 2022, date du délibéré, soit la somme de 7 437,50 euros (85 mois x 87,50 euros).

La décision sera infirmée en ce qu'elle a alloué la somme de 2 000 euros.

- Sur la demande d'indemnisation à hauteur de 13 000 euros pour les m2 manquants :

Les époux [M] affirment que leur a été présenté un appartement indépendant de 60 m2 mais que celui-ci ne présente qu'une surface de 47 m2. Ils sollicitent le paiement de la somme de 13 000 euros au titre des 13 m2 manquants.

Les désordres relatifs à cette pièce ont déjà fait l'objet d'une indemnisation.

La SCI NAJ qui argue d'un vice caché ne rapporte pas la preuve de la réalité du nombre de m2 qui aurait été présenté aux acheteurs sur cette chambre, ni même de la réalité du nombre de m2 réel de la chambre litigieuse. Le rapport d'expertise n'en fait pas état et les acheteurs ne versent aucun élément probant à ce sujet.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais de procès :

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort,

Infirme partiellement, le jugement en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a :

- Condamné les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 71 100 euros au titre des travaux de remise en état avec intérêts au taux légal,

- Condamné les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau de ces chefs :

Condamne les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 67 272 euros au titre des travaux de remise en état avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020,

Condamne les époux [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 7 437,50 euros au titre du préjudice de jouissance,

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne M. [X] [M] et Mme [W] [J] [L] épouse [M] à payer à la SCI NAJ la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [X] [M] et Mme [W] [J] [L] épouse [M] aux entiers dépens.

Arrêt signé par la présidente et la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/00113
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;21.00113 ?
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