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17/11/2022 | FRANCE | N°21/00230

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 17 novembre 2022, 21/00230


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/00230 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5E6



VH



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON

05 janvier 2021 RG :19/02036



S.C.I. SAN PANAMA



C/



S.A.S. HAPPY DAYS































Grosse délivrée

le

à Selarl JUDILEX AVOCATS

Me EZZAITAB









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 05 Janvier 2021, N°19/02036



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Virginie HUET, Conseillère, a ent...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00230 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5E6

VH

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON

05 janvier 2021 RG :19/02036

S.C.I. SAN PANAMA

C/

S.A.S. HAPPY DAYS

Grosse délivrée

le

à Selarl JUDILEX AVOCATS

Me EZZAITAB

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 05 Janvier 2021, N°19/02036

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Virginie HUET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Madame Laure MALLET, Conseillère

Madame Virginie HUET, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.C.I. SAN PANAMA Société civile immobilière, Immatriculée au RCS d'Avignon sous le numéro 418 079 893,prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [O] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophia ALBERT-SALMERON de la SELEURL JUDILEX AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S. HAPPY DAYS, immatriculée au RCS d'Avignon B SIREN 842 329 096, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nadia EL BOUROUMI de la SELAS PRAETEOM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON

Représentée par Me Wafae EZZAITAB, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Août 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, le 17 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 1er août 2018, la SCI San Panama, représentée par M. [B], a donné à bail commercial dérogatoire, pour une durée de 23 mois à compter du 1er septembre 2018 jusqu'au 1er août 2020 à la SAS Happy Day's, un local commercial pour l'exploitation d'un local dénommé «'le Hangar'» sis [Adresse 4]), moyennant un loyer annuel de 54'000'euros et un dépôt de garantie de 30'000'euros pouvant être payé en trois fois.

L'article 3 dudit bail prévoit que le preneur devra exercer dans les lieux loués l'activité de':

« Organisation d'événements festifs, soirées à thème, lotos, jeux de hasard en particulier pour le compte d'associations ou de clubs sportifs mais également pour le compte d'entreprises d'associations d'institutions publiques ou privées ainsi que des particuliers.

Les adjonctions d'activités connexes ou complémentaires ou différentes de celles prévues ci-dessus, ne seront possibles qu'avec l'accord express et écrit du bailleur ».

Arguant de la non-conformité du local aux normes de sécurité et d'hygiène, par courrier daté du 28 septembre 2018, la SAS Happy Day's a notifié au bailleur la résiliation du contrat de bail à compter du 1er octobre 2018 et sollicité le remboursement des sommes déjà versées.

Les clés ont été restituées au bailleur par courrier recommandé du 2 octobre 2018.

Par acte d'huissier du 19 juin 2019, la société Happy Day's a fait assigner la SCI Panama, devant le tribunal judiciaire d'Avignon, afin principalement de voir prononcer la «'résolution du bail'», d'obtenir le remboursement de la partie du dépôt de garantie qu'elle a déjà versée ainsi que des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices économiques et moraux.

Par jugement du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon a statué comme suit':

- déclare irrecevables les conclusions de la SAS Happy Day's notifiées par RPVA le 8 juillet 2020 après la clôture,

- déboute la SAS Happy Day's de sa demande tendant à prononcer la résolution de plein droit du contrat de bail conclu entre la SCI San Panama et la SAS Happy Day's le 1er août 2018,

- dit n'y avoir lieu à constater la poursuite du bail commercial en l'absence de motif de résiliation unilatérale du bail commercial,

- déboute la SCI San Panama de ses demandes tendant à condamner à titre principal la SAS Happy Day's à verser à la SCI San Panama la somme de 96'750,00'euros au titre des rappels des loyers jusqu'au terme du bail soit le 1er août 2020 et à titre subsidiaire, à payer les loyers mensuels, soit la somme 4'500'euros nets par mois à partir de septembre 2018, et ce jusqu'à la décision à intervenir,

- condamne la SCI San Panama à verser à la SCI Happy Day's la somme de 7'750'euros au titre de la restitution du dépôt de garantie versée, après déduction de la somme de 2'250'euros correspondant au solde du loyer de septembre 2018,

- rejette les demandes de dommages et intérêts et plus amples ou contraires des deux parties,

- condamne chacune des deux parties au litige à la moitié des dépens de l'instance et les déboute chacune de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 14 janvier 2021, la SCI San Panama a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 avril 2021, auxquelles il est expressément référé, la SCI San Panama demande à la cour de':

Constater les autorisations obtenues pour le local litigieux,

Constater que les normes ont été approuvées par la commission en présence de la SCI Happy Day's,

Constater l'absence de demande de régularisation le cas échéant par la locataire,

Constater qu'aucune exception d'inexécution n'a été soulevée par la SCI Happy Days,

Constater la nature dérogatoire du bail et la jurisprudence afférente,

Constater la mauvaise foi de la locataire,

Constater l'absence de préavis.

En conséquence':

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avignon dans toutes ses dispositions,

- constater la poursuite du bail commercial en l'absence de motif de résiliation légitime ou résolution unilatérale du bail commercial,

- condamner à titre principal la SAS Happy Day's à verser à la SCI San Panama la somme de 96'750,00'euros au titre des rappels des loyers jusqu'au terme du bail soit le 1er août 2020,

- condamner à titre subsidiaire, la SCI Happy Day's à payer les loyers mensuels, soit la somme 4.500'euros nets par mois à partir de septembre 2018, et ce jusqu'à la décision à intervenir,

- condamner à titre infiniment subsidiaire, la SCI Happy Day's à payer les loyers mensuels de trois mois de préavis, soit la somme 13'500,00'euros,

En tout état de cause':

- condamner la SAS Happy Day's à verser à la SCI San Panama la somme de 3.000,00'euros au titre du préjudice moral et pour procédure abusive,

- ordonner le cas échéant la compensation des sommes versées et dues par la SAS Happy Day's à la SCI San Panama,

- condamner la SAS Happy Day's à payer à la SCI San Panama la somme de 5.000,00'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Happy Day's aux entiers dépens de la présente instance et exécution de la décision à intervenir.

L'appelante fait valoir qu'elle a obtenu les autorisations pour exploiter le local litigieux, un arrêté de la commune de [Localité 5] ayant autorisé l'ouverture d'un établissement recevant du public pour le local «'Le Hangar'», et la commission de sécurité ayant émis un avis favorable en présence de la société Happy Day's à la poursuite de l'exploitation de l'établissement recevant le public. Elle soutient que sa locataire n'a pas soulevé une exception d'inexécution pour s'affranchir du paiement des sommes dues au bailleur, et que les conditions de la résiliation unilatérale du contrat ne sont pas réunies, l'élément essentiel du contrat ne faisant pas défaut. Elle souligne que la société Happy Day's qui a signé le 13 septembre 2018 l'article 2 du règlement intérieur de la SCI San Panama rédigé comme suit «'Attention': eau non potable aux robinets (prévoir bouteilles)'» ne peut lui reprocher de lui avoir dissimulé cette information et invoquer la résiliation du bail au motif que le local ne respecte pas les normes d'hygiène lui permettant l'accueil du public et les exigences du PLU. Elle prétend que la remise des clés, sans préavis, par courrier recommandé, ne peut constituer une acceptation de sa part de les réceptionner ou une acceptation de résiliation unilatérale du bail dérogatoire.

A l'appui de sa demande reconventionnelle, elle soutient que l'intimée a manqué à son obligation principale dès le premier mois de location en ne payant pas les loyers, qu'elle a quitté les lieux sans respecter un délai de préavis en méconnaissance des dispositions de l'article 145-5 du code de commerce, alors qu'en matière de bail commercial dérogatoire, la résiliation anticipée du contrat de bail n'est pas possible, seule la résiliation amiable ou judiciaire pouvant intervenir, de sorte qu'elle doit, à titre principal, régler les loyers jusqu'au terme du bail. Elle conteste le fait qu'un état des lieux de sortie lui a été demandé mais fait observer que l'absence d'état des lieux est indifférente dans la mesure où elle ne sollicite aucune somme relative à l'état du bien tel que restitué par la locataire, et qu'elle ne doit pas restituer le dépôt de garantie dès lors que celui-ci peut servir au remboursement des arriérés de loyers. Elle estime que la procédure intentée à son encontre est abusive dans la mesure où elle a respecté ses obligations en louant un local destiné à l'activité de la société Happy Day's, celui-ci pouvant accueillir du public en toute sécurité.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 avril 2021, auxquelles il est expressément référé, la SAS Happy Day's demande à la cour de':

Vu les articles 1186, 1187, 1224, 1178 du code civil

Vu l'article 1731 du code civil

Vu les articles 1347 et suivants du code civil

Vu les articles 1240 et suivants du code

Vu l'article 700 du code de procédure civile

- entendre confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avignon le 05 Janvier 2021, et au surplus statuant à nouveau :

- entendre prononcer la résolution de plein droit du contrat de bail conclu entre la SCI San Panama et la SAS Happy Day's le 1er août 2018,

- dire et juger que la résolution du contrat de bail prend effet à compter du 28 septembre 2018,

- entendre condamner la SCI San Panama à verser à la SCI Happy Day's':

* la somme de 10.000 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie versée,

* la somme de 15.000 euros au titre du préjudice économique subi,

* la somme de 1.000 euros au titre du préjudice moral subi,

- ordonner la compensation de la somme due à la SAS Happy Day's par La SCI San Panama eu égard des condamnations dont elle fait l'objet,

- entendre débouter la SCI San Panama de ses demandes reconventionnelles tendant à obtenir :

condamner à titre principal la SAS Happy Day's à verser à la SCI San Panama la somme de 96'750'euros au titre des rappels des loyers jusqu'au terme du bail soit le 1er août 2020,

condamner à titre subsidiaire la SCI Happy Day's à payer les loyers mensuels, soit la somme de 4'500'euros nets par mois à partir de septembre 2018, et ce jusqu'à la décision à intervenir,

condamner à titre infiniment subsidiaire la SCI Happy Days à payer les loyers mensuels de trois mois de préavis, soit la somme de 13'500'euros,

En tout état de cause

condamner la SAS Happy Day's à verser à la SCI San Panama la somme de 3'000'euros au titre du préjudice moral et pour procédure abusive,

ordonner le cas échéant la compensation des sommes versées et dues par la SAS Happy Day's à la SCI Panama,

condamner la SAS Happy Day's à payer à la SCI San Panama la somme de 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SAS Happy Day's aux entiers dépens de la présente instance et exécution de la décision à intervenir,

- entendre condamner la SCI San Panama à verser à la SCI Happy Day's la somme de 4'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- entendre condamner la SCI San Panama aux entiers dépens.

L'intimée soutient'que le local donné à bail ne respecte pas les normes d'hygiène en ce qu'il est non conforme au PLU de la ville de [Localité 5] et que la bailleresse lui a caché cette irrégularité qui porte sur un élément essentiel du contrat dès lors que l'absence de raccord à l'eau potable était manifestement incompatible avec l'exploitation de l'activité prévue dans ses statuts, d'autant qu'elle a répondu à une annonce indiquant qu'il était possible d'envisager «'la préparation de repas'», l'exposant ainsi à une situation d'illégalité, de sorte que le contrat de bail commercial est devenu caduc en application de l'article 1186 du code civil. Elle fait valoir que la mobilisation de ce fondement n'est pas suspendue au fait de devoir soulever une exception d'inexécution, que la résiliation de plein droit du contrat résulte de la disparition d'un élément essentiel de celui-ci et est acquise à compter de la date d'envoi d'un courrier avec accusé de réception. Elle ajoute que la somme au titre des loyers restant dus au bailleur doit être compensée avec la somme due par celui-ci au titre de la réparation.

En réplique aux demandes de l'appelante, elle indique qu'elle ne doit aucune somme pour le mois d'octobre dès lors que la lettre recommandée avec accusé de réception a été envoyée le 28 septembre 2018 et que la caducité part à compter de l'envoi de ce courrier, et qu'elle ne doit pas de somme au titre du non-respect du délai de préavis de trois mois dès lors qu'en cas de résiliation de plein droit, le délai de préavis n'est pas applicable. Elle précise que l'appelante a pris acte de la résiliation du bail au moment de la remise des clés, de sorte que la demande de rappel de loyer ne saurait prospérer, et que celle-ci ayant refusé l'organisation d'un état des lieux de sortie, elle doit restituer la somme de 10'000'euros au titre du dépôt de garantie en tant que bailleresse en l'absence de cet état des lieux de sortie.

Elle fait encore valoir qu'elle a subi un préjudice économique dans la mesure où elle n'a pu tenir ses engagements à l'égard de différentes associations et qu'il en résulte un manque à gagner. Elle ajoute qu'elle a également subi un préjudice moral, sa réputation ayant été entachée dès le début de son exploitation.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de la procédure est intervenue le 25 août 2022.

L'affaire a été plaidée le 12 septembre 2022 et mise en délibéré au 17 novembre 2022.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour rappelle que les demandes de «'constater'» ne sont pas des demandes au sens juridique et qu'il n'y sera donc pas répondu.

Sur la demande de résolution au titre de la caducité du contrat':

L'intimée sollicite que soit prononcée la caducité du contrat en raison de l'absence de respect des règles d'hygiène et de sécurité applicables en la matière et de la violation du PLU communal, la construction n'étant pas raccordée au réseau d'eau public potable. Cette irrégularité portant selon elle sur un élément essentiel du contrat, elle entrainerait la caducité du contrat.

Réponse de la cour':

La caducité est le terme donné pour désigner l'état d'un acte juridique à l'origine valable et rendu invalide par suite d'un évènement survenu postérieurement. Lorsqu'il s'agit d'un contrat, la caducité signifie que l'une des conditions nécessaires à la formation du contrat a disparu après que le contrat a été formé. L'élément ne doit donc pas se réaliser au moment de la formation de l'acte mais bien postérieurement.

En l'espèce, il ressort du moyen soulevé par l'intimée qu'elle revendique dès l'origine une violation des règles d'hygiène et de sécurité applicables en la matière et la violation du PLU en ce qu'il n'y a jamais eu de raccordement à l'eau potable. L'élément n'est pas survenu postérieurement à la conclusion du bail.

Le moyen est donc inopérant, la caducité doit être écartée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la demande de résiliation du contrat':

La SAS HAPPY DAYS a résilié le bail commercial considérant que le local ne respecte pas les normes d'hygiène et de sécurité lui permettant l'accueil du public par courrier en date du 28 septembre 2018.

La SCI SAN Panama demande la confirmation du jugement en ce qu'il a indiqué qu'il y avait une absence de résiliation légitime du contrat.

Réponse de la cour':

Il est constant que l'obligation de délivrance à la charge du bailleur consiste pour ce dernier à délivrer au locataire la chose louée. Cette obligation, qui porte tant sur la chose louée que sur les accessoires indispensables à son utilisation normale, est inhérente au contrat de bail. Il est constant que l'obligation de délivrance est de l'essence du bail de sorte qu'aucune stipulation particulière dans le contrat n'est nécessaire pour obliger le bailleur. L'obligation de délivrance correspond à une double prestation : une prestation de mise à disposition et une prestation de mise en état conforme de la chose louée. La délivrance implique dans le bail commercial que le bien puisse être exploité par le locataire conformément à la destination envisagée dans le contrat de bail et implique donc que le bien loué mis à disposition dispose des caractéristiques physiques [matérielles et fonctionnelles] et juridiques permettant d'exercer effectivement l'activité stipulée au bail.

La Cour de cassation est ainsi venue préciser que le bailleur est tenu de vérifier que les autorisations préalables ont été acquises et que le local donné à bail est conforme aux différentes règlementations et normes pouvant encadrer l'activité stipulée au bail.

En l'espèce, la commune de [Localité 5], depuis un arrêté du 14 décembre 2015, a autorisé l'ouverture d'un établissement recevant du public (de catégorie 3) à Monsieur [O] [B] pour le local « LE HANGAR ». La Commission communale de sécurité a procédé à la visite de l'établissement de la SCI SAN PANAMA le 26 septembre 2018 et émettait le 23 octobre 2018, un avis favorable à la poursuite de l'exploitation d'un établissement recevant du public. Cependant dans un courrier en date du 28 novembre 2018, le maire de la commune de [Localité 5] écrivait qu'il avait été rappelé aux personnes présentes lors de cette visite l'article UE 4 du règlement au plan local d'urbanisme de la commune, lequel prévoit le raccordement obligatoire au réseau AEP (adduction en eau potable).

C'est donc légitimement que la SAS HAPPY DAY'S a résilié son bail par courrier envoyé le 28 septembre 2018 en raison de l'absence d'eau potable alors qu'il était expressément stipulé dans le bail que l'activité du preneur consistait en l'organisation d'évènements festifs, soirées à thème, lotos, jeux de hasard.

Il importe peu donc que l'article 2 du règlement intérieur de la SCI SAN PANAMA précise : «ATTENTION : EAU NON POTABLE AUX ROBINETS (prévoir bouteilles) ».

La SAS HAPPY DAY'S était donc légitime à solliciter la résiliation du bail et la décision sera infirmée sur ce point.

En revanche la décision sera confirmée en ce qu'elle a débouté le bailleur de sa demande en paiement des loyers jusqu'au terme en l'état de la résiliation du bail.

Sur la demande au titre du préavis'et la restitution de la caution':

Le bailleur exige à titre subsidiaire le paiement du préavis. Il ne conteste pas devoir restituer la caution mais sollicite une compensation avec les loyers impayés. Le preneur s'oppose au paiement d'un préavis en l'état de sa demande de résolution du contrat.

Réponse de la cour':

Il s'agit en l'espèce d'un bail commercial dérogatoire aux dispositions du code de commerce qui a été conclu entre les parties. Les parties ont convenu conventionnellement d'une durée de préavis de trois mois.

Il n'est pas contesté que les clefs ont été remises au bailleur. Ce dernier verse d'ailleurs aux débats un état des lieux d'entrée datant de 2019, ce qui atteste qu'il a repris possession des lieux et a redonné à bail son bien. Il ne revendique pas de dégradation locative.

Il est par ailleurs constant que le montant du dépôt de garantie fixé par les parties à la somme de 30'000 euros n'a été versé qu'à hauteur de 10'000 euros.

En conséquence, le bailleur est légitime à solliciter':

- le paiement du solde de 2'500 euros au titre du solde du loyer de septembre

- le paiement de trois mois de loyer à hauteur de 13'500 euros (4'500 x 3).

La SCI locataire est légitime à solliciter :

- la restitution de son dépôt de garantie à hauteur de 10'000 euros.

Les parties sont légitimes à solliciter la compensation entre ces sommes de sorte que la SCI HAPPY DAY'S sera condamnée au paiement de la somme de 6'000 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice économique':

La SCI HAPPY DAY'S sollicite le paiement de la somme de 15'000 euros en arguant du fait qu'elle n'a pas pu mettre en oeuvre l'organisation d'évènements qu'elle devait assurer.

Réponse de la cour':

Pas plus qu'en première instance, la SCI, qui supporte pourtant la charge de la preuve de son préjudice, ne verse aux débats la moindre pièce justificative. Cette demande ne saurait prospérer et il y a lieu de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral':

La SCI HAPPY DAY'S sollicite le paiement de la somme de 1'000 euros en raison de l'atteinte à sa réputation.

Réponse de la cour':

Il y a lieu de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a rejeté cette demande en raison de l'absence de démonstration de son préjudice, ayant fait remarquer que compte tenu de la faiblesse de durée de cette exploitation, elle n'avait pu se faire aucune réputation, bonne ou mauvaise.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive':

La bailleresse sollicite le paiement de la somme de 3'000 euros à ce titre.

La locataire sollicite le paiement de la somme de 3'000 euros pour procédure abusive et préjudice moral.

Réponse de la cour':

L'exercice d'une action en justice étant un droit et la preuve d'une intention malveillante ou d'une erreur grossière équipollente au dol n'étant pas rapportée, les demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée des deux parties seront rejetées et la décision du premier juge confirmée.

Sur les frais du procès':

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile, et la succombance respective des parties.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

- Confirme le jugement du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon, en ses dispositions soumises à la cour en ce qu'il a':

- débouté la SCI San Panama de ses demandes tendant à condamner à titre principal la SAS Happy Day's à verser à la SCI San Panama la somme de 96'750,00'euros au titre des rappels des loyers jusqu'au terme du bail soit le 1er août 2020 et à titre subsidiaire, à payer les loyers mensuels, soit la somme 4'500'euros nets par mois à partir de septembre 2018, et ce jusqu'à la décision à intervenir,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts et plus amples ou contraires des deux parties,

- condamné chacune des deux parties au litige à la moitié des dépens de l'instance et les déboute chacune de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a':

- débouté la SAS Happy Day's de sa demande tendant à prononcer la résolution de plein droit du contrat de bail conclu entre la SCI San Panama et la SAS Happy Day's le 1er août 2018,

- dit n'y avoir lieu à constater la poursuite du bail commercial en l'absence de motif de résiliation unilatérale du bail commercial,

- condamné la SCI San Panama à verser à la SCI Happy Day's la somme de 7'750'euros au titre de la restitution du dépôt de garantie versée, après déduction de la somme de 2'250'euros correspondant au solde du loyer de septembre 2018,

Statuant à nouveau de ces chefs :

- Dit que le bail a été résilié par courrier en date du 28 septembre 2018,

En conséquence,

- Condamne la SCI HAPPY DAY'S au paiement de la somme de 6'000 euros au titre du paiement du préavis et de l'arriéré de loyer du mois de septembre, déduction opérée du montant de la restitution du dépôt de garantie,

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SCI HAPPY DAY'S et la SCI San Panama à supporter par moitié chacune les dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

la greffière, la présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/00230
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.00230 ?
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