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17/11/2022 | FRANCE | N°21/02140

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 21/02140


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





























ARRÊT N°



N° RG 21/02140 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-ICBK



SL -AB



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

27 avril 2021

RG :19/01143



S.A. LYONNAISE DE BANQUE



C/



[S]





















Grosse délivrée

le 17/11/2022
>à Me Jean-marie CHABAUD

à Me Charlotte DUPONT











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 27 Avril 2021, N°19/01143



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Séve...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02140 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-ICBK

SL -AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

27 avril 2021

RG :19/01143

S.A. LYONNAISE DE BANQUE

C/

[S]

Grosse délivrée

le 17/11/2022

à Me Jean-marie CHABAUD

à Me Charlotte DUPONT

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 27 Avril 2021, N°19/01143

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A. LYONNAISE DE BANQUE

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [I] [C] [S]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Charlotte DUPONT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 17 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société CIC Lyonnaise de Banque a octroyé entre 2013 et 2015 plusieurs prêts à M. [I][C] [S].

Le 28 octobre 2016, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts octroyés et a sollicité le remboursement de la somme de 379 712,92 euros en règlement de sa créance.

La banque a fait délivrer le 17 mai 2018 un commandement valant saisie immobilière et assigné le 27 juillet 2018 M. [S] devant le juge de l'exécution à l'audience d'orientation.

Estimant que la banque avait manqué à son devoir d'information et de mise en garde en lui octroyant des emprunts présentant un caractère excessif au regard de ses capacités financières alors qu'il était emprunteur profane et s'était engagé en qualité de caution personnelle d'un prêt souscrit par la SCI [G] et [K], M. [S] a assigné la société CIC Lyonnaise de Banque par acte du 26 février 2019 devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins d'obtenir la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts, la nullité de son engagement de caution et la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 27 avril 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

- condamné la société CIC Lyonnaise de Banque à verser à M. [S] la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi au titre du devoir de mise en garde relatif à trois prêts,

- débouté M. [S] du surplus de ses demandes indemnitaires,

- débouté M. [S] de sa demande de nullité du cautionnement au titre des prêts de la SCI [G] et [K],

- condamné la société CIC Lyonnaise de Banque à verser à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société CIC Lyonnaise de Banque aux dépens.

Le tribunal a retenu que parmi les contrats de prêt consentis, trois d'entre eux étaient manifestement excessifs et justifiaient l'indemnisation d'une perte de chance de ne pas contracter à hauteur de la somme de 30 000 euros et a rejeté la demande présentée visant à l'annulation du cautionnement souscrit.

Par déclaration du 1er juin 2021, la société CIC Lyonnaise de Banque a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 17 juin 2022, la procédure a été clôturée le 21 septembre 2022 et l'examen de l'affaire a été fixé à l'audience du 6 octobre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 17 novembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2021, l'appelante demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner au paiement de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL CSM² Avocats aux offres de droit.

L'appelante considère que les conditions d'engagement de sa responsabilité au titre du manquement au devoir de mise en garde ne sont pas réunies dans la mesure où les crédits consentis n'étaient pas risqués au regard de la situation patrimoniale de l'emprunteur qui était averti compte tenu de l'historique des emprunts et dont elle soulève la mauvaise foi. Elle ajoute que le préjudice a été surévalué par le premier juge compte tenu du montant des emprunts retenus comme fautifs pour un montant global de 36 000 euros.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2021, l'intimé demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner la Lyonnaise de Banque à verser la somme de 4 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Lyonnaise de Banque aux entiers dépens.

Il fait essentiellement valoir que la Lyonnaise de Banque a manqué à ses obligations professionnelles d'information et de conseil à son égard, emprunteur profane, au regard du caractère excessif des prêts octroyés en rapport avec sa capacité financière.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et des prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le devoir de mise en garde de la banque :

Il est constant que le prêteur n'est tenu d'un devoir de mise en garde qu'à l'égard d'un emprunteur non averti, cette qualité devant être appréciée au regard des éléments concrets afférents à la situation personnelle et professionnelle de l'emprunteur.

Contrairement à l'argumentation développée par la banque, le nombre de prêts octroyé à l'emprunteur ne peut suffire à établir son caractère averti.

Il découle des pièces versées aux débats que les trois prêts pour lesquels le tribunal a retenu l'existence d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde concernent un crédit auto d'un montant de 18 000 euros consenti le 5 novembre 2014, et deux crédits à la consommation, l'un d'un montant de 15 000 euros octroyé le 5 avril 2015 et l'autre accordé le 10 juin 2016 pour un montant de 3 000 euros.

L'objet de ces prêts ne présente aucun caractère professionnel et il ne saurait être tiré argument de l'octroi de prêts immobiliers et d'autres crédits à la consommation au même emprunteur par la banque pour écarter la qualité d'emprunteur profane.

C'est donc bon droit que le premier juge a retenu que M. [S] avait la qualité d'emprunteur profane.

Le banquier dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti si le crédit consenti laisse apparaître un risque d'endettement né de l'octroi du prêt au regard des capacités financières de l'emprunteur.

Il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve qu'à l'époque de la souscription du crédit, sa situation financière imposait l'accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde et il incombe ensuite à la banque de rapporter la preuve qu'elle a satisfait à ce devoir.

L'intimé sollicite la confirmation du jugement déféré et soutient que les prêts lui ont été accordés sans que la banque ait vérifié qu'il était en capacité de rembourser les échéances prévues aux contrats.

Il ne développe cependant aucune argumentation afférente à ses capacités financières.

Le tribunal a retenu que l'emprunt auto pour un montant de 18 000 euros donnant lieu au paiement d'échéances mensuelles de 330,52 euros et l'emprunt de 15 000 euros donnant lieu au paiement d'échéances mensuelles de 275,30 euros et le prêt octroyé d'un montant de 3 000 euros étaient manifestement excessifs.

Les avis d'imposition 2013 et 2014 font respectivement ressortir des revenus déclarés d'un montant de 76 278 euros et de 70 000 euros.

M. [S] a également renseigné une fiche patrimoniale le 26 novembre 2014 dans laquelle il se déclarait chef d'entreprise et mentionnait des revenus mensuels de 5 833 euros, outre des capitaux mobiliers et revenus fonciers pour des ressources annuelles de 79 000 euros.

Cette fiche a ainsi été renseignée dans le mois de l'octroi du crédit auto litigieux octroyé le 5 novembre 2014 et doit ainsi être retenue sans que M. [S] soit fondé à se prévaloir de sa baisse de revenus telle que résultant de son avis d'imposition 2015 faisant état de ressources annuelles de 5 874 euros dont il ne justifie nullement avoir informé la banque au moment de l'octroi des crédits.

Les capacités financières de l'emprunteur doivent en outre s'apprécier non seulement au regard de ses revenus mais aussi de l'ensemble de ses biens caractérisant ensemble la constitution de son patrimoine pour déterminer le caractère risqué ou non des opérations de crédit.

En l'espèce, M. [S] a déclaré une valeur nette de patrimoine immobilier de 545 000 euros dans la fiche patrimoniale signée par ses soins au titre des biens immobiliers détenus en propre et par la SCI [G] [K].

Dans ces conditions et contrairement à l'appréciation du premier juge, il n'est nullement établi que la charge mensuelle des trois prêts litigieux ait excédé les capacités financières de l'emprunteur qui a d'ailleurs procédé au remboursement des échéances jusqu'au milieu de l'année 2016, ce qui atteste de l'adaptation des prêts consentis à la date de leur octroi.

Il découle de ces éléments que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde et la décision déférée sera donc infirmée et M. [S] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes :

Succombant à l'instance, M. [S] sera condamné à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat qui en a fait la demande.

M. [S] sera par ailleurs condamné à payer à la Lyonnaise de Banque la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [S] sera débouté de sa prétention du même chef en ce qu'il succombe.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [I] [C] [S] de l'intégralité de ses prétentions ;

Condamne M. [I] [C] [S] à payer les entiers dépens, de première instance et d'appel et autorise la Selarl CSM2, avocat à recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne M. [I] [C] [S] à payer à la SA Lyonnaise de banque la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02140
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.02140 ?
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