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24/11/2022 | FRANCE | N°19/04369

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 24 novembre 2022, 19/04369


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 19/04369 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HRWB



LM



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON

03 septembre 2019 RG :18/01107



[R]



C/



[N]























Grosse délivrée

le

à Selarl Pericchi

Selalr Mazarian...











COUR D'APPEL DE NÎMES




CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 03 Septembre 2019, N°18/01107



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Laure MALLET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en appli...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 19/04369 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HRWB

LM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON

03 septembre 2019 RG :18/01107

[R]

C/

[N]

Grosse délivrée

le

à Selarl Pericchi

Selalr Mazarian...

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 03 Septembre 2019, N°18/01107

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Laure MALLET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Madame Laure MALLET, Conseillère

M. Virginie HUET, Conseillère

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [P] [R] exerçant sous l'enseigne LE NOUGAT DES PAPES inscrite au RCS d'Avignon sous le n° 792 096 364

née le [Date naissance 4] 1992 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Patrick GONTARD de la SCP PATRICK GONTARD, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Madame [E] [N]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Christian MAZARIAN de la SELARL MAZARIAN-ROURA-PAOLINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Août 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 24 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Mme [P] [R] exploite au [Adresse 2] à [Localité 7] (Vaucluse), un commerce à l'enseigne « Le Nougat des Papes » dans le cadre duquel elle vend notamment des pralines, qu'elle fait griller dans un four placé à l'extérieur contre la façade de son magasin.

Se plaignant de nuisances résultant de l'activité de Mme [R], caractérisant, selon elle, un trouble anormal de voisinage, Mme [E] [N] l'a fait assigner, devant le tribunal de grande instance d'Avignon par acte d'huissier en date du 23 mars 2018, au visa de l'article 1240 du code civil, pour obtenir sa condamnation sous astreinte à cesser ce trouble et à lui payer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 3 septembre 2019, le tribunal de grande instance d'Avignon a :

- condamné Mme [R] à arrêter, sous astreinte provisoire de 20€/jour pendant une durée de 1 mois, passé le délai de 1 mois à compter de la signification du présent jugement, l'activité exercée sur le trottoir ou de personnes de son chef (sic), consistant à faire cuire des pralines sur la voie publique ce qui dégage des odeurs persistantes et désagréables,

- débouté la défenderesse de ses demandes reconventionnelles,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- condamné la défenderesse à payer à Mme [N] la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts, et celle de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Par déclaration du 18 novembre 2019, Mme [R] a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt contradictoire du 2 septembre 2021, la présente cour a ordonné une médiation judiciaire et désigné en qualité de médiateur M.[O] [K].

La médiation a échoué.

Les parties n'ont pas déposé de nouvelles conclusions.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 octobre 2020, auxquelles il est expressément référé, Mme [R] demande à la cour de :

Vu le jugement en date du 3 septembre 2019,

à titre principal ,

- le réformer en ce qu'il a condamné Mme [R] à cesser son activité de cuisson sous astreinte,

- dire que cette activité ne dépasse pas les inconvénients normaux du voisinage,

- le confirmer en ce qu'il a refusé les autres interdictions,

- rejeter toute demande d'astreinte,

- le réformer quant aux dommages et intérêts et aux frais irrépétibles,

- condamner Mme [N] au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts outre 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire ,

- ordonner une expertise pour déterminer l'existence d'une gêne olfactive pouvant excéder les inconvénients normaux du voisinage.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 7 octobre 2020, auxquelles il est expressément référé, Mme [N] demande à la cour de :

Vu l'article 12 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 1240 du code civil,

Vu le jugement du 3 septembre 2019,

- confirmer sur le principe l'arrêt de l'activité sous astreinte,

- débouter Mme [R] de ses demandes fins et conclusions,

- dire et arrêter que Mme [R] sera condamnée à :

* arrêter sous astreinte de 500 €/jour l'activité exercée sur le trottoir soit personnellement ou par personnes de son chef plus son activité consistant :

à faire cuire des pralines sur la voie publique ce qui dégage des odeurs persistantes et désagréables,

à haranguer les passants,

à utiliser la rue comme un lieu privé n'hésitant pas à téléphoner à toutes heures de la journée,

- la condamner à payer compte tenu du préjudice déjà subi la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts,

- la condamner à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

La clôture de l'instruction de la procédure est intervenue le 25 août 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Le respect des dispositions légales n'exclut pas l'existence éventuelle d'un trouble anormal excédant les inconvénients normaux de voisinage. De même l'existence d'une infraction ne constitue pas en soi un trouble.

Le droit de propriété, défini par l'article 544 du code civil comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements », est limité par le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

En application de ce principe, la partie à l'origine d'un trouble anormal de voisinage en doit réparation, indépendamment de toute faute.

Le trouble de voisinage ne donne lieu à réparation que s'il excède la limite des inconvénients normaux du voisinage.

Il incombe au voisin qui se prévaut d'un trouble anormal de voisinage de prouver qu'il existe un trouble anormal, qu'il subit un préjudice et qu'il existe un lien de causalité entre le préjudice et la construction édifiée.

L'existence du trouble s'apprécie indépendamment du problème de la régularité d'activité au regard des règles d'urbanisme ou de droit privé.

Le caractère anormal du trouble s'apprécie habituellement en fonction de sa gravité, de sa durée, et en se référant notamment à l'environnement et à la destination des lieux.

En l'espèce, Mme [N] habite [Adresse 6] à [Localité 7] en face du magasin exploité par Mme [R] qui propose à sa clientèle la vente de pralines confectionnées sur place.

Il résulte du procès-verbal de constat d'huissier en date du 20 juin 2018 que le four à pralines se situe sur le trottoir à 16 mètres de la façade de l'intimée qui posséde deux fenêtres au premier étage donnant sur la rue.

Lors de ces constatations, le four à pralines a été mis en marche, la cuisson dure 19 minutes au total et dégage une petite fumée blanchâtre comparable à de la vapeur d'eau et une odeur de praliné.

Cependant, il resulte des attestations concordantes versées aux débats, et notamment celles de Mme [C] qui habite au [Adresse 5], de M.[U] ( au [Adresse 6]) et Mme [Z] (au [Adresse 3]) que l'activité de pralines dégage des odeurs désagréables consistant en des vapeurs sucrées de forte intensité et attirent les guêpes.

Il convient de relever que contrairement au constat d'huissier qui relate un seul fait et une seule constatation ponctuelle, comme l'a pertinemment relevé le premier juge, les attestations produites aux débats par l'intimée proviennent de voisins qui relatent que ces opérations répétées de cuisson deviennnent insupportables les empêchant d'ouvrir leurs fenêtres en pleine période estivale.

Ces éléments ne sont pas utilement remis en cause par l'appelante qui se contente de soutenir sans apporter d'éléments objectifs(facture d'achat de produits, comptabilité, tickets de caisse..) corroborant ses affirmations qu'une seule opération de cuisson a lieu dans la journée,et de produire l'attestation de Mme [V] qui est sujette à caution puisqu'il n'est pas constesté que cette dernière est la propriétaire des murs dans lesquels Mme [R] exerce son activité et l'attestation de Mme [M] qui est contraire au constat d'huissier.

S'il est établi que la rue [Adresse 8] est une rue touristique d'[Localité 7] et que nombreux commercants y sont établis générant inévitablement une activité et un niveau sonore important mais acceptable dans ce type de quartier animé, l'atelier de confection de pralines installé sur le trottoir engendre quant à lui des odeurs qui dépassent les inconvénients normaux de voisinage par leur intensité, leur répétition pendant toute la saison estivale( du 1er avril au 30 octobre) dans une rue relativement étroite soumise au vent contrairement à l'activité de vente de marrons grillés ou de barbe à papa qui trouvent leur pointe d'activité en période automnale ou hivernale, période durant laquelle les fenêtres restent d'ordinaire le plus souvent fermées.

L'anormalité du trouble étant démontrée par les pièces produites aux débats, la mesure d'expertise sollicitée subsidiairement par l'appelante est inutile. Elle sera donc déboutée de cette demande.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Mme [R] à arrêter, sous astreinte provisoire de 20 €/jour pendant une durée de 1 mois, passé le délai de 1 mois,, l'activité exercée sur le trottoir ou de personnes de son chef, consistant à faire cuire des pralines sur la voie publique ce qui dégage des odeurs persistantes et désagréables sauf à préciser que l'astreinte court à compter de la signification du présent arrêt, et en ce qu'il a condamné Mme [P] [R] à payer à Mme [N] la somme de 1 000 € de dommages-intérêts.

Le jugement déféré sera également confirmé, par des motifs que la cour adopte, en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de faire cesser sous astreinte l'activité de Mme [R] 'consistant à haranguer les passants et à utiliser la rue comme un lieu privé n'hésitant pas à téléphoner à toutes les heures de la journée', la preuve de ce comportement de la part de l'appelante n'étant pas rapportée.

La demande de dommages et intérêts de l'appelante pour procédure abusive est injustifiée au regard de la présente décision, le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes de dommages et intérêts.

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [P] [R], qui succombe, supportera les dépens d'appel.

Il n'est pas équitable de laisser supporter à Mme [N] ses frais irrépétibles d'appel. Il lui sera alloué la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Déboute Mme [P] [R] de sa demande d'expertise,

Confirme le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions sauf à préciser que le délai de un mois pour l'astreinte commencera à courir à compter de la signification du présent arrêt,

Y ajoutant,

Condamne Mme [P] [R] aux dépens d'appel,

Condamne Mme [P] [R] à payer à Mme [E] [N] la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 19/04369
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;19.04369 ?
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